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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 27 février 2024, n° 22/03178

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ar.Val (SAS), Vauche (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Lahalle, Me Ferrari, Me de La Taste, Me Bommelaer, Me Amoyel-Vicquelin, Me Roffi

CA Rennes n° 22/03178

26 février 2024

FAITS

La société SRL [W], société de droit italien est spécialisée dans la conception, le développement et la fabrication de séparateurs balistiques (machines permettant de trier les déchets) et des pièces de rechange correspondantes.

Le 21 juillet 2009 la société [W] et les sociétés VAUCHE SA, (France), et VAUCHE BIOMA ITALIA, ont régularisé un contrat de distribution exclusive sur les territoires de la France, de l'Italie, du Benelux et de la Pologne pour la distribution des séparateurs balistiques fabriqués par la société [W] .

La société [Z] est spécialisée dans la conception, la fabrication et le montage d'installations de tri de déchets ou d'ordures, et de manutention, pour l'industrie ou l'agro alimentaire.

La société VAUCHE détenait 44 % du capital social de la société [Z] jusqu'au 30 septembre 2013.

L'article 1 du contrat de distribution prévoyait que :

Le concédant confère, par les présentes, à la société VAUCHE SA ET A LA SOCIETE VAUCHE BIOMA ITALIA, ainsi qu'aux filiales du GROUPE ENVIRONNEMENTAL VAUCHE conjointement, qui acceptent selon les termes et conditions définies par le présent contrat, la distribution exclusive sur le territoire de la France entière, de l'Italie entière, du Benelux et de la Pologne, de séparateurs balistiques qu'elle fabrique, afin de servir la clientèle actuelle, potentielle et future y liée , étant précisé que les matériels à distribuer sont tous les séparateurs balistiques fabriqués par la société [W] SRL.

La société [W] explique qu'à partir de 2009, la société [Z] l'a contactée pour placer des commandes de séparateurs en France. Elle a donc poursuivi ses relations commerciales avec la société [Z].

Par la suite un litige est survenu entre les sociétés [W], [Z], et VAUCHE. La société VAUCHE a rappelé qu'elle était la seule habilitée à la prise de commande de matériel de la société [W] conformément au contrat de distribution exclusive.

Elle indiquait que le contrat de distribution bénéficiait bien aux filiales GROUPE ENVIRONNEMENTAL VAUCHE (GEV) société holding, et donc indirectement à la société [Z] mais jusqu'au 30 septembre 2013 uniquement.

La société [Z] a soutenu quant à elle qu'elle n'était pas informée de l'existence du contrat de distribution exclusive.

Ce litige a donné lieu à une assignation introduite à l'initiative de la société VAUCHE devant le tribunal de commerce de Sedan ( instance dont la société VAUCHE se désistera par la suite).

Le contrat de distribution a pris fin en juin 2014.

A partir de 2015 la société [W] indique qu'elle a constaté une chute des ventes et des interventions après-vente en France et qu'au cours d'une visite chez un client en France elle a remarqué que des pièces de son séparateur balistique n'étaient pas originales et provenaient de la société [Z]. Elle ajoute qu'elle a eu la confirmation qu'[Z] fabriquait directement les pièce de rechanges sur ses balistiques et avait commencé à produire les mêmes séparateurs balistiques que les siens.

Elle considère que la société [Z] a bénéficié indirectement du contrat de distribution exclusive pour rentrer en relation commerciale avec elle et profiter de ses connaissances techniques pour fabriquer ses propres séparateurs . Elle estime donc que la société [Z] s'est livrée à des actes de concurrence déloyale.

La société [Z] dément cette analyse affirmant que les difficultés dans l'exécution des relations contractuelles entre les parties et la réticence de la société [W] à faire évoluer son matériel l'ont incitée à mettre fin à leurs relations et à concevoir son propre matériel.

Par acte du 2 août 2016 la société [W] a fait assigner la société [Z] devant le tribunal de commerce de Vannes pour obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 1 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts en raison d'actes de concurrence déloyale.

Le 11 octobre 2016 la société [Z] a appelé en garantie la société VAUCHE.

Devant le tribunal de commerce la société VAUCHE a soulevé l'incompétence du tribunal au profit de celui de Sedan.

Par jugement du 8 janvier 2021 le tribunal a :

- Ordonné a jonction des instances enrôlées sous les numéros 2016 002374 et 2016 002992 ;

- Débouté la société VAUCHER SA de son exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour juger de la présente affaire ;

- Débouté la société [W] Srl de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions pour les causes sus énoncées ;

- Ordonné l'exécution provisoire de présent jugement nonobstant appel et ce sans consignation

- Condamné la société [W] Srl à payer à la société [Z] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société [W] Srl aux entiers dépens de l'instance ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes fins et conclusions

- Arrêté et liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 88,93 euros TTC dont TVA à 14,82 euros.

La société [W] Srl a fait appel du jugement le 20 mai 2022.

Dans le cours de la procédure la société [Z] a été placée en redressement judiciaire suivant jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 1er juin 2023 la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 5 octobre suivant.

La SELARL [L] [D] en la personne de Me [L] [D] est intervenue à la procédure en qualité de liquidateur de la société [Z]

L'ordonnance de clôture est en date du 7 décembre 2023.

Par une note en délibéré du 10 janvier 2024 la cour a constaté que la société [W] dans le dispositif de ses dernières écritures, demandait l'annulation du jugement sans demander à titre subsidiaire ou principal l'infirmation ou la réformation du jugement.

La cour a invité les parties à lui présenter pour le 23 janvier 2024 au plus tard leurs éventuelles observations sur les conséquences à tirer de cette seule demande d'annulation pour le cas où il n'y serait pas fait droit.

Vu les observations de la société VAUCHE en date du 10 janvier 2024.

Vu les observations de la société [W] le 23 janvier 2024.

Vu les observations de la SELARL [L] [D] es qualité de liquidateur de la société [Z] en date du 19 janvier 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures en date du 7 décembre 2023 la société [W] demande à la cour de :

- Annuler en toto le jugement du tribunal de commerce de Vannes du 08 janvier 2021 et en statuant à nouveau sur la demande de la société [W] ;

Vu les pièces et la demande de [W] contre la SELARL [L] [D] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] SAS ;

- Déclarer la demande de [W] contre la SELARL [L] [D] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] SAS recevable et fondée.

- Déclarer que le comportement de la SELARL [L] [D] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] SAS, relative à la reproduction, tout court, des séparateurs balistiques de [W] et de ses matériaux utiles pièces de rechange, est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle (et que tout à fait cette confusion s'est déjà produite), constituant une conduite illicite de concurrence déloyale ;

- Par conséquent s'entendre condamner la SELARL [L] [D] qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] SAS à payer à [W] Srl, la somme de 1.000.000 euros à titre de dommage intérêts ex article 1240 du code civil pour le préjudice subi par [W] à cause cette conduite déloyale ou de toute autre somme aussi plus élevée qui serait constatée pendant le présente affaire.

A titre subsidiaire :

- Au cas que la demande en intervention et garantie de la SELARL [L] [D] qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] SAS contre VAUCHE aux fins propres de la demande introduite par [W] contre SELARL [L] [D], soit confirmé aussi en degré d'appel s'entendre condamner la SELARL [L] [D] et VAUCHE en solidum à payer à [W] Srl, la somme de 1.000.000 d'euros à titre de dommage intérêts ou de toute autre somme aussi plus élevée qui serait constatée pendant le présente affaire, ex article 1240 du code civile pour le préjudice subi par [W] à cause des actes de concurrence déloyale.

En tout état de cause :

- Condamner la SELARL [L] [D] aux entiers dépens de l'instance qui comprendront la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Voir déclarer l'arrêt à intervenir exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution, et nonobstant toute offre de consignation avec affectation spéciale, eu égard à la situation financière incertaine de la cité.

