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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 18 décembre 2023, n° 23/04451

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCP CBF Associes, Ajassocies (Selarl), Bordeaux Gambetta Investment (Sasu), SNC Gambetta Revival 7, SCI Gambetta Revival 2

Défendeur :

Firma (Selarl), Ekip’ (Selarl), FHB Fiducie (Selarl), Sasu Clubfunding (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Della-Vittoria, Me Parcker, Me De Fresse de Monval, Me Leroy, Me Rapp, Me Leconte, Me Meyer, Me Bouru

T. com. Bordeaux, du 14 sept. 2023, n° 2…

14 septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS Bordeaux Gambetta Investment (BGI) est une société de prise de participations et de gestion de toute affaire ou entreprise commerciale.

Elle est une filiale de la société Financière Immobilière Bordelaise (FIB), société holding détenant des participations dans de nombreuses sociétés propriétaires de biens immobiliers.

La société BGI possède elle-même 99% des parts de deux filiales :

- la société civile immobilière Gambetta Revival 2 (GR2) qui exerce une activité d’acquisition, d’administration et d’exploitation par bail, location ou autre de tous immeubles bâtis ou non, par voie d’acquisition, échange, apport ou autre.

Gambetta Revival 2 exerce cette activité sur les trois seuls immeubles qu’elle détient, situés 3 et 6 rue Docteur Charles Nancel Pénard et 20-21 place Gambetta, à Bordeaux.

- la société en nom collectif Gambetta Revival 7 (GR7) qui exerce une activité de marchand de biens sur l’unique immeuble qu’elle détient, situé 36 place Gambetta à Bordeaux.

Pour les besoins du refinancement de l’opération d'acquisition de biens immobiliers par les filiales, la société BGI a procédé, par acte du 3 décembre 2021, à une émission d'obligations convertibles en actions pour un montant de 8.000.000 euros en principal, via la plateforme ClubFunding. Le remboursement des obligations était prévu en une seule échéance à terme le 20 décembre 2023, sauf survenance d'un cas d'exigibilité anticipée.

La société ClubFunding exerce une activité de financement participatif. Dans le cadre de financements obligataires, la société met en relation des entreprises avec une communauté d’investisseurs. Dans le présent litige, la société ClubFundig agit en qualité de représentant de la masse des porteurs d'obligations, selon mandat donné dans le contrat d'émission obligataire.

En garantie de l’emprunt obligataire du 3 décembre 2021, outre d'autres sûretés, les sociétés GR2 et GR7 ont placé en contrat de fiducie, le 21 décembre suivant, auprès du fiduciaire FHB Fiducie (FHB), les immeubles dont elles sont propriétaires, ainsi que les loyers à percevoir.

Les contrats de fiducie prévoient le transfert au fiduciaire de la propriété des immeubles et de leurs fruits, ainsi que, notamment, des mandats donnés à GR2 et GR7 pour l'assistance à la gestion des biens immobiliers remis en fiducie. Les contrats de fiducie stipulent également que les garanties pourront être réalisées en cas de non-paiement à son échéance des montants dus par BGI ou en cas d'exigibilité anticipée de toute somme due.

Dans le contexte plus général de difficultés rencontrées par les sociétés du groupe FIB, les filiales n'ont pu percevoir des revenus suffisants pour faire face à leurs échéances financières. Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 janvier 2023, ClubFunding a notifié à BGI la survenance d'un cas d'exigibilité anticipée des sommes dues.

Par jugement du 22 février 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert, sur leurs déclarations de cessation des paiements du 17 février précédent, des procédures de redressement judiciaire des sociétés Bordeaux Gambetta Investment, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7.

Quelques jours auparavant, la société holding FIB avait elle-même été placée en redressement judiciaire par jugement du 15 février 2023, sur sa déclaration de cessation des paiements du 7 février précédent.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 mars 2023, ClubFunding a notifié la survenance de nouveaux cas d'exigibilité, puis, le 31 mars 2023, a donné instruction au fiduciaire de réaliser les fiducies en procédant à la vente des immeubles, en recouvrant les loyers y afférents, et en répartissant tout produit de réalisation selon l'ordre prévu par les contrats de fiducie.

En réponse, les sociétés BGI, GR2 et GR7 ont mis en demeure le fiduciaire de cesser toute opération de réalisation, estimant notamment que la créance obligataire n'était pas échue et que l'ouverture des procédures collectives empêcherait la réalisation des fiducies.

Les sociétés BGI, GR2 et GR7 ont ensuite assigné en référé les intimées à l’audience du 30 mai 2023, aux fins notamment de faire interdiction au fiduciaire de céder les immeubles dans l’attente d’une décision définitive au fond pour trancher la contestation.

Par ordonnance du 6 juin 2023, la Présidente du tribunal de commerce de Bordeaux a constaté qu’il existait une contestation sérieuse et qu’il n’y avait ainsi pas lieu à référé, et a dès lors invité les sociétés BGI, GR2 et GR7 à assigner le fiduciaire ainsi que ClubFunding devant le tribunal de commerce de Bordeaux au fond, selon la procédure à bref délai au sens de l’article 858 du code de procédure civile. Le juge des référés a temporairement interdit au fiduciaire de procéder à la cession des immeubles jusqu'à décision au fond du tribunal.

Les sociétés BGI, GR2 et GR7 ainsi que les administrateurs judiciaires ont ainsi assigné ClubFunding et le fiduciaire, ainsi que leurs propres mandataires judiciaires, devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin qu’il soit fait interdiction au fiduciaire de réaliser les fiducies tant que les procédures de redressement judiciaire ouvertes au bénéfice des sociétés BGI, GR2 et GR7 sont en cours.

Par jugement du 14 septembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Débouté les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2, SNC Gambetta Revival 7, SCP CBF Associes ès-qualités et SELARL AJASSOCIES ès qualités de l’ensemble de leurs demandes,

- Autorisé la société SAS Clubfunding à faire poursuivre le processus de réalisation des immeubles et loyers par le fiduciaire,

- Débouté la société SAS Clubfunding de ses demandes d’injonctions sur obligations indéterminées,

- Condamné les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 à communiquer à la SELARL FHB Fiducie, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour à compter de 30 jours après signification du présent jugement, pendant une durée de 1 mois passé lequel il sera fait droit à nouveau, les pièces et documents suivants :

1. synthèse des états locatifs (reprise des biens, baux, loyers, charges sur 2022 et en cours sur 2023) et/ou le relevé de compte des locataires en place à la date des présentes ;

2. copie des baux de location (avec annexes et actes de caution, le cas échéant), ainsi que leurs avenants, le cas échéant ;

3. note récapitulative des contentieux en cours opposant la société Gambetta Revival 2 SCI à des locataires et des difficultés rencontrées dans le cadre des rapports locatifs, le cas échéant ;

4. mandats de gestion locative conclus avec tout autre société, et les rapports de gestion afférents, le cas échéant ;

5. copie de l’ensemble des quittances délivrées ;

6. situation comptable de chacun des Immeubles ;

7. attestations d’assurance justifiant de la bonne couverture des risques liés à la société ;

8. toute pièce nécessaire pour établir, le cas échéant, la responsabilité d’un entrepreneur intervenu sur les Immeubles depuis la date de signature du Contrat de Fiducie ;

