TUE, 1re ch., 28 février 2024, n° T-7/19
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Scandlines Danmark ApS, Scandlines Deutschland GmbH, Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV, Naturschutzbund Deutschland eV (NABU), Trelleborg Hamn AB, Föreningen Svensk Sjöfart
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Spielmann
Juge :
M. Gâlea
Avocats :
Me Sandberg-Mørch, Me Mecklenburg, Me Hohmuth, Me Holdgaard
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, demandent l’annulation de la décision C(2018) 6268 final de la Commission, du 28 septembre 2018, concernant l’aide d’État SA.51981 (2018/FC), par laquelle celle-ci a considéré que les mesures adoptées par le Royaume de Danemark à l’égard de Femern A/S et de Femern Landanlæg A/S ne constituaient pas des aides d’État illégales et qu’il n’y avait pas lieu de soulever d’objections concernant l’injection de capital au bénéfice de Femern, celle-ci étant, en tout état de cause, compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Les requérantes font partie d’un groupe exploitant des transbordeurs qui assurent notamment des liaisons maritimes entre le Danemark et l’Allemagne.
3 La présente affaire concerne le projet de liaison du détroit de Fehmarn entre le Danemark et l’Allemagne (ci-après le « projet »), qui consiste, d’une part, en un tunnel ferroviaire et routier (ci-après la « liaison fixe ») et, d’autre part, en des connexions routières vers l’arrière-pays danois et en des connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois (ci-après les « connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays »).
4 Conformément à l’article 6 du traité entre le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne concernant la liaison fixe du détroit de Fehmarn, signé le 3 septembre 2008 et ratifié en 2009, et à la lov no 575 om anlæg og drift af en fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi no 575, relative à la construction et à l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons avec l’arrière-pays danois), du 4 mai 2015, deux entités publiques ont été chargées de l’exécution du projet. D’une part, Femern (anciennement Femern Baelt A/S) est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe. D’autre part, Femern Landanlæg est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays.
Procédure administrative
5 Par sa décision du 13 juillet 2009 dans l’affaire N 157/09 – Financement de la phase de planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn (JO 2009, C 202, p. 2, ci-après la « décision concernant la planification »), la Commission européenne avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures notifiées par les autorités danoises pour le financement de la planification du projet, évalué à 1,445 million de couronnes danoises (DKK) (environ 194 millions d’euros). Les mesures notifiées consistaient en une injection de capital et des garanties pour les prêts souscrits par Femern Baelt afin de financer la planification du projet. Dans cette décision, la Commission a conclu, d’une part, que les mesures liées au financement de la planification du projet pourraient ne pas constituer une aide d’État, dans la mesure où Femern Baelt avait agi en tant qu’autorité publique et, d’autre part, que même si ces mesures étaient susceptibles de bénéficier au futur exploitant de la liaison fixe, elles seraient, en tout état de cause, compatibles avec le marché intérieur.
6 Le 5 juin 2014, les requérantes ont déposé une plainte auprès de la Commission (ci-après la « plainte de 2014 ») par laquelle elles faisaient valoir que Femern et Femern Landanlæg avaient bénéficié d’aides illégales et incompatibles accordées en violation de la décision concernant la planification et que le financement public qui serait accordé au cours de la phase de construction impliquerait le versement d’aides incompatibles avec le marché intérieur.
7 Le 23 juillet 2015, faisant suite à la notification des mesures de financement pour la construction du projet par les autorités danoises, la Commission a adopté la décision C(2015) 5023 final, relative à l’aide d’État SA.39078 (2014/N) (Danemark), concernant le financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn et mentionnée au Journal officiel de l’Union européenne du 2 octobre 2015 (JO 2015, C 325, p. 5, ci-après la « décision concernant la construction »), par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections. Les mesures notifiées concernaient l’ensemble des coûts pour la construction du projet, y compris les coûts de planification. Ces mesures comprenaient des injections de capitaux effectuées en 2005 et 2009 ainsi que des garanties de l’État et des prêts de l’État accordés à Femern et à Femern Landanlæg. Dans cette décision, d’une part, la Commission avait considéré que les mesures accordées à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. D’autre part, elle avait considéré que les mesures accordées à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, même dans le cas où elles constitueraient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
8 Le 2 août 2016, les requérantes ont envoyé une lettre de mise en demeure à la Commission l’invitant à agir à l’égard de certaines mesures consenties en faveur de Femern et de Femern Landanlæg, mentionnées dans la plainte de 2014, qui n’auraient pas été examinées dans la décision concernant la construction.
