CA Versailles, ch. com. 3-1, 22 février 2024, n° 22/05091
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, M. Dusausoy
Avocats :
Me Christin, Me Zerhat, Me Ricard
EXPOSÉ DES FAITS
La SAS Horeca 78 (la société Horeca) exerce l'activité d'intermédiaire immobilier au sein du réseau Century 21.
La SAS Tentations Gourmets exerce une activité de restauration traditionnelle et de plats à emporter (en ce compris la vente d'alcools). Elle a été créée, sous l'enseigne 'Ô Tentations', le 2 septembre 2019, à' parts égales, par M. [P] et Mme [X] [I] qui en a assuré la présidence.
Le 14 septembre 2020, Mme [I] a confié à la société Horeca, dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid, un mandat exclusif de vente du fonds de commerce de la société Tentations Gourmets pour le prix de 115.000 €, dont 15.000 € TTC de commission d'agence à la charge du vendeur.
Par acte du 24 septembre 2020, M. [G] [N] a donné mandat à la société Horeca de rechercher pour son compte un fonds de commerce de restaurant.
Le même jour, il a signé une 'Reconnaissance de présentation de Biens et Bon de visites' remise par la société Horeca et mentionnant, entre autres, le fonds de la société Tentations Gourmets. L'agence ne l'a pas accompagné dans la visite des biens.
Selon les dires de Mme [I], un ami commun lui a présenté M. [N] au cours du mois d'octobre 2020. Ce dernier a proposé la reprise des actions de Mme [I] et de M. [P] pour un euro chacun.
La cession d'actions s'est effectuée à ce prix, le 19 octobre 2020, avec effet au 26 du même mois, enregistrée le 6 novembre suivant. La modification des statuts de la société Tentations Gourmets a été portée au RCS le 26 novembre 2021.
Par lettre recommandée AR du 14 décembre 2021, la société Horeca, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure M. [N] de lui régler la somme de 15.000 € TTC correspondant à une indemnité compensatrice forfaitaire.
Par lettre recommandée AR du même jour, la société Horeca par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure à titre personnel Mme [I] de lui régler cette même somme de 15.000 € TTC.
Mme [I] a répondu, à titre personnel, le 11 janvier 2021, rappelant la situation dramatique dans laquelle la crise sanitaire l'avait placée tant sur le plan économique et financier que personnel, opposant un refus à cette mise en demeure injustifiée selon elle, l'agence immobilière n'ayant fourni aucune prestation, sans toutefois contester l'acte de cession des actions de la société Tentations Gourmets au profit de M. [N] avec reprise des dettes de cette dernière.
Par acte du 21 mai 2021, la société Horeca a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre M. [N], Mme [I] et la société Tentations Gourmets, par actes séparés.
Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Débouté la société Horeca de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [I] ;
- Débouté la société Horeca de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Tentations Gourmets ;
- Condamné M. [N] à payer à la société Horeca la somme de 11.500 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
- Débouté la société Tentations Gourmets et Mme [I] de leurs demandes en matière d'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [N] à payer à la société Horeca la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- Condamné M. [N] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par Me Olivier Gedin, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 juillet 2022, M. [N] et la société Tentations Gourmets ont interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RVPA le 9 décembre 2022, M. [N] et la société Tentations Gourmets demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 1er juillet 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- Condamné M. [N] à payer à la société Horeca 78 la somme de 11.500 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
- Débouté la société Tentations Gourmets et Mme [I] de leurs demandes en matière d'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [N] à payer à la société Horeca 78 la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [N] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par Me Olivier Gedin, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;
Puis, statuant à nouveau,
- Déclarer nulle la clause pénale insérée au mandat de recherche du 24 septembre 2020 ;
- Débouter la société Horeca de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions à l'encontre de M. [N] et de la société Tentations Gourmets ;
- Condamner la société Horeca à payer à M. [N] et la société Tentations Gourmets la somme de 6.000 € chacun à titre de contribution à leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- Condamner la société Horeca aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 mai 2023, Mme [I] demande à la cour de :