9. liste des contrats fournisseurs en cours ;

10. factures courantes (fournitures Edf, gaz, eau, avis d’échéance assurance, travaux,  entretien des Immeubles, charge de copropriété…) ;

11. coordonnées complètes des locataires en place et dossier de solvabilité ;

12. dernier appel de fonds relatif aux charges de copropriété (le cas échéant) ;

13. dernière reddition de charges ;

14. état des lieux d’entrée et de sortie des locataires le cas échéant ;

15. copie de la dernière taxe foncière et des derniers avis fiscaux relatifs à tout impôt dont est redevable la société Gambetta Revival 2 SCI ;

16. copie de l’assurance propriétaire non occupant (pno) ou de l’assurance multirisque immeuble (mri) ;

17. contrats d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, vmc, etc.) si existants ;

18. l’ensemble des diagnostics techniques obligatoires de chaque bien et parties communes ;

19. l’attestation d’assurance multirisque habitation (mrh) du locataire, en cours de validité ;

20.l’attestation d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, climatisation) ;

- Condamné solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la SELARL FHB Fiducie une somme de 2.000,00 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L 622-17 I du code de commerce,

- Condamné solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la société SAS Clubfunding une somme de 8.000,00 euros (huit mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L. 622-17 I du code de commerce,

- Condamné] solidairement les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 aux dépens.

Par déclaration en date du 27 septembre 2023, les sociétés BGI, GR2, GR7, AJASSOCIES et CGF Associés ont relevé appel du jugement énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant les sociétés ClubFunding, FHB, ainsi que Ekip’ et Firma ès-qualités.

Les appelantes ont obtenu le 16 octobre 2023 une ordonnance les autorisant à assigner à jour fixe les sociétés Clubfunding et FHB Fiducie, ainsi que les sociétés Firma et Ekip’ en leurs qualités de mandataires judiciaires de BGI, GR2 et GR7, pour le 6 novembre 2023.

Les parties intimées ont été assignées à cette fin par actes d'huissier du 13 octobre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions déposées en dernier lieu le 2 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, les sociétés GR2, GR7 et BGI, ainsi que les sociétés AJASSOCIES et CBF Associés, ces dernières en leurs qualités d'administrateurs judiciaires des sociétés GR2, GR7 et BGI, appelantes, demandent à la cour de :

Confirmer la décision du Tribunal de commerce de Bordeaux du 14 septembre 2023 (RG n°2023F00985) en ce qu’il a jugé :

« Déboute la société SAS CLUBFUNDING de ses demandes d’injonction sur obligations indéterminées »

Infirmer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 septembre 2023 (RG n°2023F00985) en ce qu’il a jugé :

« Déboute les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7, SCP CBF ASSOCIES ès-qualités et SELARL AJASSOCIES ès qualités de l’ensemble de leurs demandes,

Autorise la société SAS CLUBFUNDING à faire poursuivre le processus de réalisation des immeubles et loyers par le fiduciaire, […]

Condamne les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 à communiquer à la SELARL FHB FIDUCIE, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour à compter de 30 jours après signification du présent jugement, pendant une durée de 1 mois passé lequel il sera fait droit à nouveau, les pièces et documents suivants :

1. synthèse des états locatifs (reprise des biens, baux, loyers, charges sur 2022 et en cours sur 2023) et/ou le relevé de compte des locataires en place à la date des présentes ;

2. copie des baux de location (avec annexes et actes de caution, le cas échéant), ainsi que leurs avenants, le cas échéant ;

3. note récapitulative des contentieux en cours opposant la société Gambetta Revival 2 SCI à des locataires et des difficultés rencontrées dans le cadre des rapports locatifs, le cas échéant ;

4. mandats de gestion locative conclus avec tout autre société, et les rapports de gestion afférents, le cas échéant ;

5. copie de l’ensemble des quittances délivrées ;

6. situation comptable de chacun des Immeubles ;

7. attestations d’assurance justifiant de la bonne couverture des risques liés à la société ;

8. toute pièce nécessaire pour établir, le cas échéant, la responsabilité d’un entrepreneur intervenu sur les Immeubles depuis la date de signature du Contrat de Fiducie ;

9. liste des contrats fournisseurs en cours ;

10. factures courantes (fournitures Edf, gaz, eau, avis d’échéance assurance, travaux, entretien des Immeubles, charge de copropriété…) ;

11. coordonnées complètes des locataires en place et dossier de solvabilité ;

12. dernier appel de fonds relatif aux charges de copropriété (le cas échéant) ;

13. dernière reddition de charges ;

14. état des lieux d’entrée et de sortie des locataires le cas échéant ;

15. copie de la dernière taxe foncière et des derniers avis fiscaux relatifs à tout impôt dont est redevable la société Gambetta Revival 2 SCI ;

16. copie de l’assurance propriétaire non occupant (pno) ou de l’assurance multirisque immeuble (mri) ;

17. contrats d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, vmc, etc.) si existants ;

18. l’ensemble des diagnostics techniques obligatoires de chaque bien et parties communes ;

19. l’attestation d’assurance multirisque habitation (mrh) du locataire, en cours de validité ;

20. l’attestations d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, climatisation) ;

Condamne solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la SELARL FHB Fiducie une somme de 2.000,00 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L 622-17 I du code de commerce,

Condamne solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la société SAS Clubfunding une somme de 8.000,00 euros (huit mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L 622-17 I du code de commerce,

Condamne solidairement les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 aux dépens ».

Statuant à nouveau :

- Faire interdiction à FHB Fiducie de céder les immeubles sis 3 et 6 rue du Docteur Charles Nancel Pénard, 20-21 et 36 place Gambetta, à Bordeaux, pendant toute la durée des procédures de redressement judiciaire de Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 et de l’exécution, le cas échéant, du plan de redressement qui serait arrêté par le Tribunal de commerce de Bordeaux ;

- Faire interdiction à FHB Fiducie de résilier la convention de mise à disposition des immeubles sis 3 et 6 rue du Docteur Charles Nancel Pénard, 20-21 et 36 place Gambetta, à Bordeaux et des loyers afférents à Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7, pendant toute la durée des procédures de redressement judiciaire de Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 et de l’exécution, le cas échéant, du plan de redressement qui serait arrêté par le Tribunal de commerce de Bordeaux ;

En conséquence,

- Enjoindre à FHB Fiducie de publier un avis de rétractation de l’appel d’offres publié dans le journal Les Echos du 12 mai 2023 portant sur les immeubles sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir

- Enjoindre à FHB Fiducie de poursuivre l’exécution des conventions de mise à disposition prévues par les contrats de fiducie notamment en permettant à Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 de continuer à percevoir directement les loyers au titre des baux sur les immeubles pendant toute la durée des procédures de redressement judiciaire de Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 et de l’exécution, le cas échéant, du plan de redressement qui serait arrêté par le Tribunal de commerce de Bordeaux ;

En tout état de cause :

- Déclarer Clubfunding irrecevable en sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à Bordeaux Gambetta Investment, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard des documents à FHB Fiducie ;

- Débouter Clubfunding et FHB Fiducie de toutes leurs demandes, fins et prétentions

