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Décisions

TUE, 1re ch. élargie, 28 février 2024, n° T-390/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Scandlines Danmark ApS, Scandlines Deutschland GmbH

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Papasavvas

Juges :

M. Spielmann, Mme Brkan (rapporteure), M. Gâlea, M. Tóth

Avocats :

Me Sandberg-Mørch, Me Honoré, Me Hohmuth, Me Weyland, Me Mecklenburg, Me Werner, Me Holdgaard

TUE n° T-390/20

27 février 2024

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, demandent l’annulation de la décision C(2020) 1683 final de la Commission, du 20 mars 2020, concernant l’aide d’État SA.39078 – 2019/C (ex 2014/N) mise à exécution par le Danemark en faveur de Femern A/S (JO 2020, L 339, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

A. Sur le projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn

2 Le projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn entre le Danemark et l’Allemagne a été approuvé par le traité entre le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne concernant la liaison fixe du détroit de Fehmarn, signé le 3 septembre 2008 et ratifié en 2009 (ci-après le « traité sur le détroit de Fehmarn »).

3 Le projet consiste, d’une part, en un tunnel ferroviaire et routier (ci-après la « liaison fixe ») et, d’autre part, en des connexions routières vers l’arrière-pays danois (ci-après les « connexions routières ») et en des connexions ferroviaires vers l’arrière-pays danois (ci-après les « connexions ferroviaires ») (ci-après, prises ensemble, les « connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays »).

4 La liaison fixe consiste en un tunnel immergé sous la mer Baltique entre Rødby sur l’île de Lolland au Danemark et Puttgarden en Allemagne, d’une longueur d’environ 19 km, qui contiendra une voie ferrée électrifiée et une autoroute. Les connexions ferroviaires comprendront l’élargissement et l’amélioration de la liaison ferroviaire existante entre Ringsted (Danemark) et Rødby, longue d’environ 120 km, qui appartient à Banedanmark, le gestionnaire public de l’infrastructure ferroviaire de l’État danois.

5 Le projet a été précédé d’une phase de planification. Le financement de cette phase, en ce qui concerne la liaison fixe et les connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays, a été notifié à la Commission européenne. Par sa décision du 13 juillet 2009 dans l’affaire N 157/09 – Financement de la phase de planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn mentionnée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009, C 202, p. 2, ci-après la « décision concernant la planification »), la Commission a conclu, d’une part, que les mesures liées au financement de la planification du projet pourraient ne pas constituer une aide d’État, dans la mesure où Femern avait agi en tant qu’autorité publique et, d’autre part, que même si ces mesures étaient susceptibles de bénéficier au futur exploitant de la liaison fixe, elles seraient en tout état de cause compatibles avec le marché intérieur. Elle a donc décidé de ne pas soulever d’objections au sens de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [93 CE] (JO 1999, L 83, p. 1).

6 À la suite d’une actualisation des montants initialement évalués, le coût total de la planification et de la construction de la liaison fixe a été estimé à 52,6 milliards de couronnes danoises (DKK) (environ 7,1 milliards d’euros) et les coûts liés à la planification et à la construction de l’amélioration des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays ont été estimés à 9,5 milliards de DKK (environ 1,3 milliard d’euros), soit un coût total du projet estimé à 62,1 milliards de DKK (environ 8,4 milliards d’euros).

7 Conformément à l’article 6 du traité sur le détroit de Fehmarn et à la Lov no 575 om anlæg og drift af en fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi no 575, relative à la construction et à l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons vers l’arrière-pays danois), du 4 mai 2015 (ci-après la « loi relative à la construction de 2015 »), deux entités publiques ont été chargées de l’exécution du projet.

8 La première, Femern, constituée en 2005, est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe. La seconde, Femern Landanlæg A/S, constituée en 2009, a été désignée pour gérer la construction et l’exploitation des connexions vers l’arrière-pays danois. Femern Landanlæg est une filiale de Sund & Bælt Holding A/S, qui appartient à l’État danois. Femern est devenue la filiale de Femern Landanlæg à la suite de la constitution de cette dernière.

9 Les travaux liés à la construction de la liaison fixe sont effectués, aux soins de Femern, dans le cadre de contrats de construction soumis aux procédures relatives aux marchés publics.

10 La construction des améliorations nécessaires des connexions routières est entreprise par la direction danoise des routes pour le compte de l’État danois et est financée par Femern Landanlæg. Les connexions routières feront partie du réseau général d’infrastructures routières danois, qui est financé, exploité et entretenu par la direction des routes danoise. La construction et l’exploitation des connexions ferroviaires sont assurées par Banedanmark pour le compte de l’État danois et sont financées par Femern Landanlæg.

11 Le projet est financé par Femern et Femern Landanlæg grâce à des injections de capitaux, des prêts garantis par l’État ainsi que des prêts accordés par les autorités danoises. À partir de la mise en service de la liaison fixe, Femern percevra les redevances des usagers afin de rembourser sa dette et versera à Femern Landanlæg des dividendes que cette dernière utilisera pour rembourser sa propre dette. Femern Landanlæg recevra également 80 % des redevances d’utilisation payées par les opérateurs ferroviaires pour l’utilisation des connexions ferroviaires, perçues par Banedanmark, en raison du partage de la propriété de ces connexions ferroviaires entre elle et cette dernière.

B. Évènements antérieurs au litige

12 Au cours des années 2014 et 2015, la Commission a reçu cinq plaintes, dont la première introduite le 5 juin 2014, reprochant au Royaume de Danemark d’avoir accordé à Femern et à Femern Landanlæg des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

13 Au cours de la même période, les services de la Commission ont adressé plusieurs demandes d’informations aux autorités danoises, lesquelles ont répondu et fourni des informations supplémentaires à plusieurs reprises.

14 Par lettre du 22 décembre 2014, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, les autorités danoises ont notifié à la Commission le modèle de financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn.

15 Le 23 juillet 2015, la Commission a adopté la décision C(2015) 5023 final, relative à l’aide d’État SA.39078 (2014/N) (Danemark), concernant le financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn, mentionnée au Journal officiel du 2 octobre 2015 (JO 2015, C 325, p. 5, ci-après la « décision concernant la construction ») par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures notifiées par les autorités danoises. Dans cette décision, la Commission avait notamment considéré que les mesures accordées à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, même dans le cas où elles constitueraient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Plus particulièrement, la Commission avait considéré que les mesures en faveur de Femern étaient compatibles avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et avec sa communication du 20 juin 2014 sur les critères relatifs à l’analyse de la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État destinées à promouvoir la réalisation de projets importants d’intérêt européen commun (JO 2014, C 188, p. 4, ci-après la « communication PIIEC »), ainsi qu’avec sa communication sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication relative aux garanties »).

16 Par arrêts du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), et du 13 décembre 2018, Stena Line Scandinavia/Commission (T 631/15, non publié, EU:T:2018:944), le Tribunal a partiellement annulé la décision concernant la construction.

17 En ce qui concerne les financements publics accordés à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, le Tribunal a accueilli les recours des requérantes en considérant que la Commission avait manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE d’ouvrir la procédure formelle d’examen en raison de l’existence de difficultés sérieuses.

18 En particulier, en ce qui concerne la nécessité de l’aide, le Tribunal a constaté que s’il ne pouvait être exclu, en principe, qu’une aide était nécessaire pour la réalisation d’un projet d’une telle ampleur, l’examen de la nécessité effectué par la Commission dans la décision concernant la construction a été, à tout le moins, insuffisant et imprécis, ce qui, d’une part, révélait l’existence de difficultés sérieuses qui obligeait la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et, d’autre part, ne permettait pas d’examiner si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

19 S’agissant de la proportionnalité de l’aide accordée à Femern, en ce qui concerne l’examen effectué par la Commission dans la décision concernant la construction, le Tribunal a jugé, notamment, que le calcul de la période de remboursement des aides et des coûts admissibles était à tout le moins insuffisant et imprécis, voire contradictoire, de sorte que les difficultés sérieuses rencontrées par la Commission auraient dû l’amener à ouvrir la procédure formelle d’examen.

20 Le Tribunal a également jugé que la Commission avait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où, contrairement à ce qui est prévu au point 5.3 de la communication relative aux garanties, les conditions de mobilisation des garanties n’ont pas été déterminées au moment de l’octroi initial de ces garanties.

C. Procédure administrative

21 À la suite du prononcé des arrêts du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), et du 13 décembre 2018, Stena Line Scandinavia/Commission (T 631/15, non publié, EU:T:2018:944), confirmés par la Cour par l’arrêt du 6 octobre 2021, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (C 174/19 P et C 175/19 P, EU:C:2021:801), la Commission a, par lettre du 14 juin 2019, informé les autorités danoises de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, des mesures consenties en faveur de Femern pour le financement de la liaison fixe (ci-après la « décision d’ouverture »). La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel du 5 juillet 2019 (JO 2019, C 226, p. 5).

D. Décision attaquée

22 Le 20 mars 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

23 La décision attaquée couvre les mesures octroyées à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe. En revanche, à la différence de la décision concernant la construction, la décision attaquée ne concerne pas les mesures consenties en faveur de Femern Landanlæg concernant le financement des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays.

24 Selon l’article 2 de la décision attaquée, les mesures consistant en des injections de capitaux et en une combinaison de prêts d’État et de garanties d’État en faveur de Femern, que le Danemark a au moins partiellement mises à exécution illégalement, constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

25 À la suite de la modification de ces mesures, telle qu’exposée dans la notification révisée qui a suivi la décision d'ouverture, celles-ci sont jugées compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

E. Conclusions des parties

26 Les requérantes, soutenues par European Community Shipowners’ Associations (ECSA), Danish Ferry Association (ci-après « DFA »), Naturschutzbund Deutschland eV (NABU), Rederi AB Nordö-Link, Trelleborg Hamn AB, Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV (ci-après « Aktionsbündnis »), Föreningen Svensk Sjöfart (FSS) et Verband Deutscher Reeder eV (ci-après « VDR »), concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

27 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

II. En droit

28 À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent deux moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission aurait erronément qualifié les mesures en cause d’aide ad hoc unique et, le second, d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

A. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait erronément qualifié les mesures en cause d’aide ad hoc unique

29 Les requérantes, soutenues par Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU, font grief à la Commission de ne pas avoir examiné séparément la compatibilité de chaque prêt d’État et de chaque garantie d’État, accordés par les autorités danoises sur le fondement de la Lov no 285 om projektering af fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi no 285, concernant la planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons avec l’arrière-pays danois), du 15 avril 2009 (ci-après la « loi relative à la planification de 2009 »), puis de la loi relative à la construction de 2015. En outre, les requérantes considèrent que chaque octroi de garanties d’État ou de prêts d’État dans le cadre de la loi relative à la planification de 2009 ou de la loi relative à la construction de 2015 constituerait une aide ad hoc individuelle qui aurait dû être notifiée séparément à la Commission.

30 Selon les requérantes, Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU, ce n’est qu’en présence d’un régime d’aides que la Commission peut procéder à un examen succinct consistant à se borner à un examen du cadre sous-jacent sur la base duquel des aides individuelles sont accordées. Dans le cas contraire, les requérantes considèrent que l’effet cumulé de chacune des subventions accordées ne pourrait pas être mis à jour. De même, les requérantes et ces intervenantes considèrent que le droit légal de financer l’intégralité des coûts de la planification et de la construction de la liaison fixe dès l’entrée en vigueur de la loi relative à la construction de 2015 n’est pas pertinent au motif que ni le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ni la jurisprudence n’autorise à opérer une distinction en fonction du moment auquel les subventions individuelles sont accordées.

31 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

32 À titre liminaire, il convient de relever, comme le soutiennent les parties principales, que les mesures en faveur de Femern ne relèvent pas de la notion de « régime d’aides » au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

33 Il s’ensuit que, ainsi que cela ressort du considérant 247 de la décision attaquée, les mesures en cause dans la présente affaire sont des aides individuelles au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589.

34 À cet égard, les parties divergent sur ce que recouvre la notion d’« aide individuelle » ainsi que sur les conséquences qui en découlent s’agissant de l’examen par la Commission de la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur ainsi qu’en ce qui concerne l’obligation de notification desdites mesures.

35 En l’espèce, ainsi que cela ressort du considérant 259 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Femern s’était vu accorder trois aides individuelles successives pour réaliser le projet de liaison fixe. La première aide individuelle a pris la forme d’une injection de capitaux effectuée lors de la constitution de la société en 2005. La deuxième aide individuelle consiste en l’octroi d’une injection de capitaux, de garanties d’État et de prêts d’État à la suite de l’entrée en vigueur, le 17 avril 2009, de la loi relative à la planification de 2009. La troisième aide individuelle consiste en une combinaison de prêts d’État et de garanties d’État octroyée à la suite de l’entrée en vigueur, le 6 mai 2015, de la loi relative à la construction de 2015. Selon la Commission, chaque prêt d’État ou chaque garantie d’État accordé à Femern sur le fondement de la loi relative à la planification de 2009, puis sur le fondement de la loi relative à la construction de 2015 correspond à une tranche libérée dans le cadre d’une mesure d’exécution de l’aide autorisée, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de notifier chacune des tranches aux fins d’un examen séparé de sa compatibilité avec le marché intérieur.

36 À cet égard, il importe de préciser que, dans la présente affaire, l’autorisation de la Commission porte non seulement sur l’ensemble des financements accordés à Femern jusqu’à l’adoption, le 20 mars 2020, de la décision attaquée, mais également sur ceux qui seront accordés après cette date, dans les limites prévues par ladite décision.

37 En premier lieu, il convient de vérifier si, comme le soutiennent les requérantes, Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU, la Commission a conclu à tort, au considérant 259 de la décision attaquée, que Femern a reçu trois aides individuelles, au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, afin de financer la planification et la construction du projet de liaison fixe.

38 À cet égard, les requérantes et les intervenantes mentionnées au point 37 ci-dessus font valoir que chaque octroi d’un nouveau prêt d’État ou d’une nouvelle garantie d’État constituerait une aide individuelle distincte au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589. Ainsi, entre 2010 et 2019, Femern aurait bénéficié de pas moins de quinze aides individuelles au sens de cette disposition.

39 En l’espèce, dans la mesure où les prêts d’État et les garanties d’État accordés à Femern au titre de la loi relative à la planification de 2009, puis de la loi relative à la construction de 2015 ne sont pas octroyés par un versement unique, mais par tranches successives versées en fonction de l’avancement du projet, la Commission a considéré, au considérant 248 de la décision attaquée, qu’il convenait de déterminer si Femern bénéficiait d’une ou de plusieurs aides individuelles liées à la loi relative à la planification de 2009 et à la loi relative à la construction de 2015 ou d’une série d’aides individuelles accordées à chaque fois qu’une opération financière de Femern était exécutée par les autorités danoises. Pour ce faire, ainsi que cela ressort des considérants 249 à 251 de la décision attaquée, la Commission a estimé qu’il convenait de vérifier si Femern avait obtenu le droit légal de recevoir une aide individuelle au titre de la loi relative à la planification de 2009, puis une autre aide individuelle au titre de la loi relative à la construction de 2015.

40 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exclu que plusieurs interventions consécutives de l’État doivent, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, être regardées comme une seule intervention. Tel peut notamment être le cas lorsque des interventions consécutives présentent, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation de l’entreprise au moment de ces interventions, des liens tellement étroits entre elles qu’il est impossible de les dissocier (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues e.a./Commission e.a., C 399/10 P et C 401/10 P, EU:C:2013:175, points 103 et 104). Par ailleurs, la circonstance qu’une mesure fasse l’objet de versements en tranches successives n’affecte pas l’unicité de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T 123/97, EU:T:1999:245, point 75).

41 Or, en l’espèce, il convient de relever que, d’une part, il n’est pas contesté que les financements prévus par la loi relative à la planification de 2009 visaient à permettre à Femern de financer les coûts de planification du projet de liaison fixe. Ainsi, les financements prévus par ladite loi avaient pour objectif de financer des coûts déterminés d’un projet spécifique, à savoir ceux afférents à la planification du projet de liaison fixe, et présentaient donc des liens tellement étroits entre eux qu’il était impossible de les dissocier. Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de qualification juridique que la Commission a considéré que l’ensemble des financements octroyés sur le fondement de la loi relative à la planification de 2009 relevaient d’une même aide individuelle au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, et ce même si ladite aide avait fait l’objet de versements en plusieurs tranches.

42 D’autre part, il n’est pas davantage contesté que les prêts d’État et les garanties d’État prévus par la loi relative à la construction de 2015 sont destinés à permettre à Femern, ainsi que cela ressort du considérant 251 de la décision attaquée, de refinancer les coûts de planification et de financer les coûts de construction de la liaison fixe. En effet, ces prêts d’État et ces garanties d’État, prévus au point 4 de ladite loi, ont pour objectif de financer des coûts déterminés d’un projet spécifique, à savoir ceux impliqués par la construction de la liaison fixe ainsi que ceux liés au refinancement des coûts de planification, et présentent donc des liens tellement étroits entre eux qu’il est impossible de les dissocier. Il s’ensuit que c’est également sans commettre d’erreur de qualification juridique que la Commission a estimé que les prêts d’État et les garanties d’État octroyés en exécution de la loi relative à la construction de 2015 relèvent d’une même aide individuelle au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, et ce même si ladite aide est versée en plusieurs tranches, y compris après l’adoption de la décision attaquée.

43 Les considérations figurant aux points 41 et 42 ci-dessus ne sont pas remises en cause par l’argument selon lequel, en substance, Femern ne disposerait pas d’un droit légal de percevoir une aide sur le fondement de la loi relative à la planification de 2009, ni de la loi relative à la construction de 2015, au motif que les autorités danoises disposeraient pour l’octroi des financements d’une marge d’appréciation qui ne se limiterait pas à une application technique. En effet, il y a lieu de relever que ledit argument se fonde sur les critères pertinents pour identifier un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

44 Or, ainsi que cela a été rappelé au point 39 ci-dessus, aux fins de l’identification d’une aide individuelle au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, la Commission n’a pas eu recours à la notion de « régime d’aides » au sens de l’article 1er, sous d), dudit règlement, mais s’est fondée sur le critère du droit légal pour le bénéficiaire de recevoir une aide en vertu de la réglementation nationale.

45 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, les aides d’État doivent être considérées comme étant « accordées », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à la date à laquelle le droit de les percevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable (voir arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C 638/19 P, EU:C:2022:50, point 115 et jurisprudence citée).

46 En l’espèce, il ressort des considérants 251 à 256 de la décision attaquée que, sur la base du libellé du point 4 de la loi relative à la construction de 2015, lequel est rédigé en des termes similaires à ceux du point 7 de la loi relative à la planification de 2009, des explications fournies par les autorités danoises ainsi que des notes préparatoires afférentes à la loi relative à la construction de 2015, la Commission a considéré que le ministre des Finances danois disposait d’un pouvoir discrétionnaire limité qui n’était pas susceptible de remettre en cause le droit légal de Femern de percevoir les prêts d’État et les garanties d’État qui lui étaient accordés en application de ces lois. Ainsi, au considérant 257 de la décision attaquée, la Commission a conclu que Femern avait obtenu le droit légal de financer la planification et la construction de la liaison fixe à compter de l’entrée en vigueur de la loi relative à la construction de 2015, de sorte que cette entité s’est vu accorder une aide individuelle. Il y a lieu de relever que, même si cela ne ressort pas explicitement du considérant 257 de la décision attaquée, la Commission est implicitement parvenue à la même conclusion en ce qui concerne la loi relative à la planification de 2009. En effet, la Commission a effectué un raisonnement par analogie, non contesté par les requérantes, entre la loi relative à la construction de 2015 et la loi relative à la planification de 2009, de sorte que la conclusion effectuée pour la première peut être étendue à la seconde.

47 Certes, ainsi que le relèvent les requérantes, Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU, dans le cadre de l’exécution des garanties d’État et des prêts d’État dont bénéficie Femern au titre de la loi relative à la construction de 2015 et de la loi relative à la planification de 2009, le ministre des Finances danois dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour définir des orientations ainsi que pour émettre des directives contraignantes sur la manière dont Femern doit obtenir les prêts, sur les instruments à exiger et sur les exigences à imposer. De plus, il est également vrai que, dans certaines circonstances particulières, la Danmarks nationalbank (Banque nationale du Danemark) pourrait ne pas donner suite à une demande de prêt.

48 Force est toutefois de constater que les requérantes, Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU n’étayent aucunement les raisons pour lesquelles il y aurait lieu d’en déduire que le ministre des Finances danois ou la Banque nationale du Danemark pourrait remettre en cause, en tant que tel, le droit légal de recevoir des prêts d’État ou des garanties d’État.