- Recevoir Mme [I] en ses demandes, fins et conclusions ;
- L'y déclarer bien fondée ;
Y faisant droit,
- Constater qu'aucune faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de la société Horeca 78 n'est démontrée à l'encontre de Mme [I] ;
- Constater que la société Horeca a manqué à son devoir de conseil ;
En conséquence,
- Dire et juger que la responsabilité délictuelle de Mme [I] ne saurait être engagée ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 1er juillet 2022 en ce qu'il a débouté la société Horeca de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Mme [I] ;
- Condamner la société Horeca à payer à Mme [I] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions avec appel incident notifiées par RPVA le 6 février 2023, la société Horeca demande à la cour de :
- Recevoir la société Horeca en ses demandes ;
- L'y déclarer bien fondée ;
Y faisant droit,
- Débouter la société Tentations Gourmets et M. [N] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2022 en ce qu'il a jugé que M. [N] ne pouvait ignorer violer ses obligations contractuelles et en ce qu'il l'a condamné à indemniser la société Horeca 78 ;
- Réformer le jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2022 et faire droit à l'appel incident pour le surplus sur le principe de la condamnation et sur son quantum, en ce qu'il a jugé que Mme [I] et la société Tentations Gourmets n'ont commis aucune faute ;
Statuant à nouveau,
- Condamner in solidum la société Tentations Gourmets, Mme [I] et M. [N] à payer à la société Horeca la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
- Condamner in solidum la société Tentations Gourmets, Mme [I] et M. [N] à payer à la société Horeca la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société Tentations Gourmets, Mme [I] et M. [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS
Sur la responsabilité de Mme [I]
La société Horeca recherche, au visa de l'article 1240 du code civil, la responsabilité délictuelle de Mme [I] pour avoir violé, 'en qualité de gérante' (en réalité présidente) de la société Tentations Gourmets, l'exclusivité attachée au mandat de vente. Elle soutient que la responsabilité du tiers complice est consacrée lorsque ce dernier, sachant qu'il existe un mandat exclusif de vente, contribue à la violation de cette exclusivité pour réaliser la vente. Elle ajoute que ce mandat prévoyait d'informer la société Horeca préalablement à toute négociation sans son concours ce que Mme [I] s'est gardée de faire. Elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme [I] à la somme de 15.000 €, in solidum avec M. [N] et la société Tentations Gourmets, à titre de préjudice pour perte de chance de percevoir sa rémunération.
Elle conteste avoir commis une faute au titre du devoir de conseil, précisant que le prix de cession a été arrêté d'un commun accord en fonction des investissements réalisés.
Mme [I] sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a débouté la société Horeca de sa demande de condamnation de la somme de 15.000 € à son égard. Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre celle-là et celui-ci qui fait défaut en l'espèce. Elle affirme qu'elle ignorait que M. [N] qu'elle ne connaissait pas, avait confié un mandat de recherche à la société Horeca de sorte qu'elle pouvait légitimement croire qu'elle avait trouvé un repreneur sans le concours de la société Horeca. Elle expose avoir informé la société Horeca de sa rencontre avec M. [N] avant la cession des actions de la société Tentations Gourmets. Elle soutient par ailleurs que la société Horeca a manqué à son obligation de conseil en proposant un prix irréaliste, compte tenu du contexte provoqué par la crise sanitaire, pour permettre de justifier de sa commission de 15.000 € alors que le fonds ne valait au mieux que 35.000 €. Elle fait valoir qu'en signant le mandat de vente exclusif qui ne visait que la vente de fonds de commerce et non la cession d'actions, elle n'a pas agi à titre personnel mais en qualité de représentant légal de la société Tentations Gourmets de sorte que sa responsabilité personnelle ne peut être engagée.
*
Il appartient à la société Horeca de démontrer l'existence d'une faute commise par Mme [I] qui lui aurait directement causé un préjudice.
La société Horeca reproche à Mme [I] d'avoir utilisé des éléments d'information recueillis dans le cadre du mandat exclusif de vente à des fins personnelles en profitant 'personnellement et directement' de la présentation de son affaire à M. [N] par ses soins.
Elle tient plus précisément rigueur à Mme [I] de ne pas l'avoir informée de la candidature de M. [N] alors que le mandat exclusif de vente prévoyait l'interdiction de négocier directement avec un candidat.