9 Par une lettre du 30 septembre 2016 (ci-après la « lettre de la Commission du 30 septembre 2016 »), la Commission a répondu aux requérantes. D’une part, elle a affirmé que les allégations des requérantes concernant les redevances ferroviaires et l’utilisation de biens appartenant à l’État avaient déjà été abordées dans la décision concernant la construction. D’autre part, elle a estimé que les éléments invoqués par les requérantes concernant les mesures fiscales et l’application abusive présumée d’une aide pendant la phase de planification ne suffisaient pas à démontrer, à première vue, l’existence d’une aide illégale et a invité les requérantes à présenter leurs observations dans un délai d’un mois.
10 Le 30 octobre 2016, les requérantes ont envoyé une autre lettre à la Commission par laquelle elles maintenaient certaines allégations d’aides illégales formulées dans leur mise en demeure du 2 août 2016. En particulier, en premier lieu, s’agissant de la phase de planification, les requérantes faisaient valoir que la décision concernant la planification n’avait pas autorisé l’octroi de prêts de l’État à Femern ni l’octroi de garanties de l’État à Femern Landanlæg. Elles considéraient également que Femern avait obtenu une injection de capitaux dépassant de 10 millions de DKK le montant autorisé par la décision concernant la planification et que Femern et Femern Landanlæg auraient bénéficié de prêts de l’État pour un montant de 4 milliards de DKK en dépassement du montant de 1,445 million de DKK autorisé par ladite décision. Dans leur lettre, les requérantes soutenaient que ces mesures pour financer la planification n’avaient pas été autorisées ultérieurement par la décision concernant la construction. Par ailleurs, les requérantes estimaient que, au cours de la phase de planification, Femern et Femern Landanlæg avaient bénéficié d’avantages fiscaux non autorisés par la décision concernant la planification. En second lieu, s’agissant de la phase de construction du projet, les requérantes soutenaient que la décision concernant la construction n’aurait pas examiné la possibilité que les redevances ferroviaires et l’utilisation de biens appartenant à l’État constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
11 Le 10 janvier 2017, la Commission a invité les autorités danoises à formuler des observations sur les allégations contenues dans les lettres des requérantes du 2 août et du 30 octobre 2016. Les autorités danoises ont répondu par une lettre enregistrée par la Commission le 10 février 2017.
12 Par une lettre du 26 juillet 2018, enregistrée par la Commission le 30 juillet 2018 sous la référence SA.51981, les requérantes ont allégué que la Commission s’était abstenue de statuer sur certaines aides illégales et l’ont mise en demeure d’agir.
Décision attaquée
13 Le 28 septembre 2018, la Commission a adopté la décision attaquée par laquelle elle a conclu que ne constituaient pas des aides illégales :
– les garanties accordées à Femern Landanlæg ;
– les prêts accordés à Femern et à Femern Landanlæg ;
– les sommes prétendument versées en dépassement de la décision concernant la planification ; et
– les avantages fiscaux consentis en faveur de Femern et de Femern Landanlæg.
14 En outre, par ladite décision, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections contre l’augmentation de capital additionnelle accordée à Femern au motif que, pour autant qu’il s’agirait d’une mesure d’aide non couverte par la décision concernant la planification, ladite aide serait compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
Faits postérieurs au litige
Sur les suites des recours en annulation dirigés contre la décision concernant la construction
15 Par arrêts du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑630/15, non publié, EU:T:2018:942), et du 13 décembre 2018, Stena Line Scandinavia/Commission (T‑631/15, non publié, EU:T:2018:944), le Tribunal a partiellement annulé la décision concernant la construction.
16 Premièrement, s’agissant des financements publics accordés à Femern Landanlæg pour le financement de la planification, de la construction et de l’exploitation des connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois, le Tribunal a rejeté comme non fondés les moyens soulevés par les requérantes selon lesquels la Commission aurait commis une erreur de fait et de droit en concluant que lesdites mesures ne constituaient pas des aides d’État dès lors qu’elles n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par son arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (C‑174/19 P et C‑175/19 P, EU:C:2021:801), la Cour a rejeté les pourvois qui avaient été introduits par les requérantes.
