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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 22 février 2024, n° 20/17521

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SCI Noah (SCI)

Défendeur :

Ghozzi Voyages (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Schwab, Me Barrillon, Me Ohana

TJ Paris, du 20 nov. 2020, n° 18/02257

20 novembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 14 septembre 2012, la SCI NOAH a donné à bail en renouvellement à la société GHOZZI VOYAGES des locaux à usage d'agence de voyages dépendant d'un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 8], moyennant un loyer annuel en principal de 22.120 euros hors taxes et hors charges pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 1er mai 2009.

Par acte extrajudiciaire du 25 octobre 2017, la SCI Noah a délivré congé au preneur pour le 30 avril 2018 et proposé le renouvellement du bail à compter du 1er mai 2018 moyennant un loyer annuel en principal de 48.000 euros.

Les parties ne s'accordant pas sur le montant du loyer du bail renouvelé, la SCI NOAH a fait assigner la société GHOZZI VOYAGES devant le juge des loyers commerciaux de Paris, lequel par jugement mixte en date du 25 mai 2018, a constaté le principe du renouvellement du bail liant les parties à compter du 1er mai 2018 par l'effet du congé avec offre de renouvellement ainsi que l'acceptation du principe du renouvellement par la locataire, dit que le prix du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative déterminée selon l'article R. 145-11 du code de commerce et désigné Mme [U] [C] en qualité d'expert judiciaire aux fins de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er mai 2018 au regard des dispositions de l'article R. 145-11 du code de commerce.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 avril 2019 concluant à une valeur locative en renouvellement au 1er mai 2018 égale à la somme en principal de 40.500 euros.

Par jugement du 20 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé à la somme de 31.409 euros (trente et un mille quatre cent neuf euros), en principal, hors taxes et charges, par an à compter du 1er mai 2018, le montant du loyer du bail renouvelé entre, d'une part, la SCI NOAH, et, d'autre part, la société GHOZZI VOYAGES et portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8] ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 5 février 2018 pour les loyers avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;

- partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 3 décembre 2020, la SCI NOAH a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance sur incident du 15 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a:

- rejeté l'exception d'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non recevoir ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel soulevée par la SCI NOAH ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI NOAH aux dépens de l'incident.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 octobre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 02 juin 2023, la SCI NOAH, appelante, demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé, prenant effet le 1er mai 2018, à la somme en annuel et principal, hors charges et hors taxes, de 31.409 €.

A titre principal,

- fixer le loyer annuel en principal à la somme de 47.000 € (valeur locative en renouvellement de 48.000 €, sous déduction de 1.000 € au titre de l'impôt foncier) pour un bail renouvelé pour neuf ans à compter du 1er mai 2018, aux clauses et conditions du bail précédent.

A titre subsidiaire,

- fixer le prix du loyer annuel en principal à la somme de 41.400 € correspondant à l'estimation de l'expert judiciaire, hors abattement pour clause de mise aux normes.

- condamner la société GHOZZI VOYAGES à payer à la société SCI NOAH, en application des dispositions de l'article 700 du code de Procédure Civile, la somme de 4.000 € en raison des frais irrépétibles occasionnés par la présente instance.

- condamner la société GHOZZI VOYAGES aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 06 juin 2023, la société GHOZZI VOYAGES, intimée, demande à la Cour de :

- recevoir la société GHOZZI en ses écritures, fins et conclusions et appel incident et l'y déclarer bien fondée,

- réformer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé, prenant effet le 1er mai 2018, à la somme en annuel et principal, hors charges et hors taxes, de 31.409 €.

A titre principal,

- retenir la surface pondérée des locaux à 43,59 m²P

- dire n'y avoir aucune évolution favorable au cours du bail écoulé des facteurs locaux de commercialité des lieux loués à la société Ghozzi, eu égard à son activité exercée

- écarter les loyers décapitalisés, conformément à la jurisprudence applicable citée

- fixer le prix unitaire à 585 euros m²P

En conséquence,

- fixer le loyer annuel en principal à la somme de 24 500 € (valeur locative en renouvellement de 25 500 €, sous déduction de 1.005 € au titre de l'impôt foncier) pour un bail renouvelé pour neuf ans à compter du 1er mai 2018, aux clauses et conditions du bail précédent.