Dans ses écritures notifiées le 23 novembre 2023 la SELARL [L] [D] es qualité de liquidateur de la société [Z] demande à la cour au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, L641-3, L 622-21 et L 622-22 du code de commerce, de :

A titre principal,

- Constater l'irrégularité de la déclaration d'appel du 20 mai 2022,

- Juger qu'il n'y a pas lieu de statuer en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par la société [W],

- Juger irrecevables les prétentions formulées dans les conclusions notifiées par la société [W] le 19 août 2022.

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vannes le 8 janvier 2021, en l'intégralité de ses dispositions.

A titre très subsidiaire,

- Condamner la société VAUCHER SA à relever la société [Z] indemne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

En tout état de cause,

- Décerner acte à la SELARL [L] [D], es qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société [Z], de son intervention volontaire à l'instance,

La déclarer recevable et bien fondée,

- Juger irrecevables toutes demandes en paiement dirigées contre la société [Z] ;

- Juger que la décision à rendre ne pourra porter, le cas échéant que sur la constatation de créances et leur fixation au passif de la procédure collective de la société AR VAL,

- Débouter la société [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Débouter la société VAUCHE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner la société [W] à payer à la société [Z] une somme de 7.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses écritures notifiées le 24 novembre 2023 la société VAUCHE demande à la cour de :

A titre principal,

- Débouter la société [W] Srl de son appel,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 08 janvier 2021 (RG 2016002374 et 2016002992) par le tribunal de commerce de Vannes sauf en ce qu'il n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société VAUCHE.

A titre subsidiaire,

- Débouter la SELARL [L] [D] es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] de son appel incident en garantie à l'encontre de la société VAUCHE,

- Débouter la société [W] de ses demandes à l'encontre de la société VAUCHE.

Dans tous les cas,

- Déclarer recevable et bien fondée la société VAUCHE en son appel incident, - Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société VAUCHE de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement la société [W] et la SELARL [L] [D] es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [Z] et à payer à la société VAUCHE la somme de Sept Mille Cinq Euros (7.500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laisser à la charge des parties succombant les dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, faculté de recouvrement direct au profit de la SELARL AB LITIS PELOIS AMOYEL VICQUELIN, Avocats, en application des articles 696 et 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure

1) L'effet dévolutif de l'appel

La SELARL [L] [D] es qualités de liquidateur de la société [Z] fait valoir que la déclaration d'appel n'indique pas les chefs de jugement critiqués permettant d'identifier le sens et la portée de la décision critiquée de sorte que l'appel serait irrecevable.

La déclaration d'appel, qui opère seule la dévolution, doit préciser les chefs du jugement expressément critiqués.

La déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.

Seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

Les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul, sauf à ce que la déclaration d'appel renvoie le cas échéant à une document produit en annexe.

Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

En l'espèce, l'acte de déclaration d'appel transmis pas voie électronique devant la cour indique :

'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Déboute la société [W] Srl de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions pour les causes sus énoncées ; - Ordonne l'exécution provisoire de présent jugement nonobstant appel et ce sans consignation

- Condamne la société [W] Srl à payer à la société [Z] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- Condamne la société [W] Srl aux entiers dépens de l'instance ; - Déboute les parties du surplus de leurs demandes fins et conclusions.

L'acte d'appel vise donc les éléments du dispositif du jugement dont appel.

L'effet dévolutif a donc joué et le moyen d'irrecevabilité est rejeté.

2) Les conclusions notifiées par la société [W] le 7 décembre 2023

L'article 954 du code de procédure civile précise :

Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Dans ses écritures du 7 décembre 2023 la société [W] sollicite d' Annuler en toto le jugement du tribunal de commerce de Vannes du 08 janvier 2021.

Elle ne réclame pas à titre subsidiaire ou principal la réformation ou l'infirmation du jugement.