17 Deuxièmement, en ce qui concerne les financements publics accordés à Femern pour la planification et la construction de la liaison fixe, le Tribunal, confirmé par la Cour qui a rejeté les pourvois, a, en revanche, accueilli les recours des requérantes au motif que la Commission avait manqué à l’obligation qui lui incombait en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE d’ouvrir la procédure formelle d’examen en raison de l’existence de difficultés sérieuses dans l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur des mesures accordées à Femern.
18 Par conséquent, à la suite de l’annulation partielle de la décision concernant la construction, la Commission a, par lettre du 14 juin 2019, notifié au Royaume de Danemark sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») en ce qui concerne les mesures relatives au financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn. Dans ladite lettre, la Commission a notamment conclu qu’il convenait de retirer la décision attaquée en tant qu’elle concerne les prétendues aides illégales accordées à Femern, à savoir les mesures accordées à ladite entité qui sont examinées dans les sections 4.2, 4.3, 4.4 et 4.5 de ladite décision. Le 5 juillet 2019, dans le cadre de l’affaire concernant l’aide d’État SA.39078 (2019/C) (ex 2014/N) mise à exécution par le Danemark en faveur de Femern, la Commission a publié au Journal officiel une invitation aux parties intéressées à présenter leurs observations en application de l’article 108, paragraphe 2, [TFUE] (JO 2019, C 226, p. 5).
19 À l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision (UE) 2020/1472, du 20 mars 2020, concernant l’aide d’État SA.39078 – 2019/C (ex 2014/N) mise à exécution par le Danemark en faveur de Femern (JO 2020, L 339, p. 1). Dans cette décision, d’une part, la Commission a considéré que les mesures comprenant l’amortissement des actifs, le report de pertes fiscales, le régime d’imposition commune, les redevances ferroviaires, l’utilisation gratuite des biens appartenant à l’État et les garanties de l’État portant sur des produits dérivés ne constituaient pas une aide d’État en faveur de Femern au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. D’autre part, elle a conclu que les mesures comprenant des injections de capitaux et une combinaison de prêts de l’État et de garanties de l’État en faveur de cette entreprise, que les autorités danoises avaient au moins partiellement mises à exécution illégalement, constituaient une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
Sur les recours en annulation dirigés contre la lettre de la Commission du 30 septembre 2016
20 Par ordonnance du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑890/16, non publiée, EU:T:2018:1004), le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 30 septembre 2016 au motif qu’il ne s’agissait pas d’un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Dans cette ordonnance, d’une part, le Tribunal a jugé que, en tant qu’elle concernait les redevances ferroviaires et l’utilisation gratuite des biens appartenant à l’État, ladite lettre constituait un acte confirmatif. D’autre part, en ce qui concerne les mesures contestées par les requérantes en rapport avec la phase de planification, il a jugé que ladite lettre constituait un acte préparatoire. Par ordonnance du 3 septembre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (C‑173/19 P, non publiée, EU:C:2021:699), la Cour a rejeté le pourvoi introduit contre l’ordonnance du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑890/16, non publiée, EU:T:2018:1004), comme étant manifestement non fondé.
Conclusions des parties
21 Les requérantes, soutenues par Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV (ci-après « Aktionsbündnis »), Naturschutzbund Deutschland eV (NABU), Trelleborg Hamn AB et Föreningen Svensk Sjöfart (FSS), concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conclut, dans le dernier état de ses conclusions, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les mesures consenties en faveur de Femern ;
– rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, non fondé en tant qu’il concerne les mesures en faveur de Femern Landanlaeg ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
23 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent sept moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant que les garanties accordées à Femern Landanlæg avaient été autorisées par la décision concernant la construction et qu’elles ne constituaient pas des aides d’État, le deuxième, de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant que l’aide accordée à Femern sous forme d’injection de capital et dépassant de 10 millions de DKK le montant autorisé par la décision concernant la planification était compatible avec le marché intérieur, le troisième, de ce que les prêts d’État accordés à Femern et à Femern Landanlæg n’ont pas été autorisés par la décision concernant la construction, de ce que ceux accordés à Femern Landanlæg constituent des aides d’État et de ce que ceux accordés à Femern sont des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, le quatrième, de ce que les prêts d’État accordés pour la phase de planification en dépassement du 1,445 million de DKK autorisé par la décision concernant la planification n’ont pas été autorisés par la décision concernant la construction et constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, le cinquième, de ce que la Commission a commis une erreur de droit en constatant que les avantages fiscaux ne constituent pas une aide d’État illégale, le sixième, de ce que la Commission aurait violé l’article 108, paragraphe 2, TFUE en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen et, le septième, de ce que la Commission aurait violé l’article 296 TFUE.
