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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 13 février 2024, n° 22/01911

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Edes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Vinckel, Me Muslin, Me Robert

T. com. Montpellier, du 21 mars 2022, n°…

21 mars 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 juin 2016, M. [F] [V] d'une part, et M. [M] [D] et Mme [I] [H] d'autre part, ont signé un protocole de cession des titres de la S.A.R.L Les petits paradis de [Localité 8], dont M. [V] était le gérant, notamment sous la condition suspensive de l'obtention d'un financement.

La société Les petits paradis de [Localité 8] est propriétaire d'un fonds de commerce d'exploitation d'un jardin pédagogique ouvert au public.

Par la suite, le 22 juillet 2016, la société Les petits paradis de [Localité 8] a signé avec la S.A.R.L Edes, dont M. [D] est le gérant, un contrat de location-gérance de son fonds de commerce, lequel prévoyait la signature avant le 31 décembre 2016 d'une promesse unilatérale de vente des titres de la société Les petits paradis de [Localité 8] dont l'option pouvait être levée par la société Edes au plus tard le 31 janvier 2018.

La vente n'a pas eu lieu.

Dès lors, le 6 mars 2020, M. [V] et la société Les petits paradis de [Localité 8] ont signé un nouveau protocole de cession des titres de cette dernière sous la condition suspensive de l'obtention d'un financement.

Ce contrat prévoyait une réalisation des conditions suspensives au 31 mai 2020 pour une signature des actes définitifs au plus tard le 15 juin 2020.

Par un avenant du 31 juillet 2020, compte tenu de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid 19, les parties ont convenu de proroger les délais de réalisation des conditions suspensives jusqu'au 31 août 2020, fixant également une nouvelle date de cession au 15 septembre 2020.

Le 31 août 2020, la société Edes a indiqué par courriel à M. [V] qu'un accord de prêt avait été obtenu auprès de la banque Crédit Agricole, mais qu'elle restait encore dans l'attente de la garantie de la SIAGI (société de caution mutuelle pour les petites entreprises) pour un accord définitif pouvant être prévu aux alentours du 15 septembre 2020.

Le 17 décembre 2020, M. [V] a indiqué à la société Edes qu'il entendait retirer son offre de cession et qu'il mettait fin à la location-gérance.

Le 2 février 2021, la société Edes a vainement adressé à M. [V] et à la société Les Petits Paradis de [Localité 8] un commandement d'avoir à passer les actes de cession.

Par exploit d'huissier du 16 juillet 2020, la société Edes a assigné devant le tribunal de commerce de Montpellier M. [V] et la société Les Petits Paradis De [Localité 8], réclamant une cession forcée sous astreinte.

Le tribunal de Montpellier, par jugement contradictoire du 21 mars 2022, a :

- débouté la société Edes de sa demande de voir condamner M. [V] à régulariser les actes de cession,

- débouté la société Edes de ses demandes de paiement de dommages et intérêts, pour résistance dolosive,

- débouté la société Edes de sa demande de nullité du contrat de location pour dol ainsi que de sa demande de paiement de dommages et intérêts du fait de dol,

- débouté M. [V] et la société Les Petits Paradis De [Localité 8] de leur demande de condamnation de la société Edes pour immobilisation inutile ayant causé un préjudice,

- condamné la société Edes à régler à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] les redevances de novembre 2020 à mars 2021, soit 5 redevances pour un montant de 24000 euros.

- condamné la société Edes à régler à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] les indemnités d'occupation des lieux depuis le 1er avril 2021 jusqu'à parfaite restitution des lieux, moyennant une somme de 4 800 euros par mois,

- condamné la société Edes à restituer à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] le fonds de commerce et les lieux sous réserve d'expulsion,

- condamné la société Edes à verser indivisément à M. [V] et à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Edes à régler les dépens dont frais de greffe liquidés et taxés à lasomme de 81,58 euros toutes taxes comprises.

Par déclaration du 8 avril 2022, la société Edes a relevé appel de ce jugement.

Par ailleurs, par jugement du 13 mai 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Edes, désignant Me [X] [C] en qualité de mandataire judiciaire et Maître [S] [W] en qualité d'administrateur judiciaire.

Le 9 juin 2023, le même tribunal a arrêté le plan de sauvegarde de la société Edes prévoyant le règlement des créances sur une durée de deux années.

