CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 21 février 2024, n° 22/15114
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Thevenin-Scott, Mme Moussy
Avocats :
Me Maupas Oudinot, Me Puybaret, Me Malarde, Me Hamdache
EXPOSE DU LITIGE
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] (ci-après le syndicat des copropriétaires) a souhaité procéder à des travaux de ravalement de la façade et d'amélioration des performances thermiques.
Par contrat en date du 20 mai 2014, le syndicat des copropriétaires a con'é une mission complète de maîtrise d'œuvre à Monsieur [H] [K], architecte.
Par courrier en date du 7 janvier 2020, invoquant divers manquements de l'architecte, le syndicat des copropriétaires a résilié le contrat conclu avec lui.
Puis, suivant exploit d'huissier délivré le 15 mars 2021, le syndicat des copropriétaires a assigné, notamment, Monsieur [K] devant le Tribunal judiciaire de PARIS.
Suivant conclusions d'incident récapitulatives signifiées par voie électronique le 20 mai 2022, Monsieur [K] a sollicité du juge de la mise en état de :
- déclarer l'action engagée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] à son encontre irrecevable pour défaut de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes de l'ILE DE France ;
En conséquence,
- débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] de ses demandes à son encontre ;
- prononcer sa mise hors de cause ;
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] aux entiers dépense et au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ordonnance du 22 juillet 2022, le juge de la mise en état a :
- DÉCLARÉ recevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] à l'encontre de Monsieur [H] [K] ;
- DÉBOUTÉ Monsieur [H] [K] de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de saisine préalable du Conseil de l'Ordre des Architectes ;
- DÉBOUTÉ le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] et Monsieur [H] [K] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- RESERVÉ les dépens ;
- RENVOYÉ le dossier à l'audience de mise en état du 13 octobre 2022 à 9h30 pour conclusions au fond de Monsieur [H] [K].
Par déclaration au greffe en date du 11 août 2022, Monsieur [K] a interjeté appel.
Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, Monsieur [K] demande à la cour de :
Vu les dispositions du code de procédure civile,
Vu l'article R. 212-2, 10° du code de la consommation,
Vu le contrat de maîtrise d'oeuvre,
Vu la jurisprudence,
DIRE Monsieur [K] recevable et fondée en son appel.
INFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du 22 juillet 2022 dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
DECLARER l'action engagée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à l'encontre de Monsieur [K] irrecevable ;
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] de ses demandes contre Monsieur [K] ;
PRONONCER la mise hors de cause de Monsieur [K] ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens, dont distraction sera faite, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
Vu l'article 789 du code de procédure civile,
Vu le contrat d'architecte,
Le syndicat des copropriétaires demande à la Cour de :
- CONFIRMER l'ordonnance en date du 22 juillet 2022 ;
Et en conséquence,
- JUGER la présente action recevable ;
- DEBOUTER Monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes ;
- CONDAMNER Monsieur [K] à lui payer la somme de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ;
- CONDAMNER Monsieur [K] les dépens liés à la procédure d'incident.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2023, l'affaire appelée à l'audience du 23 mai 2023 et mise en délibéré.
Motivation
MOTIVATION
Sur la recevabilité du recours du syndicat des copropriétaires
Le juge de la mise en état a débouté Monsieur [K] de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires pour défaut de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes au motif que la clause du contrat prévoyant cette modalité serait abusive.
Monsieur [K] sollicite l'infirmation de l'ordonnance contestant son caractère abusif au regard du droit de la consommation dès lors que la clause n'impose pas à titre exclusif un recours à un mode alternatif de règlement des litiges. Il ajoute qu'elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties puisque l'obligation est réciproque et que l'ordre des architectes n'est saisi que pour avis.
Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation de la décision du juge de la mise en état considérant que la clause est abusive, et en tout état de cause inapplicable dès lors qu'elle n'impose pas une médiation ou une conciliation préalable. Il ajoute qu'il recherche la responsabilité de Monsieur [K] pour manquement aux missions lui ayant été confiées et n'était pas tenu de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes dans cette hypothèse.
Réponse de la cour :
En vertu de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'article R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10° du même code dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
Enfin, selon l'article R. 632-1 dans sa rédaction issue de la loi n 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.
Il est jugé au visa de ces textes que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause (3 Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n 21-11.095, publié).
Il convient de préciser que la notion de non-professionnel utilisée par le législateur français n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives. (1 Civ., 15 mars 2005, n°02-13.285).
En l'espèce, le contrat conclu entre Monsieur [K], architecte, et le syndicat des copropriétaires contient une clause ainsi libellée : « « En cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir en premier lieu pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes d'Ile-de-France. ».
Le syndicat des copropriétaires personne morale de droit privé, qui a pour objet la conservation et l'administration des parties communes, doit être qualifié de non-professionnel et peut, à ce titre, bénéficier de la protection contre les clauses abusives.
En l'espèce, si le contrat prévoit la saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, il ne peut être considéré que cette dernière aurait un caractère abusif en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif entre Monsieur [K], professionnel, et le syndicat des copropriétaires. En effet, elle n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice de l'action en justice ou des voies de recours par le syndicat, notamment en l'obligeant à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. Le CROA n'est saisi que pour avis lequel est utile à la résolution du litige et il s'agit d'un avis préalable à la saisine de la juridiction et non un mode alternatif de règlement des conflits.
Il n'est pas contesté par le syndicat des copropriétaires qu'il n'a pas saisi préalablement le conseil régional de l'ordre des architectes comme le prévoyait le contrat. Les demandes de ce dernier à l'égard de Monsieur [K], architecte, sont donc irrecevables.
En conséquence de ce qui précède, l'ordonnance sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le syndicat des copropriétaires qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 22 juillet 2022 ;
Statuant à nouveau,
DIT que la clause du contrat d'architecte conclu entre Monsieur [K] et le syndicat des copropriétaires et prévoyant la saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes n'est pas abusive ;
DÉCLARE irrecevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de Monsieur [K] faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.