Le mandat exclusif de vente (pièce n°3 - Horeca) du 14 septembre 2020 a été signé par Mme [I] seule agissant en qualité de représentant légal de la société Tentations Gourmets et seulement en cette qualité dans le but de céder le fonds de commerce de cette société dont elle détenait la moitié des actions
La société Horeca n'ignorait pas ab initio la participation pour moitié de Mme [I] au sein du capital de la société Tentations Gourmets objet du mandat de vente ainsi qu'en attestent les statuts de la société Tentations Gourmets produits par la société Horeca elle-même (pièce 10 - Horeca).
Les informations recueillies par Mme [I] l'ont été dans le cadre du mandat exclusif de vente qu'elle a signé en sa qualité de présidente de la société Tentations Gourmets en vue de réaliser la vente de cette dernière à laquelle elle était personnellement et directement intéressée ce qui ne peut constituer une faute.
Il s'en déduit que la responsabilité délictuelle de Mme [I] ne peut être recherchée par la société Horeca qu'à la condition que cette dernière rapporte la preuve d'une faute commise par Mme [I] détachable de l'exécution du mandat exclusif de vente qu'elle a signé en qualité de présidente.
Le supposé non-respect par Mme [I] de l'obligation d'information préalable de l'agence en cas de négociation directe entre le vendeur et l'acheteur, constitutif de la faute commise par Mme [I] selon la société Horeca, dérive d'une obligation prévue au mandat exclusif de vente souscrite par la seule société Tentations Gourmets et non par Mme [I] à titre personnel de sorte que la société Horeca ne peut reprocher à cette dernière d'avoir commis à ce titre une faute délictuelle.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Horeca de sa demande de condamnation de Mme [I] à la somme de 15.000 €.
Sur la responsabilité de M. [N]
M. [N] sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamné à verser à la société Horeca la somme de 11.500 € à titre de dommages et intérêts au titre d'une perte de chance. Il soutient, au visa des dispositions de la loi Hoguet, que la clause pénale figurant au mandat de recherche du 24 septembre 2020 est nulle car elle n'est pas rédigée en caractères très apparents. Il fait valoir que la somme de 15.000 € réclamée par la société Horeca ne correspond pas à la rémunération convenue au mandat de recherche qui se réfère au prix de cession TTC mais à celle du mandat de vente signé par Mme [I]. Il critique les premiers juges qui l'ont condamné à la somme de 11.500 € au titre d'une perte de chance alors que celle-ci doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il soutient qu'à supposer que la commission soit calculée sur la valeur de l'établissement vendu, cette dernière ne pouvait excéder 35.000 € conduisant à un montant de commission de 5.250 € (15% x 35.000 €) de sorte que l'indemnisation de la perte de chance devait être inférieure. Enfin, il invite la cour à modérer les effets manifestement excessifs de la clause pénale, la société Horeca ne justifiant d'aucune diligence.
La société Horeca sollicite, au visa de l'article 1231-1 du code civil et de l'article 6 de la loi Hoguet, la confirmation du principe de la condamnation de M. [N] et l'infirmation sur son quantum.
Elle met en cause la responsabilité contractuelle de M. [N] au titre du mandat de recherche ainsi qu'au titre d'un bon de visite aux termes desquels il ne pouvait contracter directement ou indirectement avec la société Tentations Gourmets afin d'éluder le paiement de sa rémunération laquelle devait être calculée non sur le prix des actions mais sur la valeur globale du bien. Elle rappelle que M. [N] a signé un bon de visite valant reconnaissance de présentation du bien litigieux et qu'ainsi il disposait de toutes les informations utiles pour conclure directement l'achat des actions sans son intermédiaire. Elle expose que la clause pénale insérée au mandat de recherche est facilement lisible de sorte qu'elle ne peut être invalidée. Elle invite la cour à confirmer la condamnation de M. [N] mais à la porter en appel à la somme de 15.000 € . Elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur le rejet de sa demande de condamnation in solidum de M. [N] avec la société Tentations Gourmets et Mme [I] à cette somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts montant prévu au mandat exclusif de vente qui a été violé.
Elle fait valoir qu'elle a été empêchée d'accomplir toute diligence du fait du comportement des appelants. Elle s'oppose à toute réduction des effets de la clause pénale au regard de la mauvaise foi des intéressés.