Dans sa réponse à la note en délibéré elle explique que ces incohérences proviennent d'une erreur matérielle et que l'appel vise bien la réformation du jugement.

Dans les motifs de ses écritures la société [W] ne vise aucune cause de nullité du jugement.

En outre le conseil de la société [W] est une avocate italienne qui ne maîtrise pas toutes les nuances juridiques de la langue française ce que la lecture de ses écritures démontre.

Si la cour peut déplorer que l'avocat postulant n'ait pas jugé utile de signaler à sa consoeur les difficultés liées à la compréhension de ses conclusions, elle ne peut que constater que l'erreur matérielle invoquée est établie.

Cette analyse est étayée par les premières écritures de la société [W] du 19 août 2022 qui liste tous les chefs de jugement critiqués et dont le dispositif tend notamment à réformer en toto le jugement.

Dans ces conditions il convient de considérer que l'appel tend à réformation du jugement.

Les relations entre les parties

La société [W] affirme que la société [Z] a profité de la convention entre [W] et VAUCHE en lui faisant croire qu'elle faisait partie du groupe VAUCHE aux fins d'obtenir des commandes de balistiques, les copier et les reproduire dans l'objectif de récupérer sa clientèle.

La société [Z] conteste cette analyse en prétendant qu'elle ignorait l'existence du contrat de distribution régularisé entre [W] et VAUCHE.

Les pièces versées par la société [W] établissent que la société [Z] s'est adressée à elle en faisant mention du groupe VAUCHE. Les mails du chef de projet [Z] des 13 novembre et 15 décembre 2009 postérieurs à la signature du contrat de distribution sont signés [Z] VAUCHE. Plusieurs commandes adressées par [Z] à [W] pendant la période d'exécution du contrat de distribution et avant la sortie d'[Z] du groupe VAUCHE portent aussi le mention GROUPE VAUCHE et [Z].

La société VAUCHE a du reste dénoncé cette confusion auprès de la société [Z] dans un courrier du 25 avril 2013 :

Nous vous informons que la Société Vauché possède un contrat de distribution exclusif avec la Société [W] pour la vente de séparateurs balistiques.

Ainsi, notre société est la seule habilitée à procéder aux prises de commande et aux livraisons de ce type d'équipement.

Vous avez récemment interrogé la Société [W] pour la commande de six séparateurs balistiques.

En tant que distributeur exclusif, nous vous informons que cette commande éventuelle ne pourra être prise en compte que si elle est adressée à la Société Vauché.

Dans le même temps elle a fait injonction à la société [W] de refuser toutes commandes ou livraisons directes d'[Z] sans un accord expresse de sa part.

La société [Z] a contesté cette position dans sa réponse du 2 mai 2013 :

Nous faisons suite à ta lettre en date du 25 avril 2013 nous informant d'une part, que ta société VAUCHE serait seule habilitée à la prise de commande de matériel de la société [W] en raison de l'existence d'un contrat de distribution exclusif et d'autre part, du fait que le GROUPE VAUCHE n'accepterait de considérer nos commandes que sous réserve du réglement préalable de factures réclamées par VAUCHE, catégoriquement contestées par AR VAL.

Je suis tout d'abord surpris de l'existence de ce prétendu contrat de distribution exclusif qui n'a jamais été évoqué dans le passé, alors même, qu'en toute transparence, nous commandons chaque année du matériel à la société [W].

L'existence d'un flux d'affaires direct entre la société AR VAL et la société [W] était, et est,parfaitement connu par la société VAUCHE sans que cette dernière n'ait avant ta lettre en date du 25 avril 2013 invoqué une quelconque restriction juridique à nos commandes directes auprès de la société [W].

Aussi, l'invocation de ce prétendu contrat de distribution exclusif, auquel tu fais pour la première fois référence dans ton courrier du 25 avril 2013 ne peut s'inscrire, en toute logique, que dans ta nouvelle stratégie de harcèlement et de déstabilisation de la société AR VAL.

