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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 2-4, 21 février 2024, n° 21/05698

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jaillet

Conseillers :

Mme Boutard, Mme Boyer

Avocats :

Me Bruzzo, Me Catsicalis, Me Escondeur

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’A…

25 janvier 2021

Exposé du litige

[Y] [T] [R] et [D] [R], se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, le [Date mariage 5] 1983 à [Localité 8].

Ils ont eu une enfant, [W] [R] née le [Date naissance 3] 1992 à [Localité 12].

Ils ont fondé la SCI [15] le 20 février 1995 dont [D] [R] est gérant statutaire sans limitation de durée.

Le 14 avril 1995, ils ont acquis en indivision une villa à [Localité 7] qui a servi de logement familial.

La SCI [15] a acquis le 19 septembre 1995 un terrain sis [Adresse 14] à [Localité 7] sur lequel elle a fait édifier un ensemble de locaux commerciaux et professionnels qui ont été mis en location.

L'achat a été financé par un prêt dont les échéances étaient prévues jusqu'au 19 mars 2008.

En 1997, le capital social de la SCI [15] était réparti entre :

- [Y] [T] [R], propriétaire de 50 parts en pleine propriété,

- [D] [R], usufruitier de 50 parts,

- [W] [R], nue-propriétaire des parts dont son père possède l'usufruit.

Les époux étaient aussi propriétaires de parts de la SCI [11], titulaire de droits de propriété depuis le 1er août 2003, sur un bâtiment à usage commercial à [Localité 16].

Madame [T] a acquis en propre le 6 février 2002 un appartement à [Localité 17] (SEINE ET MARNE).

Le 21 octobre 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance D'AIX EN PROVENCE a prononcé le divorce entre les époux et homologué la convention définitive qu'ils avaient signée le 9 juillet 2008.

Le 18 décembre 2012, les ex-époux ont conclu devant notaire une convention d'indivision sur la villa indivise acquise le 14 avril 1995.

Le 18 mai 2015, l'assemblée des associés à autorisé à l'unanimité le gérant à vendre les locaux commerciaux loués de la

 SCI [15] au prix de 450.000 euros.

Le 30 septembre 2015, cette société a cédé l'immeuble commercial de la [Adresse 14] au prix accepté par les associés.

Le solde du prix de vente après paiement des frais dus de 423334 euros a été employé au règlement des comptes courants d'associés au 1er janvier 2015, aux pertes d'exploitation, aux dettes d'exploitation antérieures et à une distribution du solde de 183.547 euros, à la fin de l'année 2015 par le gérant par inscription en débit des comptes courants d'associés dans l'attente d'une décision d'affectation de l'assemblée des associés.

Lors de l'assemblée des associés du 19 mai 2016, dont l'ordre du jour était la dissolution anticipée de la SCI [15] et la nomination d'un liquidateur, [Y] [T] [R] et [W] [R], titulaires de la totalité des droits de vote, se sont abstenues sur la question de la dissolution.

Le juge des référés du tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE, saisi par [Y] [T] [R] et [W] [R], a, le 25 avril 2017, désigner un expert en la personne de Monsieur [I]. Il lui a donné pour mission notamment d'analyser les comptes de la

SCI [15] entre 2008 et 2015, de dire s'il existe des anomalies et les lister, de préciser l'emploi du produit de la vente de l'immeuble de la société et de faire les comptes entre les parties et préciser les sommes dues à chaque associé.

Cet expert a rendu un rapport de ses opérations le 26 novembre 2018.

Après avoir examiné les statuts et les comptes de la société, il a élaboré trois hypothèses de répartition du prix de vente.

[Y] [T] [R] et [W] [R] ont fait assigner [D] [R] et la SCI [15] par actes des 25 et 29 avril 2019, aux fins notamment d'obtenir les sommes leur revenant sur le prix de vente de l'immeuble selon l'hypothèse numéro 3 élaborée par l'expert judiciaire, obtenir des dommages-intérêts et l'indemnisation des frais de procédure.

La SCI [15] a constitué avocat dans la procédure de première instance mais n'a pas communiqué de conclusions.

[D] [R] n'était pas représenté.