A titre subsidiaire,

- fixer le prix du loyer annuel en principal à la somme de 27 328 euros (valeur locative en renouvellement de 28 333 € (650*43,59) sous déduction de 1.005 € au titre de l'impôt foncier);

- et confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts

En tout état de cause,

- fixer le prix du loyer annuel en principal à la somme de 21 662 euros (valeur locative au 1er mai 2021 de 22 667 € (520*43,59) sous déduction de 1.005 € au titre de l'impôt foncier), et ce, à compter du 1er mai 2021, date de la première révision triennale ;

- débouter la SCI NOAH en ses demandes au titre de l'article 700 du CPC et des dépens ;

- débouter la SCI NOAH de toutes ses demandes plus amples ou contraires dirigées à l'encontre de la société GHOZZI,

- condamner la société SCI NOAH à payer à la société GHOZZI VOYAGES, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5000 € en raison des frais irrépétibles occasionnés par la présente instance.

- condamner la société SCI NOAH aux entiers dépens de première instance, en ce inclus les coûts d'expertise, et les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des appelants.

MOTIFS DE L'ARRET

Les parties sont en désaccord sur la surface des locaux loués et sur la valeur locative unitaire retenue.

Sur la surface des locaux:

La société GHOZZI VOYAGES conteste la surface réelle et la surface pondérée retenues par le jugement déféré pour calculer la valeur locative. Elle soutient qu'en réalité, la surface du sous-sol est de 25,10 m² selon le plan de géomètre et le rapport d'expertise amiable de M. [B] du 14 avril 2021 et non de 26,70 m² comme retenu par le jugement conformément au rapport d'expertise judiciaire car la surface de l'escalier doit être déduite.

La SCI NOAH fait valoir que la surface de 26,70 m² retenue par l'expert judiciaire M. [Z] lors de la précédente procédure de fixation de loyer, par l'expert amiable M. [N] et par l'expert judiciaire Mme [C] dans la présente procédure n'a pas été contestée lors de cette expertise ni devant le juge en première instance; que le géomètre M. [T] a indiqué dans son relevé en date du 30 avril 2010 une surface de 26,70 m² pour le sous-sol ; que la société GHOZZI VOYAGES omet de prendre en compte la surface du sol correspondant à l'emprise de l'escalier au sous-sol s'élevant à 1,60 m² ; que la surface réelle du sous-sol est donc de 26,70 m² et non de 25,10 m² ; que la surface réelle du sous-sol ne saurait être différente d'un renouvellement à l'autre alors même qu'aucune modification de cette surface n'est intervenue au cours du bail écoulé.

Il résulte de la charte de l'expertise en évaluation judiciaire, à laquelle se réfèrent l'expert et les parties, que la surface pondérée se calcule en appliquant un coefficient de pondération à la surface utile des locaux. Ainsi que le rappelle la charte et les rapports d'expertise de Mme [C] et M. [N] la surface utile brute correspond à la surface de plancher de la construction déduction faite notamment des éléments structuraux (poteaux, murs extérieurs ...) et des circulations verticales qui comprennent les escaliers. Contrairement à ce que soutient l'appelante pour établir la surface brute, la déduction de la surface d'emprise d'escalier se fait sans distinction selon qu'il s'agisse de la trémie de l'étage supérieur ou de l'emprise au sol de l'espace inférieur. Or, il ressort du plan du géomètre M. [T] que s'agissant du sous-sol, outre les surfaces non discutées des WC (1,60 m²) et du vestiaire (1,50 m²), la surface de la réserve s'élève à 22 m² et celle de l'escalier à 1,60 m². C'est donc à tort que le jugement déféré a retenu la surface de 23,60 m² proposée par l'expert judiciaire puisque la surface de 1,60 m² relative à l'escalier ne devait pas s'ajouter à la surface de 22 m² relevé par le géomètre pour la réserve. Il en résulte que la surface totale brute à retenir correspond à la surface non contestée du rez-de-chaussée de 39,30 m² et à celle de 25,10 m² pour le sous-sol (22 + 1,50 + 1,60).

