CA Limoges, ch. soc., 22 février 2024, n° 23/00033
LIMOGES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Solendal (Sasu)
Défendeur :
Diamyx.com (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pugnet
Conseillers :
Mme Voisin, Mme Chaumond
Avocats :
Me Chabaud, Me Dauriac
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
La société SOLENDAL représente, en qualité d'agent exclusif sur le territoire français, les produits de marque R-Tile et R-Tile DESIGN fabriqués par la société R-TEK MANUFACTURING.
Dans ce contexte, un contrat de 'sous-agent' commercial a été conclu le 01 juillet 2018 par la société SOLENDAL avec la société DIAMYX.COM représentée par M. [K] [C], associé unique et gérant, dans le secteur géographique couvrant les départements 04, 06, 83, 84, 13, 30, 48, 34, 11 et 66, auparavant géré avec profit par la société SOLENDAL elle-même.
Cependant, et alors que l'engagement contractuel ne le prévoyait pas, la société SOLENDAL a versé à la société DIAMYX.COM des commissions pour des commandes grands comptes qu'elle a directement concrétisées sur le secteur de cette dernière, mais sans aucune action spécifique de la part de la société DIAMYX.COM.
Celle-ci se contentant ainsi de percevoir les commissions sans exercer véritablement son activité de sous-agent, la société SOLENDAL a décidé de rompre le contrat pour faute par courrier avec demande d'avis de réception du 08 mars 2021.
Par courrier du 05 mai 2021, la société DIAMYX.COM a alors réclamé un rappel de commissions et le paiement d'une indemnité de cessation sur le fondement de l'article L. 134-12 du code de commerce, puis a assigné la société SOLENDAL devant le tribunal de commerce de Limoges pour obtenir le paiement des sommes qu'elle estimait dues.
Par jugement en date du 12 décembre 2022, le tribunal de commerce de Limoges a :
- dit et jugé la rupture du contrat d'agent commercial pour faute grave de la société DIAMYX.COM parfaitement fondé ;
En conséquence :
- débouté la société DIAMYX.COM de sa demande en paiement d'une indemnité de cessation ;
- débouté la société DIAMYX.COM de sa demande faite au titre du dossier Arc-En-Ciel ;
Puis :
- constaté que le taux de commission prévu au contrat est de 7 % ;
En conséquence :
- condamné la société SOLENDAL à payer à la société DIAMYX.COM la somme de 6 703,50 euros HT au titre de rappel de taux contractuel pour les commissions payées au taux illicite de 5 % ;
- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17/08/2021 avec capitalisation des intérêts à compter du 17/08/2022 ;
- débouté la société DIAMYX.COM de sa demande en dommages et intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société SOLENDAL aux entiers dépens de l'instance, le coût de la présente décision liquidé à la somme de 60,22 euros dont 10,04 euros de TVA.
La société SOLENDAL a interjeté appel de la décision le 11 janvier 2023.
Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 12 septembre 2023, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable son appel limité ;
- réformer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société DIAMYX.COM la somme de 6 703,50 euros HT ;
Et, statuant à nouveau, de :
- débouter la société DIAMYX.COM de l'ensemble de ses demandes, déclarées mal fondées ;
- débouter en toute hypothèse la société DIAMYX.COM de son appel incident, déclaré mal fondé ;
- condamner la société DIAMYX.COM à lui payer une indemnité de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en accordant pour ces derniers à Maître Philippe CHABAUD, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08/03/2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- l'article 6.1 du contrat établi entre les parties prévoit que 'en contrepartie de ses services, l'Agent percevra une commission dont le taux est fixé à :
- 10 % du chiffre d'affaires HT net pour les dalles R-Tile sur Tarif France,
- 7 % du chiffre d'affaires HT net pour les dalles R-Tile sur le tarif grossiste revendeur. Chiffre d'affaires réalisé grâce à l'action de l'Agent sur son secteur, comprenant le chiffre d'affaires direct et indirect.
Cette commission est établie suivant les tarifs en vigueur ; en cas de dérogation aux tarifs (prix spécial), la commission 'ponctuelle' sera établie d'un commun accord entre les parties et confirmée par écrit (mail ou fax) par le Commettant' ;
- le système prévoyait qu'elle dresse des tableaux de commissionnement mensuel et que, chaque mois, la société DIAMYX.COM émette une facture ;
- pendant trois ans, la société DIAMYX.COM a ainsi reçu les tableaux et émis les factures correspondantes sans remettre en cause le taux de 5 % appliqué, ce qui démontre son acceptation non équivoque de l'évolution des conditions conventionnelles ;
- le pourcentage de 5 % correspondait à la rémunération des 'grands comptes' mais qui n'était pas obligatoire aux termes du contrat, et celui de 7 % à celle des contrats directement apportés par la société DIAMYX.COM, pour lesquels elle avait apporté son concours ;
- l'émission de facture avec un taux de 5 % vaut acceptation sans réserve d'une évolution contractuelle.
Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 25 juillet 2023, la société DIAMYX.COM demande à la cour de :
- débouter la société SOLENDAL de sa demande en réformation du jugement ;
- constater en statuant à nouveau sur les faits suivants :
1 - sur le rappel du taux contractuel :
- le taux de 7 % quant à la commission de l'Agent est en l'espèce parfaitement justifié au vu du contrat et de l'espèce ;
2 - sur l'absence de faute grave et le droit à indemnisation :
- l'absence de faute grave de la part de la société DIAMYX.COM dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;
3 - sur l'impossibilité de priver de son indemnité de clientèle un agent commercial a posteriori de la résiliation du contrat :
- la société SOLENDAL est dépourvue de tout argument lui permettant de justifier toute privation d'indemnité de cessation ;
En conséquence, de :
- condamner la société SOLENDAL au paiement de l'indemnité de cessation à hauteur de 47 204,39 euros ;
- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution de la décision.
Elle soutient que :
- le fait générateur des commissions était le chiffre d'affaires réalisé 'grâce à l'action de l'Agent sur son secteur', que ce chiffre d'affaires soit direct ou indirect ; que deux taux de commission avaient été fixés par les parties, l'un à 10 % pour les dalles R-Tile vendues au Tarif France, l'autre à 7% pour les dalles R-Tile vendues au Tarif Grossiste Revendeur ;
- entre 2019 et 2020, son chiffre d'affaires 'revendeurs' a baissé de 59 %, celui 'grands comptes' a augmenté de 88 % de sorte que sa progression restait positive de 3 %, ce qui n'était pas le cas de tous les autres agents commerciaux, certains enregistrant une progression moindre, voire une baisse sensible du chiffre d'affaires entre les deux années de référence ;
- le 08 mars 2021, la société SOLENDAL a brutalement et unilatéralement décidé de rompre le contrat moyennant le respect d'un préavis de trois mois ;
- elle a alors émis une facture correspondant à 24 mois de commissions à titre d'indemnisation, conformément aux dispositions de l'article L. 134-12 du code commerce et à l'article 7 de la convention, et demandé le paiement des commissions, partiellement réglées au taux de 5 %, au taux contractuel de 7 % ;
- elle a mis la société SOLENDAL en demeure de s'exécuter par courriers recommandés avec demande d'avis de réception des 17 et 27 août 2021.
Toutefois, par ordonnance en date du 27 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'appel incident formé par la société DIAMYX.COM dans ses conclusions notifiées le 23 juin 2023 ;
- condamné la société DIAMYX.COM aux dépens de l'incident ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile :
- débouté la société SOLENDAL de sa demande en paiement d'une indemnité.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le taux de commission applicable :
Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.
L'article 1104 ajoute : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public'.
Au cas d'espèce, le contrat conclu entre les parties prévoit, en son article 6, que :
'6.1 En contrepartie de ses services, l'Agent percevra une commission dont le taux est fixé à :
- 10 % (dix pour cent)du Chiffre d'affaires HT, net, pour les dalles R-Tile sur Tarif France
- 7 % (sept pour cent) du Chiffre d'affaires HT, net, pour les dalles R-Tile sur Tarif Grossiste Revendeur,
Chiffre d'affaires réalisé grâce à l'action de l'Agent sur son secteur, comprenant le chiffre d'affaires direct et indirect.
Cette commission est établie suivant les tarifs en vigueur, en cas de dérogation aux tarifs (prix spécial) la commission 'ponctuelle' sera établie d'un commun accord entre les parties et confirmée par écrit (mail ou fax) par le Commettant.
6.2 Les commissions seront réglées à 90 jours suivant la date de la commande du client.
6.3 En cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, l'Agent percevra ses commissions pour toutes les commandes acceptées qui n'auraient pas encore été livrées, facturées ou payées au jour de la cessation du contrat'.
Or, il est constant et non contesté que, pendant toute la durée du contrat de 'sous-agent' commercial, les commissions versées par la société SOLENDAL à la société DIAMYX.COM l'ont été au taux de 5 %, soit à un taux qui n'est pas prévu au contrat.
Pour s'en justifier, la société SOLENDAL fait valoir que, en dépit de l'engagement contractuel, elle a néanmoins versé à la société DIAMYX.COM des commissions pour les commandes grands comptes concrétisées sans aucune action spécifique de la société DIAMYX.COM qui n'exerçait pas véritablement son activité de sous-agent commercial.