*
L'article 1231-1 du code civil prévoit que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
L'article 6 I de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite Loi Hoguet dispose que :
' I- Les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat :
Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d'argent, biens, effets ou valeurs à l'occasion de l'opération dont il s'agit ;
Les modalités de la reddition de compte ;
Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge ;
Les moyens employés par ces personnes et, le cas échéant, par le réseau auquel elles appartiennent pour diffuser auprès du public les annonces commerciales afférentes aux opérations mentionnées au 1° du même article 1er.
En outre, lorsqu'une convention comporte une clause d'exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.
Les dispositions de l'article 1375 du code civil leur sont applicables.
Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.
Toutefois, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. La somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant fixé par décret en Conseil d'État'. (souligné par la cour)
L'article 78 alinéa 1er du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi susmentionnée stipule que :
'Lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause, mentionnée en caractères très apparents, ne peut prévoir le paiement d'une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération à réaliser'. (souligné par la cour)
*
Il résulte des éléments communiqués à la cour que M. [N] ne conteste pas s'être rapproché de la société Tentations Gourmets et avoir négocié directement le rachat des actions de celle-ci sans le concours de la société Horeca aboutissant à la signature, le 19 octobre 2020, de deux conventions de cession portant ensemble sur la totalité des actions de la société Tentations Gourmets à son profit (pièces 8 et 8/2 - Horeca).
Or, le mandat de recherche du 24 septembre 2020 consenti par M. [N] à la société Horeca prévoyait au verso de l'acte une clause pénale qui précisait notamment que : 'toute initiative ou toute signature de promesse ou d'actes organisés directement entre le mandant et le client présenté devra faire l'objet d'une information au mandataire, le mandant devant prévenir celui-ci au moins quinze jours à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception. En cas de non-respect des obligations énoncées ci-avant, il s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du Code Civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto en réparation de la fraude.'
Il est constant que M. [N] n'a pas informé la société Horeca de la signature des conventions de cession et n'a donc pas respecté les termes de cette clause pénale s'exposant ainsi à verser l'indemnité compensatrice forfaitaire prévue.
La validité de cette disposition est contestée au motif que la clause pénale n'est pas rédigée en caractères très apparents comme l'exige l'article 78 alinéa 1er du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 précité.
La clause litigieuse figure au verso du mandat de recherche du 24 septembre 2020.
La cour relève qu'au recto de ce document ont été apposées les signatures respectives du mandant (M. [N]) précédée de la mention manuscrite 'lu et approuvé bon pour mandat' et celle du mandataire (la société Horeca) précédée également de la mention manuscrite 'lu et approuvé mandat accepté'.
En revanche au verso de ce même document ne figure qu'un paraphe dont par comparaison avec un autre document (mandat de vente - pièce 3 Horeca) la cour retient qu'il s'agit du paraphe du représentant du mandataire, la société Horeca.
La clause litigieuse est insérée au verso sous le titre 'CONDITIONS GÉNÉRALES DU MANDAT DE RECHERCHE (Annexe aux conditions particulières stipulées au mandat)'.
La clause pénale litigieuse apparaît au milieu des dispositions relatives aux obligations du mandant, en très petits caractères typographiques comme le reste du texte de cette page concernant aussi bien les obligations du mandataire que celles du mandant, sans être mise en évidence, par exemple, par l'utilisation d'un caractère typographique différent, par l'usage du gras, d'un soulignement ou d'un espacement. Elle ne se distingue pas des autres mentions et n'appelle pas spécialement l'attention du mandant.Enfin, elle ne figure pas dans un encadré spécifique, qui la mettrait en exergue par rapport au reste du texte.
M. [N] soulève avec pertinence qu'une clause équivalente a été prévue au mandat de vente, établi également par la société Horeca. Elle figure au verso de l'acte avec une présentation utilisant des caractères plus grands, en gras avec des soulignements et des espacements propres à mettre la clause pénale en valeur et la rendre très apparente (pièce 4 - [I] ; pièce 3 - Horeca).
De l'ensemble de ces constatations il se déduit que la clause litigieuse n'apparaît pas sur le mandat d'achat en caractères très apparents contrairement à l'exigence imposée par les dispositions rappelées ci-dessus. Elle sera déclarée nulle.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit la clause pénale valable et a condamné M. [N] à la somme de 11.500 €.