Par jugement réputé contradictoire du 25 janvier 2021 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, procédure et prétentions des parties, le tribunal judiciaire D'AIX EN PROVENCE a :

- DEBOUTÉ Mesdames [R] de l'ensemble de leurs prétentions

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- DIT que les dépens seront laissés à la charge des demanderesses.

Par déclaration par voie électronique du 16 avril 2021, [Y] [T] [R] et [W] [R] ont interjeté appel de la décision sur tous les chefs de la décision critiquée.

Le 15 juillet 2021, le greffe a avisé les appelantes que les intimés n'avaient pas constitué avocat, après envoi de la déclaration d'appel par courrier simple.

Par leurs premières conclusions du 16 juillet 2021, [Y] [T] [R] et [W] [R] demandent à la cour de :

Vu l'article 669 du code général des impôts,

Vu les articles 1843-4, 1844, 1844-10, 1855 et 1856 du Code civil,

Vu les pièces visées,

- INFIRMER le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le tribunal d'AIX EN PROVENCE,

Statuant à nouveau,

- RETENIR l'hypothèse n°3 du rapport d'expertise conforme aux dispositions légales du code général des impôts, à savoir l'application du barème de l'article 669 du CGI, qui distingue la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété en fonction de l'âge des personnes concernées,

- CONDAMNER [D] [R] et la SCI [15] à payer la somme de 92.630 euros à [Y] [T] [R] et la somme de 23.504 euros à [W] [R] et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- CONDAMNER [D] [R] et la SCI [15] à payer à [Y] [T] [R] et à [W] [R] la somme de 50.000 euros pour résistance abusive ;

- CONDAMNER [D] [R] et la SCI [15] au paiement la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure

- CONDAMNER [D] [R] et la SCI [15] aux entiers dépens en ce compris les frais de constat d'huissier et les frais d'expertise.

Le 27 avril 2021, en réponse à l'interrogation du président de la chambre 2-4, le conseil des appelantes a indiqué que la décision n'avait pas été signifiée.

Le 12 mai 2021, les parties ont été avisées du renvoi de l'affaire devant le conseiller de la mise en état de la chambre 2-4.

Par actes d'huissier de justice des 3 et 6 août 2021, les appelantes ont fait signifier à [D] [R] et la SCI [15] leur déclaration d'appel, l'avis d'avoir à signifier adressé par le greffe et leurs premières conclusions.

Les intimés ont constitué avocat le 21 septembre 2021. Avis leur a été donné le même jour de la désignation du conseiller de la mise en état.

Par leurs conclusions uniques du 1er novembre 2021, les intimés demandent à la cour de :

- CONFIRMER la décision dont appel en ce qu'elle a débouté [Y] [T] [R] et [W] [R] de leur demande de condamnation de la

SCI [15] et de Monsieur [R] à leur verser les sommes de 92.630 euros et 23.504 euros.

- CONFIRMER la décision dont appel en ce qu'elle a débouté [Y] [T] [R] et [W] [R] de leurs demandes indemnitaires,

En conséquence,

- DEBOUTER [Y] [T] [R] et [W] [R] de l'intégralité de leurs demandes

- Les CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- LES CONDAMNER aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions du 26 septembre 2023, les appelantes réitèrent leurs prétentions initiales et ajoutent les demandes de :

À défaut d'adoption de l'hypothèse numéro 3,

- CONDAMNER [D] [R] seul à payer la somme de 92.630 euros à [Y] [T] [R] et la somme de 23.504 euros à [W] [R] et ce sous astreinte de 500,00 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

Et à défaut encore,

- CONDAMNER [D] [R] à restituer la somme de 116.134 euros à la société [15] et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

Le 19 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a décidé de la fixation de l'affaire à l'audience du 24 janvier 2024. Les parties en ont été avisées par messages électroniques.

La clôture de la procédure a été prononcée le 20 décembre 2023.

Motifs de la décision

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

La cour précise que les appelantes énoncent dans leurs dernières conclusions des demandes de réintégration de sommes sur les comptes de la société qui ne figurent pas dans le dispositif de ses conclusions.