Par conclusions du 23 novembre 2023, la société Edes, Maîtres [S] [W] et [X] [C] ès qualités, demandent à la cour de :

In limine litis,

- dire la concluante recevable en son appel et conclusions,

- dire Me [S] [W] et Me [X] [C] recevables en leur intervention volontaire,

- recevoir celle-ci, et les dire recevables en leurs conclusions,

- dire irrecevables les demandes des intimés,

à titre principal,

- réformer le jugement du tribunal de commerce en date du 21 mars 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau de ces chefs,

à titre principal :

- condamner M. [V] à régulariser les actes de cession de la société Les Petits Paradis De [Localité 8], et de la marque « le petit paradis », enregistrée à l'inpi sous le numéro [Numéro identifiant 4], conformes à ceux annexés au commandement en date du 2 février 2021, au profit de la concluante, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner M. [V] à payer à la concluante à titre de dommages et intérêts pour réticence dolosive, la somme de 10 000 euros par mois depuis décembre 2020 jusqu'à la régularisation des actes, soit à la date de l'appel la somme de 180 000 euros, à parfaite à la date du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire :

- dire nul ou à défaut résolu le contrat de location gérance en date du 22 juillet 2016,

- dire que les parties seront remise dans l'état antérieur au contrat, et notamment que l'ensemble des sommes perçues au titre du contrat seront restituées à la concluante,

Sur les demandes incidentes des intimés :

- débouter les intimés de leur demande de réformation du jugement en ce qu'il les a débouté de leur demande d'indemnisation d'immobilisation et de leur demande de condamner la société Edes à régler 57 600 euros à [F] [V] et à régler 200 000 euros à la société Les Petits Paradis De [Localité 8],

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de réformation du jugement en ce qu'il les a débouté de leur demande d'indemnisation d'immobilisation et de leur demande de condamner la société Edes à régler 57 600 euros à M. [V] et à régler 200 000 euros à la société Les Petits Paradis De [Localité 8],

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [V] à payer à la concluante à titre de dommages et intérêts pour dol et préjudice moral, la somme de 270 000 euros,

- condamner M. [V] à la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent à l'appui de leur appel que :

- les intimés sont irrecevables dans leurs demandes puisqu'ils n'ont déclaré aucune créance à la procédure collective dans les deux mois de la publication du jugement d'ouverture au Bodaac (le 20 mai 2022), alors que le juge-commissaire, par ordonnance du 11 janvier 2023, a rejeté leur demande de relevé de forclusion ;

- cette fin de non-recevoir relève de la compétence de la cour et non pas du conseiller de la mise en état ;

- en outre, les demandes formulées par les intimés dans leurs conclusions n°2 sont complètement différentes de celles mentionnées dans leurs premières conclusions et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

- le tribunal a dénaturé les pièces et les propos de la société Edes en considérant qu'elle ne justifiait pas d'un accord écrit des banques conformément au protocole de cession de titres du 6 mars 2020 ;

- or, le protocole prévoit simplement que la condition suspensive soit réalisée dans le délai de réalisation de celle-ci mais non pas qu'elle soit justifiée dans le délai ;

- le 31 août 2020, le cessionnaire a écrit au cédant qu'il avait obtenu un financement sous la seule réserve de l'accord de l'organisme de garantie, de sorte qu'il a par là-même sans équivoque entendu renoncer à la condition suspensive ;

- le non-respect des délais est dû à un cas de force majeure (confinement de 2020) ;

- dans ses écrits, M. [V] a reconnu qu'il ne pouvait s'opposer à la vente ;

- M. [V] a usé de manœuvres dolosives pour faire signer le contrat de location-gérance à la société Edes, lequel doit en conséquence être déclaré nul pour dol ;

- la nullité du contrat de location-gérance est également encourue pour absence d'objet.

Par conclusions du 28 novembre 2023, la société Les Petits Paradis de [Localité 8] et M. [V] demandent à la cour au visa des articles 1101 et suivants, 1130 et suivants, 1116 et suivants, 1126 et suivants, 1131, 1134 et suivants, 1189, 1383 et suivants du code civil, de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société Edes,

In limine litis,

- juger les demandes de M. [V] et de la société Les Petits Paradis De [Localité 8] recevables,

et, sur le fond,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce en date du 21 mars 2022, sauf en ce qu'il limite la condamnation de la société Edes à régler à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] 5 redevances pour un montant de 24 000 euros, et les indemnités d'occupation des lieux depuis le 1er avril 2021, moyennant une somme de 4 800 euros par mois,

et statuant à nouveau, y ajoutant :

- juger l'expiration du contrat de location-gérance au 31 mars 2021,

- prononcer la condamnation de la société Edes à restituer le fonds de commerce et les

lieux,

- ordonner l'expulsion du fonds de commerce et des lieux ; si besoin avec le concours de la force publique,