Au regard des fourchettes de coefficients de pondération proposées pour chaque zone de locaux par la charte de l'expertise d'évaluation immobilière, de la configuration des locaux en angle avec un pan coupé, du type d'activité exercée, la distinction d'une zone d'angle de 19,40 m² et d'une autre zone de 19,90 m² proposée par M. [Z] lors de la précédente procédure de fixation de loyers et reprise par Mme [C] dans la présente procédure apparaît adaptée, de même que la pondération proposée par ces deux experts, soit 1,20 pour la zone d'angle de 5m (19,40 m²) puis 1 pour le reste du rez-de-chaussée apparaît adaptée. Il n'y a pas lieu de retenir les surfaces respectives de 16 m² et 23,30 m² ni les coefficients plus faibles, respectivement de 1,10 et de 0,9, proposés par la locataire pour ces deux zones, qui ne sont pas justifiés s'agissant d'une activité d'agence de voyage, soit une surface pondérée de 43,18 m² (19,40 x 1,20 + 19,90 X 1) au rez-de-chaussée comme proposé par l'expert judiciaire et retenu par le tribunal.

De même, s'agissant du sous-sol, au regard de la charte précitée et de l'usage fait de l'espace, des propositions faites par l'expert judiciaire ainsi que l'expert amiable M. [N] d'appliquer un coefficient de 0,25 pour toute la surface, c'est à juste titre que le jugement déféré a retenu le coefficient de 0,25 pour l'ensemble du sous-sol. Le coefficient inférieur de 0,20 pour toute la surface proposée par la locataire conformément au vu du rapport de son expert amiable M. [B] n'apparaît pas justifié. Compte tenu de la correction effectuée ci-dessus de la surface utile, la surface pondérée retenue pour le sous-sol est de 6,27 m² (25,10 x 0,25), soit une surface totale pondérée totale de 49,45 m2.

Sur la valeur locative:

Ainsi que l'a décidé le jugement mixte du 25 mai 2018, s'agissant d'une activité assimilable à une activité de bureau, le loyer du bail renouvelé échappe aux règles du plafonnement, de sorte que le prix du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative conformément à l'article R. 145-11 du code de commerce, c'est à dire ' par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux en référence', les dispositions de l'article R. 145-7 alinéa 2 et 3 selon lesquelles à défaut d'équivalence, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface 'peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence' étant applicables. Les références proposées doivent donc porter sur plusieurs locaux et être corrigées à raison des différences de situation relatives notamment à l'activité exercée, l'emplacement, la date de fixation des prix et le contexte de cette fixation. Ainsi, il convient de se référer aux prix pratiqués aussi bien pour les loyers des baux renouvelés amiablement, que pour les loyers fixés judiciairement et les nouvelles locations. S'agissant de ces dernières, il n'y a pas lieu d'exclure les loyers décapitalisés incluant les droits d'entrée ou droit au bail, qui, rapprochés des loyers fixés selon d'autres modalités, permettent d'apprécier l'attractivité d'un emplacement, la spécificité de ces droits d'entrée pouvant inclure d'autres éléments de valorisation que l'économie de loyer devant toutefois être prise en considération dans l'appréciation du loyer résultant de la décapitalisation.