En effet, la demande très subsidiaire de condamnation de [D] [R] à restituer une somme à la SCI concerne le total des montants qu'elles sollicitent au titre de la répartition du solde du prix de vente de l'immeuble de la SCI. Il ne s'agit pas de charges non déductibles visées par les appelantes dans le corps de leurs conclusions. Celles-ci ne seront pas examinées par la cour.

Sur la recevabilité des prétentions

L'article 564 du code de procédure civile dispose que : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 du même code précise que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

L'article 566 énonce, enfin, que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit que : 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Les appelantes ont ajouté dans leurs secondes conclusions de nouvelles demandes.

La prétention subsidiaire de condamner [D] [R] à payer les sommes réclamées au titre de dividendes dus sur le prix de vente de l'immeuble était contenue dans les premières conclusions.

Les appelantes ont présenté un nouveau fondement juridique pour une même prétention à ce titre.

Il n'existe donc pas de nouvelle prétention au sens de l'article 4 et de l'article 910-4 du code de procédure civile.

En revanche, la demande de condamnation de [D] [R] à restituer à la SCI [15] la somme de 116.134 euros, sous astreinte constitue une nouvelle prétention qui n'était pas contenue dans les premières conclusions qui figent l'objet du litige devant la cour et qui ne répond pas à une demande des intimés.

En outre, elle n'avait pas été présentée devant le premier juge.

Sa tardiveté n'est pas justifiée par une évolution du litige.

Elle est donc irrecevable en application des textes sus-visées.

Sur les demandes en paiement des parts du prix de vente de l'immeuble

Les appelantes soutiennent qu'elles ont refusé la dissolution anticipée de la société et sa liquidation par [D] [R] car ce dernier ne leur a donné aucune information sur la gestion de la société depuis sa création et a refusé de répondre à leurs questions le jour de l'assemblée générale d'associés.

Elles indiquent qu'[Y] [T] [R] a perçu, sur le prix de vente de l'immeuble de la SCI la somme totale de 140.363,72 euros entre le mois d'octobre et le mois de novembre 2015 ; que [W] [R] a perçu celle de 50.000 euros tandis que [D] [R] recevait 215.120 euros alors qu'il aurait droit à 125.840 euros.

Elles contestent la somme que [D] [R] s'est octroyée en 2015 au titre de rémunération de gérant alors qu'elle n'est pas prévue par les statuts et n'a pas été soumise à une délibération des associés, ni à des cotisations fiscales et sociales.

Elles font valoir que les statuts ne contiennent aucune stipulation relative à la répartition du prix d'un actif de la société.

Elles réclament le versement des sommes qui leurs sont dues et dont elles n'ont pas pu bénéficier en raison des manquements de [D] [R] dans la gestion de la société.

A titre subsidiaire, elles réclament la condamnation de [D] [R] à leur régler les sommes prévues dans l'hypothèse 3 de l'expert judiciaire sur le fondement de la faute délictuelle de ce dernier, du fait du détournement des sommes perçues par la SCI.

Au titre des dommages-intérêts, elles indiquent que [Y] [T] [R] ne détenait aucun document relatif à la gestion de la SCI avant leur communication dans le cadre des opérations d'expertise.

Elles répliquent que les arguments opposés par [D] [R] ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité dans le détournement des actifs de la société à son profit au-delà des sommes auxquelles il pouvait prétendre.

Les intimés soutiennent que la SCI [15] ne détient plus les fonds réclamés et que [D] [R] n'en est pas le débiteur.

Ils ajoutent qu'il n'appartient pas au juge mais uniquement aux associés de décider de l'affectation d'un produit exceptionnel de la société en l'absence de stipulation des statuts.

Ils soutiennent que le prix de vente de l'actif de la SCI ne constitue pas un bénéfice au sens de l'article 27 des statuts de la société mais un actif social à partager uniquement dans le cadre d'une liquidation amiable de la société.

Les prétentions admises comme recevables en appel concernent les mêmes sommes dont la demande en paiement est formulée sur deux fondements juridiques distincts :

- d'une part, à titre principal, une demande en paiement solidaire du gérant et de la SCI sur le fondement des manquements de la société et de son gérant envers les associés dans l'obligation de verser des dividendes et revenus des parts sociales,

- d'autre part, à titre subsidiaire, une demande de condamnation de [D] [R] seul à paiement des mêmes sommes sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour manquement à ses obligations de gérant.