49 À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort des considérants 253 et 254 de la décision attaquée, le pouvoir discrétionnaire du ministre des Finances danois est limité et concerne uniquement des conditions et modalités pratiques et techniques destinées à assurer une gestion saine des ressources publiques. Un même constat s’impose en ce qui concerne le rôle de la Banque nationale du Danemark dans l’octroi de financements à Femern. En effet, les motifs de refus d’octroi d’un tel financement sont limités et concernent également la gestion saine des ressources publiques. Or, l’exercice de prérogatives destinées à assurer une bonne gestion des ressources publiques ne saurait remettre en cause, en tant que tel, le droit de Femern de bénéficier des prêts d’État et des garanties d’État qui lui a été accordé par le Parlement danois.

50 Quant à l’argument de Trelleborg Hamn, de VDR, d’Aktionsbündnis et de NABU selon lequel, en substance, la loi relative à la construction de 2015 ne peut pas constituer le fondement du droit légal de Femern de bénéficier d’une aide au motif que, pour ce qui concerne l’octroi de financements, les conditions prévues par ladite loi et par la décision concernant la construction diffèrent de celles prévues dans la décision attaquée, celui-ci ne saurait prospérer. En effet, contrairement à ce qu’affirment ces intervenantes, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne le financement de Femern, le point 4 de la loi relative à la construction de 2015 prévoit le droit de cette entité de bénéficier de prêts d’État et de garanties d’État pour le refinancement de la planification ainsi que pour le financement de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe. En revanche, cette loi ne prévoit pas de limites ni de conditions encadrant le versement des différentes tranches de l’aide, lesquelles ont été précisées dans le modèle de financement alternatif transmis par les autorités danoises au cours de la procédure formelle d’examen dans le cadre duquel il a notamment été prévu que les prêts d’État et les garanties d’État ne peuvent être utilisés pour couvrir les coûts d’exploitation de la liaison fixe. Or, il y a lieu de considérer que le fait que les limites prévues par la décision concernant la construction diffèrent de celles retenues dans la décision attaquée à l’issue de la procédure formelle d’examen n’est pas pertinent pour remettre en cause l’existence d’un droit légal pour Femern de recevoir une aide. En effet, il y a lieu de distinguer, d’une part, le droit légal pour le bénéficiaire de recevoir une aide pour un projet spécifique qui résulte d’un engagement des autorités nationales et, d’autre part, les limites ou conditions auxquelles cette aide pourra être mise en œuvre, lesquelles sont susceptibles d’être précisées ou aménagées en fonction d’éventuelles observations de la Commission au cours de la procédure formelle d’examen.

51 Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a conclu, au considérant 259 de la décision attaquée, que Femern avait obtenu trois aides individuelles distinctes, à savoir une première aide individuelle accordée en 2005, une deuxième aide individuelle accordée en 2009 avec l’adoption de la loi relative à la planification de 2009 ainsi qu’une troisième aide individuelle accordée en 2015 avec l’adoption de la loi relative à la construction de 2015.

52 En deuxième lieu, il convient de vérifier si la Commission a commis une erreur d’appréciation en examinant conjointement la compatibilité des trois aides individuelles identifiées au considérant 259 de la décision attaquée.

53 En l’espèce, en ce qui concerne les injections de capitaux, la Commission les a évaluées, au considérant 377 de la décision attaquée, à 510 millions de DKK (68,4 millions d’euros). S’agissant de la combinaison de prêts d’État et de garanties d’État, il ressort du considérant 348 de la décision attaquée que, conformément au modèle alternatif de financement transmis par les autorités danoises au cours de la procédure formelle d’examen, Femern ne peut pas bénéficier de prêts et de garanties d’État qui, combinés, dépasseraient un montant maximal garanti de 69,3 milliards de DKK (9,3 milliards d’euros), étant précisé, au considérant 349 de la décision attaquée, que Femern devra avoir clôturé tous les prêts bénéficiant d’une garantie d’État et remboursé tous les prêts d’État au plus tard seize ans après le début de l’exploitation de la liaison.

54 Il convient de relever qu’il n’est pas contesté que les trois aides individuelles identifiées par la Commission au considérant 259 de la décision attaquée ont été accordées à Femern dans le but de financer la planification et la construction de la liaison fixe. Par conséquent, dès lors que ces trois aides individuelles accordées à Femern sont destinées au financement de la planification et de la construction d’un seul et même projet, la Commission pouvait valablement examiner la compatibilité desdites aides avec le marché intérieur en tenant compte de tous les financements que cette entité était susceptible de recevoir pour financer la planification et la construction du projet de liaison fixe.

55 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, un examen conjoint de l’ensemble des financements susceptibles d’être accordés à Femern sur le fondement des aides individuelles identifiées au considérant 259 de la décision attaquée n’empêche pas de tenir compte de l’effet cumulé desdites aides. Au contraire, pour évaluer l’effet cumulé des financements accordés par un État membre à une entreprise pour réaliser un projet déterminé, c’est précisément en tenant compte de tous les financements qualifiés d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que la Commission est en mesure d’évaluer leur effet sur la concurrence dans le cadre de l’examen d’une des dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Cela vaut d’autant plus dans une situation telle que celle de l’espèce, où est en cause un investissement dans une infrastructure de transport considérée comme étant un projet important d’intérêt européen commun au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et dont la réalisation implique le versement de financements publics sur une longue période.

56 En effet, pour un projet d’une envergure telle que celui de la liaison fixe, l’examen conjoint de l’ensemble des financements dont Femern est susceptible de bénéficier pour le réaliser est la seule manière d’évaluer la compatibilité des aides avec le marché intérieur à la lumière des critères figurant dans la communication PIIEC. En particulier, ainsi que cela sera examiné dans le cadre du deuxième grief de la troisième branche du second moyen, conformément au paragraphe 31 de la communication PIIEC, le niveau maximal des aides accordées pour un projet est défini en fonction du déficit de financement déterminé par rapport aux coûts admissibles. À cet égard, ainsi que cela ressort des considérants 166 et 320 de la décision attaquée, dans le modèle de financement alternatif transmis au cours de la procédure formelle d’examen, les autorités danoises ont inclus dans les coûts admissibles du projet non seulement les coûts de construction, mais également les coûts de planification de la liaison fixe.

57 Ainsi, dès lors qu’il était nécessaire que la Commission examine la compatibilité de l’ensemble des financements dont Femern est susceptible de bénéficier pour le projet de liaison fixe, doit être écartée l’argumentation des requérantes, de Trelleborg Hamn, de VDR, d’Aktionsbündnis et de NABU, consistant à faire valoir, en substance, que la Commission aurait violé l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589 en ce qu’elle aurait effectué pour ce motif un examen succinct des aides individuelles accordées à Femern.

58 S’agissant de l’argument de Trelleborg Hamn, de VDR, d’Aktionsbündnis et de NABU selon lequel, en substance, depuis le prononcé de l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563), la Commission serait tenue d’effectuer un examen séparé de chaque prêt d’État et de chaque garantie d’État au bénéfice de Femern, force est de constater que cet arrêt ne saurait être interprété comme imposant à la Commission l’obligation d’effectuer un tel examen séparé de chaque financement accordé à cette entité. En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal avait uniquement constaté que la Commission était confrontée, lors de la phase préliminaire d’examen des mesures en cause dans l’affaire ayant conduit audit arrêt, à des difficultés sérieuses en ce qui concernait la qualification des garanties étatiques en tant que régime d’aides, en constatant notamment une erreur en tant qu’il avait été considéré que lesdites garanties n’étaient pas liées à un projet spécifique au sens de l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999 (point 80 dudit arrêt). Il ne saurait cependant en être inféré une quelconque obligation pesant, de manière générale, sur la Commission d’examiner séparément chaque garantie d’État accordée à un même bénéficiaire pour un même projet. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié, pour chacun des quinze prêts invoqués par les requérantes dans leur mémoire en réplique, le critère de l’antériorité de la demande d’aide aux fins de la détermination de l’effet incitatif de l’aide.

59 Quant à l’argument des requérantes, de Trelleborg Hamn, de VDR, d’Aktionsbündnis et de NABU selon lequel, en substance, l’examen conjoint de la compatibilité de l’ensemble des financements accordés à Femern serait contraire à la pratique décisionnelle, celui-ci ne saurait prospérer. En effet, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité d’une décision attaquée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité (arrêts du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C 138/09, EU:C:2010:291, point 21, et du 24 septembre 2019, Fortischem/Commission, T 121/15, EU:T:2019:684, point 249).

60 Par ailleurs, ne saurait non plus prospérer l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas clairement défini le montant de l’aide autorisée. En effet, au considérant 350 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le montant de l’aide s’élevait à 12,046 milliards de DKK (1,615 milliard d’euros), lequel comprend les injections de capitaux et les aides d’État associées aux prêts garantis par l’État et aux prêts d’État, étant précisé, d’une part, que le calcul du montant de l’aide dans le modèle alternatif est fondé sur une augmentation de la prime de 0,15 % à 2 % et, d’autre part, que pour les prêts déjà contractés le modèle alternatif de calcul du déficit de financement de l’aide tient compte du fait que la prime a été limitée à 0,15 %.

61 Partant, doivent être rejetés comme étant non fondés les arguments par lesquels il est reproché à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation en examinant conjointement les trois aides individuelles accordées à Femern pour assurer le financement de la planification et de la construction de la liaison fixe.

62 En troisième lieu, il convient de rejeter l’argumentation selon laquelle, en substance, chaque prêt d’État et chaque garantie d’État accordés à Femern au titre de la loi relative à la planification de 2009 et de la loi relative à la construction de 2015 aurait dû faire l’objet d’une notification séparée par les autorités danoises.

63 En effet, ainsi que cela ressort des points 41 et 42 ci-dessus, la Commission pouvait valablement considérer que, d’une part, l’ensemble des financements accordés au titre de la loi relative à la planification de 2009 relevaient d’une aide individuelle au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589 et que, d’autre part, l’ensemble des prêts d’État et des garanties d’État dont Femern peut bénéficier au titre de la loi relative à la construction de 2015 relèvent également d’une aide individuelle au sens de ladite disposition. Ainsi, dès lors que chaque octroi d’un prêt d’État ou d’une garantie d’État ne constitue pas, contrairement à ce que font valoir les requérantes, Trelleborg Hamn, VDR, Aktionsbündnis et NABU, une nouvelle aide individuelle distincte, la Commission n’était pas tenue d’exiger que les autorités danoises lui notifient chaque opération financière effectuée en faveur de Femern sur le fondement de la loi relative à la planification de 2009, puis de la loi relative à la construction de 2015.

64 Par ailleurs, en ce qui concerne les prêts d’État et les garanties d’État octroyés à Femern sur le fondement de la loi relative à la construction de 2015 après l’adoption de la décision attaquée, seuls ceux qui excéderaient les limites prévues dans la décision attaquée devraient faire l’objet d’une notification à la Commission, dans la mesure où ils ne seraient pas couverts par la déclaration de compatibilité de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T 356/15, EU:T:2018:439, point 266).

65 En quatrième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation, invoquée par les requérantes, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui découlerait d’une méconnaissance du règlement 2015/1589, il suffit de constater que c’est à tort que les requérantes font valoir que ledit règlement a été adopté pour mettre en œuvre l’article 107 TFUE. En effet, ce règlement ne concerne pas les dispositions substantielles relatives aux aides d’État, prévues à l’article 107 TFUE, mais porte sur les modalités d’application des dispositions relatives à la procédure de contrôle desdites aides, prévues à l’article 108 TFUE. Partant, il y a lieu de rejeter la prétendue violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE invoquée par les requérantes.

66 En dernier lieu, par un argument exposé pour la première fois dans leur mémoire en réplique, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission ne saurait considérer, d’un côté, que l’ensemble des garanties d’État et des prêts d’État ont été accordés à la suite de l’entrée en vigueur de la loi relative à la construction de 2015 et, de l’autre, que seuls deux des prêts accordés par les autorités danoises sur la base de ladite loi ont été considérés comme des aides illégales. Force est de constater que la requête ne contient aucun grief tendant à contester les constatations et conclusions relatives à la légalité de l’aide. En outre, les requérantes n’expliquent pas les raisons pour lesquelles toutes les aides susceptibles d’être versées sur le fondement de la loi relative à la construction de 2015 devraient être considérées comme étant illégales, de sorte que leur argumentation doit être rejetée comme étant insuffisamment étayée. En tout état de cause, la question de savoir si une partie des financements a été versée prématurément en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE est sans incidence sur la question de savoir si la loi relative à la construction de 2015 accorde à Femern un droit légal de percevoir une aide.

67 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

B. Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

68 Le second moyen comprend, en substance, quatre branches, tirées, la première, de ce que la Commission aurait erronément qualifié le projet de projet d’intérêt européen commun, la deuxième, de ce que la Commission aurait conclu à tort au caractère nécessaire de l’aide, la troisième, de ce que la Commission aurait conclu à tort au caractère proportionné de l’aide et, la quatrième, d’une contestation de l’analyse de la prévention des distorsions indues de concurrence et du critère de mise en balance.

69 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social. Il s’ensuit que le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C 333/07, EU:C:2008:764, point 78, et du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 141).

70 S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union européenne de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T 380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 19 septembre 2019, FIH Holding et FIH/Commission, T 386/14 RENV, non publié, EU:T:2019:623, point 69).

71 C’est en tenant compte de ces considérations liminaires qu’il convient d’examiner les quatre branches du second moyen.

1. Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait erronément qualifié le projet de projet d’intérêt européen commun

72 Par la première branche du second moyen, les requérantes, soutenues par NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link, soulèvent trois griefs pour contester la qualification de projet d’intérêt européen commun. Le premier grief est tiré de ce que des études réalisées par le cabinet de conseil Incentive pour le compte du gouvernement danois (ci-après les « études Incentive ») ne font pas apparaître un rendement socio-économique positif, le deuxième de ce que la Commission s’est fondée sur des données obsolètes et incohérentes pour constater un rendement socio-économique positif et le troisième de ce que le projet n’est pas cofinancé par le bénéficiaire.

73 Par ailleurs, lors de l’audience, NABU a soulevé pour la première fois un grief tiré d’une méconnaissance du principe de suppression progressive des subventions préjudiciables à l’environnement prévu au paragraphe 19 de la communication PIIEC.

74 Avant d’examiner les deux premiers griefs, qu’il conviendra de traiter conjointement, le Tribunal juge opportun de statuer préalablement, d’une part, sur la recevabilité du nouveau grief soulevé par NABU à l’audience et, d’autre part, sur le bien-fondé du troisième grief tiré de l’absence de cofinancement du projet par Femern.

a) Sur la recevabilité du nouveau grief tiré d’une méconnaissance du principe de suppression progressive des subventions préjudiciables à l’environnement

75 Concernant le grief soulevé pour la première fois à l’audience par NABU et décrit au point 73 ci-dessus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, d’une part, si l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, et l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, c’est néanmoins à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière (arrêts du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T 459/93, EU:T:1995:100, point 21, et du 29 novembre 2016, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, T 279/11, non publié, EU:T:2016:683, point 31).

76 D’autre part, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen. Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne/Commission, T 72/06, non publié, EU:T:2011:671, points 23 et 27 ; du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, points 45 et 46, et du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T 452/15, EU:T:2017:822, point 46).

77 Force est de constater que la requête ne contient aucun grief ni argument visant à faire valoir, directement ou implicitement, que le critère prévu au paragraphe 19 de la communication PIIEC ne serait pas satisfait.

78 Ainsi, à supposer même que, ainsi que l’a fait valoir NABU à l’audience, les arguments exposés dans son mémoire en intervention pour contester la nécessité de l’aide, par lesquels il est allégué que la liaison fixe aurait des effets préjudiciables sur l’environnement, avaient pour objet, en substance, de faire valoir que l’octroi d’aides à Femern contrevient au principe de suppression progressive des subventions préjudiciables à l’environnement prévu par le paragraphe 19 de la communication PIIEC, il y a lieu de considérer que ces arguments viennent au soutien d’un grief qui n’a pas été soulevé dans la requête et doivent dès lors être rejetés comme étant irrecevables.

79 En tout état de cause, il y a lieu de constater que lesdites allégations ne sont étayées par aucun élément de preuve, de sorte que ce nouveau grief devrait, en toute hypothèse, être écarté.

b) Sur le troisième grief, tiré de l’absence de cofinancement du projet par Femern

80 Les requérantes, NABU, Aktionsbündnis et ECSA font valoir que, en considérant que le projet est financé par Femern avec les futures recettes issues des redevances perçues auprès des utilisateurs de la liaison fixe, la Commission aurait méconnu l’exigence de cofinancement du projet par le bénéficiaire de l’aide, prévue au paragraphe 18 de la communication PIIEC. Selon les requérantes, l’exigence de cofinancement impose au bénéficiaire de l’aide de contribuer en amont au projet afin qu’il assume une part du risque.

81 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

82 Il convient de relever que le paragraphe 18 de la communication PIIEC exige que le projet comporte un cofinancement du bénéficiaire. À cet égard, il y a lieu de considérer que cette condition est satisfaite, notamment lorsque, comme en l’espèce, le projet est financé en grande partie par le bénéficiaire des mesures, en raison des péages et des redevances appliquées aux utilisateurs de la liaison fixe (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 180).

83 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, NABU, Aktionsbündnis et ECSA, l’exigence de cofinancement prévue au paragraphe 18 de la communication PIIEC ne saurait être interprétée comme imposant au bénéficiaire de l’aide de nécessairement contribuer en amont au financement du projet. En effet, à la différence des conditions régissant la contribution propre des bénéficiaires d’une aide à la restructuration, prévues aux paragraphes 62 à 64 des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1), l’exigence d’un cofinancement du projet par le bénéficiaire de l’aide, énoncée au paragraphe 18 de la communication PIIEC, n’est assortie d’aucune condition particulière. À cet égard, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, il y a lieu de constater que les conditions encadrant la contribution propre des bénéficiaires d’une aide à la restructuration sont différentes de l’exigence de cofinancement prévue par la communication PIIEC.

84 Dès lors, il ne saurait être exigé que Femern soit tenue de contribuer en amont au financement du projet. Il s’ensuit que, en constatant au considérant 278 de la décision attaquée que le projet en cause fait l’objet d’un cofinancement par le bénéficiaire de l’aide, la Commission n’a pas méconnu l’exigence de cofinancement du projet par le bénéficiaire de l’aide, prévue au paragraphe 18 de la communication PIIEC.

85 Partant, le grief tiré de l’absence de cofinancement du projet par Femern doit être rejeté comme étant non fondé.

c) Sur les premier et deuxième griefs, tirés de l’absence de rendement socio-économique positif

86 En premier lieu, s’agissant du premier grief tiré de l’absence de rendement socio-économique positif, les requérantes, NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link font valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’examen du rendement socio-économique de la liaison fixe sur le fondement des études Incentive.

87 En second lieu, par leur deuxième grief, les requérantes, NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link soutiennent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation au motif que, pour constater un rendement socio-économique positif, elle s’est fondée sur des données obsolètes et incohérentes par rapport à celles utilisées dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité de l’aide pour effectuer le calcul du déficit de financement.

88 La Commission fait valoir que les constatations de la décision attaquée non contestées par les requérantes suffisent à établir que le projet de liaison fixe peut être considéré comme un projet d’intérêt européen commun conformément aux critères prévus par la communication PIIEC, de sorte que les premier et deuxième griefs seraient inopérants.

89 À cet égard, il convient de relever que, par leurs premier et deuxième griefs, les requérantes, soutenues par NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link, font valoir, d’une part, que le projet de liaison fixe ne présente pas un rendement socio-économique positif et, d’autre part, que les données utilisées pour calculer ledit rendement sont obsolètes et incohérentes par rapport à celles retenues pour l’examen de la proportionnalité de l’aide. Ainsi, par ces deux griefs, les requérantes se limitent à contester les constatations effectuées par la Commission aux considérants 275 à 277 de la décision attaquée.

90 Il y a lieu de vérifier si, ainsi que le fait valoir la Commission, les premier et deuxième griefs sont inopérants au motif qu’elle pouvait considérer que le projet de liaison fixe constituait un projet d’intérêt européen commun sans se fonder sur les résultats des études Incentive.

91 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d’« intérêt européen commun » prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE doit être interprétée de manière stricte et qu’une initiative n’est qualifiée ainsi que lorsqu’elle fait partie d’un programme transnational européen, soutenu conjointement par différents gouvernements d’États membres ou lorsqu’elle relève d’une action concertée de différents États membres en vue de lutter contre une menace commune (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, Allemagne/Commission, T 21/06, non publié, EU:T:2009:387, point 70, et du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 170).