- Condamner solidairement Clubfunding et FHB Fiducie à verser chacune à Gambetta Revival 2 Gambetta Revival 7 et Fiducie chacune la somme de 20.000 euros chacune en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les appelantes font notamment valoir que d’une part, Gambetta Revival 2 et

Gambetta Revival 7 ont conservé, aux termes des contrats de Fiducies, l’usage et la jouissance des immeubles composant les patrimoines fiduciaires ; qu'il en résulte que la cession de ces immeubles ne peut être mise en œuvre par le Fiduciaire sauf à violer l’article L.622-23-1 du Code de commerce, d’ordre public ; que pour les mêmes raisons, le Fiduciaire est infondé à résilier les conventions de mise à disposition des immeubles permettant à Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 d’en conserver l’usage et la jouissance pour exercer leur activité, sauf à violer l’article L. 622-13 du Code de commerce, également d’ordre public ; que le législateur a ainsi entendu favoriser le redressement de l’entreprise et la poursuite de l’activité en paralysant, pendant la sauvegarde et le redressement judiciaire, la réalisation immédiate d’une Fiducie-sûreté portant sur des biens ou droits utiles au redressement et à la poursuite de l’activité ; que pour que l’article L. 622-23-1 du Code de commerce s’applique, il suffit que le constituant ait matériellement conservé soit l’usage soit la jouissance du bien, et que, d’autre part, la cession projetée du bien est justifiée par le défaut de paiement d’une créance née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective ; que GR2 et GR7 ont conservé l'usage et la jouissance des immeubles remis en

Fiducie-garantie ; que l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la réforme du 15 septembre 2021, interdit désormais toute procédure d'exécution et de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, et vise à interdire la réalisation de sûretés consenties en garantie de la dette d'autrui, comme en l'espèce ;

que d’autre part, la réalisation des Fiducies est infondée, dès lors que Clubfunding ne pouvait notifier l’exigibilité anticipée des sommes dues par BGI du fait de l’ouverture de sa procédure de redressement judiciaire ; que la résiliation des contrats de mise à disposition au bénéfice de GR2 et GR7 viole l'article L. 622-13 du code de commerce, qui interdit la résiliation d'un contrat en cours du seul fait de l'ouverture de la procédure collective ; que le fiduciaire entend mettre fin à l'activité de GR2 et GR7 en les privant de leur trésorerie et de leur source de revenus, compromettant ainsi irrémédiablement leur rétablissement ; que, en tout état de cause, Clubfunding ne pouvait notifier l'exigibilité anticipée des sommes dues par BGI ; que l'article L. 622-29 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues, et que toute clause contraire est réputée non écrite ; que Clubfunding considérait que le défaut notifié à BGI était régularisable dans les 30 jours, mais que le 28 février 2023, BGI n'était plus en mesure de régler les sommes demandées en raison de l'ouverture de la procédure le 22 février 2023 ; que c'est le jugement d'ouverture que a été la cause de l'exigibilité anticipée de l'emprunt obligataire, initialement prévue le 21 décembre 2023 ; que le tribunal a dénaturé le contrat ;

que le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux doit également être infirmé en ce qu’il a condamné BGI, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 à communiquer des documents au Fiduciaire sous astreinte ; que ces documents visent uniquement à mettre en œuvre la résiliation interdite des conventions laissant à GR2 et GR7 l'usage et la jouissance des immeubles ; qu'en outre, le fiduciaire demeure à ce jour empêché dans sa mission dès lors que le fiduciaire a été nommé administrateur judiciaire d'autres sociétés du groupe FIB ;

Enfin, que la présente instance ne s'inscrit pas dans le cadre des redressements judiciaires et n'est pas utile à ceux-ci, de sorte que les créances au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peuvent être privilégiées.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 24 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Clubfunding demande à la cour de :

Confirmer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 septembre 2023 (RG n°2023F00985) en ce qu’il a :

« Débouté les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7, SCP CBF ASSOCIES ès-qualités et SELARL AJASSOCIES ès qualités de l’ensemble de leurs demandes,

Autorisé la société SAS Clubfunding à faire poursuivre le processus de réalisation des immeubles et loyers par le fiduciaire, […]

Condamné les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, Sci Gambetta Revival  2 et SNC Gambetta Revival 7 à communiquer à la SELARL FHB Fiducie, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour à compter de 30 jours après signification du présent jugement, pendant une durée de 1 mois passé lequel il sera fait droit à nouveau, les pièces et documents suivants :

1. synthèse des états locatifs (reprise des biens, baux, loyers, charges sur 2022 et en cours sur 2023) et/ou le relevé de compte des locataires en place à la date des présentes ;

2. copie des baux de location (avec annexes et actes de caution, le cas échéant), ainsi que leurs avenants, le cas échéant ;

3. note récapitulative des contentieux en cours opposant la Société Gambetta Revival  2 SCI à des locataires et des difficultés rencontrées dans le cadre des rapports locatifs, le cas échéant ;

4. mandats de gestion locative conclus avec tout autre société, et les rapports de gestion afférents, le cas échéant ;

5. copie de l’ensemble des quittances délivrées ;

6. situation comptable de chacun des Immeubles ;

7. attestations d’assurance justifiant de la bonne couverture des risques liés à la société ;

8. toute pièce nécessaire pour établir, le cas échéant, la responsabilité d’un entrepreneur intervenu sur les Immeubles depuis la date de signature du Contrat de Fiducie ;

9. liste des contrats fournisseurs en cours ;

10. factures courantes (fournitures Edf, gaz, eau, avis d’échéance assurance, travaux, entretien des Immeubles, charge de copropriété…) ;

11. coordonnées complètes des locataires en place et dossier de solvabilité ;

12. dernier appel de fonds relatif aux charges de copropriété (le cas échéant) ;

13. dernière reddition de charges ;

14. état des lieux d’entrée et de sortie des locataires le cas échéant ;

15. copie de la dernière taxe foncière et des derniers avis fiscaux relatifs à tout impôt dont est redevable la société Gambetta Revival 2 SCI ;

16. copie de l’assurance propriétaire non occupant (pno) ou de l’assurance multirisque immeuble (mri) ;

17. contrats d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, vmc, etc.) si existants ;

18. l’ensemble des diagnostics techniques obligatoires de chaque bien et parties communes ;

19. l’attestation d’assurance multirisque habitation (MRH) du locataire, en cours de validité ;

20. l’attestation d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, climatisation) ;

Condamné solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la SELARL FHB Fiducie une somme de 2.000,00 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L 622-17 I du code de commerce,

Condamné solidairement les sociétés SCI Gambetta Revival 2 SNC Gambetta Revival 7 et SAS Bordeaux Gambetta Investment à payer à la société SAS Clubfunding une somme de 8.000,00 euros (huit mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance bénéficiant du traitement des créances postérieures au sens de l’article L. 622-17 I du code de commerce,

Condamné solidairement les sociétés SAS Bordeaux Gambetta Investment, SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 aux dépens » ;

Faire droit à l’appel incident de la société Clubfunding,

- Infirmer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 septembre 2023 (RG n°2023F00985) en ce qu’il a :

« Débouté la société SAS Clubfunding de ses demandes d’injonctions sur obligations indéterminées » ;

Statuant à nouveau :