- juger que le montant de l'indemnité d'occupation des lieux due par la société Edes à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] doit être fixée à la somme de 12 451,20 euros par mois jusqu'à parfaite libération des lieux et du fonds, avec intérêt de retard de 15 % l'an,

- juger que l'indemnité d'occupation due au titre des locaux sera soumise à l'indexation,

- fixer au passif de la société Edes les redevances dues à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] à l'expiration du contrat au 31 mars 2021, soit 5 redevances pour un montant de 62 256 euros avec intérêt de retard de 15 % l'an,

- fixer au passif de la société Edes l'indemnité d'occupation due, pour l'usage du fonds de commerce et la jouissance de l'immeuble, à compter du 1er avril 2021, et jusqu'au 13 mai 2022, pour la somme mensuelle de 12 451,20 euros, avec intérêt de retard de 15 % l'an,

- condamner la société Edes à payer l'indemnité d'occupation du fond et des lieux à une somme de 12 451,20 euros par mois à compter du 13 mai 2022, date d'ouverture de la procédure collective, avec intérêt de retard de 15 % l'an,

- condamner la société Edes à régler les sommes de 57 600 euros à M. [V] et de 200 000 euros à la société Les Petits Paradis De [Localité 8], au titre du préjudice d'immobilisation subi,

- condamner la société Edes à 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Ils font valoir pour l'essentiel que :

- ils sont parfaitement recevables à demander que soient fixées au passif de la procédure collective de la société Edes les redevances dues à l'expiration du contrat de location-gérance à la date du 31 mars 2021, ces créances étant antérieures à l'ouverture de la procédure ;

- en outre, leurs demandes concernent également des créances postérieures au jugement d'ouverture, de sorte que celles-ci sont également recevables ;

- par ailleurs, leurs demandes formulées dans leurs conclusions n°1 et 2 sont identiques malgré des termes employés différents, et il s'agit simplement d'une reformulation ;

- l'acte litigieux est une promesse synallagmatique de vente, valant vente sous conditions suspensives précisées dont l'obtention du financement aux conditions prévues ;

- le protocole de cession de titres prévoyait que les conditions suspensives devaient être réalisées le 31 mai 2020 au plus tard, pour une signature des actes définitifs devant intervenir le 15 juin 2020 au plus tard, mais l'avenant a repoussé la date de réalisation des conditions au 31 août 2020, avec une signature au 15 septembre 2020 ;

- or, à la date 31 août 2020, la société Edes n'a jamais justifié de l'accord écrit d'une banque, et les documents qu'elle a produit en première instance n'ont jamais été communiqués à M. [V] dans les délais ;

- le gérant de la société Edes l'a lui-même reconnu dans un courriel du 16 octobre 2020 (« nous avons l'accord de Crédit Agricole depuis le 22 septembre (') », et il s'agit ainsi d'un aveu judiciaire ;

- par ailleurs, le dol invoqué s'agissant du contrat de location gérance est parfaitement fantaisiste ;

- leurs demandes relatives à l'arriéré des sommes dues au titre de la location-gérance sont parfaitement fondées, de même que son avérés leurs préjudices subis tant par M. [V] que par la société Les petits paradis de [Localité 8] de ne pas avoir pu vendre le fonds de commerce.

L'ordonnance de clôture est datée du 30 novembre 2023.

MOTIFS :

Sur la demande principale de la société Edes

Le protocole du 6 mars 2020 prévoit :

12.3 Financement de l'acquisition

La réalisation de la cession interviendra sous la condition suspensive de l'obtention par le cessionnaire d'un ou plusieurs emprunts auprès de la banque de son choix, au taux maximum de 2 % l'an, assurances comprises, d'un montant global trois cent vingt mille euros (320.000 €), remboursable sur sept (7) années.

Le cessionnaire s'oblige à faire toutes démarches utiles à l'obtention de ces prêts et à fournir toutes pièces, renseignements en vue d'obtenir un accord bancaire.

Il devra justifier de l'accomplissement de ces démarches, formalités, pour l'obtention des prêts, auprès d'au moins trois banques, et ce dans les 21 jours calendaires de la signature du présent protocole.

(')

La condition suspensive tenant au(x) accord(s) de prêt(s) sera considérée réalisée dès lors que le Cessionnaire justifiera d'un accord écrit des banques sollicitées.

Les fonds devront être débloqués au plus tard à la Date de Cession.