Sur la demande principale

Il ressort des articles 1843-2 et 1844-1 du code civil que les associés disposent du droit au partage des bénéfices et de l'actif net et qu'ils ont l'obligation de participer aux pertes de la société à proportion de leurs parts dans le capital social.

L'article 1844 du même code institue le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives et réglemente l'exercice du droit de vote, notamment lorsque les parts font l'objet d’un démembrement de leur propriété.

Il en ressort que le droit de vote est exercé par le nu-propriétaire sauf dans le cas des 'décisions concernant l'affectation des bénéfices' où il est réservé à l'usufruitier. Une autre exception est prévue en cas d'accord entre eux pour que le droit de vote soit exercé par l'usufruitier mais les statuts peuvent déroger à cette disposition.

Il ressort des articles 1844-7 à 1844-9 du code civil que, lorsque la société prend fin, notamment par réalisation ou extinction de son objet ou par dissolution anticipée décidée par les associés ou le juge, il s'ensuit sa liquidation par une personne désignée par les statuts, ou à défaut par les associés ou à défaut par le juge.

Lorsque la liquidation est clôturée, il est procédé au partage de l'actif net, obtenu après paiement des dettes sociales et remboursement du capital social, entre les associés selon les mêmes proportions que celles applicables à la répartition des bénéfices sauf clauses contraires des statuts.

Les règles du partage des successions s'appliquent.

L'expert judiciaire a procédé à l'évaluation des sommes qui seraient dues à chaque associé au titre de l'exercice 2015 à la suite du retraitement de dépenses de la société non justifiées pendant la période 2008 à 2015, et celle de 60547 euros que [D] [R] s'est octroyé au titre de rémunérations depuis 1995,

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le résultat net de l'exercice 2015 après les corrections appliquées s'élève à274.827 euros au lieu de 181.095 euros selon les opérations comptables réalisées par [D] [R].

Ce résultat contient deux types de recettes :

- le résultat des locations de l'année 2015 jusqu'à la vente soit 29.813 euros

- le solde distribuable du prix de cession de 245.014 euros.

En application vertu des règles de droit, de l'absence de clause contraire dans les statuts et du démembrement d'une partie des parts sociales, les résultats distribués sous la forme de dividendes sont répartis entre [D] [R] et [Y] [T] [R] et les apports, distribution de réserves et boni de liquidation entre [W] [R] et [Y] [T] [R].

Le résultat d'exploitation provenant des loyers relève des dividendes à distribuer selon la première modalité, soit entre

[Y] [T] en tant que propriétaire de parts et [D] [R] en tant qu'usufruitier.

Le sort du résultat provenant de la vente du seul bien que détenait la SCI n'est pas déterminé en l'absence de décision des associés.

En effet, il ne constitue pas en l'état un boni de liquidation car les associés n'ont pas voté 'pour' la dissolution anticipée proposée le 19 mai 2016 par le gérant.

La vente du bien de la société ne met pas fin à cette dernière puisque son objet social n'était pas limité à ce bien mais à l'achat, la vente et la location de tout bien immobilier pendant 99 ans.

Les associés n'ont pas été réunis pour décider de l'affectation de cette somme en tant que bénéfice de l'exercice ou son report à nouveau pour investissement par la SCI.

Les hypothèses de répartition du solde du prix élaborées par l'expert judiciaire numéro 1 et 2 correspondent respectivement à l'application de la loi et des clauses des statuts respectivement pour la répartition des dividendes et du boni de liquidation.

L'hypothèse numéro 3 dont les appelantes réclament l'application n'est pas prévue par les statuts et suppose une décision favorable en assemblée générale extraordinaire, ainsi que le précise l'expert judiciaire.

Il s'agit de la répartition du résultat net pour moitié au profit de [Y] [T] (titulaire de 50 % des parts en pleine propriété), l'autre moitié étant répartie entre [D] [R] et [W] [R] en fonction de la valorisation de l'usufruit de cette somme par l'application du barème fiscal.

Il la formule en indiquant qu'elle lui semble correspondre à la volonté des associés car elle est réclamée par [Y] [T] et [W]

[R] et elle a été appliquée par [D] [R] lors de la répartition qu'il a réalisée sans décision des associés.

Toutefois, [D] [R] et la SCI [15] en cours des opérations d'expertise judiciaire ont opté, ainsi que le précise l'expert dans les conclusions de son rapport.

En outre, devant la cour, ils s'opposent à une répartition du prix de vente du bien selon ces critères.

Cette solution de distribution du prix de vente ne relève d'aucune stipulation des statuts de la société qui régissent les rapports entre la société et les associés et les droits et obligations de ces derniers.

Le juge ne peut se substituer aux associés pour décider, dans le silence des statuts des modalités de distribution du prix de l'immeuble ayant appartenu à la société.

Il convient en conséquence de confirmer la décision de rejet de la demande des appelantes de condamner la SCI [15] et son gérant à leur verser les sommes leur revenant selon l'hypothèse numéro 3 de l'expert judiciaire.

Sur la demande de condamnation de [D] [R] sur le fondement de la faute délictuelle

Les appelantes soutiennent que [D] [R] n'a pas convoqué d'assemblée d'associés pendant la vie de la société, qu'il ne les a pas informées de la gestion de cette dernière, qu'il n'a pas répondu à leurs questionnements lors de l'assemblée du 19 mai 2016, qu'il a versé irrégulièrement les dividendes relatifs aux loyers perçus par la SCI.

Elles ajoutent qu'il ne leur a versé qu'une part arbitraire du montant du prix de vente de l'immeuble et a perçu le solde sans aucune explication.

Elles invoquent une violation des articles 1843 et 1855 du code civil.

Elles indiquent qu'elles n'ont disposé lors de l'assemblée du 19 mai 2016 que de documents épars et insuffisants pour justifier les dépenses de la SCI figurant dans les documents comptables.

Elles dénoncent la prise en compte, en 2016, de frais de déplacement du gérant sur 21 ans. Elles contestent aussi les frais de repas et de téléphonie que le gérant s'est octroyé. Elles précisent que [D] [R] gérait depuis le bien appartenant à la

SCI ses diverses sociétés.

Elles font valoir qu'elles n'ont jamais été informées de difficultés financières de la société, invoquées par le gérant auprès de l'expert judiciaire, ni de problèmes juridiques, alors que la SCI a réglé des frais d'avocat pour le compte d'une autre société gérée par [D] [R].

[Y] [T] [R] conteste le fait que [D] [R] a été remboursé de ses avances en compte courant alors qu'elle n'a rien perçu.

Les appelantes contestent les charges de frais imputées par le gérant sur les comptes de la société en 2015 et les retraits par [D] [R] à son profit.

Elles ajoutent qu'il n'est pas établi que les dépenses de travaux de 2014 aient profitées à la SCI. Elles font état du fait que les réparations ont dû être prises en charge par l'assureur et qu'il est fait état de deux factures pour les mêmes travaux.

Elles soutiennent que la somme de 60.127 euros payée par la SCI à titre d'indemnités de déplacement et les sommes réglées pour pallier les difficultés financières de la SARL [13] doivent être remboursées.

En réponse aux demandes indemnitaires, les intimés font valoir que [Y] [T] [R] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice car elle a reçu sa part sur les loyers perçus par la société.

Ils ajoutent qu'elle pouvait avoir connaissance de la situation financière de la société car elle possédait les codes pour accéder aux comptes bancaires.

Ils précisent que les comptes courants d'associés ont été remboursés après la vente de l'immeuble.

Les articles 1850 et suivants du code civil prévoient les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité du gérant pour violation des statuts et des fautes commises dans sa gestion.

Le gérant a notamment l'obligation de communiquer aux associés au moins une fois par an les documents sociaux et les livres et de répondre à leurs questions écrites et de rendre compte de leur gestion avec indication notamment des bénéfices réalisés et des pertes subies.

L'article 1852 et suivants du code civil sont relatifs aux modalités de décisions collectives des associés qui ont lieu selon les règles prévues aux statuts ou à défaut à l'unanimité des associés.