- Condamner (à la demande de Clubfunding ès qualités) les sociétés Bordeaux Gambetta Investment, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 à communiquer au Fiduciaire (SELARL FHB Fiducie), sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, les pièces et documents suivants

1. synthèse des états locatifs (reprise des biens, baux, loyers, charges sur 2022 et en cours sur 2023) et/ou le relevé de compte des locataires en place à date ;

2. copie des baux de location (avec annexes et actes de caution, le cas échéant), ainsi que leurs avenants, le cas échéant ;

3. note récapitulative des contentieux en cours opposant la société Gambetta Revival

2 à des locataires et des difficultés rencontrées dans le cadre des rapports locatifs, le cas échéant ;

4. mandats de gestion locative conclus avec tout autre société, et les rapports de gestion afférents, le cas échéant ;

5. copie de l’ensemble des quittances délivrées ;

6. situation comptable de chacun des Immeubles ;

7. attestations d’assurance justifiant de la bonne couverture des risques liés à la société ;

8. toute pièce nécessaire pour établir, le cas échéant, la responsabilité d’un entrepreneur intervenu sur les Immeubles depuis la date de signature des Contrats de Fiducie ;

9. liste des contrats fournisseurs en cours ;

10. factures courantes (fournitures électricité, gaz, eau, avis d’échéance assurance, travaux, entretien des Immeubles, charge de copropriété…) ;

11. coordonnées complètes des locataires en place et dossier de solvabilité ;

12. dernier appel de fonds relatif aux charges de copropriété (le cas échéant) ;

13. dernière reddition de charges ;

14. état des lieux d’entrée et de sortie des locataires le cas échéant ;

15. copie de la dernière taxe foncière et des derniers avis fiscaux relatifs à tout impôt dont est redevable la société Gambetta Revival 2 ;

16. copie de l’assurance propriétaire non-occupant (pno) ou de l’assurance multirisque immeuble (mri) ;

17. contrats d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, vmc, etc.) si existants ;

18. l’ensemble des diagnostics techniques obligatoires de chaque bien et parties communes ;

19. l’attestation d’assurance multirisque habitation (mrh) du locataire, en cours de validité ;

20. l’attestation d’entretien des équipements attachés aux biens loués (chaudière, climatisation) ;

En tout état de cause :

- Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions des Appelantes ;

- Condamner solidairement les sociétés BGI, GR2, GR7 et les Administrateurs Judiciaires à payer à Clubfunding ès qualités la somme 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- Juger que cette créance bénéficiera du traitement privilégié des créances postérieures à l’égard des sociétés BGI, GR2 et GR7, au sens de l’article L. 622-17, I du code de commerce applicable en redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-14.

La société ClubFundig fait notamment valoir que le jugement du tribunal de commerce du 14 septembre 2023 est de plein droit exécutoire à titre provisionnel, et qu'elle était bien fondée à solliciter la poursuite du processus de réalisation des immeubles et de perception des loyers, alors que les appelantes n'ont pas exécuté ce jugement ; que les notifications des cas de réalisation par Clubfunding ès qualités ont été dûment réalisées et ne contreviennent pas à l’ordre public des procédures collectives, et que les contrats de fiducie n’organisent aucune convention de mise à disposition des actifs fiduciaires au bénéfice des sociétés GR2 et GR7, de sorte la poursuite de la réalisation des fiducies est parfaitement justifiée ; qu'enfin, les dispositions de l’article L. 622-23-1 du code de commerce ne sont en tout état d cause pas applicables aux faits de l’espèce ; qu'elle n'a pas sollicité et ne sollicite pas la résiliation du contrat de mandat ou de prestation de services prévus dans les contrats de fiducie ; que par conséquent, l'ensemble des développements des appelantes concernant le respect du principe de continuation des contrats en cours au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce est inopérant ;

Que les deux courriers des 11 janvier (antérieur au redressement) et 10 mars 2023 (postérieurement) suffisent à prononcer l'exigibilité anticipée de l'ensemble des sommes dues au titre de l'emprunt obligataire, conformément aux stipulations des contrats de fiducie, et malgré l'ouverture de la procédure collective ; que ces évènements constituent bien des cas de réalisation au sens des contrats de fiducie, il apparait que la réalisation des fiducies engagée par le fiduciaire (conformément aux instructions de réalisation de Clubfunding ès qualités) se trouve ainsi pleinement justifiée ;

Que les fiducies ne sont pas assorties de conventions de mise à disposition, au sens de l’article L. 622-23-1 du code de commerce, mais d'un simple mandat donné par le fiduciaire pour l'assister dans sa mission ; que GR2 et GR7 sont chacune investies du pouvoir d'encaisser les loyers et du pouvoir de gérer les immeubles ; qu'elles n'ont aucune latitude dans l'exercice de leurs missions, et que ces prérogatives ne confèrent aucun droit réel sur les actifs fiduciaires ; que les sociétés GR2 et GR7 ne tirent de ces missions aucun droit pouvant s’apparenter à l’usage ou la jouissance portant sur les immeubles ou sur les fruits de ceux-ci ; que la gratuité du mandat n'est que la contrepartie du service constitué par le financement, et témoigne que les contrats ne prévoient aucune mise à disposition des actifs fiduciaires au bénéfice de GR2 et GR7 ; que la réalisation des actifs fiduciaires par le fiduciaire peut valablement se poursuivre ;

Qu'il résulte bien de l'article L. 622-23-1 du code de commerce qu'en présence d’une Fiducie dans laquelle il pourrait y avoir une mise à disposition des actifs placés en Fiducie (ce qui n’est pas le cas en l’espèce), et où (i) le défaut de paiement d’une créance antérieure par le constituant ou (ii) l’ouverture d’une procédure collective à son égard caractérise la survenance d’un cas de réalisation de la Fiducie, le texte prévoit clairement que le transfert de ces actifs à un tiers (via une cession dans le cadre de la réalisation de la Fiducie notamment) est interdit ; qu'à l’inverse, si le transfert ou la cession ne procède pas de l’un des motifs de réalisation expressément mentionnés, ces opérations pourront être valablement poursuivies, sauf à faire une lecture contra legem du texte ; que la déchéance du terme et a fortiori le Cas de Réalisation ne tiennent donc ni du défaut de paiement d’une créance antérieure, ni de l’ouverture d’une procédure collective – qui sont, il convient de le rappeler, avec l’arrêté d’un plan, les seuls et uniques motifs interdisant la réalisation d’actifs fiduciaires faisant l’objet d’une convention de mise à disposition ;

Que le jugement devra être infirmé en ce qu’il a débouté Clubfunding ès qualités de ses demandes d’injonction de collaborer aux opérations de réalisation des actifs fiduciaires ; que la poursuite des réalisations est justifiée et ne contrevient pas à l'ordre public des procédures collectives ; que pour permettre la bonne réalisation des opérations, il est demandé la communication sous astreinte des pièces listées ;

Qu'une condamnation au titre de l'article 700 constitue une créance née postérieurement au jugement d'ouverture et pour les besoins de la procédure.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 23 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société FHB Fiducie demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du 14 septembre 2023 rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a débouté les sociétés SCI Gambetta Revival 2 et SNC Gambetta Revival 7 de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés à communiquer les pièces et documents relatifs aux immeubles sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de 30 jours après signification dudit jugement ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner solidairement les sociétés GR2, GR7 et BGI à payer à FHB Fiducie ès qualités la somme 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ; et

- Juger que cette créance bénéficiera du traitement privilégié des créances postérieures au sens de l’article L. 622-17 I du Code de commerce.

