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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 1 février 2024, n° 20/06167

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Méditerranéenne De Chirurgie Dentaire

Défendeur :

BR Associés (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Badie, Me Binisti, Me Bruzzo, Me Launay

TGI d’Aix En Provence, du 17 févr. 2020,…

17 février 2020

EXPOSE DU LITIGE

La Société méditerranéenne de chirurgie dentaire est une société civile de moyens, constituée le 31 décembre 2009 et regroupant des chirurgiens-dentistes exerçant à [Localité 9], au capital de 1.000 € divisé en 1.000 parts sociale, entre les praticiens suivants :

- le docteur [Z] [I]: 375 parts,

- le docteur [A] [K]: 375 parts,

- le docteur [U] [N]: 250 parts.

Par acte sous seing privé du 14 octobre 2010, le docteur [L] [M] a acquis 125 parts du docteur [K] et 125 parts du docteur [I].

Par acte sous seing privé en date du 30 janvier 2014, le docteur [K] a cédé ses 250 parts à la SELARL du docteur [A] [K] et le docteur [M] a cédé ses 250 parts sociales au docteur [X] [B].

Enfin, par acte du 18 novembre 2016, le docteur [N] a cédé ses 250 parts sociales à la SELARL du docteur [U] [N].

A la suite de ces différentes cessions, le capital social a ainsi été réparti et n'a plus été modifié :

- la SELARL du docteur [A] [K],

- la SELARL du docteur [U] [N],

- M. [Z] [I],

- Mme [X] [B], 

chacun détenant 250 parts sociales.

Les derniers statuts à jour sont ceux en date du 31 octobre 2016.

Depuis la constitution de la société, la gérance a été assurée par M. [A] [K], désigné dans les statuts constitutifs pour une durée illimitée.

Selon courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 juillet 2017, M. [Z] [I] a souhaité exercer son droit de retrait de la société, en application de l'article 12 des statuts.

Par courrier recommandé du 1er septembre 2017, Mme [X] [B] a exercé cette même faculté.

En septembre 2017, Mme [N] et M. [K] ont également émis le souhait de sortir de la SCM.

Ces notifications ont entraîné des divergences entre les associés, les uns voulant voir leurs droits sociaux rachetés, et les autres ne voulant plus continuer seuls et par là même dissoudre la société.

Une tentative de conciliation au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Bouches-du-Rhône a échoué le 29 novembre 2017.

Le 18 février 2018, M. [Z] [I] a déposé une main-courante pour signaler, avec Mme [B] qu'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire en date du 20 décembre 2017 avait été enregistré, décidant à l'unanimité des associés de dissoudre la société et désignant M. [K] en qualité de liquidateur amiable.

M. [K] a poursuivi les opérations de liquidation amiable jusqu'au 4 avril 2019, date à laquelle le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire et a désigné la SCP BR & Associés en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier en date 27 mars 2018, M. [Z] [I] et Mme [X] [B] ont fait assigner la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire, M. [A] [K], la SELARL du docteur [A] [K] et la SELARL du docteur [U] [N] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins, notamment, de :

- constater que l'assemblée générale du 20 décembre 2017 n'a pas été valablement convoquée, n'a pas été valablement tenue et n'a pas valablement statué,

- prononcer la nullité de cette assemblée générale du 20 décembre 2017,

- condamner personnellement le gérant, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement, à procéder aux formalités rectificatives auprès du service des impôts des entreprises et du greffe du tribunal de commerce,

- constater que la signification du retrait des docteurs [I] et [B] a régulièrement été faite et que le délai de six mois de rachat court respectivement à compter du 5 janvier 2018 et du 1er mars 2018,

- constater que les associés restants sont réputés avoir donné leur accord tacite aux retraits signifiés,

- condamner les associés restant à procéder ou à faire procéder au rachat des parts, la date de rachat étant fixée au 5 janvier 2018 pour le docteur [I] et au 1er mars 2018 pour le docteur [B].

Par assignation du 31 juillet 2019, M. [Z] [I] et Mme [X] [B] ont appelé en la cause la SCP BR associés, mandataires judiciaires, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire.

Par jugement réputé contradictoire en date du 17 février 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- débouté M. [Z] [I] et Mme [X] [B] de l'intégralité de leurs demandes,

- dit que les demandeurs conserveront la charge des dépens.