12.6 Date de réalisation des conditions suspensives

Les conditions suspensives devront être réalisées le 31 mai 2020 au plus tard, pour une signature des actes définitifs qui doit intervenir le 15 juin 2020 au plus tard.

À défaut de réalisation de l'ensemble des conditions suspensives, ou de renonciation par le cessionnaire du bénéfice de certaines d'entre elles dans les délais impartis, les présentes seront considérées comme caduques sans indemnité de part et d'autre, sans qu'il y ait lieu à mise en demeure préalable.

En outre, il convient de rappeler que l'avenant du 31 juillet 2020 a prorogé les délais de réalisation des conditions suspensives au 31 août 2020, avec une date de cession au 15 septembre 2020.

Il résulte donc du protocole et de son avenant que la société Edes devait justifier auprès du cédant d'un accord écrit d'une banque avant le 31 août 2020, ce qui ne veut pas dire effectivement comme le soutient à bon droit la société appelante une communication de l'accord écrit lui-même.

Toutefois, il convient de constater que la société Edes n'avait pas obtenu un tel accord écrit dans le délai requis, puisque dans son courriel en date du 31 août 2020, la société Edes a indiqué à M. [V] qu'un accord de prêt avait été obtenu auprès de la banque Crédit Agricole, mais que cette dernière restait encore dans l'attente de la garantie de la SIAGI pour un accord définitif, ce qui induit sans contestation possible que la société Edes ne disposait encore à cette date d'aucun accord écrit de la part de la Banque du Crédit agricole.

Cela est confirmé en outre notamment par le courriel du 16 octobre 2020 dans lequel le gérant de de la société Edes indiquait à M. [V] : « nous avons l'accord du Crédit agricole depuis le 22 septembre », de sorte qu'il n'existait ainsi aucun accord à la date du 31 août 2020.

De surcroît, le conseil de la société Edes écrivait également le 19 octobre 2020 à M. [V] : « (') il n'a pas été possible d'obtenir l'accord ferme de financement dans le délai initialement prévu et dans celui prévu par l'avenant' ».

Cependant, la société EK soutient que dans son courriel du 31 août 2020 précité, elle aurait renoncé à la condition suspensive.

À cet égard, la promesse synallagmatique de vente (article 12.5) précise que la condition suspensive a été stipulée en faveur du cessionnaire.

De surcroît, en application des dispositions de l'article 1304-4 du code civil, ce dernier a la possibilité de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif tant que celle-ci n'est pas accomplie, ce qui était le cas à la date du 31 août 2020 lors de l'envoi du courriel.

Toutefois, alors que la promesse synallagmatique de vente du 6 mars 2020 prévoit expressément sa caducité en cas de non-réalisation des conditions suspensives, les termes du courriel du 31 août 2020 ne sauraient être regardés comme une renonciation sans équivoque par la société Edes aux délais prescrits par l'avenant du 31 juillet 2020 comme le soutient encore cette dernière.

En outre, contrairement à ce que soutient également la société Edes, l'attestation d'accord de prêt de la Caisse d'épargne datée du 30 juillet 2020 mentionne qu'elle est faite sous réserve de l'acceptation de l'assurance et de l'acceptation de BPI France, ce qui ne saurait être considéré comme un accord définitif, comme l'ont reconnu d'ailleurs formellement la société Edes et son conseil ainsi qu'il a été rappelé précédemment.

De même, le courriel du 23 septembre 2020 dans lequel M. [V] indique au gérant de la société Edes : « puisque tu me dis être financé et que bien que les dates soient dépassées, je ne peux pas m'opposer à la vente  », dont il n'est pas établi que ces termes correspondent à la pensée de M. [V] et non pas à celle du gérant de la société Edes, ne saurait, même au regard de l'ensemble des autres considérations contenues dans ce courriel, valoir manifestation de la part du cédant de revenir sur les effets de la caducité de la promesse de vente du fait de la non réalisation des conditions suspensives ou encore caractériser un manquement à sa bonne foi.

Enfin, la société appelante est totalement défaillante à démontrer l'existence d'une situation de force majeure dans le non-respect des délais de réalisation de la condition suspensive tenant aux délais de réponse de l'organisme de garantie comme elle le soutient vainement.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Edes de sa demande tendant à la condamnation de M. [V] à régulariser l'acte de cession des parts sociales de la société Les Petits Paradis de [Localité 8] et de sa demande subséquente de dommages-intérêts.