La société FHB Fiducie fait notamment valoir que la décision, pourtant exécutoire par provision, n'a pas été exécutée par les appelants ; que le fiduciaire n’a pas à apprécier la survenance d’un cas de défaut, et qu'elle s’en remet à la présente juridiction sur ce point ; qu'il n'y a pas de convention de mise à disposition, mais un simple mandat qui ne saurait être requalifié ; que les loyers font partie intégrante de l'actif fiduciaire et doivent permettre d'assurer le remboursement des souscripteurs des obligations souscrites ; que conformément à l’instruction reçue du bénéficiaire, le Fiduciaire a procédé le 12 mai 2023 à la publication d’un appel d’offres dans Les

Echos, afin de recueillir un maximum d’offres de reprise ; que cette publication a permis de recueillir plusieurs offres permettant de valoriser les immeubles à un montant de 7.2Meuros, étant précisé que le processus d’appel d’offres prévoit un second tour pour permettre aux repreneurs d’améliorer leurs offres ; que si les constituants estiment que le prix est bradé, ils peuvent bien évidemment présenter une offre pour acquérir lesdits immeubles ou présenter l’actif auprès de tiers ; qu'un « avis de rétractation » n'a aucun sens dès lors qu'elle a régulièrement informé les candidats repreneurs de la présente procédure ; que conformément aux contrats de fiducie, par email du 23 novembre 2022, puis par courriers des 5 et 12 avril 2023, le fiduciaire a sollicité la communication du détail précis des loyers perçus ainsi que de l'intégralité des quittances émises par les constituants ; qu'aucune suite n'a été donnée à ces demandes et que le jugement ordonnant la communication sous astreinte doit être confirmé.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 18 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, les sociétés Ekip’ et Firma, en leur qualité de mandataires judiciaires des sociétés GR2, GR7 et BGI, demandent à la cour de :

- donner acte à la SELARL Ekip’ et à la SELARL Firma, agissant ès-qualités de mandataires judiciaires des sociétés Bordeaux Gambetta Investment, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7, qu’elles s’en remettent à justice sur l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 14 septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux (RG 2023F00985) ;

- condamner la partie succombante aux dépens.

Les sociétés Equip' et Firma, ès-qualités, font notamment valoir qu'elles entendent, au regard de leurs fonctions de représentant des créanciers, s’en remettre à justice sur les mérites de l’appel.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les sociétés GR2, GR7 et BGI, ainsi que les sociétés AJASSOCIES et CBF Associés, ces dernières en leurs qualités d'administrateurs judiciaires des sociétés GR2, GR7 et BGI, demandent qu'il soit interdit au fiduciaire de réaliser les immeubles transférés en fiducie et de résilier ce qu'elles désignent comme « la convention de mise à disposition des immeubles à leur profit », pendant toute la durée de leur procédure de redressement judiciaire, et, le cas échéant, du plan de redressement qui serait arrêté.

Le tribunal de commerce a refusé de faire droit à leurs demandes, et les a condamnées à communiquer au fiduciaire une liste de documents relatifs à la gestion des immeubles, sur la demande reconventionnelle de celui-ci. Le débat reprend dans les mêmes termes devant la cour, les parties, et notamment les appelantes, réitérant leurs demandes, énonçant des moyens tendant à démontrer qu'il n'y aurait pas lieu en l'espèce à la réalisation des fiducies. Il appartient donc, principalement, à la cour de dire si la réalisation des fiducies est possible dans la présente espèce, ou si, au contraire, cette réalisation doit être arrêtée.

La réalisation des fiducies est ici la conséquence de la notification de cas d'exigibilité anticipée, puisque le prêt obligataire n'arrive à échéance que le 20 décembre 2023.

Les appelantes font valoir trois moyens principaux :

- La cession des immeubles serait contraire à l'article L. 622-23-1 du code de commerce, qui prévoit que la cession des biens ou droits présents dans un patrimoine fiduciaire et qui font l'objet d'une convention prévoyant que le débiteur en conserve l'usage ou la jouissance ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers du seul fait de l'ouverture de la procédure, ou du défaut de paiement d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture.

- La réalisation des contrats de mise à disposition au bénéfice de GR2 et GR7 violerait l'article L. 622-13 du code de commerce, qui interdit la résiliation d'un contrat en cours du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective.

- Clubfunding n'aurait pas pu notifier l'exigibilité immédiate anticipée des sommes dues par BGI.

Après exposé du contenu utile des contrats liant les parties, notamment les contrats de Fiducie, ces moyens seront examinés successivement, en commençant par la dernière cité, qui conditionne, en la déclenchant, la réalisation des biens et droits remis  en Fiducie.

À titre complémentaire, la cour devra statuer sur la communication au fiduciaire de pièces relatives à la gestion des immeubles, demandée par celui-ci, ce qui a été accepté par le tribunal, mais aussi par Clubfunding, ce que le tribunal a refusé.

Sur les contrats de fiducie et d'émission d'emprunt

Par deux actes notariés du 21 décembre 2021 (pièces n° 6 et 7 de Clubfunding, 10 et 11 des appelantes), les sociétés GR2 et GR7 ont affecté en fiducie la propriété des quatre immeubles leur appartenant ainsi que les loyers à percevoir au titre de la mise à bail des Immeubles, cela aux fins de garantir le paiement de toutes sommes dues ou encourues :

(i) par la société Bordeaux Gambetta Investment au titre de l’emprunt obligataire dans la limite d’un montant correspondant au montant total des sommes prêtées par la société Bordeaux Gambetta Investment aux sociétés Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 au titre des Avances en Compte Courant ;

(ii) par les sociétés Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 envers les obligataires au titre des contrats de fiducie.

Les contrats de fiducie prévoient que les fiducies pourront être réalisées en cas (i) de non-paiement à son échéance de tout montant dû par la société Bordeaux Gambetta Investment (en quelque qualité que ce soit) au titre des obligations garanties par les Fiducies, ou (ii) d'exigibilité anticipée de toute somme due au titre des obligations conformément aux stipulations de l’emprunt obligataire.

Les immeubles et les loyers des sociétés Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival  7 constituent ensemble les « actifs fiduciaires ». Les fiducies, représentées par le fiduciaire se trouvent donc être propriétaires des immeubles initialement détenus par les sociétés Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 mais également des loyers versés par les différents locataires et ce, pendant toute la durée du contrat de fiducie jusqu’au parfait remboursement des obligations garanties.

Le contrat d'émission obligataire souscrit par la société BGI stipule notamment, dans son article relatif à l'exigibilité anticipée (pièce n° 5 de Clubfunding) que « le représentant de la masse pourra prononcer l'exigibilité anticipée de la totalité des obligations en cas de survenance de (…) toute situation constituant un cas d'exigibilité anticipée aux termes des engagements signés par l'émetteur, ou toute autre société le contrôlant ou contrôlée par l'émetteur ou placée en contrôle commun avec l'émetteur au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, dans le cadre de tout financement contracté par l'une de ces sociétés ; »;

Il peut être observé à cet égard que cette opération était la deuxième effectuée par le groupe FIB avec Clubfunding. En effet, le 22 juillet 2021, FIB avait également émis, via Clubfunding, des obligations ordinaires pour un montant de 6 millions d’euros dans le cadre d’une opération de marchand de biens sur un ensemble immobilier situé square Monticelli dans le 8ème arrondissement de Marseille.