La société Horeca sera déboutée de sa demande de condamnation de M. [N] à la somme de 15.000 € in solidum avec Mme [I] et la société Tentations Gourmets.
Sur la responsabilité de la société Tentations Gourmets
La société Horeca fait valoir, au visa de l'article 6 de la loi Hoguet, que lorsque le mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou encore d'une clause prévoyant que la commission est due même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause doit recevoir application.
Elle soutient qu'en l'espèce le mandat de vente était exclusif et prévoyait que sa rémunération devait être calculée non sur le prix des actions mais sur la valeur objective du bien détenu par la société achetée de sorte que la société Tentations Gourmets ne pouvait, sans engager sa responsabilité, céder son fonds de commerce ou céder ses actions sans son concours. Elle dit ainsi être bien fondée à obtenir l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Tentations Gourmets à la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa rémunération.
Elle s'oppose, au visa de l'article 1231-5 du code civil, à toute demande de réduction de la clause pénale.
La société Tentations Gourmets sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a débouté la société Horeca de sa demande de condamnation de la somme de 15.000 € à son encontre. Elle fait valoir que sa responsabilité contractuelle ne peut être retenue car elle n'a ni signé le mandat exclusif de vente du 14 septembre 2020, ni les actes de cession d'actions du 19 octobre 2020, seule Mme [I] les ayant signés.
*
L'article 1231-5 du code civil dispose que 'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.'
*
Ainsi qu'il a été dit précédemment, le mandat exclusif de vente du 14 septembre 2020 a été signé par Mme [I], ès qualités de présidente de la société Tentations Gourmets, de sorte que cette dernière doit être considérée comme le mandant en vertu de cet acte.
Ce mandat prévoit une clause d'exclusivité et une clause pénale laquelle, ainsi qu'il ressort des développements précédents, est rédigée en caractères très apparents ( pièce 3 - Horeca) de sorte qu'elle est opposable à la société Tentations Gourmets.
Selon les termes de ce mandat, la société Tentations Gourmets s'est interdit de négocier directement ou indirectement, s'engageant à diriger sur le mandataire toutes les demandes qui lui seront adressées personnellement (mandat exclusif de vente, clause 6 c ; pièce 3 - Horeca) et, à défaut de se conformer à cette obligation, s'est engagée à verser au mandataire une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue.
La société Tentations Gourmets ne conteste pas ne pas avoir informé la société Horeca de la cession des actions composant son capital.
Le mandat exclusif de vente portait sur la cession du fonds de commerce de la société Tentations Gourmet sous la forme d'un 'achat en nom' ou 'reprise de parts ou d'actions de sociétés' de sorte que les conventions de cession d'actions du 19 octobre 2020 signées par les deux seuls actionnaires de la société Tentations Gourmets au profit de M. [N] ont concrétisé la cession objet du mandat donnant droit à une indemnité compensatrice forfaitaire équivalant à la rémunération convenue au profit de la société Horeca ce en application de la clause pénale quand bien même la cession des actions s'est opérée sans son concours.
La société Horeca s'oppose à la réduction de l'indemnité forfaitaire au regard de l'exclusivité de l'engagement souscrit par la société Tentations Gourmets (ses écritures page 26).
La société Tentations Gourmets ne demande pas cette réduction au dispositif de ses écritures ni ne la soutient dans sa motivation.
La rémunération prévue au mandat était de 15.000 € TTC à la charge de la société Tentations Gourmets (pièce 3 - Horeca).
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Horeca de sa demande de condamnation de la société Tentations Gourmets à la somme de 15.000 €.
La société Tentations Gourmets sera condamnée à payer la somme de 15.000 € à la société Horeca.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Tentations Gourmets qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La société Tentations Gourmets sera condamnée à verser à la société Horeca la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait droit aux autres demandes de condamnation au titre l'article 700 du code de procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 1er juillet 2022 en ce qu'il a débouté la SAS Horeca 78 de l'ensemble de ses demandes à l'égard de Mme [X] [I],
l'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SAS Tentations Gourmets à payer la somme de 15.000 € à la SAS Horeca 78,
Condamne la SAS Tentations Gourmets aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS Tentations Gourmets à payer à la SAS Horeca 78 la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes.