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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 20 février 2024, n° 21/07518

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

PM Centuri (SAS)

Défendeur :

Brasserie Milles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Negre, Me Pepratx Negre, Me Bouygues, Me Julie, Me Salvignol, Me Dahan

T. com. Perpignan, du 23 nov. 2021, n° 2…

23 novembre 2021

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La S.A.S. Malaval qui exploitait une activité de commerce de gros de boissons a signé avec la S.A.S. Brasserie Milles entre le 10 juin 2017 et le 2 mai 2018 cinq conventions par lesquelles cette dernière mettait à sa disposition du matériel pour une valeur totale de 25'894,40 euros TTC, lui permettant d'équiper sa propre clientèle constituée de débitants de la région montpelliéraine.

En contrepartie, la société Malaval s'engageait à approvisionner sa clientèle exclusivement en produits commercialisés par la société Brasserie Milles, et à communiquer au brasseur d'une part l'identité de ses clients et d'autre part les volumes réalisés par le point de vente.

Par lettre recommandée en date du 19 juin 2019, la société Brasserie Milles a vainement demandé à la société Malaval de lui communiquer les informations mentionnées au contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2019, la société Brasserie Milles a alors indiqué à la société Malaval qu'elle n'avait pas rempli ses engagements, et lui a demandé le remboursement des matériels à leur valeur d'origine pour un montant de 25'894,40 euros.

Par ailleurs, par traité de fusion-absorption en date du 26 juin 2020, régulièrement déposé et publié auprès du greffe du tribunal de commerce de Montpellier le 3 juillet 2020, avec effet rétroactif d'un point de vue comptable et fiscal au 1er janvier 2020, et au 31 août 2020 d'un point de vue juridique, la société Malaval a été acquise par la S.A.S. PM Centuri.

Par exploit d'huissier en date du 21 décembre 2020, la société Brasserie Milles a fait assigner la société PM Centuri devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement en date du 23 novembre 2021 a :

- dit que la société Brasserie Milles est bien fondée à faire valoir sa créance à la société PM Centuri, société absorbante de la société Malaval,

- dit que la demande de la société Brasserie Milles à l'encontre de la société Malaval est recevable,

- condamné la société PM Centuri, société absorbante de la société Malaval, à payer à la somme de 25'894,40 euros au titre de la restitution à sa valeur d'origine du matériel mis à disposition,

- débouté la société PM Centuri de sa demande de condamnation au titre d'une clause pénale,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- alloué à la société Brasserie Milles la somme de 1 500 euros qui lui sera versée par la société PM Centuri,

- Condamné la société PM Centuri aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais réels et taxes y afférents et notamment ceux du greffe liquidés selon tarif en vigueur.

Le 30 décembre 2021, la société PM Centuri a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 9 juin 2023, de':

- Constater que la société Brasserie Milles ne justifie pas de l'existence d'une créance antérieure à la date d'effet de la fusion-absorption entre la société PM Centuri et la société Malaval,

- Constater l'absence de mise en demeure préalablement à l'engagement de l'action judiciaire,

- Constater que la société Brasserie Milles ne démontre pas un comportement fautif imputable à la société Malaval dans l'exécution des conventions auxquelles elle se réfère dans son assignation,

- Constater qu'elle ne justifie pas d'une valeur d'origine du matériel mis à disposition,

- Dire et juger en conséquence qu'elle ne justifie pas de ses demandes en paiement de dommages et intérêts contractuels fixés dans les conditions des conventions invoquées,

- Constater que la société Brasserie Milles a refusé la restitution du matériel mis à disposition,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en ce qu'il a déclaré bien fondée et recevable la société Brasserie Milles à se prévaloir du traité de fusion-absorption pour demander la condamnation de la société PM Centuri à lui payer ce qui lui était dû par la société Malaval soit la somme de 25'894,40 euros au titre de la valeur d'origine du matériel mis à disposition et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déclarer au contraire la société Brasserie Milles irrecevable dans toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,

- Faire droit à la demande de la société PM Centuri,

- Condamner la société Brasserie Milles lui payer à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive la somme de 5 000 euros,

- La condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux dépens.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

- La créance de la société Brasserie Milles n'existait pas à une date antérieure à la date d'effet de la fusion-absorption, de sorte qu'elle ne saurait être due par la société PM Centuri ;

- Par ailleurs, les sommes réclamées par la société Brasserie Milles ne sont pas concernées par la solidarité à laquelle elle est tenue en raison de la fusion-absorption ;

- En outre, les demandes de la société Brasserie Milles sont irrecevables pour défaut de mise en demeure contrairement aux exigences des articles 1344 et 1231 du code civil';

- La société Malaval n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles s'agissant des volumes liés à son approvisionnement';

- Le matériel mis à disposition par la société Brasserie Milles était mis à disposition par la société Malaval à ses propres clientes lors d'événements ponctuels, pour quelques jours voire pour seulement une soirée';

- La valeur d'origine du matériel mis à disposition n'est pas connue, alors que l'exigence de restitution du matériel en valeur d'origine sans déduction d'une valeur d'amortissement ou de dépréciation est considérée selon la jurisprudence de la Cour de cassation comme une clause pénale susceptible de modération.

Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 12 juin 2023, la société Brasserie Milles demande à la cour de':

- Confirmer en son entier le jugement déféré,

Y ajoutant,

- Condamner la société PM Centuri venant aux droits de la société Malaval à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- La société Brasserie Milles n'a jamais été tenue informée par le distributeur ni de l'identité des clients bénéficiaires ni des volumes d'achat réalisés en violation des conventions de mise à disposition';

- En application des dispositions de l'article L. 236-1 du code de commerce, la fusion-absorption comporte la transmission de l'ensemble des éléments d'actif et de passif de la société absorbée à la société absorbante';

- Le traité de fusion-absorption le prévoit d'ailleurs expressément, et elle a formulé sa demande auprès de la société Malaval antérieurement à la fusion-absorption';

- La société Malaval n'a jamais répondu à ses demandes de justification des volumes achetés afin de pouvoir calculer son amortissement ainsi que vérifier le bon approvisionnement et le respect de l'exclusivité';

- La clause permettant au brasseur de solliciter à son choix soit la restitution, soit le paiement de la valeur du matériel est parfaitement licite.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est en date du 13 juin 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de la société Brasserie Milles

En premier lieu, s'agissant de la prise en charge contestée du passif par la société absorbante, il convient de constater, comme relevé à bon droit par la société intimée, que le projet de traité de fusion-absorption datée du 26 juin 2020 déposé le 3 juillet 2020 en annexe du RCS du greffe du tribunal de commerce de Montpellier prévoit que «'tout passif complémentaire apparu chez la société absorbée entre la date des faits et la date de réalisation, ainsi que plus généralement tout passif afférent à l'activité de la société absorbée et non connu ou non prévisible à ce jour, viendrait apparaître ultérieurement, sera pris en charge par la société absorbante'» (article 7.2).

Il en résulte que les différents moyens soulevés par la société appelante tenant notamment à une apparition postérieure à la fusion de la créance, ainsi qu'à la date de ses effets juridiques, et qui entraîneraient la non exigibilité de la dette, ne peuvent être que rejetés.

En second lieu, la société PM Centuri est également défaillante à justifier que les demandes de la société Brasserie Milles seraient irrecevables faute de mise en demeure de payer, et ce tant sur le fondement des dispositions de l'article 1231 du code civil que sur celles de l'article 1344 du même code.

En effet, d'une part la société Brasserie Milles ne sollicite nullement l'allocation de dommages et intérêts au sens des dispositions de l'article 1231 précité, mais seulement l'exécution des clauses contenues dans les conventions consistant dans le remboursement des matériels à leur valeur d'origine.

D'autre part, aucune irrecevabilité de l'action ne vient sanctionner le défaut de la mise en demeure de payer énoncée à l'article 1344 précité.

Les moyens seront également écartés.

En troisième lieu, il convient de constater que la société PM Centuri ne soutient ni ne justifie avoir satisfait à ses obligations de communication telles que résultant des différents contrats de mise à disposition, et notamment à la demande qui lui a été faite en dernier lieu le 19 juin 2019 par la société Brasserie Milles.

Enfin, il convient de rappeler que la clause laissant au brasseur, et à lui seul, le choix de solliciter, lorsque le distributeur manque à l'une de ses obligations contractuelles, soit la restitution du matériel donné en dépôt, soit son paiement en valeur d'origine, n'est pas abusive dans la mesure où cette mise à disposition de matériel neuf permet au débitant de s'installer en limitant ses frais et de jouir de ce matériel le temps qu'il désire, et que de plus la valeur d'origine qui peut lui être réclamée, d'une part est inférieure à sa valeur actualisée et, d'autre part, représente l'amortissement dont a été privé le brasseur durant le temps de la mise à disposition, de sorte que la valeur d'origine des matériels telle que résultante des conventions initiales était parfaitement justifiée et connue des deux parties.

Partant, la société PM Centuri est également défaillante à démontrer que cette clause devrait être qualifiée de clause pénale susceptible de modération par le juge comme elle le soutient à tort.

En effet, d'une part la stipulation qui détermine la contrepartie d'une prérogative contractuelle n'est pas une clause pénale, ce qui est le cas en l'espèce puisque la sanction de l'inexécution est le paiement de la valeur d'origine du matériel mis à disposition, alors d'autre part que le montant réclamé au titre de la valeur d'origine correspond au préjudice exact que subit le créancier, ce qui n'est pas non plus le cas d'une clause pénale.

En conséquence, le jugement sera confirmé dans son intégralité et donc également en ce qu'il a débouté la société PM Centuri de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive dont elle ne rapporte nullement la preuve de l'existence eu égard aux circonstances de l'espèce et à la solution du litige.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société PM Centuri qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Brasserie Milles la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la S.A.S. PM Centuri aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la S.A.S. Brasserie Milles la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.