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Décisions

Cass. 2e civ., 17 juin 2021, n° 20-11.018

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

M. Ittah

Avocat général :

M. Grignon Dumoulin

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Célice, Texidor, Périer

Aix-en-Provence, du 24 oct. 2019

24 octobre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 octobre 2019), et les productions, par acte sous seing privé en date du 1er juillet 2012, la société Copri a donné à bail commercial à la société Nice enchères (la société Nice enchères) un ensemble immobilier situé [Adresse 1], qu'elle avait antérieurement loué à la société Palloc-Courchet-Fede (la société Palloc), en vertu d'un bail professionnel.

2. La société Nice enchères a sous-loué ces locaux à la société Palloc.

3. Victime de dégâts des eaux dans les lieux loués, la société Nice enchères a assigné devant un juge des référés la société Copri pour qu'elle soit condamnée, notamment, à réaliser des travaux et au paiement d'une certaine somme en remboursement des loyers.

4. Le juge des référés a débouté la société Nice enchères de ses demandes et lui a fait injonction de communiquer à la société Copri la copie des polices d'assurance afférentes aux locaux loués, faisant apparaître la clause de non recours contre le bailleur, en conformité avec les stipulations du bail en date du 1er juillet 2012, et la copie de la convention de sous-location consentie par la société Nice enchères à la société Palloc, précisant la renonciation de la sous-locataire à toute action et à tout droit contre le bailleur.

5. Une cour d'appel, ajoutant à cette décision, a assorti l'injonction prononcée à l'encontre de la société Nice enchères d'une astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, passé le délai de huit jours suivant la signification de sa sa décision.

6. La société Copri a assigné la société Nice enchères devant un juge de l'exécution en liquidation des astreintes prononcées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société Nice enchères fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte provisoire ordonnée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 18 décembre 2014, pour la période du 1er février 2015 au 7 janvier 2016, aux sommes de 51 000 euros au titre de l'obligation de production du document d'assurance, et de 51 000 euros au titre de l'obligation de production du titre d'occupation des locaux loués par la SCP Palloc, et de condamner en conséquence la société Nice enchères à payer à la société Copri la somme de 102 000 euros au titre de la liquidation des astreintes susvisées, avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision alors « que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; que constitue une cause étrangère l'impossibilité matérielle de déférer à l'injonction en raison de l'inexistence de l'acte dont la production est demandée ; qu'en l'espèce, par arrêt du 18 décembre 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fait injonction à la société Nice Enchères de communiquer à la société Copri copie de la convention de sous-location consentie à la société Palloc, précisant sans équivoque que le sous-locataire renonçait expressément à toute action et à tout droit contre le bailleur, sous astreinte de 150 euros par jour passé le délai de huit jours suivant la signification de la décision ; que dans ses conclusions d'appel, la société Nice Enchères a fait valoir qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de produire cette convention de sous-location dès lors que celle-ci n'existait pas, les deux sociétés étant liées par un bail verbal, de sorte qu'elle justifiait d'une cause étrangère ; qu'en liquidant néanmoins l'astreinte à la somme de 51 000 euros pour la période sollicitée du 1er février 2015 au 16 janvier 2016, au motif inopérant « qu'une telle cause, à savoir l'inexistence du document demandé, n'est pas survenue postérieurement au prononcé de la décision judiciaire ayant fixé l'obligation sous astreinte, et existait nécessairement au moment où cette juridiction a statué », la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 131-4, dernier alinéa, du code des procédures civiles d'exécution :

9. Aux termes de ce texte, l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

10. Pour liquider l'astreinte afférente à la production de la convention de sous-location entre la société Nice enchères et la société Palloc, l'arrêt rappelle que la société Nice enchères soutient qu'elle ne peut pas produire ce document qui n'existe pas puisque le bail de sous location était verbal.

11. L'arrêt énonce que cette cause, tenant à l'inexistence du document demandé, n'est pas survenue postérieurement au prononcé de la décision judiciaire qui a fixé l'obligation sous astreinte et qu'elle existait nécessairement au moment où cette juridiction a statué.

12. L'arrêt relève encore qu'il ressort tant de l'ordonnance de référé que de l'arrêt d'appel que la société Copri avait sollicité, dès cette instance, la production du bail de sous-location et que la société Nice enchères n'avait pas fait valoir « cet argument d'inexistence du contrat de sous-location », mais avait uniquement argué du fait que l'autorisation de son bailleur à la sous-location était tacite.

13. L'arrêt retient, en conséquence, que le juge de l'exécution, en ce qu'il a jugé que la société Nice enchères était dans l'impossibilité de déférer à l'injonction à cause du caractère verbal de la convention de sous-location, a modifié la teneur de la décision qui avait déterminé les obligations mises à sa charge et a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée.

14. En statuant ainsi, alors que la décision ayant déterminé les obligations mises à la charge de la société Nice enchères n'avait tranché aucune contestation relative à l'existence d'une convention de sous-location écrite ou verbale et ne pouvait pas faire obstacle à ce que la société Nice enchères puisse se prévaloir de l'inexistence du document qu'elle devait produire sous astreinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé la décision déférée en ce qu'elle avait débouté la société Copri de sa demande de liquidation d'astreinte au titre de la production de la convention de sous-location liant la société Nice enchères et la société Palloc-Courchet-Fede, liquidé l'astreinte provisoire ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 18 décembre 2014 pour la période du 1er février 2015 au 7 janvier 2016 à la somme de 51 000 euros au titre de l'obligation de production du titre d'occupation de la société Palloc-Courchet-Fede des locaux loués et condamné la SARL Nice enchères à payer à la société SCI Copri la somme de 102 000 euros au titre de la liquidation des deux astreintes avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la présente décision, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.