A titre d'éléments de comparaison il y aura lieu d'examiner non seulement les loyers du voisinage pour les locaux à destination de bureaux mais aussi les loyers des boutiques puisque les locaux en cause sont constitués d'une boutique en rez-de-chaussée avec les avantages en résultant relatifs à la facilité d'accès. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que s'agissant d'un 'bureau-boutique', la valeur unitaire retenue ne sera pas une moyenne des loyers de références mais devra être appréciée en considération des différences constatées avec les locaux de références pour retenir la valeur la plus pertinente au regard des caractéristiques du local en cause.

Dès lors qu'il s'agit de rechercher la valeur locative des locaux loués à la date du renouvellement du bail les développements de la locataire relatifs à l'évolution des facteurs locaux de commercialité sur son activité sont inopérants. De même, il est inopérant de faire état de la baisse des prix du marché résultant de la crise sanitaire liée au COVID et de ses éventuelles conséquences sur le prix du loyer révisé au 1er mai 2021, ou de se prévaloir de la fermeture de certains commerces présentés en référence, s'agissant d'évènements postérieurs à la date du renouvellement dont on ignore la cause.

Il convient de reprendre la description des lieux donnés à bail faite dans le jugement déféré sur la base de l'expertise judiciaire, résultant des constatations objectives non contestées faites par l'expert lors de sa visite sur place le 17 juillet 2018, dont il résulte que ces lieux se situent dans le quartier tendance et très fréquenté du [Adresse 10], zone de tourisme international, à l'angle de la [Adresse 11] et de la [Adresse 12], voie à sens unique, offrant un stationnement de surface unilatéral, dont la commercialité de proximité est bonne et bénéficie de la proximité du marché des Enfants Rouges et du Carreau du Temple ainsi que d'une bonne desserte en transports en commun assurée par les stations de métro « Saint Sébastien Froissart », « Filles du Calvaire » situées à 350 mètres et dont la fréquentation a augmenté respectivement de 3,64 % et 2,29 % entre 2009 et 2015 ; que ces locaux situés au rez-de-chaussée d'un immeuble ancien de style art nouveau, de bonne qualité de bâti, à la façade ravalée, présentent un grand linéaire en angle pan coupé de 4,70 mètres, leur assurant une belle visibilité et comprennent au rez-de-chaussée, une aire unique de vente agencée avec un grand comptoir d'accueil et de vente présentant une bonne configuration adaptée à l'activité d'agence de voyages, et au sous-sol relié par un escalier l'hélicoïdal en bois, une grande réserve-bureau avec un coin cuisine, des sanitaires et des vestiaires.

Mme [C] relève que si, au cours de la période 2009-2015, la population du quartier a légèrement baissé, la part des cadres, professions intellectuelles et des retraités a en revanche augmenté, que la moyenne des revenus a progressé de + 10,13 % et que les constructions nouvelles ou rénovations dans la zone des 400 mètres autour des locaux loués représentent sur cette période une surface totale de 31.788 m². Elle souligne une absence de concurrence immédiate.Il ressort de ces éléments une évolution favorable, au cours du bail écoulé, de la commercialité des lieux loués.

La SCI NOAH reproche au jugement déféré de ne pas avoir repris les conclusions de l'expert judiciaire fixant la valeur locative au prix unitaire de 850 €/m2P, bien qu'il ait retenu la pertinence des éléments de référence proposés par ce dernier. Elle se prévaut notamment du rapport d'expertise amiable de M. [N] du 24 novembre 2017 qui propose un prix unitaire de 1.024 € et du bail commercial consenti à compter du 1er mai 2018 à la société LADUREE dans le local voisin du même immeuble moyennant un loyer de 75.000 € pour 40 m2, soit 1.875 €/m²P.

Les conclusions de l'expert judiciaire ne s'imposent pas au juge qui peut en reprendre les éléments techniques tout en faisant une analyse différente.