Sur la nullité du contrat de location-gérance sollicitée par la société Edes

A titre liminaire, la cour considère qu'il est difficile de suivre la société Edes dans son raisonnement selon lequel la société Les Petits Paradis de [Localité 8] aurait usé de manœuvres dolosives pour conclure avec elle un contrat de location-gérance sans avoir l'intention de lui céder le fonds de commerce, alors qu'elle a signé une première promesse synallagmatique de vente le 2 juin 2016, puis une seconde le 6 mars 2020, et qu'elle a prolongé les délais de réalisation des conditions suspensives par un avenant du 31 juillet 2020.

Ensuite, contrairement à ce que soutient la société Edes, le fonds de commerce comporte bien des éléments matériels tels que listés à l'annexe 1 du contrat de location, quand bien même celle-ci a dû acquérir certains matériels appartenant au précédent locataire-gérant, de sorte qu'aucune nullité du contrat de location- gérance pour absence de cause ne peut être encourue de ce chef.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes de M. [V] et de la société Les Petits Paradis de [Localité 8]

En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Edes, les demandes indemnitaires présentées par les intimés dans leurs conclusions n°2 et n°3 portent sur les mêmes chefs que celles présentées dans leurs premières conclusions, lesquelles ont été simplement reformulées, de sorte qu'elles n'encourent aucune irrecevabilité.

En second lieu, comme soutenu à bon droit par la société Edes, il convient de constater d'une part que les intimés n'ont pas déclaré leurs créances dans le délai de deux mois à la suite de la publication au Bodaac du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Edes, et d'autre part que le juge-commissaire de la procédure collective de la société Edes a rejeté leur demande de relevé de forclusion par une ordonnance du 11 janvier 2023.

Leurs demandes portant sur des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Edes du 13 mai 2022 seront en conséquence déclarées irrecevables.

Par ailleurs, par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 décembre 2020, la société Les Petits Paradis de [Localité 8] a résilié le contrat de location-gérance à compter du 31 mars 2021, conformément aux dispositions contenues au contrat.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté cette résiliation et condamné la société Edes à restituer à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] le fonds de commerce et les lieux sous réserve d'expulsion.

Conformément aux dispositions du contrat de location-gérance, la société Edes sera par ailleurs condamnée au paiement de la somme de 12 451,20 euros TTC par mois au titre de l'indemnité d'occupation des lieux et de la redevance relative au fonds de commerce à compter du 14 mai 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux, somme qui sera fixée au passif de la procédure collective de la société Edes. Cette somme sera assortie des intérêts au taux de 15 % par an conformément à l'article 5 du contrat de location gérance.

Par ailleurs, il convient de constater qu'il n'est pas rapporté la preuve par M. [V] et par la société Les Petits Paradis de [Localité 8] des préjudices dont ils sollicitent la réparation, au titre de celui lié à l'immobilisation de la société, qui serait né de l'absence de cession des titres de la société Les Petits Paradis de [Localité 8] depuis 2016, et de celui tiré de l'absence par M. [V] de la possibilité de percevoir une pension de retraite en suite de la vente des titres de sa société.

Il doit être en effet constaté sur ce point d'une part que la promesse de cession de titres ne comporte aucune indemnisation ou sanction financière liée à sa caducité, et d'autre part que la S.A.R.L Les Petits Paradis de [Localité 8] a perçu des redevances liées à l'exploitation de son fonds de commerce du fait de la signature du contrat de location-gérance, permettant ainsi éventuellement également à son gérant de percevoir des revenus.

Les demande des intimés seront en conséquence rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société Edes qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [V] et à la société Les Petits Paradis de [Localité 8] ensemble la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare Me [S] [W] et Me [X] [C] recevables en leur intervention volontaire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Edes à régler à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] les redevances de novembre 2020 à mars 2021, soit 5 redevances pour un montant de 24000 euros.

- condamné la société Edes à régler à la société Les Petits Paradis De [Localité 8] les indemnités d'occupation des lieux depuis le 1er avril 2021 jusqu'à parfaite restitution des lieux, moyennant une somme de 4 800 euros par mois ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare irrecevables les demandes de M. [V] et de la société Les Petits Paradis de [Localité 8] portant sur des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Edes du 13 mai 2022,

Fixe au passif de la procédure collective de la société Edes la somme mensuelle de 12 451,20 euros TTC au titre de l'indemnité d'occupation des lieux et de la redevance relative au fonds de commerce, et ce à compter du 14 mai 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux,

Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux contractuel de 15 %,

Condamne la S.A.R.L Edes aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [F] [V] et à la S.A.R.L Les Petits Paradis de [Localité 8] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que cette somme sera fixée au passif de la procédure collective de la société Edes.