Sur la validité des notifications d'exigibilité anticipée de l'emprunt obligataire

Les appelantes soutiennent que Clubfunding ne pouvait notifier l’exigibilité anticipée des sommes dues par BGI en raison de l’ouverture des procédures de redressement judiciaire.

Elles font valoir que toute clause liante directement ou indirectement la déchéance du terme d'une créance à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est réputée non écrite, et qu'il en résulte que le débiteur en redressement judiciaire conserve le bénéfice du terme du contrat de prêt contractuellement convenu ; que la jurisprudence interdit aux créanciers de prendre des mesures qui aboutiraient, alors même qu’aucune échéance n’est impayée, à la déchéance du terme du prêt à travers la réalisation d’une sûreté ; que le défaut notifié à BGI était régularisable, l'exigibilité étant fixée au 28 février 2023, alors qu'à cette date BGI n'était plus en mesure de régler les sommes demandées en raison de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 22 février.

Le fiduciaire, estimant qu'il n'a pas à apprécier la survenance d'un cas de défaut, s'en remet sur ce point à la juridiction.

La procédure en cas de survenance d'un cas d'exigibilité anticipée ci-dessus est ainsi prévue par le contrat d'émission (pièce précitée) :

« En cas de survenance de l’un des évènements ci-dessus, le Représentant de la Masse pourra notifier à l’Emetteur l’exigibilité anticipée des Obligations (l’ « Exigibilité Anticipée »), sous réserve des stipulations ci-après, par courrier recommandé avec accusé de réception et courrier électronique adressés à l’Emetteur et à son conseil (la « Notification d’Exigibilité Anticipée »).

Si l’évènement ayant motivé la Notification d’Exigibilité Anticipée constitue un manquement de l’Emetteur susceptible d’être remédié, l’Emetteur disposera d’un délai de trente (30) jours ouvrés à compter de la réception de la Notification d’Exigibilité Anticipée (la « Date d’Exigibilité Anticipée ») pour remédier au manquement considéré. En cas de régularisation dans le délai précité considérée comme satisfaisante par le Représentant de la Masse, la Notification d’Exigibilité Anticipée sera réputée nulle et de non avenue.

A défaut de régularisation dans le délai précité considérée comme satisfaisante par le Représentant de la Masse ou si l’évènement ayant motivé la Notification d’Exigibilité Anticipée ne constitue pas un manquement de l’Emetteur susceptible d’être remédié, l’Emetteur sera tenu de procéder, dans un délai de 8 (huit) jours à compter respectivement de la réception de la

Notification d’Exigibilité Anticipée ou de l’expiration du délai précité, au remboursement de la Valeur Nominale des Obligations en circulation majorée des intérêts courus depuis la dernière Date de Paiement de Coupon jusqu’à la Date d’Exigibilité Anticipée »

En l'espèce, les cas d'exigibilité anticipée notifiés par Clubfunding sont les suivants :

- Par courrier du 11 janvier 2023 (sa pièce n° 8), Clubfunding a notifié à la société BGI la survenance d’un cas de défaut conventionnel aux termes de l’emprunt obligataire du fait de la survenance d’un cas de défaut croisé tenant à l’exigibilité anticipée de l’ensemble des sommes dues au titre du financement d’un autre projet immobilier souscrit par la société Financière Immobilière Bordelaise (FIB) à l’égard de Clubfunding (le « Contrat d’Emission Monticelli »).

- Par un nouveau courrier du 10 mars 2023 (sa pièce n° 9), Clubfunding a visé d'autres cas de défaut croisé : la violation de l'engagement de la société BGI de « se porter fort du paiement mensuel, à bonne date, par son associé unique, Financière Immobilière Bordelaise, des coupons dus dans le cadre de l'Opération Monticelli » ; l'absence de notification par la société BGI à Clubfunding ès qualités de la survenance des cas d'exigibilité anticipée précités.

Il doit être observé que ces cas d'exigibilité anticipée ne sont pas contestés en eux-mêmes par les appelantes, notamment en ce qu'ils relèvent de « défauts croisés », c'est à dire de défauts qui n'émanent pas de BGI, débiteur de l'emprunt obligataire, mais sont seulement contestés en leurs conséquences au regard de l'ouverture des procédures de redressement judiciaire.

Il est par ailleurs constant que la lettre de notification du 11 janvier 2023 (pièce n° 14des appelantes, n° 8 de Clubfunding) indiquait notamment : « A défaut de règlement de ces sommes dans un délai de trente (30) jours à compter de la réception du présent courrier, nous entamerons les démarches nécessaires au recouvrement de la créance (…) en (…) activant l'ensemble des garanties prises, notamment le contrat de fiducie ».

Les appelantes en déduisent que la dette n'était donc pas exigible à la date du redressement judiciaire du 22 février 2023, et que le 28 février suivant, elles n'étaient plus en mesure de régler les sommes demandées en raison de l'ouverture de la procédure collective.

Pour autant, Clubfunding est fondée à opposer que le délai contractuel de remédiation de trente jours ouvrés ne s’applique que dans l’hypothèse d’un « manquement de l’Emetteur susceptible d’être remédié », selon les termes de la clause ci-dessus, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisqu'il ne s'agit pas d'un défaut de BGI mais d'un défaut croisé, et que c’est le délai mentionné au paragraphe suivant, de huit jours à compter de la réception du courrier de notification, qui s’applique.

Ce délai n'est d'ailleurs pas un délai pour régulariser mais un délai de paiement de l'ensemble des sommes objet du contrat, avant réalisation des fiducies. Le délai de grâce de 30 jours calendaires laissés aux termes de la notification est une simple faveur, qui ne doit pas être confondue avec le délai de remédiation applicable à d'autres cas, et qui ne remet pas en cause l'exigibilité anticipée.

Il apparaît en effet que la déchéance du terme et l'exigibilité de la créance doivent être datées de la réception de la lettre, et que le délai accordé est un simple délai amiable avant mise à exécution des garanties et non un délai avant exigibilité, d'autant plus qu'en l'espèce, le motif de déchéance n'était pas susceptible d'être remédié par BGI, GR2 ou GR7.

Ce même motif de déchéance, qui lui est antérieur, n'est en rien lié à la procédure de redressement judiciaire, et la dette de remboursement des obligataires est demeurée exigible en dépit du jugement d'ouverture du 22 février 2023.

De même, le motif d'exigibilité notifié le 10 mars 2023 vise des cas qui ne consistent pas non plus en un défaut de paiement par BGI d'une somme d'argent ou en l'ouverture antérieure de la procédure de redressement judiciaire.