S'agissant du bail qui aurait été consenti à la société LADUREE l'expert judiciaire et le jugement déféré n'ont pas retenu cette référence puisqu'il n'est produit qu'une lettre d'intention et non le contrat de bail définitif, lequel n'est toujours pas produit en appel. Or, ce contrat peut porter sur un loyer différent et contenir des conditions contractuelles spécifiques ayant influé sur le prix du loyer. Si la lettre d'intention produite révèle l'ordre de prix de la négociation relative à ce local, il faut toutefois prendre en considération que la société LADUREE a une activité de pâtisserie de luxe exercée dans le cadre d'une enseigne nationale poursuivant une stratégie commerciale d'implantation géographique ayant des répercussions sur le montant des loyers acceptés par elle, non comparable à l'activité d'agence de tourisme exercée dans le local en cause.

Mme [C] a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant et pour des locaux similaires, avec des références relatives à des boutiques et des références de bureaux qu'elle cite et a également repris certaines des références mentionnées par M. [N] dans l'expertise amiable réalisée pour la bailleresse. Parmi toutes les références citées, certains baux apparaissent dans deux rubriques distinctes, l'une où apparaît le montant nominal du loyer et l'autre où apparaît les loyers décapitalisés ou reconstitués, intégrant un droit d'entrée ou un droit au bail, cette seconde rubrique devant être prise en considération mais en la modérant compte tenu de la spécificité des droits au bail ou d'entrée ainsi décapitalisé.

La société GHOZZI VOYAGES se prévaut du rapport d'expertise réalisé pour son compte par M. [B] après le jugement déféré, le 14 avril 2021. Ce rapport propose des éléments de référence identiques à ceux présentés par M. [N] repris dans le rapport de Mme [C] mais avec des valeurs différentes. Il apparaît ainsi des distorsions notamment pour les commerces suivants:

- SCOOP ME COOKIE,

selon M. [N], loyer nominal: 1.314 €/M² , loyer décapitalisé: 2.424 €/M² P ,

selon M. [B], loyer nominal: 130 €/M², loyer décapitalisé 328 €/M² P ,

- RUMBA

selon M. [N], loyer décapitalisé: 1.849 /m²

selon M. [B] 1.360 €/M² , loyer décapitalisé:1.738 €/M²

- [M] ,

selon M. [N] loyer nominal: 1.213 €/M² P loyer décapitalisé: 2.476 €/M² P

selon M. [B] loyer décapitalisé : 2.409 €/M²,

Compte tenu de ces importantes distorsions, les références proposées par M. [B] non discutées lors de l'expertise et sans production du contrat de bail ou du jugement correspondant ne seront pas retenues.

Pour la société PANT'S OFF, tant l'expert judiciaire que M. [B] retiennent pour une location nouvelle au 1er mai 2012 :655 € M²/P, elle sera retenue.

L'expert judiciaire présente deux fixations judiciaires, pour des locaux d'une surface de 297 m²P, à usages de fabricant de bijoux et de de 19,40m²P à usage de coiffeur-barbier, avec des prix unitaires respectivement de 320 euros/m²P au1er avril 2011 ([Adresse 14]) et de 428 euros/m²P en décembre 2015 ([Adresse 15]). Il n'y a pas lieu de retenir celle proposée par M. [N] dont la date d'effet au 15 janvier 2007 est trop ancienne au regard de la date de renouvellement du bail,

Mme [C] retient également les références d'une vingtaine de locations nouvelles et de cinq renouvellements de bail, en incluant les références proposées par M. [N], dont sera écartée celle du bail ayant effet au 1er janvier 2009 comme étant trop ancienne au regard de la date de renouvellement du bail.

S'agissant des 'bureaux-boutiques', les locations nouvelles pour la période de 2013 à 2015 situées dans le 3ème arrondissement dans le 'Haut [Adresse 10]'proches de la [Adresse 12], les prix du loyer sont de 320 €/M² (décapitalisé 500 €/M² P agence de voyages [Adresse 13]) et de 1.428 €M² P (agence immobilière [Adresse 6] : décapitalisé :1.849 €/M² P).