Le tribunal a retenu que :

- l'absence de production de la feuille de présence, élément essentiel pour apprécier la validité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017, ne permet pas de prononcer sa nullité pour fraude,

- il existe un flou juridique certain quant aux SELARL, la lecture des statuts ne permettant pas de savoir qui des docteurs

[K] et [N] ou de leur SELARL respective est associé de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire,

- les quatre associés étaient dans une impasse,

- les docteurs [K] et [N] estimaient ne pas pouvoir supporter les charges inhérentes aux départs des deux autres associés et voulaient donc également partir, décision qui a été prise avant le terme des six mois prévus par les statuts pour le rachat des parts,

- il n'est pas imaginable que les SELARL, qui n'ont d'autres associés que les dentistes associés, rachètent les parts des deux premiers partants alors que leurs propres associés font également le choix de quitter la société en cause, qui fait en outre l'objet d'une liquidation judiciaire.

Mme [X] [B] a relevé appel de ce jugement par déclarations du 3 juin 2020 (RG 20/05123) puis du 12 juin 2020 (RG : 20/05414).

M. [Z] [I] a également formalisé une déclaration d'appel le 7 juillet 2020 (RG 20/06167).

Par ordonnance en date du 23 mars 2021, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré caduc l'appel de Mme [B], procédures 20/05123 et 20/05414,

- dit que seule se poursuit l'instance n° 20/06167.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées le 17 mai 2023, M. [Z] [I] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté à l'encontre du jugement prononcé par le tribunal judiciaire d'Aix-en[1]Provence le 17 février 2020,

- réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Vu les articles 1832 à 1870-1 du code civil,

Vu le pacte statuaire de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire en date du 31 octobre 2016,

- juger nul et de nul effet le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire des associés de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire, prétendument réunie le 20 décembre 2017,

- condamner M. [A] [K] au paiement des sommes suivantes :

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [A] [K] aux entiers dépens.

Il fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande de nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017 faute pour lui de produire la feuille de présence alors que précisément, il soutient ne pas avoir pas été convoqué à ladite assemblée, n'avoir jamais signé la feuille de présence, ni le procès-verbal du 20 décembre 2017 qui lui est opposé.

Il conclut à la nullité de cette assemblée dès lors que le gérant est dans l'incapacité de produire les convocations qu'il aurait adressées aux associés, la preuve de leur réception, la copie de la feuille de présence signée par les associés, seul document permettant de prouver leur présence à cette assemblée.

Il fait observer que la lecture du procès-verbal de l'assemblée du 20 décembre 2017 met en évidence que :

- ladite assemblée a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à chacun des associés par la gérance, lesdites lettres recommandées et l'accusé de réception n'ayant jamais été communiqués,

-aucune feuille de présence n'ayant été signée par les associés présents, la cour se trouve dans l'incapacité de vérifier les quorums et majorités permettant à l'assemblée de valablement délibérer,

- toutes les résolutions soumises au vote auraient été votées à l'unanimité, ce qui est impossible à vérifier en ce que deux associés indiquent qu'ils n'ont pas eu connaissance de cette assemblée à laquelle ils n'ont pas été convoqués et n'ont pas participé,

- le gérant n'a pas davantage produit les documents qui auraient dû être communiqués pour cette assemblée et qui sont listés dans le procès-verbal.

Sur les conséquences de la nullité du procès-verbal d'assemblée générale du 20 décembre 2017, il expose que :

- usant d'un acte juridique qu'il savait nul et faux, M. [K] a organisé à son profit la liquidation amiable de la société, poursuivant les opérations jusqu'en avril 2019, période pendant laquelle il a utilisé les moyens de la société à son seul profit et celui de Mme [N], vidant les actifs de la personne morale, avant de déclarer son état de cessation des paiements pour la placer en liquidation judiciaire,

- la cour doit sanctionner les manoeuvres frauduleuses commises par le gérant de la société, justifiant sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour avoir dissout et liquidé une société en l'état d'un acte qu'il savait nul.

