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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 13 février 2024, n° 22/02382

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Oasis (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clerc

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine

Avocats :

Me Mihajlovic, Me Bernard, Me Nobili

TJ Valence, du 10 mai 2022, n° 21/00922

10 mai 2022

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Suivant acte authentique du 27 février 2020, M. [U] [F] a consenti une promesse de vente à la SCI Oasis en cours d'immatriculation portant sur une propriété de 12.300m2 située sur la commune d'Etoile sur Rhône (26) moyennant le prix de 290.000€ sous conditions suspensives d'obtention :

au plus tard le 31 janvier 2021, d'un permis de construire définitif pour l'édification de deux bâtiments avec justification du dépôt de la demande dans un délai de 3 mois,

au plus tard le 31 octobre 2020, d'un prêt de 530.000€ sur 15 ans avec dépôt de la demande avant le 10 juin 2020.

La promesse de vente a prévu la réitération de la vente au plus tard le 15 février 2021 ainsi qu'une indemnité d'immobilisation de 14.250€ et une clause pénale de 29.000€.

Faute de réitération de la vente et après mise en demeure infructueuse de justification de l'immatriculation de la société et de l'accomplissement des conditions suspensives, M. [F] a, suivant exploit d'huissier du 8 avril 2021, fait citer la SCI Oasis en paiement de l'indemnité d'immobilisation, de la clause pénale et des frais de géomètre-expert.

Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Valence a :

dit que la promesse de vente est devenue caduque,

condamné la SCI Oasis à payer à M. [F] les sommes de :

14.250€ au titre de l'indemnité d'immobilisation,

14.500€ au titre de la clause pénale,

1.560€ au titre des frais d'arpentage et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

condamné la SCI Oasis à payer à M. [F] une indemnité de procédure de 2.000€, outre aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 17 juin 2022, la SCI Oasis a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures du 20 novembre 2023, la SCI Oasis demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :

constater la nullité de la promesse de vente ,

débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

condamner M. [F] à lui payer une indemnité de procédure de 3.500€.

Elle expose que :

un contrat conclu, non pas au nom et pour le compte d'une société en cours de formation, mais par la société elle-même avant son immatriculation, est nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique,

la nullité encourue est absolue et le gérant ne peut être tenu des obligations résultant des contrats litigieux.

Par uniques conclusions du 16 novembre 2023, M. [F] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner la SCI Oasis à lui payer une indemnité de procédure de 4.000€, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir que :

la SCI Oasis ne conteste nullement ne pas avoir levé l'option ni ne pas avoir sollicité un permis de construire et une offre de prêt,

elle n'a jamais versé la moindre somme entre les mains du notaire au titre de partie de l'indemnité d'immobilisation,

elle soutient, pour la première fois en cause d'appel avec la plus parfaite mauvaise foi, que la promesse de vente serait nulle,

il résulte de la lecture de la promesse de vente est que l'acte est pris au nom et pour le compte de la société en cours de formation,

les engagements sont pris par les gérants pour le compte de la société,

les gérants, s'étant portés acquéreurs, sont responsables.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 décembre 2023.

MOTIFS

1/ sur la validité de la promesse de vente

Une promesse de vente, conclue à une date à laquelle une société n'est pas immatriculée et, dès lors, ne dispose pas de la personnalité juridique lui permettant de le faire, est nulle d'une nullité absolue non régularisable.

Il résulte de la promesse de vente du 27 février 2020, en page 1, que l'acte est passé entre M. [F], en qualité de promettant, et la SCI Oasis en cours d'immatriculation au SIREN, en qualité de bénéficiaire.

Il est précisé, en page 2 de l'acte, que la SCI Oasis est représentée à l'acte par son gérant, M. [Y] [S] ayant tous pouvoirs tant en vertu des statuts établis par acte sous seing privé du 27 janvier 2020 en cours d'enregistrement au SIE de Valence Sud Pôle Enregistrement qu'en vertu d'une procuration sous seing privée consentie par M. [X] [S], co-gérant.

Ainsi, il résulte des dispositions susvisées que le cocontractant de M. [F] est la SCI Oasis représentée par l'un de ses gérant ce dont il se déduit que ce n'est pas ce dernier qui agit pour le compte de la SCI en sa qualité d'associé mais la société elle-même.

Dès lors, la promesse de vente passée par la SCI Oasis, société dépourvue de personnalité juridique, doit être déclarée nulle, ses gérants ne pouvant être tenus des obligations résultant de cet acte.

Le jugement déféré sera donc infirmé et M. [F] débouté de l'ensemble de ses demandes.

2/ sur les mesures accessoires

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par M. [F].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare nulle la promesse de vente du 27 février 2020,

Déboute M. [U] [F] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [F] aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel.