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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect. civ., 13 février 2024, n° 22/01968

REIMS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

MARINVEST (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme MEHL-JUNGBLUTH

Conseillers :

Mme MATHIEU, Mme PILON

Avocats :

SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, SELARL RAFFIN ASSOCIES

TJ Reims, du 28 juill. 2022

28 juillet 2022

Les époux [E] ont commandé à la SARL Marinvest, distributeur des piscines Magiline, la fourniture d’une piscine modèle Mayfist, d’une pompe à chaleur, d’un système de traitement d’eau « Maestro ph/chlore liquide », dans un devis du 3 septembre 2019 de 19 000 euros ; dans un second devis d’installation du même jour de 10 000 euros ils commandé les travaux de terrassement, dépose de structure, de pose de margelles, de fourniture et coulage béton de raccordement hydraulique et électriques d’étanchéité et mise en service de la piscine sur le terrain de leur maison d’habitation située [Adresse 3].

Les travaux de terrassement et l’alimentation du tableau général jusqu’au coffret d’alimentation de la piscine devaient rester à la charge du client. Ils ont confié les travaux de terrassement à la société Opimum Travaux selon facture du 31 mars 2020 de 4200 euros TTC.

Les époux [E] ont réglé les premières échéances de paiement à la société Marinvest pour la somme de 24 200 euros puis, se plaignant de désordres et défaillances de la société Marinvest, ils ont refusé de régler le solde figurant dans deux factures des 6 et 13 juillet 2020 et de signer le procès-verbal de réception le 15 juillet 2020 lors de la mise en eau.

A la suite de divers échanges, dont un courrier de mise en demeure du 17 décembre 2020, la société Marinvest a, par exploit du 30 mars 2021, assigné les consorts [E] devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins de les voir condamner à payer :

*la somme de 4 800 euros correspondant au montant impayé du solde de la dernière étape du chantier: fourniture et pose de l’appareil Maestro et raccordement des différents appareils au local technique,

*la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Les consorts [E] ont opposé l’inexécution contractuelle.

Par jugement en date du 28 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Reims a:

— Condamné les époux [E] à verser à la société Marinvest la somme de 3.800 € TTC au titre du solde des travaux de fourniture et d’installation de leur piscine,

— Rejeté le surplus des demandes,

— Laissé à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles,

— Condamné les époux [E] aux entiers dépens,

— Rappelé et jugé que l’exécution provisoire est de droit

Il a considéré que sur les cinq griefs invoqués par les consorts [E], seul était caractérisé le grief tenant au raccordement électrique du coffret de commande du local piscine aux équipements de la piscine par un câble trop court et non enterré, justifiant une retenue de 1 000 euros sur le paiement.

Il a condamné en conséquence les époux [E] à payer à la SARL Marinvest la somme de 3 800 euros TTC au titre du solde restant dû concernant la fourniture et l’installation de la piscine.

Par déclaration en date du 17 novembre 2022, les consorts [E] ont interjeté appel de ce jugement visant expressément l’ensemble des chefs du jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2023, les époux [E] demandent à la cour de:

— Dire et juger M. et Mme [J] [E] recevables en leur appel ;

— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a condamnés à payer à la société Marinvest la somme de 3.800 euros TTC pour solde de leur facture ;

Et statuant à nouveau,

— Débouter intégralement la SARL Marinvest de toutes ses demandes,

— Condamner la SARL Marinvest à payer à Monsieur et Madame [E] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des désagréments que leur a causé ses manquements réitérés à ses obligations contractuelles.

— Condamner la SARL Marinvest à payer à M. Et Mme [E] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile d’un montant de 2.000€.

— Condamner la SARL Marinvest aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile en application de l’article 696 du même Code.

Ils soutiennent que les désordres et défaillances reprochés à la société Marinvest (à savoir les plis sur le liner, la défaillance du système de traitement de l’eau Maestro, l’absence de bonde de vidange, le défaut de raccordement électrique du coffret de commande aux équipements de la piscine) sont établis par des correspondances, des photographies, des analyses de l’eau, les caractéristiques de l’installation; et que l’absence d’installation conforme du câble de raccordement électrique du coffret de commande aux équipements de piscine justifie le débouté complet de la société Marinvest de sa demande en paiement du solde du marché.

Par conclusions du 16 mai 2023, la SARL Marinvest demande à la Cour de:

— Confirmer le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Reims ce qu’il a:

* Condamné M. [J] [E] et Mme [B] [E] à verser à la société Marinvest la somme de 3.800 € TTC au titre du solde de la facture relative à la fourniture de leur piscine,

* Condamné M. [J] [E] et Mme [B] [E] aux entiers dépens,

— Infirmer le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Reims ce qu’il a:

* Débouté la société Marinvest de sa demande visant à obtenir le règlement de la somme de 1.000 € TTC correspondant au solde de sa facture relative à l’installation du matériel de piscine,

* Débouté la société Marinvest de sa demande visant à obtenir une indemnisation au titre du préjudice subi,

* Débouté la société Marinvest de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau sur ces derniers points:

— Condamner M. [J] [E] et Mme [B] [E] à verser à la société Marinvest les sommes suivantes :

. 1 000 euros TTC au titre de la facture du 13 juillet 2020, correspondant à l’installation,

. 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct

En tout état de cause :

— Débouter M. [J] [E] et Mme [B] [E] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

— Condamner M. [J] [E] et Mme [B] [E] à verser à la société Marinvest la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en 1ère instance et à hauteur de Cour,

— Condamner M. [J] et Mme [B] [E] aux entiers dépens, dont le recouvrement sera assuré directement, pour ceux la concernant, par la SELARL Raffin Associés.

La SARL Marinvest soutient que M. et Mme [E] ne rapportent pas la preuve d’un quelconque dysfonctionnement du système de contrôle de l’eau par l’appareil Maestro, ni d’un défaut de liner ; que le pisciniste ne peut être tenu pour responsable de l’endommagement des canalisations par le terrassier ; que l’installation du câble de raccordement électrique contesté est à la charge du clientn; que la bonde de fond dont les appelants se plaignent de l’absence de fourniture n’était pas prévue sur les plans.

La société intimée fait par ailleurs état d’une résistance abusive pour obtenir des dommages et intérêts.

MOTIFS

Sur le solde du prix de la fourniture du matériel

La SARL Marinvest réclame le paiement du solde de 3 800 euros restant du sur la facture relative à la fourniture de la piscine de la pompe à chaleur et du système de traitement d’eau établie sur la base du devis accepté du 3 septembre 2020 d’un montant de 19 000 euros.

Ce montant correspond au dernier solde de 20% du prix, contractuellement exigible à la livraison du matériel MAESTRO.

Cette livraison ne fait pas débat de sorte que le prix est exigible.

En vertu de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement a été imparfaitement exécutée peut refuser d’exécuter sa propre obligation.

Pour réclamer une moins value, les époux [E] se prévalent de l’absence de bonde de vidange.

Mais ils se contentent d’alléguer le fait que la piscine qu’ils ont vu exposer à la foire de [Localité 4] comportait cet équipement alors qu’au contraire la SARL Marinvest produit le devis et les plans d’installation montrant que les piscines de la marque Magiline choisie par le client ne comportent pas de bonde de fond ; en outre ils reconnaissent que le devis ne prévoit pas cette bonde.

Ils se plaignent en outre de la livraison d’un système MAESTRO de modèle de 2015 obsolète et défectueux soutenant qu’il existait un modèle plus récent et plus performant de 2018 au jour de la commande et de surcroît d’un prix public de 1 500 euros alors qu’il leur a été facturé 3 800 euros.

S’agissant du prix du matériel, son montant a été contractuellement convenu et figure sur le devis qui a été accepté et qui fait la loi des parties de sorte qu’aucune réduction du prix ne saurait résulter de la constatation d’un prix public inférieur à celui convenu.

S’agissant de son ancienneté, la cour observe que le devis ne précise pas quel modèle de « système Maestro » a été convenu entre les parties et que les époux [E] ne démontrent pas que la livraison du dernier modèle existant sur le marché leur a été assuré.

Dans tous les cas, les pièces du dossier ne permettent pas même d’établir qu’ils ont été livrés d’un modèle 2015 de sorte que la livraison d’un modèle 2015 ne résulte que des allégations des époux [E].

Au contraire d’ailleurs, la SARL Marinvest produit un mail du 19 novembre 2019 qui lui a été adressé par son fournisseur qui lui confirme que l’appareil référencé 40747 qu’il lui a livré est une version unique de 2020 puisqu’il fonctionne avec la version 5.05 du logiciel Firmware qui date du 17 mars 2020.

Aussi dans tous les cas, les époux [E] ne démontrent pas la non conformité du système Maestro à la commande.

Les époux [E] soulignent encore la défaillance de ce matériel censé réguler automatiquement le taux de chlore alors que le PH du bassin était défectueux dès sa mise en route, que la consommation de chlore est inquiétante avec un taux mesuré en laboratoire de 7 fois la dose recommandée, qu’elle en a informé l’intimée mais qu’aucune mesure n’a été prise.

Mais la pièce intitulée « analyse d’eau de la piscine des 14 et 25 novembre 2020 » n’est pas probante en ce qu’elle n’est en rien corrélée avec la situation de la piscine des appelants, qu’elle n’est pas plus validée ou exploitée par un professionnel ; et la facture de 175 euros de l’entreprise Tony eau du 7 avril 2021 ne montre que le coût de la mise en route de la piscine l’année suivante qui en soi n’apparaît pas anormal.

Aucune réduction du prix ne saurait dès lors se justifier et c’est à juste titre que le tribunal a retenu que restait dû par les époux [E], le solde de 3 800 euros réclamé au titre de la facture de fourniture de la marchandise.

Sur le solde du prix des installations

Reste due sur le second devis de 10 000 euros, la somme de 1 000 euros correspondant à la dernière échéance de 10% du prix, exigible à la réception.

La réception est l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve.

En l’espèce, la réception a été expressément refusée par les maîtres d’ouvrage dans leur courrier du 13 juillet 2020 et encore du 5 janvier 2021 de sorte que le solde n’est pas dû sauf pour la SARL Marinvest à démontrer que les réserves émises par ceux-ci pour justifier ce refus ont été levées et que la réception peut être constatée judiciairement.

Les époux [E] ont adressé à la SARL Marinvest de nombreux et longs courriers et courriels.

Ceux-ci ne valent pas preuve de la matérialité des manquements qu’ils énoncent.

Finalement dans le cadre de la présente procédure, les époux [E] se prévalent outre de la défaillance du système de traitement de l’eau Maestro et de l’absence de bonde de vidange analysées précédemment et rejetés, de plis sur le liner et d’un défaut de raccordement électrique du coffret de commande aux équipements de la piscine.

La pose d’un liner 75/100ème dans le rail d’accrochage liner intégré à la structure et la mise sous tension du liner par aspiration centralisée (concept Magiline) mousse confort sur les parois et les marches d’escalier, sont prévues au devis et ont été effectuées.

Si les époux [E] soutiennent qu’elle est imparfaite en ce que le liner a des plis, la cour constate comme le premier juge que la seule photo produite pour en justifier n’est pas probante à ce titre.

Par ailleurs, il ne ressort aucune constatation utile de la lecture du devis d’une entreprise Charlet piscine, daté du 17 juin 2021 soit de près de 2 ans après la mise en eau qui n’indique pas de constatation faite sur place et qui se limite à détailler le prix des prestations de remplacement d’un liner « sous réserve d’une visite technique sur place » qu’elle propose.

Ainsi la matérialité de cette prestation sans violation aux règles de l’art est retenue.

Ils reprochent en outre à l’intimée des manquements dans l’enterrement de la gaine alimentant la pompe à chaleur.