Mme [X] [B], suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 octobre 2023, demande à la cour de :

Vu les articles 1844 et 1844-10 du code civil,

Vu l'article 1869 du code civil,

Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence rendu le 17 février 2020,

- prononcer la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017,

- condamner la SELARL du docteur [A] [K] et la SELARL du docteur [U] [N] à procéder au rachat des 250 parts sociales détenues par Mme [X] [B] dans le capital de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire en application de l'article 12 des statuts, la date de rachat à prendre en compte étant fixée au 4 mars 2018, moyennant leur valeur nominale,

- condamner in solidum M. [A] [K], la SELARL du docteur [A] [K] et la SELARL du docteur [U] [N] à verser à Mme [X] [B] les sommes suivantes :

* 37.459,05 € au titre de son préjudice économique résultant de leurs agissements fautifs,

* 10.000 € au titre de son préjudice moral résultant de leurs agissements fautifs et frauduleux,

* 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

In limine litis, elle considère que la demande de condamnation qu'elle formule en cause d'appel à l'encontre des intimés est parfaitement recevable en ce qu'elle constitue une prétention résultant d'un fait survenu en cause d'appel, à savoir l'assignation diligentée le 20 août 2020 à son encontre par la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire et son liquidateur en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de sa quote-part des frais de fonctionnement de la société, à hauteur de 37.459,05 €, au titre des exercices 2017, 2018 et 2019. Elle précise que c'est pour répondre à cette logique de réparation du préjudice qu'elle subit à la suite de cette demande de condamnation formée à son encontre, qu'elle sollicite l'attribution de dommages et intérêts à hauteur de 37.459,05 € dans le cadre de la présente instance.

Sur le fond, elle conclut également à la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017, reprenant les observations formées sur ce point par M. [I]:

- le défaut de convocation :

* il ne peut lui être reproché de ne pas rapporter la preuve de l'absence de convocation, puisque cette convocation aurait dû lui être adressée par le gérant, ce qui n'a pas été le cas, les intimés n'ayant jamais versé le courrier de convocation à son attention, ni le récépissé postal malgré les demandes qui ont été faites, tant à titre amiable que pendant la procédure judiciaire,

* cette absence de convocation pourrait être éventuellement couverte par l'unanimité des associés (article 15 des statuts), ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque qu'elle n'a pas assisté à cette assemblée,

- le défaut de quorum et de majorité :

* l'assemblée n'a pas pu valablement délibérer au regard de l'article 18 des statuts,

* à considérer que seules les SELARL étaient présentes lors de ladite assemblée, le quorum et la majorité ne seraient que de la moitié en lieu et place des 3/4 imposés,

* l'assemblée générale n'a donc pas pu adopter la moindre résolution tendant à la dissolution de la société,

- il ne peut être exigé qu'elle produise la feuille de présence, un tel document devant être communiqué par le gérant qui aurait dû le conserver, étant souligné qu'elle a réclamé, en vain, cette feuille de présence dans le cadre de la procédure.

Sur les conséquences de la nullité de l'assemblée générale du 20 février 2017, elle fait valoir que :

- la société n'a pas été dissoute amiablement le 20 décembre 2017 et le droit de retrait qu'elle a exercé n'a pas été anéanti par une décision ultérieure de dissolution amiable,

- son retrait doit donc être considérée comme effectif au 4 mars 2018, de sorte qu'à cette date elle est considérée comme n'étant plus associée de la société,

- les lettres de retrait des docteurs [K] et [N] sont inefficaces en ce que ces personnes physiques ne sont plus associés de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire depuis respectivement le 30 janvier 2014 et le 16 novembre

2016, dates auxquelles ils ont cédé les parts sociales qu'ils détenaient personnellement au profit de SELARL constituées pour l'exercice de leur profession, de sorte qu'ils ne pouvaient pas se retirer valablement de la société à titre personnel,

- aucune dissolution anticipée n'a pas pu intervenir par un retrait simultané de tous les associés dès lors que les sociétés associées n'ont jamais exercé leur droit de retrait,

- la SELARL du docteur [A] [K] et la SELARL du docteur [U] [N] doivent donc être condamnées à procéder au rachat des parts des associés retrayants, soit à compter du 4 mars 2018 pour elle-même, peu importe que la SCM soit en liquidation judiciaire, celle-ci n'étant pas clôturée,

- seule la question du prix de cession de ces parts pourrait être sujette à discussion, les statuts prévoyant qu'un expert puisse être désigné à la demande des cessionnaires,

- ces derniers n'ayant exprimé aucune demande ne ce sens, le prix des parts sociales pourra être fixé à leur valeur nominale.

Elle insiste également sur ses préjudices et soutient que M. [K] et les deux SELARL sont responsables :

- de la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017,

- du défaut de respect de l'obligation de rachat de ses parts sociales depuis le 4 mars 2018,

- de l'état de cessation des paiements de la société et l'assignation en paiement délivrée à son encontre alors qu'elle a cessé d'utiliser tous les moyens mis à la disposition de ses associés par la société à compter du 1er mars 2018.

Par ordonnance en date du 26 août 2021, les conclusions déposées le 12 janvier 2021 par Me Bruzzo, avocat de la SELAS Bruzzo/ Dubucq, dans les intérêts de M. [A] [K], la SELARL du docteur [A] [K], la SELARL du docteur [U] [N] , la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire et la société BR & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire, ont été déclarées irrecevables.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 octobre 2023.

MOTIFS

En application de l'article 954 du code de procédure civile, lorsque les conclusions des intimés sont déclarées irrecevables, ceux-ci sont réputés s'approprier les motifs du jugement.

Sur la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017

M. [I] et Mme [B] sollicitent la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017 soutenant ne pas avoir été convoqués et ne pas avoir assisté à ladite assemblée laquelle n'a donc pas pu valablement délibérer.

Le premier juge a rejeté leur demande en considérant que l'absence de production de la feuille de présence, élément essentiel pour apprécier la validité de l'assemblée en cause ne permet pas de prononcer sa nullité pour fraude.

En vertu de l'article 1844 alinéa 1er du code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

L'article 1844-10 dispose que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.

L'article 15 des derniers statuts à jour de la Société méditerranéenne de chirurgie dentaire en date du 31 octobre 2016 énonce que :

' Toute convocation (aux assemblées) est faite par lettre recommandée avec une demande d'avis de réception, indiquant l'ordre du jour, le lieu et l'heure de la réunion, 15 jours au moins avant la date de l'assemblée. Toutefois, si tous les associés sont présents ou représentés, et signent le procès-verbal eux-mêmes ou leur mandataire, l'assemblée est valablement tenue même à défaut de convocation dans les formes et délais ci-dessus.'

L'article 16 relatif à la tenue de l'assemblée précise que ' Toute délibération fait l'objet d'un procès-verbal signé par les associés présents et contenant notamment la date et le lieu de la réunion, son ordre du jour détaillé, l'identité des associés présents ou représentés, un résumé des débats, le texte des résolutions mises au vote et le résultat des votes'

Enfin, conformément à l'article 18, ' L'assemblée ne délibère valablement que si les 3/4 au moins des associés sont présents ou représentés (...) Les majorités suivantes sont nécessaires :

a) dissolution anticipée : 3/4 des voix représentant 3/4 des parts (....)'

En l'espèce, le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 2017 relate que les associés se sont réunis au siège social en assemblée extraordinaire sur convocation qui leur a été adressée individuellement, par lettre recommandée avec accusé de réception, par la gérance et que l'ensemble des résolutions mises au vote a été adopté à l'unanimité, dont la première résolution relative à la dissolution anticipée de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire.

M. [I] et Mme [B] ont toujours formellement démenti avoir reçu la moindre convocation ainsi qu'il en ressort des courriers qui ont été adressés au gérant par leurs conseils respectifs et du dépôt de main courante effectué le 8 février 2018 par M. [Z] [I].

La cour observe que M. [A] [K] qui est censé avoir envoyé ces convocations, n'a jamais communiqué ni la lettre de convocation, ni le récépissé postal, malgré les demandes qui lui ont été faites, tant à titre amiable qu'au cours de la procédure judiciaire alors que M. [I] et Mme [B] contestent précisément avoir été convoqués à cette assemblée

Aucune feuille de présence n'est annexée au procès-verbal et il ne peut être fait grief à M. [I] et Mme [B] de ne pas la produire dès lors qu'un tel document, à supposer qu'il existe, aurait dû être conservé par le gérant, qui n'a pas davantage été en mesure de le communiquer, en dépit également d'une sommation en ce sens en date du 18 septembre 2020.

L'absence de convocation des associés aurait pu être couverte, en vertu de l'article 15 des statuts, si ceux-ci étaient tous présents ou valablement représentés et avaient apposé leur signature sur le procès-verbal.

Or le procès-verbal de l'assemblée litigieuse ne comporte qu'une seule et unique signature, celle du gérant, M. [A] [K].

Ce procès-verbal mentionne également que l'assemblée est valablement constituée et qu'elle peut délibérer pour prendre les décisions à la majorité requise.