92 La notion d’« intérêt européen commun » a été précisée dans la communication PIIEC. En particulier, tout d’abord, sous le point 3.2.1 de ladite communication sont énoncés des « critères cumulatifs généraux » à satisfaire pour qu’un projet puisse relever de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Aux termes du paragraphe 14 de la communication PIIEC, il est exigé que le projet contribue « d’une manière concrète, claire et identifiable à un ou plusieurs objectifs de l’Union et [qu’il ait] une incidence notable sur la compétitivité de l’Union [...] et la croissance durable, en relevant des défis sociétaux ou en créant de la valeur dans l’Union ». Pour satisfaire à ces exigences, les paragraphes 15 à 19 de cette communication énoncent les critères à remplir. À cet égard, le paragraphe 15 de la communication PIIEC précise que pour être considéré comme apportant une contribution importante aux objectifs de l’Union, le projet doit notamment revêtir une importance majeure pour les réseaux transeuropéens de transport et d’énergie. Le paragraphe 16 de la communication PIIEC, quant à lui, précise, d’une part, que le projet doit normalement associer plus d’un État membre et que ses bénéfices doivent s’étendre à une partie significative de l’Union et non se limiter aux États membres pourvoyeurs d’un financement et, d’autre part, que les bénéfices générés par le projet doivent être clairement définis d’une manière concrète et identifiable. En outre, selon le paragraphe 17 de ladite communication, lesdits bénéfices ne peuvent pas se limiter aux entreprises ou au secteur concernés, mais doivent trouver une pertinence et une application plus larges dans l’économie ou la société européenne, sous la forme de retombées positives (effets systémiques sur de nombreux niveaux de la chaîne de valeur, marchés en amont ou en aval, utilisations différentes dans d’autres secteurs ou transferts modaux), qui sont clairement définies d’une manière concrète et identifiable. De plus, conformément au paragraphe 18 de la communication PIIEC, le projet doit comporter un financement du bénéficiaire et, selon le paragraphe 19, il doit respecter le principe d’une suppression progressive des subventions préjudiciables à l’environnement.

93 Ensuite, aux fins de la qualification d’un projet d’intérêt européen commun, au point 3.2.2 de la communication PIIEC sont énoncés des indicateurs positifs généraux justifiant une approche plus favorable de la Commission. Parmi ces indicateurs figure, au paragraphe 20, sous f), de ladite communication, celui du cofinancement du projet par un fonds de l’Union.

94 Enfin, le point 3.2.3 de la communication PIIEC énonce des critères particuliers, dont celui prévu au paragraphe 23 de cette communication, selon lequel les projets dans les domaines de l’environnement, de l’énergie ou des transports doivent soit revêtir une importance majeure pour les stratégies respectives de l’Union en matière d’environnement, d’énergie ou de transport, soit contribuer de manière significative au marché intérieur, et notamment, mais pas exclusivement, à ces secteurs particuliers.

95 En l’espèce, premièrement, au considérant 272 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le projet de liaison fixe revêtait une importance majeure pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et qu’il contribuerait au développement du RTE-T. Les requérantes n’ayant pas contesté cette appréciation et aucun élément ne permettant de la remettre en cause, la Commission pouvait donc valablement considérer que ce critère visé au paragraphe 15 de la communication PIIEC était satisfait. En outre, dès lors qu’il s’agit d’un projet de réseau de transport européen de transport prioritaire, le critère particulier visé au paragraphe 23 de ladite communication, selon lequel les projets dans le domaine des transports doivent revêtir une importance majeure pour la stratégie de l’Union en matière de transport, est également rempli.

96 Deuxièmement, il y a lieu de constater que les critères prévus au paragraphe 16 de la communication PIIEC sont également satisfaits. D’une part, au considérant 272 de la décision attaquée, la Commission a, sans que cela ne soit contesté, relevé que la liaison fixe contribuerait à l’amélioration de la connexion entre les pays nordiques et l’Europe centrale ainsi qu’à l’accroissement de la flexibilité et à des gains de temps dans le trafic routier et ferroviaire, de sorte qu’elle pouvait valablement considérer que les bénéfices générés par le projet étaient définis de manière concrète et identifiable. D’autre part, au considérant 273 de la décision attaquée, la Commission a rappelé à juste titre que le projet associait le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne et que ses bénéficies ne se limitaient pas à ces deux pays puisqu’ils s’étendaient à l’ensemble des pays traversés par le corridor Scandinavie-Méditerranée qui s’étend de la Finlande à l’île de Malte.

97 Troisièmement, dès lors que la Commission a, sans que cela ne soit remis en cause, constaté, au considérant 273 de la décision attaquée, que le projet de liaison fixe visait à améliorer les conditions de transport non seulement des passagers, mais également des marchandises entre les pays nordiques et l’Europe centrale et qu’il permettrait de combler un chaînon manquant du corridor Scandinavie-Méditerranée, lequel est, ainsi que cela ressort de la note en bas de page n° 135, « un axe nord-sud crucial pour l’économie européenne », il y a lieu de considérer que le critère prévu au paragraphe 17 de la communication PIIEC est également satisfait sur ce fondement. En effet, compte tenu du fait que les bénéfices du projet de liaison fixe contribuent à améliorer les conditions de transport tant des passagers que des marchandises sur un axe important de l’économie européenne, la Commission pouvait valablement considérer que les bénéfices de la liaison fixe ne se limitent pas à l’entreprise concernée, à savoir Femern, ou au secteur concerné, à savoir les services de transport, pour assurer la traversée du détroit de Fehmarn. Par ailleurs, la Commission pouvait également considérer que les bénéfices du projet trouvaient une pertinence et une application plus larges dans l’économie ou la société européenne sous la forme de retombées positives clairement définies d’une manière concrète et identifiable, à savoir, ainsi que cela ressort déjà en substance des considérants 272 et 273 de la décision attaquée, une amélioration du fonctionnement du marché intérieur ainsi qu’un renforcement de la cohésion économique et sociale. Force est de constater que les requérantes, NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link ne contestent pas ces bénéfices qui sont engendrés par la liaison fixe et identifiés par la Commission au considérant 281 de la décision attaquée.

98 Quatrièmement, ainsi que cela ressort des points 82 à 84 ci-dessus, la Commission pouvait valablement considérer que la liaison fixe faisait l’objet d’un cofinancement de Femern, de sorte que le critère prévu au paragraphe 18 de la communication PIIEC est satisfait.

99 Cinquièmement, en ce qui concerne le critère prévu au paragraphe 19 de la communication PIIEC, la requête ne contient, ainsi qu’il a déjà été souligné, aucun grief contestant le constat, effectué au considérant 279 de la décision attaquée, que la liaison fixe ne concerne pas les subventions préjudiciables à l’environnement et n’est pas en contradiction avec le principe de suppression progressive de ces subventions, de sorte qu’il peut être considéré qu’il est satisfait audit critère.

100 Sixièmement, il convient de relever que, au considérant 280 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le projet de liaison fixe avait, sans que cela ne soit contesté, bénéficié d’un financement de l’Union pour les activités de planification ainsi que d’un engagement en vue d’un soutien supplémentaire au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). Or, conformément au paragraphe 20, sous f), de la communication PIIEC, l’obtention d’un tel financement de l’Union constitue un indicateur positif justifiant une approche plus favorable.

101 Il résulte des considérations qui précèdent que les critères généraux prévus aux paragraphes 14 à 19 de la communication PIIEC étaient remplis sans qu’il soit nécessaire de se fonder sur les résultats des études Incentive contestés par les requérantes, NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link. En outre, dès lors que la Commission s’est également fondée sur un des indicateurs positifs généraux visés au paragraphe 20 de ladite communication, elle pouvait valablement conclure, au considérant 281 de la décision attaquée, que le projet de liaison fixe apportait une contribution importante et concrète à la réalisation des objectifs de la politique des transports de l’Union et des objectifs plus vastes de l’Union, en particulier le renforcement de la cohésion économique et sociale, de sorte que ledit projet présente un intérêt européen commun.

102 S’agissant de l’argumentation des requérantes, de NABU, d’Aktionsbündnis, d’ECSA et de Rederi Nordö-Link, selon laquelle la Commission ne pouvait parvenir à la conclusion que le projet de liaison fixe présentait un intérêt européen commun au sens de la communication PIIEC sans se fonder sur les études Incentive, il y a lieu de constater que, d’une part, il ressort du considérant 274 de la décision attaquée que les avantages du projet de liaison fixe qui ont déjà été clairement définis aux considérants 272 et 273 de cette décision « ont été précisés » dans les études Incentive. D’autre part, en ce qui concerne la quantification des avantages effectuée aux considérants 275 à 277 de la décision attaquée, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il y a lieu de relever que ni l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, ni la communication PIIEC n’exige que les avantages d’un projet fassent l’objet d’une quantification dans le cadre d’une analyse socio-économique des coûts et des avantages aux fins d’une qualification d’un projet en tant que projet d’intérêt européen commun. Dès lors, ainsi que l’a précisé la Commission dans son mémoire en duplique, il y a lieu de considérer que les résultats des études Incentive ont été mentionnés aux considérants 275 à 277 de la décision attaquée en tant qu’éléments supplémentaires utiles, mais non indispensables aux fins de la qualification du projet de liaison fixe en tant que projet d’intérêt européen commun.

103 Il s’ensuit que les premier et deuxième griefs, par lesquels les requérantes, NABU, Aktionsbündnis, ECSA et Rederi Nordö-Link se limitent à contester la quantification des avantages de la liaison fixe, sont dirigés contre des motifs surabondants de la décision attaquée.

104 Par conséquent, ils doivent être rejetés comme étant inopérants.

105 Partant, la première branche du second moyen doit être rejetée dans son intégralité.

2. Sur la deuxième branche, tirée de ce que la Commission aurait à tort conclu au caractère nécessaire de l’aide

106 Par la deuxième branche, les requérantes soulèvent trois griefs, tirés, le premier, de l’absence d’effet incitatif de l’aide, le deuxième, de ce que la Commission aurait à tort considéré que le scénario contrefactuel consistait en l’absence de projet alternatif et, le troisième, d’une contestation des durées retenues aux fins du calcul du taux de rendement interne (ci-après le « TRI »).

a) Sur le premier grief, tiré de l’absence d’effet incitatif de l’aide

107 Les requérantes, soutenues par DFA, ECSA, Trelleborg Hamn et Rederi Nordö-Link, font valoir que la Commission a conclu à tort à l’effet incitatif de l’aide.

108 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

109 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit notamment que les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

110 Au titre du pouvoir d’appréciation que lui confère ladite disposition, la Commission est en droit de refuser l’octroi d’une aide dès lors que celle-ci n’incite pas les entreprises bénéficiaires à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l’un des objectifs visés par la même disposition (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, point 49 et jurisprudence citée).

111 Une telle aide doit ainsi être nécessaire pour atteindre les buts prévus par cette disposition de sorte que, sans elle, le jeu des lois du marché ne permettrait pas d’obtenir, à lui seul, des entreprises bénéficiaires qu’elles adoptent un comportement de nature à contribuer à la réalisation de ces buts. En effet, une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 107, paragraphe 3, TFUE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché intérieur (voir, par analogie, arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, point 104 et jurisprudence citée).

112 Ainsi, dans le contexte de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, l’aide projetée doit, pour être compatible avec le marché intérieur, revêtir un effet d’incitation et être ainsi nécessaire pour la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun. À cette fin, il doit être démontré que, en l’absence de l’aide projetée, l’investissement destiné à la réalisation d’un tel projet ne serait pas effectué. En revanche, s’il devait apparaître que cet investissement serait opéré même en l’absence de l’aide projetée, il faudrait conclure que cette dernière aurait pour seul effet d’améliorer la situation financière des entreprises bénéficiaires, sans pour autant répondre à la condition posée par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir être nécessaire à la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, point 105 ; du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T 314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 182, et du 12 septembre 2019, Achemos Grupė et Achema/Commission, T 417/16, non publié, EU:T:2019:597, point 84).

113 Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la constatation du défaut de nécessité d’une aide peut notamment découler du fait que le projet aidé a déjà été entamé, voire achevé, par l’entreprise intéressée avant que la demande d’aide ne soit transmise aux autorités compétentes, ce qui exclut que l’aide concernée puisse jouer un rôle incitatif (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 69, et du 12 septembre 2019, Achemos Grupė et Achema/Commission, T 417/16, non publié, EU:T:2019:597, point 85).

114 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par les requérantes et par DFA, ECSA, Trelleborg Hamn et Rederi Nordö-Link.

115 À titre liminaire, il y a lieu de relever que dans la décision attaquée et dans les mémoires des parties sont employées les notions d’« effet incitatif formel » et d’« effet incitatif substantiel ». Or, par souci de clarté et de précision terminologique, pour les besoins du présent arrêt, d’une part, la notion d’« effet incitatif formel » doit s’entendre comme étant le critère de l’« antériorité de la demande d’aide » (voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, point 106, et du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C 349/17, EU:C:2019:172, point 64). D’autre part, l’exigence de l’« effet incitatif substantiel » doit s’entendre comme étant la condition de « l’effet incitatif de l’aide » visée dans la jurisprudence rappelée au point 112 ci-dessus, à savoir l’incitation pour le bénéficiaire à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation des objectifs de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

116 Dans la communication PIIEC, l’exigence selon laquelle une aide doit satisfaire à la condition de l’effet incitatif est rappelée au paragraphe 28 et la note en bas de page no 24 insérée audit paragraphe reprend le critère de l’antériorité selon lequel « [l]a demande d’aide doit être antérieure au début des travaux ».

117 Il convient de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, Trelleborg Hamn et ECSA, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que, dans les circonstances de la présente affaire, la demande d’aide était inhérente à la création de Femern.

118 En l’espèce, aux considérants 299 et 302 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la satisfaction du critère de l’antériorité de la demande d’aide, tel que défini dans la communication PIIEC, ne constituait pas un préalable nécessaire au motif que la condition de l’effet incitatif était satisfaite par la démonstration que le projet en cause ne pouvait être réalisé sans aides. Selon la Commission, il y a lieu de distinguer une entreprise comme Femern qui bénéficie d’une aide pour réaliser le projet de liaison défini par les pouvoirs publics et les autres entreprises qui peuvent décider des projets dans lesquels elles souhaitent investir. Ainsi, compte tenu des particularités de la présente affaire, la Commission a estimé que, même en l’absence d’une demande d’aide formellement présentée par Femern aux autorités danoises, le critère de l’antériorité de la demande d’aide était rempli au motif qu’une telle demande pouvait être considérée comme inhérente à la création de cette entité.

119 Il convient de relever que Femern est une société à vocation spécifique qui a été créée par les pouvoirs publics pour réaliser un projet déterminé à l’exclusion de toute autre activité. En effet, ainsi que l’a relevé le Royaume de Danemark, une telle entité ne perçoit pas de recettes d’exploitation jusqu’à la fin des travaux de construction. Dès lors, jusqu’à la mise en service de la liaison fixe, Femern est tributaire des financements accordés par les pouvoirs publics, en particulier pour assurer la construction de l’infrastructure. Or, une telle situation n’est pas comparable à celles d’entreprises privées ou publiques qui peuvent déterminer les projets dans lesquels elles souhaitent investir et les financer, à tout le moins partiellement, en recourant aux revenus générés par leurs autres activités.

120 En outre, dans la présente affaire, il y a lieu de relever que, le 22 décembre 2014, le Royaume de Danemark avait notifié l’ensemble des financements dont cette entité a bénéficié depuis sa création en 2005 afin que leur compatibilité avec le marché intérieur soit évaluée par la Commission sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et des critères figurant dans la communication PIIEC. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, sur le fondement du paragraphe 6 de la lov no 588 om Sund og Bælt Holding A/S (loi no 588, relative à Sund & Baelt Holding A/S), du 24 juin 2005, Femern, anciennement Femern Bælt A/S, a été créée afin d’effectuer les tâches ayant un rapport avec la planification de la liaison fixe, à l’exclusion de toute autre activité. Pour sa création, cette entité a bénéficié d’une injection de capitaux en 2005. Ensuite, après la signature du traité sur le détroit de Fehmarn, sur le fondement de la loi relative à la planification de 2009, Femern a bénéficié d’une injection supplémentaire de capitaux ainsi que de prêts d’État et de garanties d’État. Par sa décision du 13 juillet 2009 concernant l’affaire N 157/2009, la Commission a considéré, à titre principal, que les financements accordés à Femern ne constituaient pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, à titre conservatoire, dans l’éventualité où cette entité serait appelée à exploiter économiquement la liaison fixe, que lesdits financements constitueraient une aide compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il y a lieu de rappeler que cette décision n’a pas été attaquée.

121 Ainsi, dès lors que la Commission pouvait valablement examiner conjointement la compatibilité de l’ensemble des financements nécessaires à la réalisation du projet de liaison fixe depuis la création de Femern (voir points 53 à 61 ci-dessus) et dans la mesure où cette entreprise ne percevra pas de revenus d’exploitation jusqu’à la mise en service de la liaison fixe, il ne saurait être exigé que le critère de l’antériorité de la demande soit vérifié pour chacune des trois aides individuelles accordées à Femern pour réaliser le projet de liaison fixe. En outre, dans la présente affaire, la Commission pouvait valablement considérer que la demande d’aide était inhérente à la création de Femern.

122 Pour contester cette conclusion, en premier lieu, les requérantes, Trelleborg Hamn, DFA, ECSA et Rederi Nordö-Link font valoir, en substance, que, lors de sa création, Femern était uniquement chargée de la planification de la liaison fixe et que ce n’est qu’ultérieurement qu’elle a été chargée de la construction et de l’exploitation de cette infrastructure.

123 À cet égard, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, dès lors que Femern a été constituée pour réaliser le projet de liaison fixe, la circonstance que ses activités aient évolué depuis sa création n’est pas pertinente pour remettre en cause le fait que la demande d’aide peut être considérée comme étant inhérente à sa création.

124 En effet, l’ensemble du projet a été confié par les pouvoirs publics à la même société à vocation spécifique qui n’est pas autorisée à exercer d’autres activités que celles en rapport avec ce projet.

125 S’agissant des travaux considérés par les requérantes, Trelleborg Hamn et ECSA comme étant des travaux de construction réalisés en 2013 et en 2014, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 300 de la décision attaquée, ceux-ci étaient couverts par des augmentations du budget de planification accordées par la commission des finances du Parlement danois le 3 juin 2010, le 23 juin 2011 et en mars 2013. Il ressort des éléments du dossier, en particulier de la demande de crédits budgétaires no 97 du 13 mars 2013 annexée au mémoire en intervention du Royaume de Danemark, que les travaux réalisés à partir de septembre 2013 avaient fait l’objet d’une évaluation financière préalable de la part de Femern, sur le fondement de laquelle le ministre des Transports danois avait demandé l’obtention d’un accord du comité des finances du Parlement danois pour une augmentation du budget de planification. Il y a également lieu de relever que le modèle de financement de la liaison fixe notifié par les autorités danoises le 22 décembre 2014, qui comprenait, ainsi que cela ressort du considérant 36 de la décision attaquée, une estimation du coût total de la planification et de la construction de la liaison fixe, avait été précédé d’une analyse financière réalisée par Femern en novembre 2014. De même, il y a lieu de constater que le déficit de financement calculé dans la décision attaquée dans le cadre de l’examen de la proportionnalité des aides se fonde sur une analyse financière actualisée également effectuée par Femern.

126 Ainsi, dès lors que Femern, en tant que société à vocation spécifique, est tributaire des financements publics pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées, à supposer même que, ainsi que le font valoir les requérantes, la Commission ait dû examiner séparément le respect du critère de l’antériorité de la demande d’aide en raison de l’évolution des activités de Femern, il lui aurait été possible de constater que les travaux entrepris, quelle que soit leur qualification en tant que « travaux de construction » ou en tant que « travaux préparatoires », avaient été réalisés à la suite d’une demande prenant la forme d’une évaluation de ses besoins de financement.

127 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ressort clairement du libellé de la note en bas de page no 24 insérée au paragraphe 28 de la communication PIIEC qu’il suffit que la demande d’aide soit antérieure au début des travaux. Dès lors, l’entité bénéficiaire de l’aide n’est pas tenue d’attendre l’approbation de ladite demande ou l’octroi de l’aide avant de commencer les travaux. Cette exigence de la communication PIIEC n’est pas comparable à celle d’autres lignes directrices, interprétées dans les arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C 349/17, EU:C:2019:172), et du 13 septembre 2013, Fri-El Acerra/Commission (T 551/10, non publié, EU:T:2013:430), invoqués par les requérantes, lesquelles exigeaient expressément une confirmation écrite des autorités nationales compétentes.