Le terrassement n’est pas compris dans le devis accepté et le terrassier choisi par la SARL Marinvest, l’entreprise Optimum Terrassement est sans lien contractuel avec cette dernière. En outre, les époux [E] qui prétendent que la SARL Marinvest a interféré dans la réalisation du terrassement en modifiant le tracé prévu, ce qui aurait causé l’endommagement des canalisations, se limitent à l’alléguer dans divers courriers ce qui ne peut valoir preuve de ce point alors qu’aucun autre élément ne vient corroborer leurs allégations.

Reste l’absence d’installation conforme du câble de raccordement électrique du coffret de commande aux équipements de piscine qui est prévue dans le devis et ne se confond pas avec l’alimentation du tableau général jusqu’au coffret d’alimentation de la piscine qui est contractuellement à la charge du client

Sur ce point, le premier juge a relevé à juste titre que les appelants produisent des photographies et un courrier de M. [G] de la SARL Marinvest du 20 juillet 2020 s’engageant à intervenir à ce titre alors qu’ils se plaignaient dans leur courrier antérieur de l’utilisation d’un câble trop court non enterré de surcroît.

Encore une intervention à prévoir sur un câble est visée dans le courrier de M. [G] du 13 août 2020.

A défaut pour la SARL Marinvest de montrer son intervention ultérieure et de la levée de cette réserve, la cour en déduit que la preuve de la non conformité de ce travail aux règles de l’art est suffisamment apportée.

Les époux [E] soutiennent que leur préjudice résultant de cette absence d’installation conforme du câble de raccordement électrique du coffret de commande aux équipements de piscine justifie le débouté complet de la société Marinvest de sa demande en paiement du solde du marché y compris de celui des fournitures , que la réduction de 1 000 euros accordée par le premier juge est insuffisante .

Mais ils ne produisent aucun devis de reprise de cette installation qui permettrait de retenir que son coût est supérieur à la retenue de 1 000 euros qu’ils ont entendu faire sur le prix total du devis d’installation de 10 600 euros et progressivement réglé en contrepartie de travaux bien plus conséquents ( travaux terrassement 4 200-- coulage béton 5 000- pose liner 1 000).

En conséquence, la réparation du préjudice lié au seul manquement constaté se fixe à la somme de 1 000 euros qui a été retenue par les appelants sur le montant de la facture d’installation du matériel et le jugement du tribunal judiciaire est confirmé en ce qu’il déboute la SARL Marinvest de sa demande en condamnation des époux [E] à lui payer ce solde.

Sur la réparation du préjudice subi

Les époux [E] se prévalent de l’existence d’un préjudice de jouissance observant qu’ils ne disposent toujours pas ce jour d’une installation conforme au devis signé

Mais le devis ne porte pas mention d’une date de livraison, la piscine commandée en septembre 2019 a été mise en eau au mois de juillet 2020 malgré la crise sanitaire majeure qui a contraint de nombreuses entreprises dès mars 2020 à suspendre leurs travaux faute de personnel valide ou faute de réception des fournitures et la seule non conformité retenue n’a pas empêché l’utilisation de cette piscine.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il déboute les époux [E] de leur demande en réparation d’un préjudice lié à un trouble de jouissance.

La SARL Marinvest réclame quant à elle réparation du préjudice lié à la résistance abusive des clients au paiement du solde et à leur comportement répréhensible en ce qu’ils ont sollicité son fournisseur le service client Magiline affectant sa crédibilité auprès de celui-ci.

Mais le retard dans le paiement est justifié pour partie par la non conformité constatée et les discussions entre les parties pour régler ce litige attestées par l’absence de mise en demeure formelle délivrée aux époux [E] de s’acquitter du solde.

Le préjudice sera dès lors suffisamment réparé par les intérêts de retard courant à compter de l’assignation.

Par ailleurs, le service en ligne de Magiline est destiné aux clients de sorte que son utilisation n’est pas répréhensible; il n’apparaît pas que celle-ci ait eu de quelconques conséquences sur les relations entre la SARL Marinvest et son fournisseur ou sur son activité générale.

En conséquence, la SARL Marinvest est déboutée de sa demande en réparation.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Déboute les époux [E] de leur demande en réparation d’un préjudice de jouissance,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Condamne les époux [E] aux dépens d’appel.