Sur l’objet du litige
24 La Commission fait valoir que, par l’adoption le 14 juin 2019, postérieurement à l’introduction du présent recours, de la décision d’ouverture, la décision attaquée a été retirée en tant qu’elle concerne les mesures consenties en faveur de Femern. Dès lors, la Commission et le Royaume de Danemark soutiennent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le chef de conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle concerne lesdites mesures.
25 Les requérantes considèrent que la décision attaquée n’a pas été retirée en ce qui concerne les mesures consenties en faveur de Femern. Selon les requérantes, Aktionsbündnis et Trelleborg Hamn, la décision mettant fin à la procédure formelle d’examen, à savoir la décision 2020/1472, n’aurait pas examiné les prêts accordés à Femern en dépassement du montant figurant dans la décision concernant la planification. Dès lors, il n’existerait pas de nouvelle décision concernant lesdits prêts.
26 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée). L’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (arrêts du 20 juin 2013, Cañas/Commission, C‑269/12 P, non publié, EU:C:2013:415, point 15, et du 15 décembre 2021, Oltchim/Commission, T‑565/19, EU:T:2021:904, point 72).
27 Il y a également lieu de rappeler que la disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1961, Meroni e.a./Haute Autorité, 5/60, 7/60 et 8/60, EU:C:1961:10, p. 213 ; ordonnances du 17 septembre 1997, Antillean Rice Mills/Commission, T‑26/97, EU:T:1997:131, points 15 et 16, et du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 15).
28 En effet, un acte qui est retiré et remplacé disparaît de l’ordre juridique de l’Union européenne, de sorte qu’une annulation de l’acte retiré n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences du retrait opéré (voir, en ce sens, ordonnances du 28 mai 1997, Proderec/Commission, T‑145/95, EU:T:1997:74, point 26 ; du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20, et du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23).
29 Il s’ensuit que, en principe, en cas de retrait de l’acte contesté, la partie requérante ne conserve aucun intérêt à en obtenir l’annulation et que le recours contre cet acte devient sans objet, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1961, Meroni e.a./Haute Autorité, 5/60, 7/60 et 8/60, EU:C:1961:10, p. 213 ; ordonnances du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, points 24 à 26, et du 24 mars 2011, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑36/10, EU:T:2011:124, points 46, 50 et 51).
30 En l’espèce, il convient de relever que, par la décision d’ouverture, la Commission a, le 14 juin 2019, retiré la décision attaquée en tant qu’elle concerne les mesures accordées à Femern et ouvert la procédure formelle d’examen à l’égard de ces mesures (voir point 18 ci-dessus).
31 Force est de constater que, en ce qui concerne les mesures accordées à Femern, l’annulation de la décision attaquée n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences du retrait opéré. En effet, par la décision attaquée, la Commission a, à l’issue de la phase d’examen préliminaire, rejeté la plainte des requérantes et refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard de ces mesures. Or, une annulation de la décision attaquée, concernant lesdites mesures, entraînerait l’obligation, pour la Commission, d’ouvrir la procédure formelle d’examen, ce qu’elle a déjà fait par la décision d’ouverture.
32 En outre, il convient de relever que, par leur argumentation, les requérantes ainsi qu’Aktionsbündnis et Trelleborg Hamn tendent à remettre en cause le caractère suffisant de l’examen effectué par la Commission dans la décision 2020/1472. Or, force est de constater que de tels arguments sont sans incidence sur le constat selon lequel l’objet du litige a disparu s’agissant de la décision attaquée en tant qu’elle concerne les mesures accordées à Femern. Au demeurant, la décision 2020/1472 a fait l’objet d’un recours des requérantes qui a été rejeté (arrêt de ce jour, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T-390/20).
33 Il résulte de ce qui précède que le recours est devenu sans objet en tant qu’il est dirigé contre la décision attaquée en ce qu’elle concerne les mesures accordées à Femern, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci dans cette mesure.