128 Par ailleurs, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, la question de savoir si le critère de l’antériorité de la demande d’aide est rempli n’a aucun rapport avec celle de savoir si les aides ont été illégalement versées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ni avec celle de savoir si des financements ont été accordés à Femern en violation de la décision concernant la planification.

129 En deuxième lieu, les requérantes, DFA et Trelleborg Hamn font valoir que la possibilité de reconnaître que la demande d’aide peut être considérée comme inhérente à la création de Femern constitue une discrimination en faveur des entreprises publiques interdite par l’article 345 TFUE, ce qui revient en substance à se prévaloir d’une violation du principe d’égalité de traitement.

130 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. De plus, la charge de la preuve du caractère comparable des situations incombe à celui qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêts du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, points 110 et 114, et du 21 décembre 2021, Gmina Kosakowo/Commission, T 209/15, non publié, EU:T:2021:926, point 152).

131 Selon les requérantes, DFA et Trelleborg Hamn, dès lors qu’une entreprise privée ne peut pas être une société à vocation spécifique appartenant à l’État, le fait de considérer que la demande d’aide est inhérente à la création de Femern au motif qu’elle est une société à vocation spécifique appartenant à l’État constitue une discrimination en faveur des entreprises publiques.

132 À cet égard, ainsi que le font valoir à juste titre la Commission et le Royaume de Danemark, il y a lieu de constater que les entités à vocation spécifique créées par les pouvoirs publics afin de réaliser un projet d’intérêt public ne sont pas dans une situation comparable aux entités à vocation spécifique créées par les entreprises privées. En effet, alors que les entités à vocation spécifique détenues par les personnes privées peuvent être créées sans financements publics susceptibles d’être qualifiés d’aides d’État, dans certains cas, la création d’une entité à vocation spécifique par les pouvoirs publics suppose le versement d’un financement public, lequel doit être qualifié d’aide lorsqu’il n’est pas accordé aux conditions du marché. Il en résulte que, ainsi que l’ont fait valoir la Commission et le Royaume de Danemark, il serait artificiel d’exiger que les pouvoirs publics créent une entité à vocation spécifique et que cette dernière introduise formellement une demande d’aide afin qu’elle puisse être constituée.

133 Par conséquent, dès lors que les situations ne sont pas comparables, il ne saurait y avoir une différence de traitement constitutive d’une atteinte au principe d’égalité de traitement.

134 S’agissant des arguments des requérantes, de DFA, de Trelleborg Hamn et de Rederi Nordö-Link tirés d’une méconnaissance de la pratique décisionnelle de la Commission, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, c’est au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être apprécié si une aide répond ou non aux conditions d’application que cette disposition prévoit, et non à l’aune de la pratique antérieure de la Commission (voir, par analogie, arrêts du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C 459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38, et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 25). Au demeurant, l’examen des décisions invoquées ne permet pas de déceler de pratique établie de la Commission en ce qui concerne l’application du critère de l’antériorité de la demande d’aide à des entités à vocation spécifique détenues par des personnes privées. Les arguments fondés sur celles-ci doivent donc être écartés.

135 En troisième lieu, dès lors que dans les circonstances particulières de la présente affaire la satisfaction du critère de l’antériorité de la demande pouvait valablement être établie sur le constat que la demande d’aide était inhérente à la création de Femern, l’argument des requérantes, selon lequel reconnaître la possibilité qu’une demande d’aide soit inhérente à la création d’une entité telle que Femern aurait pour effet que la condition de l’effet d’incitatif prévue au paragraphe 28 de la communication PIIEC ne serait jamais appliquée à de grands projets d’infrastructures réalisés par des entités ad hoc qui seraient chargées de leur construction, doit être écarté comme étant inopérant.

136 Par ailleurs, pour autant que par l’argument faisant référence à l’obtention de financements de l’Union au titre du programme RTE-T les requérantes entendraient faire valoir que l’obtention de tels financements prouverait qu’une aide n’aurait pas été nécessaire pour réaliser les travaux effectués en 2013 et en 2014, il y a lieu de constater qu’un tel argument n’est pas pertinent dans le cadre de l’application du critère de l’antériorité de la demande d’aide. En toute hypothèse, force est de constater qu’un tel argument, qui relève de l’appréciation de la condition de l’effet incitatif, tend davantage à corroborer le constat selon lequel un tel projet ne peut être réalisé sans aides.

137 Il résulte donc de ce qui précède que, en l’absence de discrimination, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit et qu’elle n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’effet incitatif de l’aide.

138 Partant, le premier grief tiré de l’absence d’effet incitatif de l’aide doit être rejeté.

b) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait à tort considéré que le scénario contrefactuel consistait en l’absence de projet alternatif

139 Les requérantes, FSS, Aktionsbündnis, NABU et VDR considèrent que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le scénario contrefactuel consistait en l’absence de projet alternatif.

140 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, rejette cette argumentation.

141 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux fins de l’appréciation de la nécessité de l’aide, le paragraphe 29 de la communication PIIEC prévoit que l’État membre doit fournir à la Commission des renseignements utiles concernant le projet financé ainsi qu’une description complète d’un scénario contrefactuel dans lequel aucun État membre n’octroie une aide, étant précisé que le scénario contrefactuel peut consister en l’absence d’un projet alternatif ou en un projet alternatif clairement défini et suffisamment prévisible qui est envisagé par le bénéficiaire dans le cadre de son processus décisionnel interne et qu’il peut se rapporter à un projet alternatif qui est mené en tout ou en partie en dehors de l’Union.

142 Dans la décision attaquée, pour parvenir à la conclusion que le scénario contrefactuel consiste en l’absence de projet alternatif, la Commission s’est fondée sur les renseignements fournis par les autorités danoises pour démontrer qu’il n’existait aucune description contrefactuelle crédible ou réaliste d’un projet alternatif. Ainsi, au considérant 307 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur un rapport sur l’intérêt commercial du projet de liaison fixe élaboré en 2001 (ci-après le « rapport sur l’intérêt commercial de 2001 ») pour constater que, compte tenu des risques substantiels liés à un projet de liaison fixe, les exigences formulées par le secteur privé étaient telles que les coûts en capital auraient été si élevés que le projet n’aurait pas été réalisable sans un soutien public conséquent. Sur la base d’éléments fournis par les autorités danoises au moment de la notification du financement de la liaison fixe, la Commission a considéré que, dans l’intervalle, cette conclusion n’avait pas évolué. Ainsi, au considérant 308 de la décision attaquée, la Commission a estimé qu’aucun investisseur privé rationnel ne s’engagerait dans un tel projet dans des conditions normales de marché et que la liaison fixe ne pouvait être réalisée qu’avec une aide publique substantielle. En outre, elle a précisé que le fait que la solution technique finale ait évolué depuis le rapport sur l’intérêt commercial de 2001 ne modifiait en rien cette conclusion et qu’aucun élément ne laissait à supposer qu’un scénario contrefactuel sans aide était devenu entre-temps viable. De plus, la Commission considère que l’octroi d’une aide financière de l’Union au titre du MIE constitue un signe fort qu’un financement public est nécessaire pour la réalisation du projet.

143 En premier lieu, il convient de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, FSS, Aktionsbündnis, NABU et VDR, la Commission n’aurait pas tenu compte de projets alternatifs susceptibles de constituer un scénario contrefactuel au sens du paragraphe 29 de la communication PIIEC.

144 Premièrement, s’agissant d’un projet de système de transbordeurs amélioré, les requérantes se prévalent du rapport sur les coûts et les avantages élaboré en l’an 2000 par le cabinet de conseil Planco (ci-après le « rapport Planco »), lequel contenait plusieurs alternatives au projet de liaison fixe dans sa version actuelle, dont un projet de système de transbordeurs amélioré.

145 Il convient de relever que le rapport Planco ne contient aucune indication claire qui permette de déterminer si l’amélioration des services de transbordeurs nécessite ou non l’octroi d’aides. À cet égard, les requérantes ont reconnu lors de l’audience que ce rapport ne visait pas à déterminer si les projets qu’il évoque pouvaient être réalisés sans aides. En outre, il y a lieu de constater que, au considérant 306 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il ressortait du rapport Planco que le niveau absolu des avantages nets obtenus par la solution d’une liaison fixe ne pouvait pas être atteint par un système de transbordeurs amélioré, en particulier en ce qui concerne la réduction du temps de trajet et les économies de coûts de transport. Par conséquent, elle a conclu qu’un système de transbordeurs amélioré ne constituait pas une solution alternative de la même portée et offrant des avantages escomptés comparables à ceux du projet de liaison fixe.

146 À cet égard, aux fins de l’interprétation de l’exigence d’un scénario contrefactuel, il convient de tenir compte du paragraphe 28 de la communication PIIEC qui précise que, en l’absence d’aide, le projet ne peut être réalisé ou doit être réalisé à une échelle ou à une taille réduite ou d’une manière différente qui limiterait significativement ses bénéfices escomptés. Ainsi, lorsqu’un projet n’est pas d’une échelle ou d’une taille comparable ou qu’il limiterait significativement des bénéfices escomptés par le projet bénéficiant d’une aide, la Commission ne méconnaît pas la communication PIIEC en constatant que celui-ci ne constitue pas un projet alternatif susceptible de constituer un scénario contrefactuel au sens du paragraphe 29 de ladite communication.

147 En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort notamment des considérants 33 et 272 de la décision attaquée, le projet de liaison fixe doit contribuer à combler un chaînon manquant du corridor Scandinavie-Méditerranée, à améliorer la connexion entre les pays nordiques et l’Europe centrale ainsi qu’à accroître la flexibilité et les gains de temps dans le trafic routier et ferroviaire.

148 Certes, ainsi que le font valoir NABU et VDR, dans la version initiale de l’étude Incentive, le principal bénéfice de la liaison fixe provenait de ses recettes d’exploitation. Toutefois, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la possibilité d’effectuer une comparaison entre les résultats du rapport Planco et ceux des études Incentive, il suffit de relever que, pour le trafic routier, il ressort de la version initiale de l’étude Incentive, d’une part, que la liaison fixe permettra de réduire le temps de la traversée du détroit de Fehmarn à 10 minutes en voiture particulière contre 45 minutes par transbordeurs et, d’autre part, qu’elle accroîtra la flexibilité en ce qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre le départ d’un transbordeur. En outre, cette étude met également en évidence les avantages de la liaison fixe pour l’amélioration du transport ferroviaire, tels que la réduction du temps de trajet en train entre l’Allemagne et le Danemark.

149 Ainsi, dès lors qu’un projet de système de transbordeurs amélioré ne serait pas en mesure d’atteindre les objectifs poursuivis par le projet de liaison fixe, la circonstance que le taux de rendement du projet de transbordeurs amélioré soit plus élevé que celui d’une liaison fixe est dénuée de pertinence. En effet, dans l’examen de l’existence d’un projet alternatif, il ne saurait être reproché aux autorités danoises ni à la Commission de ne pas avoir pris en compte un projet qui n’est pas apte à atteindre les objectifs d’intérêt public poursuivis par les pouvoirs publics.

150 Il s’ensuit que la Commission ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation en constatant qu’un service de transbordeurs amélioré n’offrirait pas les mêmes avantages qu’une liaison fixe en termes de réduction des temps de trajet et d’économies de coûts de transport. Partant, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte du projet de système de transbordeurs amélioré.

151 Deuxièmement, s’agissant des liaisons fixes alternatives mentionnées par les requérantes, notamment celles envisagées par le rapport Planco, à savoir un pont suspendu, un pont à haubans et plusieurs configurations de tunnels forés et de tunnels immergés, les requérantes ont reconnu lors de l’audience, ainsi que cela a été indiqué au point 145 ci-dessus, que ce rapport ne visait pas à déterminer si les projets qu’il évoque pouvaient être réalisés sans aides.

152 En ce qui concerne la solution consistant en un pont à haubans et un tunnel immergé comparable à celui en cause dans la présente affaire, figurant dans le rapport d’évaluation économique de la liaison fixe du détroit de Fehmarn élaboré en mars 2004 par le cabinet de conseil COWI (ci-après le « rapport COWI »), il y a lieu de relever que NABU, Aktionsbündnis et VDR ne renvoient à aucun passage précis de ce rapport annexé à la requête. Interrogées à l’audience, les requérantes n’ont pas été en mesure d’indiquer quel extrait de ce rapport pourrait démontrer que les projets qu’il mentionne pourraient être réalisés sans aides. En tout état de cause, force est de constater qu’il ne ressort pas du résumé de ce rapport traduit dans la langue de procédure que la solution de pont à haubans ou de tunnel immergé pourrait être réalisée sans aides. Au contraire, ce rapport part du postulat selon lequel un tel projet bénéficierait de financements de l’Union à hauteur d’environ 10 % des coûts d’investissement, de sorte que ces financements auraient un impact positif sur les coûts supportés par le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne.

153 Un même constat peut être dressé s’agissant du rapport d’impact sur l’environnement de la liaison fixe, réalisé par Femern, invoqué par FSS, Aktionsbündnis, NABU et VDR. Certes, dans ce rapport, plusieurs alternatives ont été envisagées, à savoir un pont à haubans, un pont suspendu ainsi qu’un tunnel foré. Toutefois, il s’avère que les intervenantes ne démontrent pas qu’il ressort des extraits dudit rapport, traduits dans la langue de procédure, que lesdits projets alternatifs pourraient être réalisés sans aides.

154 Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte des projets de liaisons fixes alternatives.

155 Troisièmement, s’agissant du projet qui consisterait en une modernisation de la liaison du Jutland (Danemark), invoqué par les requérantes, il y a lieu de constater que le renvoi à la page 5 du rapport de synthèse du rapport COWI est erroné, dans la mesure où le résumé de ce rapport traduit dans la langue de procédure ne mentionne pas un tel projet. Quant au projet invoqué par NABU, lequel consisterait en une modernisation des services de transbordeurs dans le détroit de Fehmarn et une modernisation des voies ferroviaires existantes à travers le Jutland, force est également de constater qu’un tel projet ne figure pas dans le résumé de ce rapport traduit dans la langue de procédure du rapport COWI vers lequel aucun renvoi précis n’est effectué dans le mémoire en intervention. De plus, en ce qui concerne le projet invoqué par NABU, lequel consisterait à améliorer une liaison ferroviaire du Jutland qui passe par Kolding (Danemark), il y a lieu de constater que le mémoire en intervention ne contient pas de précisions suffisantes qui permettraient d’identifier ledit projet. Dès lors, la simple évocation de ces projets invoqués par les requérantes et NABU ne permet pas de démontrer que c’est à tort que la Commission n’en a pas tenu compte.

156 Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes, FSS, Aktionsbündnis, NABU et VDR n’ont pas démontré que les constatations effectuées aux considérants 306 à 308 de la décision attaquée et la conclusion selon laquelle le scénario contrefactuel consiste en l’absence de projet alternatif étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

157 En deuxième lieu, ne saurait prospérer l’argumentation de FSS selon laquelle, en substance, il ressortirait du point 150 de l’arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission (T 356/15, EU:T:2018:439), ainsi que du paragraphe 29 de la communication PIIEC qu’un État membre ne pourrait pas orienter une aide vers le projet de son choix lorsqu’il existe des projets alternatifs clairement définis et suffisamment prévisibles qui répondent aux mêmes objectifs et qui nécessiteraient une aide moins élevée.

158 D’une part, force est de constater que cette argumentation ne trouve aucun fondement dans l’arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission (T 356/15, EU:T:2018:439).

159 D’autre part, ainsi que l’a rappelé la Commission, en présence d’un projet important d’intérêt européen commun, pour autant que les conditions de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi que celles prévues par la communication PIIEC soient satisfaites, un État membre est libre d’accorder des aides au projet de son choix.

160 En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, pour conclure que dans le cas d’espèce le scénario contrefactuel consiste en l’absence de projet alternatif, la Commission ne s’est pas fondée sur la constatation effectuée dans la troisième phrase du considérant 304 de la décision attaquée, selon laquelle, en tant que société à vocation spécifique créée pour réaliser la liaison fixe, Femern n’a pas le pouvoir de décider de réaliser un projet alternatif d’une ampleur différente. En effet, ainsi que cela ressort des considérants 306 à 308 de la décision attaquée, pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’est fondée sur les informations transmises par les autorités danoises selon lesquelles il n’existe aucun projet comparable à la liaison fixe susceptible d’être réalisé sans aide.

161 Or, dès lors que les requérantes, FSS, Aktionsbündnis, NABU et VDR ne sont pas parvenues à démontrer qu’il existerait un projet alternatif d’une échelle ou d’une taille comparable ou apportant des bénéfices équivalents à ceux escomptés par le projet de liaison fixe susceptible d’être réalisé sans aide, il ne saurait y avoir de différence de traitement en faveur d’une entreprise publique. En effet, le paragraphe 29 de la communication PIIEC prévoit expressément que le scénario contrefactuel peut consister en l’absence de projet alternatif pour des projets, tel celui en cause en l’espèce, pour lesquels, en raison des coûts d’investissement et des risques élevés, aucun investisseur privé ne s’engagerait dans des conditions normales de marché. Dès lors, dans l’éventualité où une entreprise privée serait chargée par les pouvoirs publics de réaliser un tel projet, il n’y aurait également pas de méconnaissance de la communication PIIEC s’il était valablement établi que le scénario contrefactuel consisterait en l’absence de projet alternatif. Il s’ensuit qu’Aktionsbündnis, NABU et VDR ne sauraient soutenir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

162 En dernier lieu, en ce qui concerne l’argument de NABU et d’Aktionsbündnis selon lequel, en substance, le projet de liaison fixe est davantage préjudiciable à l’environnement que des services de transbordeurs améliorés, force est de constater que de telles considérations ne sont pas pertinentes pour déterminer l’existence d’un projet alternatif susceptible d’être réalisé sans aide. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’étaye l’allégation sur les prétendus effets néfastes de la liaison fixe sur l’environnement ni celle sur les prétendus effets bénéfiques des transbordeurs sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2).

163 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le scénario contrefactuel consistait en l’absence de projet alternatif.

164 Partant, le deuxième grief tiré de ce que la Commission aurait à tort considéré que le scénario contrefactuel consistait en l’absence de projet alternatif doit être rejeté comme étant non fondé.

c) Sur le troisième grief, tiré d’une contestation des durées retenues aux fins du calcul du TRI (nécessité de l’aide) et du calcul du déficit de financement (proportionnalité de l’aide)

165 Les requérantes, FSS, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR font valoir que la durée de vie de l’investissement, prévue au paragraphe 31 de la communication PIIEC, pour calculer le déficit de financement devrait correspondre à la durée de vie du projet, prévue au paragraphe 30 de ladite communication, pour calculer le TRI. Dès lors, les requérantes et ces intervenantes invoquent les mêmes arguments au soutien du grief, invoqué dans la branche concernant la nécessité de l’aide, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de la durée retenue aux fins du calcul du TRI ainsi que du grief, invoqué dans la troisième branche concernant la proportionnalité de l’aide, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de la durée retenue aux fins du calcul du déficit de financement.

166 Les requérantes, FSS, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR considèrent que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en se fondant sur une durée de 40 années pour effectuer le calcul du TRI et du déficit de financement. Selon elles, en retenant une durée de vie du projet de 120 ans, d’une part, le TRI aurait été supérieur car les revenus dégagés par la liaison fixe auraient été plus élevés dans la durée et, d’autre part, le déficit de financement aurait été moindre.

167 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, rejette cette argumentation.

168 À cet égard, il convient de relever que, d’une part, en l’absence de projet alternatif, selon le paragraphe 30 de la communication PIIEC, la Commission doit vérifier que le montant de l’aide n’excède pas le minimum nécessaire pour que le projet bénéficiant de l’aide soit suffisamment rentable, par exemple en permettant de parvenir à un TRI correspondant au taux de référence ou au taux critique de rentabilité du secteur ou de l’entreprise, étant précisé que tous les coûts et avantages escomptés concernés doivent être pris en considération pendant la durée de vie du projet. Il en résulte que l’aide est nécessaire si le projet n’est pas rentable pendant sa durée (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 210).

169 D’autre part, conformément au paragraphe 31 de la communication PIIEC, le montant maximal de l’aide est déterminé en fonction du déficit de financement lui-même déterminé par rapport aux coûts admissibles, étant précisé que si l’analyse du déficit de financement le justifie, l’intensité de l’aide pourrait atteindre jusqu’à 100 % des coûts admissibles. Ce même paragraphe définit le déficit de financement comme étant la différence entre les flux de trésorerie positifs et les flux de trésorerie négatifs sur la durée de vie de l’investissement, comptabilisés à leur valeur actualisée sur la base d’un taux d’actualisation approprié qui prend en compte le taux de rentabilité requis pour que le bénéficiaire réalise le projet, notamment au regard des risques encourus.

170 En l’espèce, il ressort du considérant 327 de la décision attaquée que, aux fins de la détermination du déficit de financement, les autorités danoises ont utilisé une durée de vie économique escomptée de l’investissement de 40 ans, au motif qu’il s’agit de la durée dont un investisseur tiendrait normalement compte lorsqu’il investit dans une infrastructure à grande échelle comme la liaison fixe. Si la Commission a indiqué que le site Internet de Femern indiquait une durée de vie du projet de 120 ans, elle a toutefois relevé que lorsque les flux de trésorerie sont éloignés, les effets de l’actualisation sont importants. De plus, elle a estimé qu’en raison du degré élevé d’incertitude inhérent à toute prévision financière sur une période aussi longue, il est peu probable qu’un investisseur raisonnable accepte de réaliser un investissement dont les perspectives de rentabilité ne peuvent se concrétiser que sur une période aussi longue. Par conséquent, la Commission a considéré qu’une durée de 40 ans d’exploitation constituait une hypothèse raisonnable pour le calcul du déficit de financement de la liaison fixe.

171 En ce qui concerne le TRI, aux considérants 309 et 310 de la décision attaquée, dès lors que Femern ne poursuit pas de projet d’investissement de nature similaire ou présentant des coûts d’investissement globaux similaires qui pourraient être utilisés pour déterminer si le montant de l’aide excède le niveau nécessaire pour que le projet soit suffisamment rentable, la Commission a estimé qu’il convenait de comparer le TRI sans aide du projet de liaison fixe avec les exigences de coûts d’investissement observées dans le secteur concerné, à savoir un coût moyen pondéré du capital (ci-après le « CMPC ») établi à 5,59 %. Ainsi, il ressort du considérant 312 de la décision attaquée que, en retenant une durée de vie économique de l’investissement de 40 ans, la Commission a constaté que le TRI du projet sans aide s’élevait à 3,9 % et qu’il demeurerait inférieur au CMPC même avec une durée de vie plus longue jusqu’en 2100.

172 Il convient de relever que, par leur argumentation, les requérantes, FSS, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR reprochent à la Commission d’avoir calculé le TRI et le déficit de financement en tenant compte d’une durée de vie économique de l’investissement de 40 ans au lieu de la durée de vie du projet de 120 ans.

173 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, au point 213 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), le Tribunal a jugé qu’en se référant à la « période de remboursement de l’aide », la Commission n’avait pas appliqué correctement le paragraphe 30 de la communication PIIEC, selon lequel le TRI est calculé en tenant compte des coûts et des avantages escomptés pendant la « durée de vie du projet ». De plus, il a considéré que rapporter le calcul du TRI à une période de remboursement très incertaine était également arbitraire, cette période pouvant varier selon des éléments subjectifs, notamment le type d’aide et les modalités de remboursement négociées entre le bénéficiaire et l’institut financier octroyant le prêt.

174 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR, il ne saurait être déduit de ces considérations que le Tribunal ait entendu exiger que la Commission tienne compte d’une durée de 120 ans pour le calcul du TRI, ce d’autant plus que, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), la seule mention concernant cette durée figure au conditionnel dans l’exposé de l’argumentation des parties. En outre, il y a lieu de relever que, au point 217 de cet arrêt, le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être exclu, en principe, qu’une aide soit nécessaire pour la réalisation d’un projet d’une telle ampleur, mais que l’examen insuffisant et imprécis de la nécessité de l’aide avait révélé l’existence de difficultés sérieuses qui obligeaient la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et qui ne lui permettaient pas d’examiner si elle avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

175 En deuxième lieu, il convient de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, FSS, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR, la Commission a méconnu les paragraphes 30 et 31 de la communication PIIEC en tenant compte du comportement des investisseurs sur le marché pour déterminer la durée pertinente pour calculer le TRI et le déficit de financement.

176 Premièrement, pour la durée pertinente aux fins du calcul du TRI, il convient d’interpréter l’exigence de prise en compte de tous les coûts et avantages escomptés concernés « pendant la durée de vie du projet », prévue à la dernière phrase du paragraphe 30 de la communication PIIEC, à la lumière des indicateurs à prendre en considération pour réaliser le test consistant à comparer le TRI sans aide avec une valeur de référence. Or, il y a lieu de constater que le paragraphe 30 de la communication PIIEC prévoit que le TRI doit être comparé avec des indicateurs du marché, à savoir le taux critique de rentabilité du secteur ou de l’entreprise, étant précisé que peuvent également être pris en considération les taux normaux de rentabilité réclamés par le bénéficiaire dans d’autres projets d’investissement de nature similaire ainsi que les coûts d’investissement globaux encourus ou les rendements généralement observés dans le secteur concerné.

177 En outre, dans la présente affaire, ainsi que cela a été rappelé au point 171 ci-dessus, pour déterminer si le TRI sans aide était suffisant pour atteindre le niveau de rentabilité minimal qui aurait été exigé par le marché, il a été nécessaire de recourir au CMPC. Il s’agit d’un taux qui représente le coût de financement de toutes sources (dette, fonds propres) pour un projet comparable. Il est constant entre les parties principales que la valeur de ce taux reflète le niveau de rentabilité minimale à atteindre pour que le projet soit viable. Celui-ci a été calculé, ainsi que cela ressort des considérants 328 à 339 de la décision attaquée, en tenant compte d’indicateurs du marché (prime de risque sur la dette, prime de risque sur les fonds propres, prime de risque spécifique, taux sans risque). Ainsi, dès lors que le test prévu au paragraphe 30 de la communication PIIEC nécessite de déterminer le niveau de rentabilité minimale sur le marché d’un projet comparable, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu la communication PIIEC en déterminant la durée pertinente pour calculer le TRI en tenant compte du comportement des investisseurs sur le marché.

178 De même, la référence à la « durée de vie du projet » dans la dernière phrase du paragraphe 30 de la communication PIIEC ne saurait être interprétée comme impliquant l’examen par la Commission de la question de savoir si l’aide n’excède pas le minimum nécessaire pour que le projet d’investissement dans la liaison fixe bénéficiant de l’aide soit suffisamment rentable sur la durée de vie de cette infrastructure. En effet, cette référence qui vise à tenir compte de tous les coûts et avantages escomptés devant être pris en compte doit être comprise comme visant la durée de vie économique du projet d’investissement et non de l’infrastructure sur un plan technique. Il s’ensuit que, dans les circonstances de la présente affaire, la Commission pouvait valablement calculer le TRI sans aide du projet de liaison fixe en se fondant sur la durée de vie économique du projet d’investissement.

179 Deuxièmement, s’agissant de la durée retenue pour le calcul du déficit de financement, il ressort du paragraphe 31 de la communication PIIEC que les flux de trésorerie doivent être actualisés sur la base d’un taux d’actualisation approprié qui prend en compte le taux de rentabilité requis pour que le bénéficiaire réalise le projet, notamment au regard des risques encourus. Il en résulte que, ainsi que l’a relevé la Commission, l’analyse du déficit de financement vise à déterminer dans quelle mesure le projet pourrait être financé aux conditions du marché. En effet, il ressort du paragraphe 5 de la communication PIIEC que les aides accordées pour le déploiement de projets importants d’intérêt européen commun visent à surmonter le manque de financements disponibles sur le marché pour la réalisation de tels projets qui nécessitent une intervention significative des pouvoirs publics. En l’espèce, pour calculer le déficit de financement, le CMPC a également été utilisé pour actualiser les flux de trésorerie du projet d’investissement. Or, dès lors que ce taux a été déterminé en tenant compte de paramètres du marché, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu le paragraphe 31 de la communication PIIEC en tenant compte, pour déterminer la durée pertinente pour calculer le déficit de financement, de la perception des investisseurs sur le marché.

180 Troisièmement, s’agissant de l’argument des requérantes et de FSS, selon lequel, en substance, la durée pour calculer le TRI et le déficit de financement devrait correspondre à la « durée d’utilisation économique de l’actif » figurant au paragraphe 99 des lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3), il y a lieu de constater, ainsi que le relève la Commission, que lesdites lignes directrices ne sont pas applicables en l’espèce. En tout état de cause, dans le contexte de la présente affaire, il convient de distinguer entre, d’une part, la durée d’utilisation économique de l’actif et, d’autre part, la durée de vie de l’actif, c’est-à-dire la durée de l’infrastructure sur le plan technique. À cet égard, force est de constater que la durée de vie de 120 ans évoquée au considérant 327 de la décision attaquée paraît davantage se référer à la durée de vie de l’actif sur un plan technique. En effet, compte tenu de l’évolution des modes de transport, il est difficile pour un investisseur de prévoir s’il serait possible d’exploiter économiquement une infrastructure sur une aussi longue durée.

181 Quant aux décisions en matière d’aides d’État dans le secteur aéroportuaire invoquées par les requérantes et à la décision relative à un tunnel ferroviaire invoquée par FSS, il convient de rappeler que c’est au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être apprécié si une aide répond ou non aux conditions d’application que cette disposition prévoit, et non à l’aune de la pratique antérieure de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C 459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38, et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 25). En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il ressort de ces décisions que la durée retenue dans lesdites décisions pour calculer le déficit de financement était inférieure à 40 ans et qu’elle n’était pas nécessairement tributaire de la durée de la concession accordée pour l’exploitation de l’infrastructure lorsque celle-ci est longue.

182 Il résulte des considérations qui précèdent que, pour déterminer la durée pertinente pour calculer le TRI et le déficit de financement, la Commission pouvait valablement se fonder sur le comportement des investisseurs sur le marché. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir calculé le TRI et le déficit d’investissement sur la base d’une durée de 120 ans correspondant à la durée de vie estimée du projet.

183 En troisième lieu, il convient de vérifier si la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant une durée de vie économique de l’investissement de 40 ans pour calculer le TRI et le déficit de financement.

184 En l’espèce, ainsi que cela a été rappelé au point 170 ci-dessus, au considérant 327 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles il ne serait pas raisonnable de retenir une durée de 120 ans. Ainsi, dès lors qu’il lui revenait de déterminer le coût de financement sur le marché d’un investissement comparable à celui effectué pour la liaison fixe, la Commission a estimé qu’il convenait de retenir l’hypothèse d’une durée de 40 années d’exploitation qu’elle considère comme étant supérieure à la durée retenue pour d’autres projets d’infrastructures dans les secteurs des ports et des aéroports.

185 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la durée de 40 ans ne permettrait pas de tenir compte de certaines recettes futures, ce qui aurait pour effet de réduire artificiellement le TRI et d’accroître artificiellement le déficit de financement, compte tenu des incertitudes inhérentes à des investissements sur une très longue période, la Commission ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle considère que, même en tenant compte d’une durée plus longue, les effets nets sur d’éventuelles recettes au-delà de 40 ans seraient vraisemblablement limités. En effet, comme le relève la Commission dans son mémoire en défense, pour se prémunir des risques inhérents à des investissements d’une durée au-delà de 40 ans, un investisseur aurait probablement exigé un rendement plus élevé, ce qui aurait eu pour effet d’augmenter le CMPC et, par voie de conséquence, de réduire la valeur des recettes futures actualisées.

186 En ce qui concerne l’argumentation des requérantes, d’ECSA, de Trelleborg Hamn et de VDR par laquelle, en substance, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle aurait retenu une durée de 40 années pour calculer le TRI et le déficit de financement alors qu’une durée de 50 ans a été utilisée dans les études Incentive pour l’appréciation du rendement socio-économique, il convient de distinguer entre le rendement socio-économique d’un projet et les paramètres tels que le TRI et le déficit de financement qui relèvent uniquement de l’évaluation financière d’un projet. D’une part, il convient de relever, comme le soutiennent les parties principales, que le rendement socio-économique est le résultat d’une analyse socio-économique d’un projet effectuée afin d’évaluer les bénéfices d’un projet pour la société, de sorte qu’il est tenu compte, outre des paramètres financiers, des externalités positives et négatives d’un projet. D’autre part, il convient de relever, comme le soutiennent les parties principales, que le TRI et le déficit de financement constituent des paramètres, déterminés sur le seul fondement des flux financiers générés par le projet, qui permettent à un investisseur d’évaluer l’opportunité d’investir dans un projet. Compte tenu des différences entre l’analyse socio-économique et l’analyse financière d’un projet, la circonstance que la durée retenue pour évaluer les bénéfices du projet pour la société soit plus longue que celle retenue pour évaluer sa faisabilité sur un plan financier ne saurait priver les résultats de chacune de ces analyses de leur plausibilité.

187 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la durée de 40 ans serait erronée au motif qu’il ressortirait des études Incentive qu’à l’issue d’une durée de 50 ans la liaison fixe aurait encore une valeur résiduelle de 11,7 milliards d’euros ou une valeur en capital élevée, de sorte qu’à l’issue d’une période de 40 ans des recettes supplémentaires pourraient être dégagées ou que la vente du tunnel pourrait générer un profit, force est de constater que lesdites études ne font pas état d’une telle valeur résiduelle. En réponse à une demande de clarification du Tribunal à cet égard lors de l’audience, Trelleborg Hamn a soutenu qu’il s’agissait d’une valeur résiduelle de 11,7 milliards de DKK et non de 11,7 milliards d’euros, tel que cela ressortirait de l’analyse financière de Femern de février 2016. Or, il y a lieu de constater que le passage de cette analyse financière indiqué par cette intervenante concerne des tests de résistance et le constat que le projet pourrait supporter des coûts supplémentaires de 11,7 milliards de DKK. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’allégation d’une valeur résiduelle de 11,7 milliards de DKK à l’issue d’une durée de 50 ans n’est étayée par aucun élément de preuve. De plus, pour justifier d’une valeur résiduelle élevée équivalente aux coûts de construction, il est renvoyé au manuel pour l’évaluation socio-économique dans le domaine des transports élaboré en mars 2015 par le ministère des Transports danois. Or, force est également de constater que les requérantes, VDR, ECSA et Trelleborg Hamn n’expliquent pas les raisons pour lesquelles une supposée valeur résiduelle élevée après 50 ans, déterminée dans le cadre d’une analyse socio-économique, impliquerait que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant, dans le cadre de l’analyse financière d’un projet, une durée de 40 ans pour calculer le TRI et le déficit de financement. En particulier, aucun élément n’est fourni pour indiquer qu’un investisseur sur le marché tiendrait compte de la valeur résiduelle après une durée d’exploitation de 40 ou 50 ans afin de déterminer le rendement minimal qui serait exigé. À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des considérants 337 et 338 de la décision attaquée que déjà sur une période de 40 ans le niveau d’incertitude peut constituer une difficulté pour déterminer certaines composantes du CMPC, notamment le taux sans risque. Dès lors, sur une période au-delà de 40 ans, le niveau d’incertitude encore plus élevé aurait probablement rendu la détermination du CMPC trop approximative pour refléter adéquatement le coût du financement du projet sur le marché.

188 Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes, FSS, VDR, ECSA et Trelleborg Hamn n’ont pas établi que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur une durée de 40 années pour calculer le TRI et le déficit de financement du projet.

189 Dès lors, il n’y a plus lieu de se prononcer sur l’argumentation visant à contester le calcul du TRI effectué à titre conservatoire jusqu’en 2100.

190 Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une contestation des durées retenues aux fins du calcul du TRI (nécessité de l’aide) et du calcul du déficit de financement (proportionnalité de l’aide).

191 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du second moyen dans son intégralité.

3. Sur la troisième branche, tiréede ce que la Commission aurait à tort conclu au caractère proportionné de l’aide

192 Dans la troisième branche du second moyen, les requérantes soulèvent trois griefs, tirés, le premier, d’une contestation de la limitation de l’aide dans le temps, le deuxième, d’une contestation du déficit de financement et, le troisième, d’une contestation du montant de l’aide.

a) Sur le premier grief, tiré d’une contestation de la limitation de l’aide dans le temps

193 Les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR considèrent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la proportionnalité de l’aide en cause au motif que cette dernière n’est pas limitée dans le temps et que, en toute hypothèse, la durée de seize ans après l’ouverture de la liaison fixe, retenue dans la décision attaquée, est trop longue.

194 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

195 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du paragraphe 36 de la communication PIIEC que le choix de l’instrument d’aide dépend de la défaillance du marché ou de toute autre défaillance systémique importante à laquelle il cherche à remédier, étant précisé que, lorsque le problème sous-jacent concerne l’accès au financement, les États membres doivent normalement recourir à des aides sous la forme d’un soutien de trésorerie, tel l’octroi d’un prêt ou d’une garantie. S’agissant de ces aides sous forme de prêt ou de garantie, la note en bas de page no 27 insérée au paragraphe 36 de la communication PIIEC précise que les aides sous forme de garanties doivent être limitées dans le temps, tandis que les aides sous forme de prêts doivent être assorties de délais de remboursement.

196 En l’espèce, au considérant 348 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les autorités danoises avaient assuré que Femern ne recourrait pas à des prêts d’État et à des garanties d’État qui, combinés, dépasseraient un montant maximal garanti fixé à 69,3 milliards de DKK (environ 9,3 milliards d’euros), étant précisé que lesdits prêts et garanties sont strictement limités aux coûts de planification et de construction de la liaison fixe. En outre, selon le modèle alternatif de déficit de financement, transmis par les autorités danoises au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté, au considérant 349 de la décision attaquée, que seize ans après le début de l’exploitation tous les prêts bénéficiant d’une garantie d’État seront clôturés et que tous les prêts d’État obtenus seraient remboursés. Selon la Commission, ainsi que cela ressort du considérant 350 de la décision attaquée, il en résulte une aide égale au déficit de financement d’un montant de 12,046 milliards de DKK (environ 1,615 milliard d’euros). De plus, il ressort du considérant 351 de la décision attaquée que, dès lors qu’il ne saurait être exclu que le déficit de financement soit surévalué en raison de l’inclusion d’un budget de réserve, les autorités danoises devront recalculer le déficit de financement au plus tard cinq ans après le début de l’exploitation, étant précisé que si le déficit de financement était inférieur à ce qui était initialement prévu, le montant maximal garanti serait réduit à 66,1 milliards de DKK (environ 8,9 milliards d’euros) et la période de garantie maximale serait réduite à onze ans à compter du début de l’exploitation.

197 En premier lieu, s’agissant des arguments selon lesquels la durée de l’aide ne serait pas limitée dans le temps, premièrement, il convient de rejeter l’argument des requérantes, d’ECSA, de Trelleborg Hamn et de VDR tiré de ce que, en substance, la Commission n’aurait fourni aucune indication quant au moment de l’octroi de l’aide. En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, les dates auxquelles les trois aides individuelles ont été successivement accordées à Femern figurent au considérant 259 de la décision attaquée. En outre, un tel argument n’est pas pertinent pour faire valoir que la Commission aurait méconnu l’exigence résultant du paragraphe 36 de la communication PIIEC, rappelée au point 195 ci-dessus, selon laquelle les aides sous forme de garanties doivent être limitées dans le temps et celles sous forme de prêts doivent être assorties de délais de remboursement. En effet, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la communication PIIEC n’exige pas que des dates précises soient déterminées, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de connaître avec précision le moment de l’octroi de l’aide.

198 Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, en substance, l’aide ne serait pas limitée dans le temps au motif qu’il n’est pas possible de déterminer la date de fin de l’aide en raison du caractère incertain de la date d’ouverture de la liaison fixe, il y a lieu de relever que la Commission s’est assurée, aux considérants 348 à 351 de la décision attaquée, que des limites temporelles soient fixées pour l’octroi de prêts d’État et de garanties d’État.

199 D’une part, comme indiqué au considérant 349 de la décision attaquée, tous les prêts bénéficiant d’une garantie devront avoir été clôturés au plus tard seize ans après le début de l’exploitation de la liaison fixe et tous les prêts d’État devront avoir été remboursés, étant précisé qu’aucune garantie ne sera accordée après le remboursement de la dette réelle si la période de remboursement de celle-ci est inférieure à seize ans.

200 D’autre part, les prêts d’État et les garanties d’État sont strictement limités au financement des coûts de la planification et de la construction de la liaison fixe et les autorités danoises ne sont pas autorisées à octroyer à Femern de tels prêts et garanties pour un montant qui excéderait le montant maximal garanti fixé à 69,3 milliards de DKK (environ 9,3 milliards d’euros), étant précisé que ledit montant inclut également les intérêts de la dette souscrite pour financer la planification et la construction de la liaison fixe. Dès lors, ainsi que l’a relevé la Commission, d’éventuels retards dans l’ouverture complète de la liaison fixe auraient pour effet d’accroître la dette souscrite pour financer la planification et la construction de la liaison fixe, laquelle est strictement plafonnée par le montant maximal garanti et le délai de remboursement de seize ans après l’ouverture de la liaison fixe. Il en résulte que, dans l’éventualité où Femern aurait besoin, pour finaliser la construction de la liaison fixe, de prêts d’État ou de garanties d’État pour un montant combiné qui excéderait le montant maximal garanti, les autorités danoises seraient tenues de notifier ces financements additionnels qui ne seraient pas couverts par la déclaration de compatibilité de la décision attaquée. Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient faire valoir qu’il serait dans l’intérêt de Femern de retarder la mise en service complète de la liaison fixe afin de prolonger la durée de l’aide.