Ces dissensions ont abouti à la procédure de référé dont s'est désistée la société VAUCHE.

Dans un tel contexte la société [W] a pu se méprendre sur le positionnement de la société [Z].

Jusqu'au 30 septembre 2013 la société [Z] était pour partie détenue par la société VAUCHE. Le fait que la société [Z] se soit affichée GROUPE VAUCHE ne caractérise pas des actes de concurrence déloyale vis à vis de [W].

Les deux sociétés étaient en relation commerciale avant la régularisation du contrat de distribution exclusive. Ainsi la société [Z] verse une commande de crible balistique adressée à [W] le 29 janvier 2009.

2) les manoeuvres déloyales

La société [W] reproche à la société [Z] son parasitisme et le détournement de sa clientèle.

Pour être fautive la commercialisation des produits similaires à ceux distribués par un concurrent doit s'accompagner de procédés déloyaux établissant une captation parasitaire.

Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

La société [W] explique que les balistiques et les pièces de rechanges qu'elle a conçus grâce à son savoir faire unique, sont très spécifiques et adaptés au marché français.

Elle met en avant :

- des dimensions de l'arbre des séparateurs balistiques obtenues après des années d' études et les projections de ses ingénieurs ;

- des machines plus efficientes et plus compétitives sur le marché par rapport à ceux des concurrents ;

- des balistiques qui utilisent un système d'inclinaison variable automatique mis au point par les ingénieurs [W] avec utilisation d'un élément JOST, calibrés spécifiquement pour le marché français;

Pour autant elle ne verse aucune pièce de nature à démontrer que ce matériel provient de recherches et d'analyses s'appuyant sur des méthodes innovantes en considération des besoins de marché français, dont les caractéristiques dans le traitement des déchets, restent ignorées.

Alors qu'elle insiste sur son savoir faire et cet investissement, elle ne démontre pas avoir déposé un brevet concernant la fabrication des balistiques ni même une marque, un dessin ou modèle, procédures destinées à protéger une création originale.

La société [W] verse des photographies destinées à établir qu'[Z] a récupéré ses procédés. Ces pièces (11 20 22) ne suffisent pas à établir l'originalité des techniques [W] ni même que les montages des installations des deux sociétés seraient identiques ou fonctionneraient selon des mécanismes similaires laissant suspecter une reproduction par [Z]. Les clichés ne sont pas commentés et sont donc inexploitables.

La pièce 23 ne permet pas non plus de vérifier que le système d'inclinaison des deux procédés [W] et [Z] sont foncièrement identiques.

En l'absence d'éléments plus probants, la pièce 24 communiquée par la société [W] est seulement descriptive et ne fait que reprendre ses affirmations.

La société [W] avance également qu'avant sa collaboration avec elle, la société [Z] se contentait de commercialiser des balistiques, et n'a commencé à les fabriquer qu'a partir de 2015 ce qui démontre qu'elle a copié ses procédés.

La spécialité professionnelle de la société [Z] contredit cette thèse.

L'extrait Kbis de la société [Z] indique qu'avant sa liquidation judiciaire en octobre 2023 elle exerçait dans le domaine de la conception et la réalisation d'équipements de process et de manutention pour l'industrie du traitement des déchets ménagers et industriels et ce depuis le 1er mars 2000.

La société [Z] précise que depuis sa création elle a commercialisé des balistiques puis a été contrainte d'élargir son activité en fabriquant elle même des séparateurs à compter de 2014.

Cette extension concerne un champ complémentaire et accessoire à son activité d'origine.

Elle explique cette orientation en raison des propres défaillances de la société [W].