Sur le chef de conclusions dirigé contre la décision attaquée en tant qu’elle concerne les mesures accordées à Femern Landanlæg
34 Sans soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission soutient que, s’agissant des mesures accordées à Femern Landanlaeg, la décision attaquée ne constitue pas pour l’essentiel un acte attaquable et que les requérantes n’ont pas qualité pour agir.
35 Les requérantes contestent cette argumentation.
36 En l’espèce, le Tribunal estime opportun, dans un souci de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par les requérantes qui visent à contester la légalité de la décision attaquée en tant qu’elle concerne les mesures accordées à Femern Landanlæg, sans statuer préalablement sur la recevabilité du présent recours (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52, et du 5 octobre 2020, Hermann Albers/Commission, T‑597/18, non publié, EU:T:2020:467, point 21).
Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
37 Les requérantes considèrent que la Commission a violé l’article 296 TFUE en ce qu’elle n’aurait pas exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles les mesures litigieuses ne constituent pas des aides illégales.
38 La Commission considère que la décision est suffisamment motivée.
39 Il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37) et doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par ledit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66 ; du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79, et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 125).
40 En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait aux exigences fixées à l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu des intéressés (arrêts du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, point 79, et du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist’ovňa, C‑262/18 P et C‑271/18 P, EU:C:2020:450, point 67). À cet égard, il y a lieu de considérer qu’une motivation par référence à un autre acte peut être admise si celui-ci est connu de l’intéressé et qu’il lui permet de connaître à suffisance les justifications de la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2022, Kedrion/EMA, T‑570/20, non publié, EU:T:2022:20, point 74).
41 En l’espèce, il y a lieu de relever que, au point 16 de la décision attaquée, en se fondant sur les conclusions auxquelles elle était parvenue dans la décision concernant la construction, la Commission a rappelé les raisons pour lesquelles les mesures en faveur de Femern Landanlæg ne relevaient pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. D’une part, elle a indiqué que Femern Landanlæg n’était pas engagée dans des activités économiques pour ses activités en rapport avec la planification, la construction et l’exploitation des connexions routières vers l’arrière-pays danois. D’autre part, elle a précisé que les financements publics accordés à Femern Landanlaeg pour ses activités de planification, de construction et d’exploitation des connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois ne constituaient pas des aides d’État en tant qu’ils ne sont pas susceptibles d’affecter la concurrence ni de fausser les échanges entre les États membres.
42 En outre, il y a lieu de relever que la décision attaquée a été adoptée dans un contexte bien connu des requérantes, qui sont, au demeurant, à l’origine de plusieurs plaintes et de plusieurs recours juridictionnels concernant les mesures accordées pour réaliser la liaison fixe et les connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays.
43 Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que la Commission a motivé à suffisance de droit la décision attaquée.
44 Partant, le septième moyen doit être rejeté.
Sur le premier moyen, la deuxième branche du troisième moyen et la deuxième branche du quatrième moyen, tirés, en substance, de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en concluant que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
45 Par la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a conclu que les garanties de l’État octroyées à Femern Landanlæg avaient été autorisées dans la décision concernant la construction.
46 Dans la seconde branche du premier moyen, à laquelle renvoient la deuxième branche du troisième moyen ainsi que la deuxième branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a conclu que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg pour les connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois ne constituaient pas des aides d’État au motif que lesdites mesures n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
47 Au soutien de cette argumentation, premièrement, les requérantes soutiennent en substance que, étant donné que les connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois et la liaison fixe constituent un seul projet intégré et que la Commission a considéré que les mesures consenties en faveur de Femern sont susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges, les mesures en faveur de Femern Landanlæg sont également susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges.
48 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une distorsion de concurrence, les requérantes font valoir que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg affectent les marchés de l’exploitation et de la gestion de l’infrastructure ferroviaire danoise et que ces marchés seraient de lege et de facto ouverts à la concurrence.
49 Troisièmement, en ce qui concerne l’affectation des échanges entre les États membres, les requérantes font valoir que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg peuvent empêcher des exploitants d’infrastructures établis dans d’autres États membres de pénétrer le marché danois.
50 La Commission conteste cette argumentation.
51 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, au point 37 de la décision attaquée, la Commission a rappelé qu’il ressortait de la décision concernant la construction que les mesures accordées à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par conséquent, elle a considéré que l’octroi de garanties de l’État à cette entité ne saurait constituer une aide d’État illégale. Ensuite, au point 38 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu’elle ne disposait d’aucun élément indiquant que les garanties de l’État octroyées à Femern Landanlæg auraient été utilisées pour d’autres besoins que ceux en rapport avec le financement des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays. Enfin, au point 39 de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg étaient couvertes par la décision concernant la planification, la Commission a conclu qu’il ne saurait être considéré que l’octroi de garanties de l’État à Femern Landanlæg constituait des aides illégales.