201 En outre, il y a lieu de relever que, dès lors qu’il se pourrait que le déficit de financement soit surévalué en raison de l’inclusion d’un budget de réserve dans le montant maximal garanti, la Commission a exigé, au considérant 351 de la décision attaquée, que les autorités danoises recalculent, au plus tard cinq ans après le début de l’exploitation de la liaison fixe, le déficit de financement. Dans l’éventualité où le déficit de financement aurait été surévalué, le montant maximal garanti pourrait être réduit à 66,1 milliards de DKK (environ 8,9 milliards d’euros) et la période maximale garantie pourrait être ramenée à onze ans à partir du début de l’exploitation.

202 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, les modalités de limitation de la durée des prêts d’État et des garanties d’État dans la décision attaquée ne méconnaissent pas les motifs de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), au motif que la date de fin de l’aide n’est pas suffisamment précise.

203 À cet égard, il convient de relever, d’emblée, que, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), le Tribunal n’a pas jugé que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen de la proportionnalité de l’aide, mais qu’elle aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen en raison des difficultés sérieuses concernant l’appréciation de la proportionnalité de l’aide. En particulier, s’agissant de la durée des garanties, le Tribunal avait considéré que, compte tenu du caractère partiellement indéterminé de leur objet et la durée extrêmement longue et indéterminée, voire imprévisible, de la période de remboursement de la dette, la Commission aurait dû s’interroger sur la proportionnalité de l’aide litigieuse.

204 Il y a lieu de souligner que les requérantes se méprennent sur la portée de la constatation incidente concernant la date d’ouverture de la liaison fixe, effectuée au point 230 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942). Certes, le Tribunal a évoqué la date incertaine de l’ouverture de la liaison fixe. Toutefois, il ressort d’une lecture des points 230 à 233 dudit arrêt que cette constatation incidente ne constituait que l’un des éléments pris en compte pour conclure, dans des circonstances différentes de celles du cas d’espèce, que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen. En effet, en ce qui concerne le caractère partiellement indéterminé de l’objet des garanties, le Tribunal a relevé que les garanties litigieuses couvraient la dette souscrite pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, mais que lesdites garanties ne se rapportaient pas à un montant précis. S’agissant de la durée extrêmement longue et indéterminée, voire imprévisible, de la période de remboursement de la dette, le Tribunal a relevé que les autorités danoises pouvaient accorder de nouvelles garanties pendant une durée de 55 ans à compter de la date d’ouverture de la liaison fixe. Ainsi, le Tribunal a constaté que l’effet des garanties s’étendait bien au-delà de la période de 55 ans à compter de l’ouverture de la liaison fixe, à savoir jusqu’au remboursement des prêts bénéficiant de la garantie d’État.

205 Force est de constater que les modalités de limitation de la durée des prêts d’État et des garanties d’État, telles qu’elles sont définies dans la décision attaquée, ne sauraient être comparées à celles qui régissaient l’octroi de garanties dans la décision relative à la construction de 2015. En effet, ainsi que cela ressort des considérants 348 à 351 de la décision attaquée, la Commission s’est assurée que l’objet des prêts d’État et des garanties d’État soit strictement limité, y compris en ce qui concerne le montant maximal de la dette pouvant être garantie. Il est en outre exigé que, au plus tard seize ans après le début de l’exploitation de la liaison fixe, tous les prêts bénéficiant d’une garantie soient clôturés et que tous les prêts d’État soient remboursés. De plus, dans l’éventualité où le déficit de financement aurait été surévalué, il est prévu de réduire tant le montant maximal garanti que la durée de remboursement des prêts et des garanties.

206 Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission d’avoir méconnu l’exigence de limitation dans le temps des aides résultant du paragraphe 36 de la communication PIIEC.

207 En second lieu, il convient d’examiner si, ainsi que le font valoir les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif que la période de seize ans à compter de l’ouverture de la liaison fixe serait trop longue en ce qu’elle dépasserait le moment auquel Femern sera capable, sur la base de son flux de liquidités, de se financer sur le marché, de sorte qu’au-delà de ce moment les aides constitueraient des aides au fonctionnement incompatibles avec le marché intérieur.

208 Il convient de relever que cette argumentation se fonde sur une lecture isolée du point 242 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), dans lequel le Tribunal a jugé que l’aide devrait expirer au moment où le bénéficiaire serait capable, sur la base de son flux de liquidités, d’emprunter sur le marché concurrentiel sans l’aide de garanties ou de prêts d’État. À cet égard, le Tribunal avait précisé que ce moment était normalement atteint lorsque le montant de la dette du bénéficiaire avait baissé à un niveau auquel les revenus étaient susceptibles d’excéder les coûts d’exploitation et le remboursement de la dette dans les conditions du marché et donc avant le remboursement complet de la dette. Dès lors, selon le Tribunal, l’aide qui excède ce niveau pourrait être considérée comme une aide au fonctionnement.

209 Or, le point 242 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), ne saurait se lire ni être interprété indépendamment du contexte dans lequel était saisi le Tribunal, à savoir, ainsi que cela ressort du point 240 de cet arrêt, celui de mesures litigieuses en faveur de Femern qui couvraient non seulement la dette liée à la planification et à la construction, mais également celle relative à l’exploitation de la liaison fixe. Dès lors, au point 241 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que dans la mesure où les aides litigieuses couvraient les coûts d’exploitation de la liaison fixe, il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, elles puissent constituer des aides au fonctionnement qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de la gestion courante de ses activités, raison pour laquelle il a posé le critère invoqué par les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR.

210 Force est de constater que, à la différence de la décision relative à la construction de 2015 que le Tribunal a annulée par l’arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission (T 630/15, non publié, EU:T:2018:942), il ressort notamment du considérant 348 de la décision attaquée que les prêts d’État et les garanties d’État sont strictement limités au financement nécessaire pour couvrir les coûts encourus pendant les phases de planification et de construction de la liaison fixe. Il s’ensuit que, en l’absence de prêts ou de garanties susceptibles de couvrir des coûts d’exploitation, la Commission n’était pas tenue de limiter la durée des aides au moment où le bénéficiaire serait capable, sur la base de son flux de liquidités, d’emprunter sur le marché concurrentiel sans l’aide de garanties ou de prêts d’État.

211 En tout état de cause, les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR n’ont apporté aucun élément de preuve qui permettrait d’établir que la limite de seize ans à compter de l’ouverture de la liaison fixe serait manifestement erronée. En effet, les requérantes se contentent de faire valoir que les recettes d’exploitation des entités chargées de la construction et de l’exploitation des liaisons fixes du Grand-Belt et du détroit de l’Øresund auraient excédé le montant des coûts d’exploitation et de remboursement de la dette dès la quatrième ou la cinquième année à compter de l’ouverture desdites liaisons. Or, outre le fait que cette affirmation n’est pas étayée par des éléments de preuve probants, les requérantes n’ont pas davantage démontré que Femern serait dans une situation comparable à celle des entités chargées de la construction et de l’exploitation des liaisons fixes du Grand-Belt et du détroit de l’Øresund, notamment en ce qui concerne la rémunération exigée pour les prêts d’État et les garanties d’État ou le fait que les entités chargées desdites liaisons pouvaient bénéficier de garanties d’État susceptibles de couvrir des coûts d’exploitation.

212 Dès lors, il y a lieu de constater que les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn et VDR n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant la durée de l’aide à une période de seize ans à compter de l’ouverture de la liaison fixe.

213 Partant, il convient de rejeter le premier grief tiré d’une contestation de la limitation de l’aide dans le temps.

b) Sur le deuxième grief, tiré d’une contestation du déficit de financement

214 Le deuxième grief de la troisième branche du second moyen se subdivise en trois sous-griefs, tirés, le premier, d’une contestation des recettes prises en compte dans le calcul du déficit de financement, le deuxième, d’une contestation des coûts pris en compte dans le calcul du déficit de financement et, le troisième, d’une contestation de la durée retenue aux fins du calcul du déficit de financement.

215 Le troisième sous-grief ayant déjà été examiné aux points 168 à 190 ci-dessus, dans le cadre du troisième grief de la deuxième branche du second moyen, il reste à examiner le bien-fondé des premier et deuxième sous-griefs.

1) Sur le premier sous-grief, tiré d’une contestation des recettes

216 Les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link font valoir que pour la détermination du déficit de financement, la Commission a sous-estimé les recettes de Femern afin d’augmenter artificiellement le déficit de financement.

217 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

218 En l’espèce, s’agissant des recettes de la liaison fixe, la Commission a considéré, au considérant 322 de la décision attaquée, que les prévisions de trafic routier étaient raisonnables, notamment en ce que ces prévisions tiennent compte de la redistribution du trafic liée à la réduction du péage de la liaison fixe du Grand-Belt ainsi que du maintien d’une concurrence des services de transbordeurs. À cet égard, elle a indiqué qu’un investisseur raisonnable prendrait en considération, dans son analyse financière, le maintien des services de transbordeurs et considère qu’un service d’une fréquence d’une heure était approprié.

219 En outre, au considérant 323 de la décision attaquée, concernant les prix estimés, la Commission a relevé que les recettes d’exploitation dépassaient largement les coûts d’exploitation et qu’il ne saurait être exigé que les prix compensent l’ensemble des coûts, y compris les coûts de construction. Elle a toutefois précisé que les prix estimés dans le modèle de déficit de financement ne pouvaient être artificiellement bas. En l’espèce, elle a relevé que la législation danoise avait posé pour principe que le niveau de prix pour le trafic routier devait se situer au niveau des prix appliqués à la liaison de transbordeurs entre Rødby et Puttgarden en 2007, ajusté en fonction de la hausse générale des prix au moment de l’ouverture. À cet égard, la Commission a constaté que les projections de trafic avaient été élaborées sur la base de ces prix et que la mise en place d’une structure de prix différenciée aurait un effet limité sur les recettes. Dès lors, la Commission a considéré que les recettes estimées provenant du trafic routier étaient plausibles et appropriées. En ce qui concerne les recettes provenant du chemin de fer, au considérant 324 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la base de calcul pour lesdites recettes était raisonnable.

220 Il y a lieu de constater que, par le présent sous-grief, les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link se limitent à contester le fait que, pour estimer que les recettes du trafic routier pouvaient être considérées comme étant plausibles et appropriées, la Commission a accepté l’hypothèse de prix se situant au niveau des prix appliqués à la liaison de transbordeurs entre Rødby et Puttgarden en 2007, ajustés de l’inflation.

221 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon le paragraphe 31 de la communication PIIEC, le déficit de financement s’entend comme la différence entre les flux de trésorerie positifs et les flux de trésorerie négatifs sur la durée de vie de l’investissement, comptabilisés à leur valeur actualisée sur la base d’un taux d’actualisation approprié qui prend en compte le taux de rentabilité requis pour que le bénéficiaire réalise le projet, notamment au regard des risques encourus.

222 En outre, dès lors que le déficit de financement vise à déterminer dans quelle mesure le projet pourrait être financé aux conditions du marché, dans l’évaluation des recettes, la Commission, DFA et Rederi Nordö-Link considèrent à juste titre qu’il y a lieu de tenir compte du comportement d’un investisseur privé sur le marché qui, dans la mesure du possible, chercherait à ce que les recettes soient établies à un niveau permettant de récupérer autant que possible les coûts d’investissement.

223 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link.

224 Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle aurait admis que les recettes de Femern ne compensaient pas l’ensemble de ses coûts, y compris les coûts de construction de la liaison fixe, il convient de relever que le paragraphe 31 de la communication PIIEC ne saurait être interprété comme exigeant que les recettes couvrent l’ensemble des coûts supportés par le bénéficiaire de l’aide. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 323 de la décision attaquée, s’il devait être exigé que les recettes soient fixées à un niveau qui permettrait de couvrir l’intégralité des coûts de construction et d’exploitation, il n’y aurait pas de déficit de financement, de sorte qu’aucune aide ne pourrait être autorisée alors même que celle-ci est nécessaire pour la réalisation du projet d’investissement.

225 En outre, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, le fait que des prix soient plus élevés n’entraîne pas automatiquement un accroissement des recettes en raison de l’élasticité de la demande par rapport au prix. À cet égard, il y a lieu de constater que les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link ne contestent pas la constatation effectuée au considérant 323 de la décision attaquée selon laquelle il ressort de l’analyse financière de 2016 qu’une structure de prix différenciée n’aurait qu’un impact relativement limité sur les recettes globales.

226 De plus, les requérantes reconnaissent dans leur mémoire en réplique que des prix plus élevés n’impliquent pas automatiquement une augmentation des recettes en raison de la concurrence exercée par d’autres opérateurs sur le marché. Contrairement à ce qu’elles font valoir, une telle circonstance ne signifie pas que le modèle économique choisi pour la liaison fixe ne serait pas approprié, mais confirme que l’octroi d’aides est nécessaire pour la réalisation d’un tel projet.

227 Deuxièmement, force est de constater que les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link n’ont apporté aucun élément de preuve qui établirait qu’il aurait été possible de parvenir à des recettes plus importantes en fixant des prix plus élevés pour le trafic routier.

228 Il convient de relever, tout d’abord, que l’argument de DFA et de Rederi Nordö-Link selon lequel, en substance, les prix pour l’utilisation de la liaison fixe devraient être plus élevés que les prix des services de transbordeurs offerts sur la liaison entre Rødby et Puttgarden au motif que la liaison fixe fournit un service supérieur à ceux des exploitants de transbordeurs n’est étayé par aucun élément de preuve. En effet, ces intervenantes ne renvoient à aucune preuve relative aux prix pratiqués par l’actuel exploitant de transbordeurs sur la liaison entre Rødby et Puttgarden. Dès lors, DFA et Rederi Nordö-Link ne sauraient faire valoir que les prix pour l’utilisation de la liaison fixe seraient effectivement égaux ou inférieurs à ceux pratiqués par l’actuel exploitant de transbordeurs sur cette liaison.

229 Ensuite, il y a lieu de constater que l’exemple des tarifs pratiqués par Eurotunnel, invoqué par DFA et Rederi Nordö-Link, n’est étayé par aucun élément de preuve. En outre, pour autant qu’il concerne la liaison fixe du tunnel sous la Manche, cet exemple ne saurait être pertinent, dans la mesure où il ressort des éléments du dossier que cette liaison fixe est uniquement prévue pour un trafic ferroviaire. Or, il y a lieu de relever que ni les requérantes ni ces intervenantes ne contestent le constat de la Commission, au considérant 324 de la décision attaquée, selon lequel la base de calcul pour les recettes d’exploitation des chemins de fer est raisonnable.

230 Enfin, en ce qui concerne l’exemple du pont Rion-Antirion (Grèce), le fait que les prix pour le trafic routier par la liaison fixe sont plus élevés que ceux des services de transbordeurs ne saurait être pertinent en l’absence d’éléments de contexte susceptibles d’établir que la situation de cette liaison fixe serait, au moins dans une certaine mesure, dans une situation comparable à la liaison fixe du détroit de Fehmarn. En effet, en l’absence de données relatives aux coûts de construction, aux modalités de financement du pont Rion-Antirion ou d’un éventuel encadrement des prix pour l’utilisation de cette liaison fixe par les pouvoirs publics, aucune conclusion ne peut être tirée de la différence entre les prix pratiqués pour le trafic routier empruntant ce pont et ceux envisagés pour l’utilisation de la partie routière de la liaison fixe.

231 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de DFA et de Rederi Nordö-Link selon lequel, en substance, la Commission ne saurait autoriser des aides lorsque les recettes du bénéficiaire seraient inférieures à ses coûts, et ce au détriment de ses concurrents, il convient de relever que la prise en compte des effets négatifs d’une aide sur les concurrents n’est pas pertinente aux fins de l’évaluation du déficit de financement. Il s’ensuit que cet argument est inopérant. En tout état de cause, un tel argument serait non fondé pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 224 et 225 ci-dessus.

232 Quatrièmement, l’argumentation de DFA formulée à l’audience, par laquelle il est reproché à la Commission d’avoir accepté que les recettes ne soient pas déterminées en tenant compte d’une perspective de maximisation des profits, ne saurait, en tout état de cause, prospérer.

233 En effet, cette argumentation fondée sur le constat selon lequel Femern ne pourrait pas déterminer elle-même les tarifs pour l’utilisation de la liaison fixe au motif qu’elle n’est pas destinée à être exploitée en vue de produire un rendement maximal, mais qu’elle répond à des préoccupations relevant notamment de la politique des transports, ne saurait être suffisante pour établir que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en l’absence de tout autre élément permettant de conclure que les recettes retenues pour calculer le déficit de financement seraient privées de plausibilité.

234 Au surplus, ainsi que l’a relevé la Commission à l’audience, lorsque les pouvoirs publics décident d’encadrer les redevances pour l’utilisation d’une infrastructure aux fins de la mise en œuvre de la politique des transports afin de tenir compte du prix que les futurs usagers seraient prêts à payer, un opérateur privé qui serait chargé de l’exploitation d’une telle infrastructure, à l’instar de certaines autoroutes dont les prix sont encadrés, ne saurait faire abstraction, dans l’évaluation des recettes pour le calcul du déficit de financement, du fait que les prix sont encadrés par les pouvoirs publics.

235 Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation consistant en une sous-évaluation des recettes prises en compte dans le calcul du déficit de financement.

236 Partant, doit être rejeté le premier sous-grief tiré d’une contestation des recettes prises en compte dans le calcul du déficit de financement.

2) Sur le deuxième sous-grief, tiré d’une contestation des coûts

237 Les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link estiment que la Commission a commis une erreur en incluant les coûts de refinancement de prêts dans le calcul du déficit de financement.

238 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

239 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, les aides au fonctionnement destinées au maintien du statu quo ou à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales ne peuvent, en principe, pas être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C 86/89, EU:C:1990:373, point 18 ; du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 119, et du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T 356/15, EU:T:2018:439, point 579).

240 En outre, ainsi que cela a été rappelé au point 221 ci-dessus, il ressort du paragraphe 31 de la communication PIIEC que le niveau maximal de l’aide sera défini en fonction du déficit de financement déterminé par rapport aux coûts admissibles. S’agissant des coûts admissibles au titre de mesures d’aide en faveur d’un projet important d’intérêt européen commun, le point h) de l’annexe de la communication PIIEC précise que d’autres coûts que ceux mentionnés aux points a) à g) de ladite annexe peuvent être acceptés si cela se justifie et s’ils sont indissociables de la réalisation du projet, à l’exclusion des coûts d’exploitation non couverts par le point g), lequel concerne les aides à un projet de premier déploiement industriel.

241 En l’espèce, d’une part, au considérant 320 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les coûts admissibles se limitaient aux coûts de construction du projet, lesquels incluent les coûts de planification ainsi que les coûts de promotion, de marketing et d’information. D’autre part, aux considérants 325 et 326 de la décision attaquée, elle a rappelé que la question de savoir si les coûts d’exploitation pouvaient être inclus dans le calcul du déficit de financement était différente de la question de savoir si des aides au fonctionnement étaient accordées. Elle a indiqué que le paragraphe 31 de la communication PIIEC faisait référence à la différence entre les flux de trésorerie positifs et les flux de trésorerie négatifs pour déterminer le déficit de financement, étant précisé que la logique qui sous-tend la prise de décision en matière d’investissement consiste à comparer ex ante les coûts d’investissement aux recettes futures et aux futurs coûts d’exploitation. À cet égard, la Commission a également précisé que les investisseurs ne prenaient généralement pas une décision d’investissement positive tant que cette comparaison se traduisait par un écart ou une valeur actuelle nette (VAN) négative. Par ailleurs, la Commission a relevé que cette méthode était confirmée par les critères de compatibilité énoncés dans le règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1).

242 En premier lieu, il convient de relever que les mémoires des requérantes, de DFA et de Rederi Nordö-Link ne contiennent aucune argumentation étayée au soutien de l’affirmation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur en intégrant des coûts d’exploitation dans les flux de trésorerie négatifs du projet d’investissement. En particulier, aucun argument n’est soulevé explicitement pour remettre en cause le bien-fondé des constatations effectuées par la Commission aux considérants 325 et 326 de la décision attaquée.