Toutefois, compte tenu des développements qui précèdent, la cour se trouve dans l'impossibilité de vérifier les quorums et les majorités, alors que selon les statuts, la dissolution anticipée doit être votée par les 3/ 4 des voix représentants les

3/4 des parts sociales. A considérer que seules les deux SELARL aient été présentes lors de cette assemblée, le quorum et la majorité ne seraient que de la moitié en lieu et place des 3/4 requis.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017

Comme le souligne à juste titre Mme [B], la délibération dont la nullité est prononcée est censée n'avoir jamais existé et la situation doit être remise dans l'état où elle se trouvait avant l'acte litigieux.

Il s'ensuit que l'assemblée n'a pas pu valablement délibérer, la société n'a donc pas été dissoute amiablement et le droit de retrait exercé par tant M. [I] que Mme [B] n'a pas été anéanti par une décision ultérieure de dissolution amiable.

Sur la demande de Mme [B] de condamnation des SELARL du docteur [K] et du docteur [N] à procéder au rachat de ses parts sociales détenues dans la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire

Conformément à l'article 1869 alinéa 1er du code civil, sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.

L'article 12 des statuts ' retrait volontaire d'un associé' stipule que ' Lorsqu'un associé le demande, les autres associés sont tenus soit d'acquérir eux-mêmes ses parts ( au prorata du nombre de parts possédées, sauf convention contraire), soit de les faire acquérir par des tiers. La cession ou le rachat des parts de l'associé qui use de cette faculté s'opère comme il est prévu à l'article 10 susvisé en cas de refus d'agrément des associés d'un cessionnaire non associé. Toutefois le délai de six mois impartis aux associés commence à courir du jour de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui leur est faite de cette demande de retrait'.

En vertu de l'article 10 de ces statuts ' Dans le cas où les associés refusent de consentir à la cession ( à des tiers non associés), ils disposent d'un délai de six mois à compter de la notification de leur refus, pour notifier au cédant un projet de cession ou de rachat, lequel constitue un engagement du cessionnaire.'

Il est constant en l'espèce que :

- M. [I] a annoncé son retrait par lettre recommandée en date du 5 juillet 2017 reçue le 4 août 2017,

- Mme [B] a également annoncé un tel retrait par lettre commandée en date du 1er septembre 2017 reçue le 4 septembre 2017.

M. [A] [K] et Mme [U] [N] ont également exprimé leur volonté de se retirer de la société sur papier libre à en-tête de la société daté du 1er septembre 2017.

En premier lieu, ce retrait n'a pas été effectué par lettre recommandée avec avis de réception, en violation des dispositions statutaires.

En outre, M. [A] [K] et Mme [U] [N] ne sont plus associés de la société depuis respectivement le 30 janvier 2014 et le 16novembre 2014, dates auxquelles ils ont cédé leurs parts sociales qu’ils détenaient personnellement au profit de SELARL constituées pour l'exercice de leur profession.

Ils ne pouvaient donc valablement notifier leur retrait et il y a lieu de relever que ni la SELARL du docteur [K], ni la SELARL du docteur [N] n'ont, à aucun moment, notifié, leur volonté de se retirer de la société.

Le premier juge ne pouvait donc retenir que d'une part, les statuts étaient flous s'agissant des SELARL et d'autre part, que M. [K] et Mme [N] avaient valablement annoncé leur retrait avant le terme des six mois prévus pour le rachat de parts.

Aucune dissolution anticipée de la société n'a donc pu intervenir du fait d'un retrait de tous les associés, dès lors que les sociétés associées n'ont jamais exercé leur droit de retrait.

Mme [B] ayant valablement exercé son droit de retrait par lettre recommandée en date du 1er septembre 2017 reçue le

4 septembre 2017, les SELARL du docteur [K] et du docteur [N] disposaient d'un délai de six mois à compter de la notification de la décision de retrait de Mme [B] pour lui racheter ses parts sociales ou les faire racheter par la société, à savoir jusqu'au 4 mars 2018 et ce, conformément aux statuts.

A l'issue de ce délai de six mois ouverts aux associés demeurant dans la société, le retrayant peut demander la cession forcée de ses parts, ce qui suppose l'introduction d'une instance. Tel est le cas en l'espèce, en ce que Mme [B] a saisi le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence par assignation du 27 mars 2018, soit à l'issue du délai de six mois susvisés, afin notamment de solliciter, outre la nullité de l'assemblée générale du 20 décembre 2017, le rachat de ses parts sociales.