52 Force est de constater que les arguments soulevés dans la seconde branche du premier moyen afin de démontrer que la Commission aurait commis une erreur de droit en concluant que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg pour les connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE sont les mêmes que ceux qui ont déjà été invoqués par les requérantes devant le Tribunal et rejetés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑630/15, non publié, EU:T:2018:942). En particulier, il convient de relever que les requérantes et les intervenantes n’invoquent aucun argument qui n’aurait pas déjà été examiné par le Tribunal dans ladite affaire. En outre, il y a lieu de rappeler que par l’arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (C‑174/19 P et C‑175/19 P, EU:C:2021:801), la Cour a rejeté les pourvois des requérantes, par lesquels elles faisaient notamment valoir que le Tribunal avait violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et l’article 108, paragraphe 2, TFUE. La Cour a ainsi jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit ni rencontré de difficulté sérieuse pour considérer que les mesures accordées à Femern Landanlæg n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ni d’affecter les échanges entre les États membres.
53 En conséquence, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 78 à 129 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T‑630/15, non publié, EU:T:2018:942), auxquels il convient de renvoyer. Il s’ensuit qu’il y a également lieu de rejeter la deuxième branche du troisième moyen ainsi que la deuxième branche du quatrième moyen, tirées en substance de ce que les prêts accordés à Femern Landanlæg constitueraient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, l’argumentation exposée au soutien de ces branches se limite à renvoyer aux arguments figurant dans la seconde branche du premier moyen.
54 Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que les garanties de l’État octroyées à Femern Landanlæg ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dès lors, il ne saurait être exigé que de telles mesures fassent l’objet d’une autorisation par la Commission. Il s’ensuit que la première branche du premier moyen, par laquelle les requérantes soutiennent que lesdites garanties sont des aides qui n’auraient pas été autorisées dans la décision concernant la construction, doit également être rejetée.
55 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen, la deuxième branche du troisième moyen et la deuxième branche du quatrième moyen doivent être rejetés.
Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en concluant que les mesures fiscales consenties en faveur de Femern Landanlæg ne constituaient pas des aides illégales
56 Selon les requérantes, Femern Landanlæg bénéficie d’un avantage fiscal consistant en la possibilité de reporter ses pertes sans restrictions en vertu des dispositions spéciales de la lov no 285 om projektering af fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi no 285, relative à la planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons avec l’arrière-pays danois), du 15 avril 2009, alors que les entreprises établies au Danemark peuvent seulement déduire les pertes reportées afin de réduire leurs revenus imposables de 60 % par an au-delà de l’abattement standard de 7,5 millions de DKK (environ 1 million d’euros).
57 Les requérantes, Aktionsbündnis et NABU soutiennent que le seul fait que Femern Landanlæg bénéficie d’avantages fiscaux spécifiques suffit pour lui conférer un avantage économique, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si cette entité en a ou non fait usage.
58 Dès lors, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que les avantages fiscaux accordés à Femern Landanlæg ne constituent pas des aides illégales.
59 La Commission conteste cette argumentation.
60 À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 55 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, dès lors que Femern Landanlæg n’exerce pas une activité économique, à supposer même que cette entité ait bénéficié d’un avantage fiscal, celui-ci ne saurait constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
61 Selon la jurisprudence, il découle du libellé de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que l’interdiction des aides d’État qui y est énoncée vise uniquement les activités des entreprises, la notion d’« entreprise » comprenant, dans le contexte du droit de la concurrence de l’Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist’ovňa, C‑262/18 P et C‑271/18 P, EU:C:2020:450, points 27 et 28).
62 Or, en l’espèce, force est de constater que les requérantes, Aktionsbündnis et NABU ne contestent pas que Femern Landanlæg n’exerce pas d’activité économique et ne peut dès lors être considérée comme étant bénéficiaire d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
63 En outre, ainsi que cela ressort des points 52 et 53 ci-dessus, les requérantes n’ont pas davantage démontré que la Commission aurait commis une erreur de droit en ce qu’elle a conclu que les mesures consenties en faveur de cette entité en rapport avec les connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
64 Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir conclu que les prétendus avantages fiscaux accordés à Femern Landanlæg n’étaient pas susceptibles de constituer des aides d’État illégales.