Les appelantes reprochent au gérant plusieurs manquements à ses obligations, notamment des détournements des liquidités de la SCI pour en déduire qu'il sera tenu de leur verser le complément des parts qui leur serait due sur le prix de vente du bien de la SCI. Les sommes réclamées correspondent à l'hypothèse numéro 3 établie par l'expert judiciaire.

Or, il ne peut être reproché au gérant de ne pas avoir appliqué cette solution de répartition qui ne correspond pas à l'application de la loi ni des statuts.

En outre, les sommes distribuées l'ont été à titre d'avance sur les comptes courants en l'absence d'une décision des associés sur la répartition ou la mise en réserve des sommes issues de la cession de sorte que tous les associés sont débiteurs de la société du chef des avances reçues.

De plus, les sommes réclamées par les appelantes ne correspondent pas à celles que le gérant aurait détournées (dépenses pour une autre société, rémunérations ou remboursement de frais non autorisé par l'assemblée des associés).

Au surplus, les appelantes ne fondent pas leurs demandes sur le texte de l'article 1843-5 du code civil permettant aux associés d'agir pour le compte de la société en responsabilité contre le gérant.

Il convient, en conséquence, de confirmer la décision de rejet de la demande en paiement des sommes dues dans l'hypothèse numéro 3 à l'encontre de [D] [R] sur le fondement de la responsabilité.

Sur la demande de dommages-intérêts

Les appelantes fondent leur demande à ce titre sur la résistance abusive de [D] [R].

Elles rappellent l'absence de convocation d'assemblées des associés depuis 1995, le refus de les renseigner sur le sort du prix de vente du bien de la SCI, le versement irréguliers des loyers à [Y] [T], les procédures qu'elles ont dû mettre en oeuvre notamment pour obtenir l'expertise des comptes de la société et leur dû.

Les manquements du gérant dans l'exercice de son mandat antérieurement à la naissance du litige concernant la répartition du prix de vente ont fait l'objet d'une analyse dans le cadre de l'examen des prétentions portant sur cette répartition.

Ils ne peuvent justifier le paiement de dommages-intérêts pour avoir résisté abusivement au paiement de sommes non encore échues.

[Y] [T] et [W] [R] n'ont formulé aucune observation ou demandes d'explication antérieurement à la vente du bien de la SCI.

Elles n'ont pas reproché au gérant le versement d'avances sur le prix de cet immeuble à la fin de l'année 2015.

Elles ne justifient pas avoir réclamé des comptes au gérant avant l'assemblée du 19 mai 2016.

Lors de celle-ci, il leur a été remis, ainsi que l'a constaté l'huissier de justice mandaté par [Y] [T] qui assistait à la réunion, des documents comptables et fiscaux relatifs à la SCI et a effectué un rapport de gestion de l'exercice 2015.

L'essentiel du retraitement réalisé par l'expert judiciaire concerne la somme prélevée par le gérant au titre de sa rémunération depuis la création de la société de 60327 euros.

Ce dernier a effectué le paiement d'avances sur la répartition du prix conformément aux principes de l'hypothèse numéro 3 réclamée par les appelantes.

Il a résisté à l'application de cette hypothèse mais celle-ci ne correspond pas à l'application de la loi et des statuts.

Les associées n'ont pas utilisé les moyens procéduraux dont elle bénéficie pour obtenir une décision collective sur la rémunération du gérant et la répartition du prix de vente de l'immeuble.

Il convient d'en déduire qu'elles ne justifient pas de la résistance abusive de [D] [R]. La décision du premier juge de rejeter ce chef de prétention sera donc confirmée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les deux parties sollicitent la condamnation de l'autre aux entiers dépens incluant les dépens de première instance.

Le premier juge a décidé de laisser les dépens à la charge des demanderesses déboutées de l'intégralité de leurs demandes. Dès lors la décision de laisser à leur charge l'ensemble des dépens étaient justifiée et sera confirmée.

Les appelantes succombant, elles conserveront à leur charge les dépens de la procédure d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés à l'occasion de l'appel et non compris dans les dépens. Les demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare irrecevable la prétention subsidiaire des appelantes de condamnation de Monsieur [D] [R] à restituer la somme de 116.134 euros à la SCI [15] ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Mesdames [Y] [T] divorcée [R] et [W] [R] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.