Conformément à l'article 1843-4 du code civil,

'I. Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

II. Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.'

En l'espèce et contrairement à ce que soutient Mme [B], il ne ressort nullement de la lecture des statuts et plus particulièrement de la combinaison des articles 10,12 et 13 qu'en l'absence d'accord, le prix pourra être déterminé par un expert désigné suivant la procédure prévu à l'article 1843-4 du code civil, uniquement à la demande des cessionnaires.

Il résulte au contraire des statuts que la valeur n'est ni déterminée, ni déterminable et qu'en conséquence, les SELARL du docteur [K] et du docteur [N] étant manifestement opposées à ce rachat, il convient de faire application de l'article 1843-4 II du code civil.

L'obligation de rachat des parts de l'associé retrayant doit se faire à un prix préalablement fixé par un expert désigné sur le fondement des dispositions susvisées.

La cour ne peut donc pas statuer sur la demande de Mme [B] et il y a lieu de la renvoyer à saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins de désignation d'un expert.

Sur les demandes de dommages et intérêts

M. [I] et Mme [B] invoquent tous deux un préjudice moral.

Il est, en effet, établi que, comme le font remarquer à juste titre les appelants, le gérant de la société, M. [A] [K], a frauduleusement établi un faux procès-verbal de dissolution de la société et effectué les formalités subséquentes au greffe. Il a ainsi organisé la liquidation amiable de la société de façon à éviter le rachat des parts sociales des deux associés retrayants lesquels avaient pourtant exprimé leur souhait de ne pas rester dans la société dans la stricte conformité des statuts.

En sa qualité de liquidateur amiable, il a poursuivi les opérations de liquidation en 2018 et jusqu'en avril 2019, date à laquelle il a pris la décision de déclarer au greffe l'état de cessation des paiements de la société, laquelle a été faite alors que les parts sociales des associés retrayants n'avaient pas été rachetées.

Par de telles manoeuvres accomplies en toute illégalité, M. [K] a favorisé ses propres intérêts personnels, contraignant les appelants à multiplier les procédures judiciaires afin d'obtenir le respect des clauses statutaires imposant notamment le rachat des parts sociales de l'associé retrayant.

En considération de ces éléments, il sera condamné à verser à M. [I] et Mme [B], la somme de 4.000 € chacun en réparation de leur préjudice moral.

Mme [B] sollicite également l'allocation d'une somme de 37.459,05 € au titre de son préjudice économique.

Force est de constater qu'elle ne caractérise aucunement un tel préjudice, puisqu'elle se prévaut uniquement de l'assignation délivrée à son encontre par la SCP BR & Associés, mandataire liquidateur de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire afin d'obtenir au paiement d'une somme globale de 37.459,05 € au titre des frais de fonctionnement de la société. Or, elle se contente d'indiquer qu'elle sollicite des dommages et intérêts dans le cadre de la présente procédure en réparation du préjudice qu'elle subit du fait de la demande de condamnation formulée à son encontre dans le cadre de l'autre instance actuellement pendante devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

Mais elle ne précise à aucun endroit quel préjudice économique en résulterait pour elle, alors que le tribunal a ordonné un sursis à statuer dans l'attente précisément de l'arrêt de cette cour.

En réalité, cette nouvelle procédure est la conséquence des manoeuvres accomplies par le gérant, qui ont permis le prononcé de la liquidation de la judiciaire de la société et qui lui occasionnent incontestablement un préjudice moral, lequel est toutefois déjà réparé au regard des développements qui précèdent.

Elle sera donc déboutée de ce chef de demande.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'assemblée générale de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire en date du 20 décembre 2017,

Déboute Mme [X] [B] de sa demande de rachat de ses parts sociales de la SCM Société méditerranéenne de chirurgie dentaire en l'absence de prix préalablement fixé par un expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil,

Condamne M. [A] [K] à payer à M. [Z] [I] et à Mme [X] [B] la somme de 4.000 € chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

Déboute Mme [X] [B] de sa demande au titre du préjudice économique,

Condamne M. [A] [K] à payer M. [Z] [I] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [A] [K], la SELARL du docteur [K] et la SELARL du docteur [N] à payer à Mme [X] [B] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [A] [K], la SELARL du docteur [K] et la SELARL du docteur [N] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.