La société [Z] verse en effet de nombreux échanges (pièces 8 9 1 0 13 30 31) avec la société [W] qui démontrent que la société [Z] a été confrontée durant sa collaboration avec [W] à :

- de nombreuses avaries du matériel fourni (ex mail du 25 janvier 2013absence de graisse dans le roulement de l'arbre/ du 20 août 2013 fissures sur des pales/ 6 juillet 2015 problème d'étanchéité) ;

- une absence d'interventions de la société [W] sur site malgré des demande en ce sens ;

- une absence de réponse aux sollicitations d'[Z] ( mail du 25 mars 2014) ;

- des retards de livraisons.

Dans un domaine d'activités limité dans lequel les sociétés sont encore peu nombreuses et les procédés très techniques, ces sociétés recourent très régulièrement aux mêmes fournisseurs de pièces pour fabriquer leurs machines. Dans cet environnement il n'est pas anormal que les assemblages [W] et ceux de la société [Z] se rapprochent.

La société [Z] considère que le manuel séparateur balistique de [W] ne lui permettait pas de fabriquer les pièces ou les balistiques sur le modèle [W].

Ce manuel peut cependant permettre à un concurrent de s'inspirer des montages [W] grâce notamment aux rubriques consacrées à la description des machines (p 23 et suivantes), à l'installation et au fonctionnement du balistique, lesquelles présentent des schémas détaillés.

Cependant la pièce 64 de la société [Z] montre que les séparateurs des deux sociétés ne sont pas similaires. Photographies à l'appui la société [Z] explique avec force détails les différences entre les pièces composant les deux séparateurs à partir des fiches techniques des deux sociétés et notamment du manuel [W].

Les dimensions de l'arbre d'entraînement [Z] sont de 300 (largeur) 1490 longueur alors que l'arbre d'entraînement [W] est plus volumineux : 331 (largeur) et 2920 (longueur). Les deux montages présentent des différences visuelles s'agissant des pièces qui les composent ainsi que dans leur agencement.

Les pales [Z] sont de dimensions plus modestes que celles de [W] (longueur de 5200 mm contre 6800 pour [W]).

L'installation [W] est équipée de 3 ventilateurs alors que celle d'[Z] en contient 4.

En tout état de cause la société [W] ne complète pas les photographies qu'elle verse par des attestations d'ingénieurs et /ou un examen comparatif des machines fabriquées par [W] et [Z], qui auraient pu mettre en avant les spécificités techniques de [W] et le parasitisme d'[Z].

La société [W] affirme encore qu'[Z] proposait à leurs clients communs des prix d'intervention sur les balistiques [W] excessifs par rapport aux prix plus avantageux appliqués à ses propres matériels. Elle ne le démontre pas.

En outre le marché remporté par [Z] auprès de la société TRIFYL en 2016 établit que le matériel [W] était peu performant comme l'affirme [Z].

Le représentant de la société TRIFYL écrit ainsi à M. [W] le 25 octobre 2016 :

Vous avez bien voulu présenter une offre relative au marché ci-dessus référencé et je vous en remercie.

J'ai le regret de vous informer que votre offre n'a pas été retenue par le pouvoir adjudicateur.

Vous avez obtenu les notes suivantes :

- note relative au prix : 31.71 /50

- note relative aux délais : 16.88/30

- note relative à la valeur technique : 8/15

- note relative à la durée de garantie : 1.67/5

Suit une note globale de 58.26/100, ce qui vous classe en 3ème position sur les 3 offres reçues pour cette consultation.

Au vu des critères d'attribution, le marché a été attribué au candidat [Z] domicilié à [Localité 8] et ce pour un montant de 158 153,54 euros HT.

Dans ces conditions la société [W] ne démontre pas les manoeuvres déloyales de la société [Z].

Les demandes à l'encontre de la société VAUCHE sont donc sans objet.

Le jugement est confirmé.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [W] Srl est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Rejette la demande tendant à constater l'irrégularité de la déclaration d'appel du 20 mai 2022,

- Dit que l'appel interjeté par la société [W] tend à la réformation du jugement

- Confirme le jugement.

Y ajoutant :

- Condamne la société [W] srl aux dépens d'appel ;

- Rejette les autres demandes des parties.