Les références de loyers présentées concernant les baux renouvelés sont de 353 €/M² P pour le bail renouvelé le 7 janvier 2015 d'une compagnie aérienne située boulevard [Localité 16], de 528 €/M² P pour le bail renouvelé le 1er juillet 2012 de l'agence BNP située [Adresse 7] et de 574 €/M² P pour le bail renouvelé le 1er janvier 2016 pour l'agence du Credit Agricole située [Adresse 2].

S'agissant des autres activités, les références de loyers pour des locations nouvelles dans le 3ème arrondissement comprenant des rues à forte commercialité du 'quartier traditionnel du [Adresse 10]' vont de 625 €/M² P à 2.167 €/M² P pour l'équipement de la personne (sacs, prêt à porter, cosmétique, vaisselle etc... décapitalisés de 863 €/M² P à 2.630 €/M² P). Pour les locaux situés dans la [Adresse 12], elle-même, les références de loyers de nouveaux baux relatifs à des commerces d'alimentation ou de restauration (café, caviste, pâtisserie, chocolatier...) conclus de 2012 à 2017 vont de 491 €/M² P ( [Adresse 2]: 1.855 €/M² P reconstitué) à 1.314 €/M² P ( [Adresse 5] :2.424 €/M² P reconstitué) .

Les références présentées concernant les baux renouvelés sont de 136 €/M² P pour un bail renouvelé le 1er avril 2013 relatif à une pharmacie située [Adresse 3] et de 2.017 €/M² P pour un bail renouvelé le 5 janvier 2014 relatif à une enseigne de prêt à porter située [Adresse 1].

Ces références sont pertinentes, s'agissant de locaux situés dans le quartier du local en cause, sauf à les corriger notamment en fonction de l'attractivité de l'emplacement, la date de renouvellement, la surface des locaux et l'activité concernée qui pour nombre d'entre elles, portent sur des commerces d'équipement de la personne ou de l'alimentation alors que le local en cause est un 'bureau-boutique'.

Au regard de l'ensemble de ces éléments notamment des caractéristiques des locaux loués, de leur destination, des obligations respectives des parties résultant du bail, des facteurs locaux de commercialité et des prix pratiqués dans le voisinage, c'est à juste titre que le jugement déféré a fixé à 650 euros le prix du m²P. C'est également à juste titre, et n'est plus contesté, que ce jugement a déduit une somme de 1.000 € pour compenser la clause mettant la taxe foncière à la charge de la locataire et qu'il a considéré que les stipulations contractuelles relatives aux travaux de mise en conformité ne justifiaient pas l'application d'un abattement.

Compte tenu de la surface pondérée fixée ci-dessus, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 31.409 euros la valeur locative annuelle en principal à compter du 1er mai 2018 et de fixer cette valeur à 31.142 € .(49,45 m² x 650 € - 1.000 €).

Les parties seront donc déboutées de leurs demandes relatives au montant du loyer du bail renouvelé. La société GHOZZI VOYAGES sera également déboutée de sa demande aux fins de voir fixer le loyer à la somme de 21.662 € lors de la première révision triennale le 1er mai 2021.

Sur les autres demandes

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'retenir', 'dire', 'écarter' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Les autres dispositions du jugement entrepris, notamment celles relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance doivent être confirmées.

La SCI NOAH dont les demandes ont été rejetées sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer une somme de 4.000 € à la société GHOZZI VOYAGES en application de l'article 700 du code de procédure civile . Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 20 novembre 2020 (N° RG 18/2257),

Le réforme en ce qu'il a fixé à la somme de 31.409 € hors taxes et hors charges, par an à compter du 1er mai 2018, le montant du loyer du bail renouvelé en cause portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8] ,

Le confirme en ses autres dispositions

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 31.142 € hors taxes et hors charges, par an à compter du 1er mai 2018, le montant du loyer du bail renouvelé entre la SCI NOAH et la société GHOZZI VOYAGES portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8] ,

Condamne la SCI NOAH à payer la société GHOZZI VOYAGES une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI NOAH de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la SCI NOAH aux dépens de la procédure d'appel.