65 Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen
66 Les requérantes font valoir que, en adoptant la décision attaquée sans ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission aurait violé les droits procéduraux qui leur sont conférés par l’article 108, paragraphe 2, TFUE. À cet égard, elles soutiennent qu’un ensemble d’indices objectifs et concordants, tirés de la durée excessive et des circonstances de la procédure d’examen préliminaire, ainsi que le contenu incomplet et insuffisant de la décision attaquée attestent que la Commission a adopté la décision attaquée malgré l’existence de difficultés sérieuses.
67 La Commission conteste cette argumentation.
68 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen la conduit à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir à cet effet la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, C‑174/19 P et C‑175/19 P, EU:C:2021:801, point 65 et jurisprudence citée).
69 Si elle ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire quant à la décision d’engager la procédure formelle d’examen, lorsqu’elle constate l’existence de telles difficultés, la Commission jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et dans l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses (voir arrêt du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 54 et jurisprudence citée).
70 Conformément à la jurisprudence, la notion de « difficultés sérieuses » revêtant un caractère objectif, la preuve de l’existence de telles difficultés, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision prise à l’issue de l’examen préliminaire que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 31, et du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82).
71 Partant, il incombe au juge de l’Union, lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’une telle décision, de déterminer si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure nationale en cause aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la qualification d’aide de cette mesure, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, C‑174/19 P et C‑175/19 P, EU:C:2021:801, point 67 et jurisprudence citée).
72 En l’espèce, il convient de relever que les requérantes se contentent d’énoncer abstraitement l’existence d’indices objectifs et concordants tirés de la durée excessive et des circonstances de la procédure d’examen préliminaire ainsi que du contenu insuffisant et incomplet de la décision attaquée.
73 En particulier, les requérantes n’ont pas explicité les raisons pour lesquelles la durée de la procédure devrait être considérée comme excessive ni indiqué si la prétendue durée excessive devait être appréciée en tenant compte de leur lettre du 26 juillet 2018, de celle du 30 octobre 2016, de leur lettre de mise en demeure du 2 août 2016, voire de la plainte de 2014. À cet égard, il convient de rappeler qu’une durée qui excède ce qu’implique normalement un examen de la phase préliminaire ne peut constituer à elle seule un indice probant de l’existence de difficultés sérieuses que si cet indice est conforté par d’autres éléments (arrêt du 7 juillet 2021, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, T‑680/19, non publié, EU:T:2021:412, point 62).
74 Or, force est de constater que les requérantes, à qui incombe la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses au cours de la phase préliminaire, n’ont soulevé aucun autre argument relatif aux circonstances de l’adoption de la décision attaquée ou à son contenu susceptible de constituer un indice à même de démontrer que la Commission aurait rencontré de telles difficultés dans les circonstances de la présente affaire. De même, les requérantes restent en défaut d’expliquer en quoi la décision attaquée serait insuffisante et incomplète.
75 Au demeurant, s’agissant de leur argument selon lequel l’existence de difficultés sérieuses découle de l’erreur de droit commise par la Commission dans son appréciation de l’existence d’une aide, il résulte de l’examen du premier moyen, de la deuxième branche du troisième moyen, de la deuxième branche du quatrième moyen et du cinquième moyen que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur de droit en concluant que les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg ne relevaient pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
76 Partant, il convient de rejeter le sixième moyen.
77 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
78 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
79 Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, compte tenu des considérations ayant amené le Tribunal à constater un non-lieu à statuer partiel, il sera fait une juste appréciation en décidant que les requérantes supporteront également les dépens qui y sont afférents.
80 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En l’espèce, le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.
81 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider qu’Aktionsbündnis, NABU, Trelleborg Hamn et FSS supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Il n’y a plus lieu de statuer sur le chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision C(2018) 6268 final de la Commission, du 28 septembre 2018, concernant l’aide d’État SA.51981 (2018/FC), en tant qu’elle concerne les mesures consenties en faveur de Femern A/S.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
4) Le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.
5) Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV, Naturschutzbund Deutschland eV (NABU), Trelleborg Hamn AB et Föreningen Svensk Sjöfart (FSS) supporteront leurs propres dépens.