La société Clubfunding observe à bon droit qu'une déchéance du terme n'est pas une mise en demeure ni une action en paiement, et oppose de façon fondée aux appelantes le fait que « la déchéance du terme notifiée le 11 janvier 2023 n’est fondée ni sur l’ouverture de cette procédure, ni sur un défaut de paiement d’une somme d’argent de la part du débiteur, de sorte qu’elle n’est contraire à aucune des règles du droit des procédures collectives. En conséquence, la survenance d’un redressement judiciaire ne peut en empêcher l’effet. »

Clubfunding fait valoir à juste titre qu’en application de la règle selon laquelle les contrats en cours à l’ouverture de la procédure collective sont poursuivis conformément aux stipulations contractuelles applicables au jour du jugement d’ouverture, la déchéance du terme d’un crédit du débiteur peut être prononcée sur le fondement d’un cas de défaut contractuel.

Pour les motifs ci-dessus, la déchéance du terme est acquise au titre des notifications valablement réalisées par courriers des 11 janvier 2023 et 10 mars 2023 nonobstant les procédures collectives ouvertes le 22 février 2023, et le moyen des appelantes à l'encontre de ces notifications, tiré de leur redressement judiciaire, doit être écarté.

Sur le fait que la cession des immeubles serait contraire à l'article L. 622-23-1 du code de commerce

Les appelantes font valoir que l’article L. 622-23-1 du code de commerce, d’ordre public, paralyse, pendant la sauvegarde et le redressement judiciaire, la réalisation immédiate d’une fiducie-sûreté portant sur des biens ou droits utiles au redressement et à la poursuite de l’activité ; que pour que l’article L. 622-23-1 du code de commerce s’applique, il suffit que le constituant ait matériellement conservé soit l’usage soit la jouissance du bien, et que, d’autre part, la cession projetée du bien es justifiée par le défaut de paiement d’une créance née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective ; que GR2 et GR7 ont conservé l'usage et la jouissance des immeubles remis en fiducie-garantie ; que l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la réforme du 15 septembre 2021, interdit désormais toute procédure d'exécution et de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, et vise à interdire la réalisation de sûretés consenties en garantie de la dette d'autrui, comme en l'espèce.

Il convient de rappeler que selon l’article L. 622-23-1 du code de commerce, « lorsque des biens ou droits présents dans un patrimoine fiduciaire font l’objet d’une convention en exécution de laquelle le débiteur constituant en conserve l’usage ou la jouissance, aucune cession ou aucun transfert de ces biens ou droits ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d’un tiers du seul fait de l’ouverture de la procédure, de l’arrêté du plan ou encore d’un défaut de paiement d’une créance née antérieurement au jugement d’ouverture. Cette interdiction est prévue à peine de nullité de la cession ou du transfert ».

La discussion porte alors plus précisément sur le point de savoir si GR2 et GR7 bénéficient, aux termes des contrats de fiducie, de conventions en exécution desquelles elles ont conservé l'usage ou la jouissance des immeubles et des loyers remis en Fiducie.

Les appelantes font valoir que GR2 et GR7 ont le pouvoir de : recouvrer les sommes dues et exigibles par les locataires et tout tiers ; recevoir, conserver, utiliser ou restituer les sommes relatives à un éventuel dépôt de garantie constitué par un locataire procéder aux paiements nécessaires au titre des baux ; recevoir toute pénalité ou indemnité due par un locataire ; résilier tout bail, procéder au renouvellement de tout bail, signer tout avenant à l’un quelconque des baux ; contrôler l’exécution par les locataires de leurs obligations ; exercer l’ensemble des droits et obligations au titre des baux, etc.

Elles en concluent qu'elles disposent ainsi d’un pouvoir d’exploitation économique sur les immeubles remis en fiducie et des loyers perçus ; qu'elles en ont donc conservé l’usage, pour les besoins de leur activité de gestion locative.

Il ressort de l'article 8 des contrats de fiducie intitulé « missions du fiduciaire » (pages 9 et 10) que « le fiduciaire donne mandat (au sens des articles 1984 et suivants du code civil) au constituant, qui accepte, pour l'assister dans sa mission au titre des paragraphes c) à i) du présent article. A cet effet :

- toutes sommes à percevoir au titre de ces paragraphes seront directement perçus par le Constituant ;

- le Constituant pourra échanger directement avec tout Locataire ;

- le Constituant devra notifier au Fiduciaire, mensuellement, un compte-rendu qui devra préciser notamment, au titre du mois écoulé et dans le cadre de ses obligations au titre du présent article, (i) toutes formalités, démarches, actions, etc., engagées ou reçues, (ii) toutes les sommes encaissées, (iii) toutes les dépenses effectuées, et(iv) toutes autres précisions qu’il jugera utile pour la parfaite information du Fiduciaire dans le cadre de l’exécution de sa Mission »

Il convient ainsi d'observer qu'il n'existe pas de convention d'usage expresse, contrairement à ce que soutiennent les appelantes.

Les sociétés Clubfunding et FHB observent d'ailleurs à bon droit que les constituants ont remis en fiducie non seulement les immeubles, mais aussi l'ensemble des fruits, produits et accessoires, de sorte que seul le fiduciaire en a l'usage et la jouissance.

Elles font valoir à juste titre que le constituant ne bénéficie que d'un simple mandat, régi par les articles 1984 et suivants du code civil, prévu par l'article 8 des contrats de fiducie, pour encaisser les sommes faisant partie de l'actif fiduciaire et destinées à assurer le remboursement des souscripteurs des obligations émises, ce qui ne saurait être requalifié en convention de mise à disposition au sens de l'article 2018-1 du code civil, alors même que le fiduciaire ne cesse pas d’exercer ses fonctions et de réaliser les missions qui lui incombent en cette qualité.

Elles relèvent également à bon droit qu'il n’y a donc aucune exclusivité des sociétés GR2 et GR7 dans la réalisation de ces missions dans le cadre de l’assistance du fiduciaire, qu'elles opèrent uniquement pour faciliter les opérations qu’il doit mener, sans que cela ne puisse aucunement être considéré comme une mise à disposition des actifs fiduciaires. Les sociétés GR2 et GR7 n'ont ainsi aucune latitude dans l'exercice de leurs missions, et ces prérogatives ne confèrent aucun droit réel sur les actifs fiduciaires ; elles ne tirent de ces missions aucun droit pouvant s’apparenter à l’usage ou la jouissance portant sur les immeubles ou sur les fruits de ceux-ci.

L'usage de l'immeuble s'entend de la possibilité de l'occuper et de l'utiliser pour ses besoins, à l'image du droit conféré à un preneur à bail. Tel n'est pas l'objet des mandats donnés à GR2 et GR7 par l'article 8 des contrats de Fiducie ci-dessus.

La jouissance de l'immeuble se définie comme le droit d'en percevoir les fruits et d'en disposer. Tel n'est pas non plus l'objet des mandats donnés à GR2 et GR7, alors que les loyers ne peuvent être perçus qu'à charge pour elles de les transmettre au fiduciaire.

L'obligation d'entretien invoquée ne confère aucun usage ou jouissance des immeubles, mais se trouve simplement être la délégation d'une obligation du propriétaire, tout comme le paiement des impôts et taxes.

L'absence de notification aux tiers, dont les locataires invoqués par les appelantes, n'est pas de nature à remettre en cause les transferts de propriété des créances de loyers, intervenus entre les parties du fait des contrats de fiducie.