La société DIAMYX.COM rétorque que le contrat litigieux prévoyait que la 'commission est établie suivant les tarifs en vigueur, en cas de dérogation aux tarifs (prix spécial) la commission 'ponctuelle' sera établie d'un commun accord entre les parties et confirmée par écrit (mail ou fax) par le Commettant'.
Elle soutient donc que l'interprétation de cette clause doit tendre vers un formalisme strict pouvant être qualifié de ad validitatem : la commission est un élément essentiel de la relation contractuelle de sorte que l'agent ne peut vouloir la modifier par la simple émission d'une facture. En l'espèce, la facture n'est, selon elle, que le seul élément déclencheur de la rémunération et non celui actant un quelconque accord entre les parties.
Toutefois, il apparaît, dans un premier temps, que la société DIAMYX.COM commet une erreur d'interprétation de la clause du contrat dont elle se prévaut : en effet, et c'est là toute l'importance de la virgule, la confirmation par écrit du commettant ne concerne que la commission spéciale 'ponctuelle' en cas de dérogation aux tarifs, qui doit alors être établie d'un commun accord entre les parties. Pour ce qui concerne le règlement de la commission au 'sous-agent' il intervient, toujours aux termes du contrat, '90 jours suivant la date de la commande du client'.
Pour le surplus, il ressort des termes même du contrat, comme le soutient la société SOLENDAL, que l'action génératrice de la commission réside dans le 'chiffre d'affaires réalisé grâce à l'action de l'Agent sur son secteur, comprenant le chiffre d'affaires direct et indirect'.
Or, si le chiffre d'affaires global de la société DIAMYX.COM est en baisse d'une année sur l'autre, il n'est jamais nul, ce qui induit nécessairement l'existence d'une activité du 'sous-agent' ; la société SOLENDAL le concède d'ailleurs dans ses écritures, lors qu'elle expose que 'la société DIAMYX.COM se contentait d'encaisser des commissions sans exercer véritablement son activité de sous-agent commercial'.
Par ailleurs, la société SOLENDAL fait état de 'grands comptes' pour lesquels le pourcentage de rémunération, non obligatoire aux termes du contrat, serait de 5 %. Cependant, il n'est nullement fait mention au contrat de ces 'grands comptes' et de leur rémunération spécifique.
En conséquence, si la société SOLENDAL exprime son insatisfaction sur le chiffre d'affaires réalisé par la société DIAMYX.COM, elle n'établit ni que l'activité de cette dernière était nulle ni que les seules actions qu'elle aurait menées à bien relèveraient de l'activité 'grands comptes' hypothétiquement rémunérée à 5 %.
Elle ne rapporte pas davantage la preuve d'une acceptation, par la société DIAMYX.COM, de la modification unilatérale qu'elle opère sur la rémunération contractuellement prévue : la preuve en est le courriel en date du 06 février 2020 adressé par le gérant de la société DIAMYX.COM à la société SOLENDAL et que produit cette dernière, ainsi rédigé : 'Bonjour [J],
Je ne comprends pas bien les com, il me semble que tu as dit en Irlande que les com netto était de 7%. Là il y a du 7 et du 5 %.
Peux-tu m'éclairer.
Merci d'avance [K]'
En conséquence, faute pour la société SOLENDAL de rapporter la preuve de ce que les commissions versées à hauteur de 5 % seraient indues faute de chiffre d'affaires réalisé par la société DIAMYX.COM, que serait contractuellement prévu le versement d'une commission de 5% pour l'apport de certaines commandes, alors que ledit contrat ne mentionne que des commissions de 7 ou 10 %, ou que la société DIAMYX.COM aurait accepté le versement de commissions de 5 %, modifiant ainsi les termes du contrat initial, il y a lieu de débouter la société SOLENDAL de sa demande de réformation partielle du jugement rendu le 12 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Limoges.
La décision critiquée de ce chef sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société SOLENDAL à payer à la société DIAMYX.COM la somme de 6 703,50 euros HT outre intérêts au taux légal à compter du 17 août 2021, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts à compter du 17 août 2022.
- Sur les demandes accessoires :
La société SOLENDAL qui succombe, supportera les entiers dépens.
Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, rendu par mise à disposition et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DÉBOUTE la société SOLENDAL de sa demande de réformation partielle du jugement rendu le 12 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Limoges ;
CONFIRME le jugement critiqué en ce qu'il a condamné la société SOLENDAL à payer à la société DIAMYX.COM la somme de 6 703,50 euros (six mille sept cent trois euros et cinquante centimes) HT, outre intérêts au taux légal à compter du 17 août 2021, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts à compter du 17 août 2022 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la société SOLENDAL aux entiers dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.