243 Interrogées à l’audience par le Tribunal afin de préciser leur argumentation, les requérantes ont indiqué que l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563), aurait interdit d’inclure les coûts d’exploitation dans le déficit de financement. Les requérantes ont également indiqué que cette interdiction découlait de l’annexe de la communication PIIEC, laquelle exclut les coûts d’exploitation des coûts admissibles. Par ailleurs, Rederi Nordö-Link soutient que la prise en compte des coûts d’exploitation dans le déficit de financement revient à autoriser une aide au fonctionnement et à accroître artificiellement le déficit de financement.

244 Premièrement, il convient de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission, l’inclusion des coûts d’exploitation dans les flux de trésorerie négatifs du projet d’investissement afin de calculer le déficit de financement n’a pas pour conséquence l’octroi d’une aide au fonctionnement. En effet, ainsi que cela ressort du considérant 323 de la décision attaquée, les recettes d’exploitation qui, corrélativement, devraient également être prises en compte au titre des flux de trésorerie positifs dépassent largement les coûts d’exploitation. Dès lors, Rederi Nordö-Link ne saurait faire valoir que l’inclusion des coûts d’exploitation dans le déficit de financement aurait pour effet l’octroi d’une aide au fonctionnement.

245 Deuxièmement, force est de constater que l’argument de DFA et de Rederi Nordö-Link selon lequel l’inclusion des coûts d’exploitation dans le calcul du déficit de financement aurait pour effet d’accroître artificiellement ce déficit ne saurait suffire pour conclure à ce que la Commission aurait méconnu le paragraphe 31 de la communication PIIEC en incluant les coûts d’exploitation dans le calcul du déficit de financement. En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 241 ci-dessus, la Commission a expliqué, au considérant 326 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les coûts d’exploitation faisaient partie intégrante de l’analyse du déficit de financement. Il s’ensuit que, en l’absence d’éléments de nature à remettre en cause la validité de ces explications, cet argument ne saurait prospérer.

246 Quant à l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563), le Tribunal n’a pas été amené à interpréter la notion de « déficit de financement » au sens du paragraphe 31 de la communication PIIEC. Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à faire valoir que cet arrêt pourrait être interprété comme ayant interdit d’inclure les coûts d’exploitation dans le calcul du déficit de financement.

247 Par conséquent, il y a lieu de constater que les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link n’ont pas démontré que le calcul du déficit de financement opéré par la Commission aurait méconnu le paragraphe 31 de la communication PIIEC du fait de l’inclusion des coûts d’exploitation dans les flux de trésorerie négatifs du projet d’investissement.

248 En second lieu, il convient de constater que les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link se fondent également sur l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563), pour soutenir que la Commission aurait commis une erreur en ce qu’elle a considéré, au considérant 294 de la décision attaquée, que les garanties accordées pour les prêts refinancés relatifs aux coûts de planification et de construction ne constituaient pas des aides au fonctionnement.

249 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563), et notamment de ses points 107, 108 et 111, qu’il ne saurait être exclu que des garanties étatiques accordées pour couvrir les coûts d’exploitations du bénéficiaire de l’aide puissent constituer une aide au fonctionnement. Il n’en ressort en revanche pas que des garanties telles que celles accordées pour les prêts refinancés relatifs aux coûts de planification et de construction et non d’exploitation constituent une telle aide au fonctionnement.

250 Or, force est de constater que, ainsi que cela ressort des considérants 292 et 293 de la décision attaquée, les autorités danoises ont limité l’octroi de prêts d’État et de garanties d’État aux financements nécessaires pour couvrir les coûts encourus pendant les phases de planification et de construction, à l’exclusion des coûts d’exploitation. Eu égard à cette limitation, la Commission pouvait valablement considérer qu’il s’agissait d’aides à l’investissement, sans que cette conclusion ne puisse être remise en cause, comme le soutiennent les requérantes, DFA et Rederi Nordö-Link par les constatations effectuées par le Tribunal dans l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563).

251 S’agissant de l’argument de DFA et de Rederi Nordö-Link selon lequel Femern bénéficierait d’une aide au fonctionnement au motif que les mesures d’aide en sa faveur peuvent perdurer pendant une durée de seize ans après l’ouverture complète de la liaison fixe alors que cette période irait au-delà du moment où cette entité sera capable, sur la base de son flux de liquidités, de se financer sur le marché concurrentiel sans aide, il convient de relever qu’il se confond avec celui déjà examiné aux points 208 à 212 ci-dessus et doit, par conséquent, être rejeté pour les mêmes raisons.

252 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le refinancement de prêts relatifs aux coûts de planification et de construction ne constituait pas des aides au fonctionnement.

253 Partant, il convient de rejeter le deuxième sous-grief tiré d’une contestation des coûts pris en compte dans le calcul du déficit de financement.

c) Sur le troisième grief, tiré d’une contestation du montant de l’aide

254 Les requérantes, FSS, DFA et Rederi Nordö-Link font valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le calcul du montant de l’aide.

255 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

256 En premier lieu, il convient de vérifier si, comme le soutiennent les requérantes et DFA, dès lors que Femern n’a pas la capacité de rembourser ses prêts, ainsi que cela ressortirait du rapport sur l’intérêt commercial de 2001, conformément au point 4.1 de la communication relative aux garanties, le montant de l’aide devrait correspondre, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, à la valeur de tous les prêts couverts par les garanties d’État et de tous les prêts étatiques.

257 À cet égard, il convient de relever que, selon le point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties, « pour les entreprises en difficulté, un garant sur le marché, s’il existe, exigerait une prime élevée au moment de l’octroi de la garantie, eu égard au taux de défaillance attendu[ ; s]i la probabilité que l’emprunteur ne puisse pas rembourser l’emprunt devient particulièrement élevée, il est possible que ce taux de marché n’existe pas et, dans des circonstances exceptionnelles, l’élément d’aide de la garantie peut se révéler aussi élevé que le montant effectivement couvert par cette garantie ».

258 Ainsi, il ressort du point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties que ce n’est qu’en présence d’une entreprise en difficulté et de circonstances exceptionnelles que l’élément d’aide d’une garantie équivaut au montant total des prêts couverts par la garantie. En effet, compte tenu des lourdes implications d’une telle approche, la possibilité de calculer l’avantage découlant d’une garantie étatique comme étant égal au montant entier du prêt garanti ne saurait être justifiée du seul fait que l’entreprise bénéficiaire est en difficulté. Ainsi, la Commission n’a la possibilité de recourir à cette approche qu’en présence de circonstances exceptionnelles et que si l’entreprise en difficulté n’est pas en capacité de rembourser l’emprunt couvert par la garantie par ses propres moyens.

259 En l’espèce, au considérant 346 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’élément d’aide ne devait pas correspondre à la totalité des montants couverts par les prêts d’État et les prêts bénéficiant d’une garantie d’État, au motif que la situation de Femern ne relevait pas des circonstances exceptionnelles visées au point 4.1, troisième alinéa, sous a), de la communication relative aux garanties.

260 Force est de constater que les requérantes et DFA n’apportent aucun élément qui permettrait de considérer que Femern constitue une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers, ni que cette entreprise ne serait pas en mesure de rembourser les prêts couverts par la dette souscrite pour couvrir les coûts de planification et de construction.

261 En effet, pour étayer leur argumentation, les requérantes et DFA se fondent uniquement sur le rapport sur l’intérêt commercial de 2001 duquel il ressort que le projet de liaison fixe ne pourrait être réalisé par le secteur privé sans un soutien public conséquent. Or, si un tel élément peut être pertinent pour déterminer si les prêts d’État et les garanties d’État accordés à Femern constituent des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ou pour établir qu’un tel projet ne peut être réalisé sans aides, il ne saurait suffire pour établir que Femern constituerait une entreprise en difficulté qui ne serait pas capable de rembourser, au stade de l’exploitation de la liaison fixe, la dette souscrite pour couvrir les coûts de planification et de construction.

262 Partant, il y a lieu de considérer que les requérantes et DFA n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur en considérant que le montant de l’aide ne saurait correspondre à la totalité des montants couverts par les prêts d’État et par les prêts bénéficiant d’une garantie d’État.

263 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel Femern ne s’acquitterait pas de la prime prévue aux considérants 342 et 343 de la décision attaquée, il convient de relever que, au soutien de cet argument, les requérantes invoquent uniquement des éléments postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, à savoir une déclaration du ministre des Transports danois du 24 avril 2020 et une proposition du 5 décembre 2020 concernant une modification de la loi relative à la construction de 2015. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État doit s’apprécier en fonction des éléments d’informations dont la Commission pouvait disposer au moment où elle a arrêté celle-ci (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 16, et du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T 356/15, EU:T:2018:439, point 333). Il s’ensuit que cet argument des requérantes ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

264 En troisième lieu, il convient d’examiner l’argumentation par laquelle les requérantes, FSS et Rederi Nordö-Link font valoir, en substance, qu’il serait impossible que le résultat du calcul du montant de l’aide corresponde à celui du déficit de financement.

265 En l’espèce, au considérant 342 de la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, exposé la méthodologie retenue par les autorités danoises pour calculer le montant de l’aide. Elle a constaté que cette méthode était fondée sur une approche similaire à celle exposée au point 4.2 de la communication relative aux garanties qui prévoit que, lorsqu’il n’existe pas de prix de marché de la garantie, « l’élément d’aide doit être calculé de la même façon que l’équivalent-subvention d’un prêt à taux privilégié, soit la différence entre le taux d’intérêt du marché que cette entreprise aurait supporté en l’absence de la garantie et le taux d’intérêt obtenu grâce à la garantie de l’État, après déduction des primes éventuellement versées ». La Commission a également constaté que dans le calcul du montant de l’aide, les autorités danoises n’avaient pas fait de distinction entre la valeur de l’aide associée aux prêts d’État et la valeur de l’aide associée aux garanties d’État, de sorte que les éléments d’aide résultant des garanties d’État et des prêts d’État ont donc été calculés de la même manière. De plus, la Commission a précisé que les autorités danoises avaient déterminé l’élément d’aide annuel en prenant la différence entre le CMPC qu’un investisseur de marché était susceptible d’exiger (5,59 %) et le taux sans risque (1,5 %) ajusté en fonction de la prime que Femern devait verser à l’État danois, multipliée par la somme de l’encours de la dette garantie et de l’encours de la dette de l’État. La Commission a exposé, aux considérants 343 à 345 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle avait estimé que cette méthode était appropriée.

266 Ensuite, au considérant 347 de la décision attaquée, elle a expliqué les composantes de la dette effective de Femern, à savoir que celle-ci correspond au montant cumulé des dépenses exposées pour couvrir les coûts de planification et de construction, du paiement des intérêts et de frais propres, duquel doivent être déduits le montant des capitaux propres et celui des financements obtenus de l’Union. Elle a aussi indiqué que la dette nette de Femern qui s’accumule au cours de la phase de construction devrait atteindre son maximum la première année de l’exploitation et que celle-ci diminuera progressivement au cours de la phase d’exploitation avec les flux de trésorerie disponibles du projet. Aux considérants 348 et 349 de la décision attaquée, la Commission a indiqué les autres paramètres pris en compte dans le calcul du montant de l’aide, à savoir le montant maximal garanti ainsi que la période maximale garantie. Sur la base de ces éléments, au considérant 350 de la décision attaquée, la Commission a calculé le montant de l’aide, lequel atteint 12,046 milliards de DKK (environ 1,615 milliard d’euros). À cet égard, elle a précisé qu’il s’agissait d’un montant d’aide en valeur actualisée en utilisant le CMPC comme taux d’actualisation. Elle a également indiqué que ce calcul comprenait les injections de capitaux, les aides associées aux prêts d’État et aux garanties d’État et que le calcul du montant de l’aide se fondait sur une augmentation de la prime de 0,15 % à 2 %.

267 Il convient de relever que, dans leurs mémoires, les requérantes, FSS et Rederi Nordö-Link ne contestent ni la méthodologie retenue pour calculer le montant de l’aide, ni les paramètres retenus pour calculer le montant de l’aide, à savoir le montant maximal garanti, le CMPC et le taux sans risque ajusté en fonction de la prime. En outre, ainsi que cela ressort du point 212 ci-dessus, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant la durée de l’aide à une période de seize ans à compter de l’ouverture de la liaison fixe. En effet, les requérantes, FSS et Rederi Nordö-Link se contentent de faire valoir que, en raison de différences dans les modalités de calcul du déficit de financement et du montant de l’aide, il serait mathématiquement impossible de parvenir à un résultat identique.

268 Or, il y a lieu de relever que, au considérant 318 de la décision attaquée, la Commission a expliqué le rapport entre le montant de l’aide et le déficit de financement en indiquant que « le montant de l’aide [était] directement lié aux hypothèses sous-jacentes du modèle de déficit de financement, non seulement en raison de la limitation du montant de l’aide au niveau du déficit de financement, mais aussi parce que le niveau de la dette, et donc le montant de l’aide, dépend de facteurs tels que le coût de construction global et le taux d’intérêt supposé ».

269 En outre, ainsi que l’a souligné la Commission, dès lors que le déficit de financement est le financement qui manque pour réaliser l’investissement, il y a lieu de considérer qu’il n’est pas anormal que le montant de l’aide corresponde à celui du déficit de financement.

270 Il s’ensuit que les requérantes, FSS et Rederi Nordö-Link ne sont pas fondées à faire valoir qu’il serait impossible que le montant de l’aide corresponde au montant du déficit de financement.

271 Quant au reproche de Rederi Nordö-Link consistant à faire valoir que le calcul du montant de l’aide aurait été effectué afin de faire coïncider le montant de l’aide et le déficit de financement, il convient de relever qu’il ne saurait être reproché aux autorités danoises d’avoir calibré les différents paramètres entrant dans le calcul du montant de l’aide, en particulier le montant maximal garanti et la prime applicable sur le taux sans risque et la durée de l’aide, afin de s’assurer que ce montant corresponde au déficit de financement qui constitue le plafond maximal d’aides susceptibles d’être autorisées.

272 En ce qui concerne l’argument de FSS par lequel, en substance, il est reproché à la Commission de ne pas avoir effectué le calcul du montant de l’aide, il y a lieu de relever que le fait que les détails de ce calcul ne figurent pas dans la décision attaquée ne signifie pas que la Commission n’aurait pas calculé le montant de l’aide pour parvenir au résultat indiqué au considérant 350 de la décision attaquée.

273 En outre, il y a lieu de rappeler que la motivation d’un acte adopté par la Commission doit permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin, d’une part, de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T 349/03, EU:T:2005:221, points 62 et 63 ; du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T 308/11, non publié, EU:T:2014:894, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T 135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 80). En l’espèce, dès lors que, aux considérants 342 à 350 de la décision attaquée, la Commission a exposé tant la méthode retenue pour le calcul de l’aide que les paramètres pris en compte pour calculer le montant de l’aide, il ne saurait lui être reproché d’avoir méconnu l’obligation de motivation.

274 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes, selon lequel, en substance, Femern aurait reçu un avantage économique non pris en considération dans le montant de l’aide au motif que la construction et l’exploitation de la liaison fixe lui ont été attribuées sans recours à une procédure d’appel d’offres, il suffit de constater que les raisons pour lesquelles l’obtention d’un droit de construire et d’exploiter sans recourir à une procédure d’appel d’offres serait susceptible d’augmenter le montant de l’aide ne sont pas exposées. Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité de cet argument soulevé pour la première fois dans leurs observations sur le mémoire en intervention de Rederi Nordö-Link, celui-ci doit être rejeté comme étant non étayé.

275 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième grief tiré d’une contestation du montant de l’aide.

276 Partant, il convient de rejeter l’intégralité de la troisième branche du second moyen.

4. Sur la quatrième branche, tirée d’une contestation de l’analyse de la prévention des distorsions indues de concurrence et du critère de mise en balance

277 Les requérantes, soutenues par FSS, DFA, Rederi Nordö-Link, ECSA, Trelleborg Hamn, Aktionsbündnis, NABU et VDR, font valoir que la Commission a conclu à tort que les effets négatifs de la liaison fixe sur la concurrence n’étaient pas susceptibles de contrebalancer ses effets positifs.

278 La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation.

279 À cet égard, selon le paragraphe 41 de la communication PIIEC, pour que l’aide soit déclarée compatible avec le marché intérieur, ses effets négatifs en termes de distorsion de concurrence et d’incidence sur les échanges entre États membres doivent être limités et inférieurs aux effets positifs en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun. Le paragraphe 42 de cette communication précise que, dans l’examen des effets négatifs de l’aide, la Commission concentrera son évaluation sur l’incidence prévisible de l’aide sur la concurrence entre les entreprises des marchés de produits concernés, y compris sur les marchés en amont et en aval ainsi que sur le risque de surcapacité. En outre, aux termes du paragraphe 43 de la communication PIIEC, la Commission est tenue d’évaluer le risque de verrouillage du marché et de position dominante étant précisé que les projets prévoyant la construction d’une infrastructure doivent garantir l’accès libre et non discriminatoire à cette infrastructure et une tarification non discriminatoire.

280 En l’espèce, s’agissant des effets positifs, au considérant 359 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la liaison fixe visait à promouvoir la mobilité, l’intégration et les échanges culturels des personnes vivant de part et d’autre de ladite liaison ainsi qu’à améliorer la connexion entre les pays nordiques et l’Europe centrale pour les passagers et le fret routier et ferroviaire. En ce sens, la Commission a relevé que les avantages escomptés par la liaison fixe avaient été reconnus au niveau européen par l’inclusion de cette liaison dans la liste des projets prioritaires RTE-T. De plus, la Commission a fait état des effets positifs sur certains secteurs économiques de la région, tels que les stations d’essence, le commerce de détail, les restaurants, les hôtels, les parcs d’attractions et les transports ferroviaires et par autobus. Par ailleurs, la Commission a considéré que la liaison fixe améliorerait également l’accessibilité au transport ferroviaire avec une possibilité de transfert du fret et des passagers de la route vers le rail.

281 En ce qui concerne les effets négatifs, au considérant 360 de la décision attaquée, la Commission a relevé que l’ouverture de la liaison fixe aurait des répercussions négatives pour les exploitants de services de transbordeurs qui desservent la liaison entre Rødby et Puttgarden et pour d’autres liaisons ainsi que sur les activités des ports desservis par les transbordeurs. À cet égard, la Commission a considéré que le pouvoir de Femern de peser sur l’exploitation des transbordeurs était limité au motif que l’aide se limitait au financement nécessaire pour couvrir les coûts encourus pendant la phase de planification et de construction de la liaison fixe, et ce dans la limite du déficit de financement. Dès lors, la Commission estime que le principal effet sur l’activité des exploitants de services de transbordeurs résulte de la décision des pouvoirs publics de construire la liaison fixe qui offre une alternative aux services de transport existants et qu’il ne lui revient pas de remettre en cause le choix opéré par les pouvoirs publics.

282 De plus, aux considérants 361 à 363 de la décision attaquée, la Commission a examiné successivement le risque de surcapacité sur le marché, le risque de position dominante et l’incidence générale sur la concurrence ainsi que le risque de verrouillage du marché.

283 Après avoir rappelé qu’il ne lui appartenait pas d’évaluer les effets de la décision des pouvoirs publics de décider de la construction de la liaison fixe, à l’issue de la mise en balance des effets négatifs et positifs, au considérant 365 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les mesures d’aide en faveur de Femern, telles que réduites à la suite de la notification révisée qui a suivi la décision d’ouverture, n’avaient qu’un effet limité sur la concurrence et les échanges qui était compensé par les effets positifs en termes de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

284 En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes, de FSS, d’ECSA et de Rederi Nordö-Link selon lequel la Commission aurait omis de quantifier les effets positifs et les effets négatifs de l’aide aux fins de l’évaluation de la gravité de la distorsion de concurrence, il convient de relever qu’il est admis que la prise en compte des effets positifs et négatifs d’une aide puisse être synthétique (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 255), voire déduite implicitement de l’examen portant sur les effets de l’aide sur la concurrence et sur les échanges lorsque les effets négatifs de l’aide sont limités (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T 162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 110).

285 En outre, il y a lieu de constater que les paragraphes 41 à 43 de la communication PIIEC se limitent à énoncer des principes aux fins de l’examen de la mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide sans exiger que ces effets soient quantifiés. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir évalué lesdits effets positifs et négatifs en se fondant sur des éléments quantitatifs tenant compte de la taille du bénéficiaire de l’aide, de la part de marché qu’il détient par rapport à ses concurrents et de l’importance du montant de l’aide accordée.

286 Par ailleurs, s’agissant des décisions invoquées par les requérantes, Rederi Nordö-Link, Trelleborg Hamn et DFA, dans lesquelles la Commission aurait effectué une analyse détaillée de la distorsion de concurrence aux fins de la mise en balance des effets positifs et négatifs, elles sont manifestement dénuées de pertinence au regard de la jurisprudence évoquée au point 134 ci-dessus, et ce d’autant plus qu’elles concernent d’autres textes que ceux encadrant les aides d’État destinées à promouvoir la réalisation de projets importants d’intérêt européen commun.

287 Partant, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir quantifié les effets positifs et négatifs de l’aide aux fins de l’évaluation de la gravité de la distorsion de concurrence.

288 En deuxième lieu, il convient d’examiner si, comme le soutiennent les requérantes, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant, au considérant 360 de la décision attaquée, que la capacité de Femern à saper la concurrence des transbordeurs était limitée par le fait que l’aide était plafonnée au déficit de financement.

289 Il convient de relever que, s’agissant des effets négatifs de la liaison fixe sur les services de transport existants et en particulier sur les activités des exploitants de services de transbordeurs, la Commission a, au considérant 360 de la décision attaquée, opéré une distinction entre, d’une part, les effets négatifs imputables à la décision des pouvoirs publics de construire la liaison fixe qui offre une alternative aux modes de transports existants et, d’autre part, les effets négatifs imputables aux mesures d’aide en faveur de Femern. Selon la Commission, dans le cadre de la mise en balance des effets positifs et négatifs, elle doit se limiter à l’examen des effets négatifs découlant des mesures d’aides accordées à cette entreprise.

290 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été jugé que, dans le cadre du contrôle des aides d’État, il n’appartient pas à la Commission de remettre en cause le choix des autorités publiques de décider de la construction d’une infrastructure alternative aux moyens de transport existants au motif qu’un tel projet constitue une solution qui produit globalement des résultats positifs, et ce même dans l’éventualité où la mise en service de ladite infrastructure entraînerait la disparition des moyens de transport existants (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T 630/15, non publié, EU:T:2018:942, point 256).

291 Dès lors, la Commission pouvait valablement considérer qu’il lui revenait de limiter son examen aux effets négatifs des mesures d’aide accordées à Femern.

292 Or, en ce qui concerne les effets négatifs découlant de l’octroi de mesures d’aide à Femern, la Commission a constaté que les financements accordés à Femern couvraient les coûts de la planification et de la construction de la liaison fixe dans la limite du déficit de financement, que le montant des redevances pour l’utilisation de la liaison fixe était encadré par les pouvoirs publics et que la possibilité pour cette entreprise d’accorder des rabais était limitée par la nécessité de garantir des recettes suffisantes pour payer les coûts d’exploitation et rembourser les prêts contractés pour financer la planification et la construction de la liaison fixe. Dès lors, la Commission a considéré que le pouvoir de Femern de peser sur l’exploitation des services de transbordeurs était limité et que les principaux effets négatifs résultaient de la décision des pouvoirs publics de construire la liaison fixe.

293 En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel, en substance, le plafonnement des aides au niveau du déficit de financement ne serait pas pertinent pour prouver que l’aide ne fausse pas indûment la concurrence au motif qu’il s’agit d’un élément pris en considération au stade de l’examen de la proportionnalité de l’aide, il y a lieu de rappeler que la nécessité d’une mise en balance des effets positifs attendus en termes de réalisation des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous a) à e), TFUE avec les effets négatifs d’une aide en termes de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres n’est que l’expression du principe de proportionnalité et du principe d’interprétation stricte des exemptions visées à l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T 578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 124).

294 En outre, dès lors que le principe de proportionnalité vise à limiter une aide au minimum nécessaire de façon à réduire les distorsions dans le marché intérieur, il y a lieu de considérer que la Commission peut valablement utiliser, au stade de la mise en balance des effets positifs et négatifs des mesures d’aide, les constatations effectuées dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de l’aide. En l’espèce, la limitation du montant de l’aide au niveau du déficit de financement du projet d’investissement a impliqué que les financements accordés à Femern ont été limités à 27,3 % des coûts éligibles. Ainsi, dès lors que l’examen de la proportionnalité d’une aide d’État et celui de la mise en balance des effets positifs et négatifs sont intrinsèquement liés, une telle limitation du montant de l’aide constitue un élément pertinent pour considérer que les effets négatifs découlant des mesures d’aides sont limités.

295 S’agissant de l’argument des requérantes par lequel, en substance, elles font valoir que Femern pourrait utiliser la faculté qui lui est reconnue par le point 42, paragraphe 3, de la loi relative à la construction de 2015 pour accorder des rabais afin de fixer les prix en dessous de ceux pratiqués par les exploitants de transbordeurs, il y a lieu de relever qu’il est purement hypothétique, ce d’autant plus que, ainsi que l’a rappelé la Commission, Femern est tenue de générer suffisamment de recettes afin de pouvoir non seulement payer ses coûts d’exploitation, mais également rembourser les prêts contractés pour financer la planification et la construction de la liaison fixe. Ainsi, dans l’éventualité où les éventuels rabais consentis par Femern impliqueraient une importante diminution de ses recettes, cette entreprise pourrait ne pas être en mesure de rembourser les prêts d’État ainsi que les prêts bénéficiant d’une garantie d’État dans les délais prévus aux considérants 349 et 351 de la décision attaquée.

296 En troisième lieu, il convient de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’examen de certains éléments négatifs qui, pris isolément ou ensemble, seraient susceptibles de contrebalancer les effets positifs de l’aide.

297 Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes, de FSS, de DFA, d’ECSA et de VDR selon lequel la Commission a erronément conclu que l’aide n’aurait pas pour effet d’accroître la surcapacité sur le marché de la traversée du détroit de Fehmarn, il y a lieu de relever qu’il repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

298 En effet, au considérant 361 de la décision attaquée, la Commission s’est contentée de mentionner un argument selon lequel « [S]candlines et al. ont en outre fait valoir que la liaison fixe augmenterait considérablement la capacité d’un marché déjà saturé » et de relever à cet égard que « la création d’une alternative aux services existants, différente et considérée comme supérieure par les autorités danoises, ne peut être assimilée à un accroissement de capacité sur un marché saturé ».

299 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a elle-même constaté que le marché de la traversée du détroit de Fehmarn est saturé.

300 Au demeurant, force est de constater que les requérantes, FSS, ECSA, DFA et VDR n’ont fourni aucun élément de preuve afin d’étayer l’affirmation selon laquelle il existerait une surcapacité sur le marché. En effet, si les requérantes se prévalent d’un taux moyen d’utilisation des services de transbordeurs qui serait seulement de 49 %, elles n’ont toutefois pas fourni d’éléments probants corroborant cette affirmation. À cet égard, il y a lieu de préciser que le simple renvoi à une affirmation identique contenue dans des observations soumises lors de la procédure formelle d’examen, laquelle est également non étayée par des documents probants, ne saurait constituer un élément de preuve.

301 En outre, ainsi que le soutient la Commission, il y a lieu de relever que ni les requérantes, ni FSS, ECSA, DFA et VDR ne font valoir une argumentation étayée susceptible de remettre en cause la constatation, effectuée au considérant 361 de la décision attaquée, selon laquelle la création d’une alternative aux services existants, différente et considérée comme supérieure, ne peut être assimilée à un accroissement de capacité sur un marché saturé. En effet, force est de constater que leur argumentation repose sur la prémisse non étayée par des éléments de preuve qu’il existerait une surcapacité sur le marché.

302 Partant, les requérantes et ces intervenantes n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant que la liaison fixe n’entraînerait pas de surcapacité sur le marché des services offerts pour la traversée du détroit de Fehmarn.

303 Deuxièmement, il convient de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en tenant insuffisamment compte d’un risque de position dominante.

304 En l’espèce, au considérant 362 de la décision attaquée, si la Commission a admis qu’il ne saurait être exclu que Femern acquiert une position dominante sur certains services de transport sur le marché du détroit de Fehmarn, elle a toutefois précisé que l’existence d’une position dominante n’était pas en soi contraire au droit de l’Union. En outre, après avoir constaté que Scandlines détenait actuellement un monopole sur la liaison entre Rødby et Puttgarden, elle a considéré que, dans l’éventualité où il y aurait une poursuite des services de transbordeurs sur ladite liaison, la liaison fixe contribuerait à briser ledit monopole, ce qui donnerait naissance à un marché plus concurrentiel.

305 Il y a lieu de relever que le paragraphe 43 de la communication PIIEC se limite à indiquer que la Commission évaluera le risque de position dominante sans fournir de précisions pour les cas dans lesquels une aide est accordée pour un projet de construction d’une infrastructure. En outre, il y a lieu de rappeler que, selon le paragraphe 41 de la communication PIIEC, une aide peut être déclarée compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE lorsque ses effets négatifs en termes de distorsion de concurrence et d’incidence sur les échanges entre les États membres sont limités et inférieurs aux effets positifs en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

306 Ainsi, contrairement à ce que font valoir en substance les requérantes, le paragraphe 43 de la communication PIIEC ne saurait être interprété comme signifiant qu’une aide qui est susceptible de contribuer à la création d’une position dominante devrait systématiquement être considérée comme comportant des effets négatifs qui contrebalanceraient nécessairement les effets positifs d’un projet important d’intérêt européen commun, et ce d’autant plus que, dans le cas d’espèce, le risque de position dominante est limité au marché local des services de transports offerts pour assurer la traversée du détroit de Fehmarn.

307 À cet égard, il convient de relever que ni les requérantes ni les intervenantes au soutien de leurs conclusions ne contestent les effets positifs de la liaison fixe identifiés au considérant 359 de la décision attaquée. À cet égard, la Commission a constaté que les effets positifs de la liaison fixe ne se limitaient pas au bénéficiaire de l’aide ni aux entreprises établies dans la région du détroit de Fehmarn, mais s’étendaient plus largement dans l’Union en ce que la liaison fixe améliorerait la connexion entre les pays nordiques et l’Europe centrale pour les passagers comme pour le fret routier et ferroviaire ainsi que l’accessibilité au transport ferroviaire, contribuant ainsi au transfert du fret et des passagers de la route vers le rail. Il s’ensuit que, ainsi que cela ressort du considérant 281 de la décision attaquée, le projet de liaison fixe, en tant que projet important d’intérêt européen commun, contribuera à l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur et au renforcement de la cohésion économique et sociale.

308 Or, compte tenu du fait que les effets positifs de la liaison fixe ne se limitent pas aux opérateurs économiques d’un État membre, mais bénéficient plus largement à d’autres opérateurs économiques dans l’Union, la Commission pouvait, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, considérer que le risque de position dominante sur un marché local des services de transports n’était pas susceptible de contrebalancer les effets positifs de la liaison fixe en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

309 En outre, il ressort du considérant 362 de la décision attaquée que, sur le marché des services de transport offerts pour la traversée du détroit de Fehmarn, à savoir sur la liaison entre Rødby et Puttgarden, les requérantes détiennent actuellement un monopole. Dès lors, la Commission pouvait constater, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, dans l’hypothèse d’un maintien des services de transbordeurs pour assurer ladite liaison, la liaison fixe renforcerait la concurrence sur ce marché.

310 Par ailleurs, s’il est vrai que Scandlines n’est pas en situation de monopole sur un marché géographique qui s’étend au-delà de celui de la liaison entre Rødby et Puttgarden, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il n’y a pas davantage de risque que Femern occupe une position dominante sur un marché géographiquement plus étendu.

311 Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le risque de position dominante de Femern n’impliquait pas que cet effet négatif de l’aide en termes de distorsion de concurrence l’emporte sur les effets positifs du projet en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

312 Troisièmement, il y a lieu de vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne constatant pas de risque de verrouillage du marché.

313 Il convient de relever que, par leur argumentation, les requérantes, ECSA, Trelleborg Hamn, Rederi Nordö Link et VDR ne contestent pas, en tant que telles, les constatations figurant au considérant 363 de la décision attaquée relatives à l’absence de risque de verrouillage du marché. En l’espèce, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas de risque de verrouillage du marché, y compris des marchés en amont et en aval, au motif que la liaison fixe serait ouverte à tous les usagers de manière égale et non discriminatoire. En outre, elle a constaté que la structure des prix serait non discriminatoire et conforme à la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (JO 1999, L 187, p. 42), et à la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32).

314 Par leur argumentation, les requérantes et ces intervenantes reprochent à la Commission, en substance, de ne pas avoir tenu compte d’un risque de dumping par les prix. À cet égard, il y a lieu de constater que cette argumentation se fonde, pour l’essentiel, sur des arguments semblables à ceux soulevés dans le cadre du premier sous-grief du deuxième grief de la troisième branche du second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation des recettes du déficit de financement (voir points 216 à 235 ci-dessus). En effet, les requérantes et ces intervenantes reprochent à la Commission d’avoir constaté qu’il n’y avait pas de risque de verrouillage de marché alors que les prix de Femern seraient inférieurs à ses coûts.

315 Force est de constater que les requérantes, ECSA, Rederi Nordö Link, Trelleborg Hamn et VDR n’expliquent pas les raisons pour lesquelles le fait d’autoriser des mesures d’aides qui couvrent une partie limitée des coûts de planification et de construction d’un projet d’infrastructure aurait pour effet de verrouiller le marché. En outre, ainsi que cela ressort du point 224 ci-dessus, il ne saurait être exigé que les recettes de Femern soient établies à un niveau qui couvrirait l’intégralité des coûts de planification, de construction et d’exploitation au motif que cela impliquerait qu’aucune aide ne pourrait être accordée à Femern alors même que celle-ci est nécessaire pour la réalisation du projet. De plus, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, dès lors que Femern est tenue de dégager suffisamment de recettes non seulement pour couvrir ses coûts d’exploitation, mais également pour rembourser la dette souscrite pour couvrir les coûts de planification et de construction, le risque que cette entreprise accorde d’importants rabais sur les prix est nécessairement limité.

316 En ce qui concerne l’argument des requérantes par lequel elles font valoir que Femern pourrait utiliser sa position dominante pour faire baisser les prix en dessous de ses coûts afin de verrouiller le marché, il y a lieu de rappeler que le montant des redevances pour l’utilisation de la liaison fixe est déterminé par les pouvoirs publics et que Femern ne dispose que d’une certaine marge de manœuvre pour accorder certains rabais. Or, cette entreprise est tenue de générer suffisamment de recettes non seulement pour pouvoir payer ses coûts d’exploitation, mais également pour rembourser les prêts contractés pour financer la planification et la construction de la liaison fixe. Dès lors, dans l’éventualité où Femern accorderait certains rabais, elle devrait toutefois veiller à ce que le niveau des recettes reste suffisant pour rembourser les prêts d’État et les garanties d’État dans les délais prévus aux considérants 349 et 351 de la décision attaquée.

317 De surcroît, les requérantes ne sauraient faire valoir que Femern pourrait réduire drastiquement les prix pour verrouiller le marché au motif que, lorsque les autorités danoises avaient accordé une aide d’État pour la liaison fixe du détroit de l’Øresund, l’exploitant de cette liaison avait significativement réduit le montant des redevances pour le trafic routier. En effet, s’il est vrai que les requérantes ont apporté la preuve d’une réduction du montant desdites redevances par rapport à ce qui était initialement envisagé, elles n’apportent toutefois aucun élément permettant de considérer que la situation de l’exploitant de la liaison fixe de l’Øresund est comparable à celle de Femern. Or, à cet égard, la Commission a indiqué que, contrairement aux aides accordées à l’exploitant chargé de la liaison fixe de l’Øresund, dans le cas d’espèce, le montant et la durée des mesures accordées en faveur de Femern avaient été strictement limités.

318 Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant l’absence de risque de verrouillage du marché.

319 Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes et les intervenantes au soutien de leurs conclusions n’ont pas démontré, d’une part, que les constatations de la Commission en ce qui concerne l’absence de risque de saturation du marché et l’absence de risque de verrouillage de marché seraient entachées d’erreurs manifestes d’appréciation et, d’autre part, que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le risque de position dominante ne contrebalançait pas les effets positifs en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

320 Partant, il convient de rejeter l’argumentation tirée de ce que la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’examen de certains éléments négatifs qui, pris isolément ou ensemble, seraient susceptibles de contrebalancer les effets positifs en matière de contribution à l’objectif d’intérêt européen commun.

321 En quatrième lieu, s’agissant de l’argumentation des requérantes par laquelle, en substance, il est reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les plans d’accès aux installations de Scandlines à Puttgarden seraient déclassés, il convient de relever, tout d’abord, que les éléments de preuve apportés par les requérantes, sur lesquels figurent des modifications de tracés de routes aux environs de Puttgarden, ne sont pas suffisamment précis pour déterminer que Femern serait chargée de la construction de ces modifications des voies routières. À cet égard, ainsi que l’a rappelé le Royaume de Danemark, il ressort de l’article 5, paragraphe 2, du traité sur le détroit de Fehmarn que, en principe, il revient aux autorités allemandes d’assurer l’amélioration et le financement des connexions vers l’arrière-pays jusqu’à la liaison fixe.

322 Ensuite, à supposer même que Femern réalise les travaux de construction de certaines routes sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, aucune preuve ne permet d’établir que cette entreprise aurait décidé du tracé desdites routes. En effet, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne ressort pas du contrat conclu le 30 octobre 2009 entre Femern et la République fédérale d’Allemagne représentée par le Land de Schleswig-Holstein que les autorités allemandes auraient délégué à cette entreprise les pouvoirs nécessaires pour décider du tracé des routes sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne. En effet, il ressort de son article 2, paragraphe 1, que les pouvoirs souverains de l’État ne sont pas transférés à Femern.

323 Il s’ensuit que, dès lors que la responsabilité de garantir l’accès au port de Puttgarden relève de la responsabilité des autorités allemandes, c’est à bon droit que la Commission a considéré qu’il ne lui appartenait pas, dans le cadre du contrôle des aides d’État, d’apprécier si des modifications apportées aux routes entraveraient l’accès au port de Puttgarden.

324 Par ailleurs, s’agissant de l’allégation selon laquelle Femern aurait utilisé les aides pour supprimer l’accès ferroviaire de Scandlines au port de Rødby, il y a lieu de constater que l’élément de preuve fourni n’est pas assez précis pour déterminer si cette suppression concerne la construction de la liaison fixe en tant que telle ou s’il s’agit de la construction de la connexion ferroviaire avec l’arrière-pays, qui relèvent de la responsabilité de Banedanmark pour le compte de Femern Landanlæg.

325 En cinquième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’aide fausserait les investissements des concurrents au motif que le ministre des Transports danois a refusé de soutenir un projet de financement au titre du MIE pour un projet de transbordeurs à zéro émission, il y a lieu de relever que cette décision de ne pas soutenir le projet des requérantes a été adoptée par le gouvernement danois dans le cadre de la mise en œuvre de la politique des transports et n’est pas imputable à Femern. Il en résulte que la Commission pouvait valablement conclure, au considérant 360 de la décision attaquée, qu’une telle décision ne saurait être prise en compte dans l’appréciation des critères de mise en balance.

326 En sixième lieu, s’agissant de l’argumentation, soulevée pour la première fois à l’audience par NABU, selon laquelle, dans le cadre de la mise en balance, la Commission aurait insuffisamment pris en compte l’impact environnemental de la liaison fixe, celle-ci doit être rejetée comme étant irrecevable au motif que la requête ne contient aucun grief ni argument visant à remettre en cause le bien-fondé des constatations effectuées par la Commission aux considérants 366 à 368 de la décision attaquée. En tout état de cause, cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, elle n’est étayée par aucun élément de preuve et, au demeurant, la prise en compte des considérations d’ordre environnemental ne relève pas de la mise en balance des effets positifs et négatifs de la mesure d’aide (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, points 101 et 102). Au surplus, si la Commission a constaté, aux considérants 367 et 368 de la décision attaquée, que les autorités danoises ont tenu compte de l’incidence de la liaison fixe sur l’environnement, que celle-ci a été examinée et atténuée et que le projet est fondé sur le principe qu’il devait être préparé, construit et exploité d’une manière à prévenir les effets néfastes sur la nature et l’environnement ainsi qu’à lutter contre les incidences négatives considérables, NABU n’a apporté aucun élément de preuve susceptible de remettre en cause ces constatations.

327 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter dans son intégralité la quatrième branche du second moyen.

328 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours.

 III. Sur les dépens

329 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

330 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Royaume de Danemark, intervenu au soutien des conclusions de la Commission, supportera ses propres dépens.

331 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider qu’ECSA, DFA, NABU, VDR, Aktionsbündnis, FSS, Rederi Nordö-Link et Trelleborg Hamn supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.

3) Le Royaume de Danemark, European Community Shipowners’ Associations (ECSA), Danish Ferry Association, Naturschutzbund Deutschland eV (NABU), Verband Deutscher Reeder eV, Aktionsbündnis gegen eine feste Fehmarnbeltquerung eV, Föreningen Svensk Sjöfart (FSS), Rederi AB Nordö-Link et Trelleborg Hamn AB supporteront leurs propres dépens.