La gratuité du mandat n'est qu'une contrepartie du service constitué par le financement, en sus des intérêts contractuels, et témoigne même que les contrats ne prévoient aucune mise à disposition des actifs fiduciaires au bénéfice de GR2 et GR7.

La logique de ce mandat gratuit d'assistance à la gestion peut aisément s'entendre en considérant que l'économie du contrat de fiducie veut que les biens et droits placés en fiducie doivent revenir aux constituants lorsque le contrat qu'ils garantissent parvient à bonne fin.

Il peut en être conclu que la réalisation des actifs fiduciaires par le fiduciaire peut valablement se poursuivre, étant au surplus rappelé que les cas de réalisation ne tiennent ni du défaut de paiement d'une créance antérieure, ni de l'ouverture d'une procédure collective, de sorte que l'article L. 622-23-1 du code de commerce ne trouve pas ici application. Les intimées observent, en tant que de besoin mais à bon droit, qu'elles entendent procéder non pas à une poursuite des débiteurs en leur réclamant en justice une somme d'argent, mais à la réalisation des actifs déjà transférés par les contrats de fiducie-sûreté.

Il apparaît ainsi des éléments ci-dessus que les constituant ne peuvent justifier, aux termes même du contrat de fiducie, que d'un simple mandat fondé sur les articles 1984 et suivants du code civil, par principe révocable à tout moment par le mandant, d'autant plus que le contrat stipule expressément que « le fiduciaire pourra révoquer le présent mandat, si bon lui semble, en cas de réalisation », mandat qui, en tout état de cause, prend fin lors de la réalisation des actifs fiduciaires.

Ainsi, faute pour les sociétés GR2 et GR7 d'avoir conservé l'usage ou la jouissance des immeubles donnés en fiducie, il n'y a pas lieu en l'espèce à application des dispositions de l'article L. 622-23-1 du code de commerce, et le moyen des appelantes doit être écarté.

Sur le fait que la résiliation des contrats serait contraire à l'article L. 622-13 du code de commerce

Les appelantes estiment aussi que la résiliation des « contrats de mise à disposition » au bénéfice de GR2 et GR7 viole l'article L. 622-13 du code de commerce, qui interdit la résiliation d'un contrat en cous du seul fait de l'ouverture de la procédure collective.

En réalité, les explications et motifs au titre du moyen examiné ci-dessus démontrent l'absence de contrats de mise à disposition au bénéfice de GR2 et GR7, au profit de simples mandats.

La fin des mandats donnés en application des contrats de fiducie est sans lien avec l'ouverture des procédures collectives, mais seulement la conséquence de la réalisation des actifs fiduciaires qui rend le mandat sans objet.

Il n'y a donc pas lieu de statuer davantage sur le moyen qui est inopérant, puisque les contrats invoqués n'existaient pas, et qu'il n'y a pas en l'espèce de résiliation d'un contrat en cours du fait de l'ouverture de la procédure collective.

Sur les demandes reconventionnelles

Le tribunal de commerce a fait droit à la demande reconventionnelle du fiduciaire de communication sous astreinte de nombreux documents (selon liste de l'exposé des faits et prétentions ci-dessus), en lien avec la gestion locative des immeubles, qu'il ne parvenait pas à obtenir des constituants.

La seule objection des appelantes tient à ce que les documents sollicités viseraient uniquement à mettre en œuvre une résiliation interdite des conventions, ce qui n'est en réalité pas le cas, aucune résiliation interdite n'étant ici caractérisée, comme vu ci-dessus.

L'évocation d'un éventuel conflit d'intérêts qui tiendrait au fait que les personnes physiques composant la société FHB ont été par ailleurs nommées administrateurs judiciaires d'une société du « groupe FIB » dans un autre ressort judiciaire, en l'espèce Grenoble, est inopérant au regard du présent litige, et ne constitue pas une cause d'empêchement du fiduciaire que la présente juridiction devrait ou même pourrait constater, alors même que les appelantes omettent de fonder juridiquement une telle allégation.

Rien ne s'oppose à ce que ce chef de décision soit confirmé par la cour d'appel, les appelantes ne soutenant pas qu’elles n’auraient pas à procéder à cette communication.

D'ailleurs, il ressort même des dernières conclusions déposées par les appelantes que les documents demandés ont été communiqués au fiduciaire en exécution du jugement, le 31 octobre 2023.

Clubfunding fait appel incident du jugement en ce qu'il a « débouté la société SAS Clubfunding de ses demandes d’injonctions sur obligations indéterminées » et demande, en son nom, la communication des mêmes pièces dont la communication a été ordonnée par le tribunal au profit du fiduciaire.

Le tribunal avait expressément rejeté une demande de Clubfunding au motif qu'il s'agissait d'une demande « d'injonction sur obligations indéterminées ». Il apparaît que la demande devant le premier juge était d'enjoindre aux appelantes de « Collaborer activement aux opérations de réalisation des actifs fiduciaires par le fiduciaire », obligation en effet indéterminée.

Il apparaît que Clubfunding modifie sa prétention, et demande en cause d'appel la communication des mêmes pièces au fiduciaire, comme accepté par le tribunal, et non à elle-même. Elle demande, sans s'en expliquer davantage que la condamnation à communiquer sous astreinte soit faite « à la demande de Clubfunding ès qualités ».

Il n'y a alors pas lieu de statuer distinctement par un chef de décision sur l'origine de la demande de communication, cette origine étant indifférente.

Sur les autres demandes

Les dépens d'appel doivent rester in solidum à la charge des appelantes.

De même, les appelantes seront tenues de payer in solidum les somme de 15 000 euros à la société ClubFunding et celle de 8 000 euros à la société FHB en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instance a été engagée par les sociétés en redressement judiciaire et leurs administrateurs judiciaires, dans le cadre de la procédure collective, et dans le but de tenter de suspendre la réalisation d'anciens actifs placés en Fiducie.

Ces frais irrépétibles et les dépens d'appel de la présente instance, postérieurs à l'ouverture de la procédure, sont donc nés pour les besoins du déroulement celle-ci au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, et seront employés en frais privilégiés de la procédure collective des sociétés BGI, GR2 et GR7.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 14 septembre 2023, notamment en ce qu'il a débouté les sociétés Bordeaux Gambetta Investment, Gambetta Revival 2 et Gambetta Revival 7 de l'ensemble de leurs demandes, et autorisé la société Clubfunding ès-qualités à faire poursuivre le processus de réalisation des immeubles et loyers par le fiduciaire, et fait droit à la demande reconventionnelle de communication de pièces sous astreinte,

Dit n'y avoir lieu à statuer davantage sur l'appel incident de la société Clubfunding ès[1]qualités tendant à la communication au fiduciaire de documents, chef de décision déjà confirmé,

Met à la charge in solidum de la SAS Bordeaux Gambetta Investment, de la SCI Gambetta Revival 2 et de la SNC Gambetta Revival 7 la somme de 15 000 euros au bénéfice de la société Clubfunding ès-qualités et la somme de 8 000 euros au bénéfice de la société FHB Fiducie sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Met in solidum les dépens d'appel à la charge de la SAS Bordeaux Gambetta Investment, de la SCI Gambetta Revival 2 et de la SNC Gambetta Revival 7.