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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 4, 26 février 2024, n° 21/07646

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ISO Batiment (SARL)

Défendeur :

Soprema Entreprises (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Romi, Mme Paccioni

Avocats :

Me Pommel, Me Ebstein, Me Dumeau, Me Philippon

T. com. Nanterre, du 15 sept. 2021, n° 2…

15 septembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La société Soprema entreprises (ci-après « Soprema ») s'est vu confier un marché de travaux correspondant au lot 6 « étanchéité » dans le cadre de la réhabilitation d'un ensemble immobilier compris dans la ZAC Berdier, situé [Adresse 1], composé de deux phases :

- n° 1 dite « ferme » pour un montant de 50 910 euros HT

- n° 2 dite « conditionnelle » pour un montant de 529 090 euros HT

Elle a sous-traité à la société Iso bâtiment la mise en œuvre des travaux « sans fourniture de matériaux » par un bon de commande signé le 30 mai 2015 pour 12 000 euros HT pour des travaux relatifs à la tranche n° 1 et selon devis de la société Iso bâtiment du même montant daté du 28 février 2015.

Elle a sous-traité à la société Iso bâtiment la mise en œuvre des travaux « sans fourniture de matériaux » par un bon de commande signé le 30 mai 2015 pour 12 000 euros HT pour des travaux relatifs à la tranche n° 1 et selon devis de la société Iso bâtiment du même montant daté du 28 février 2015.

Ceci a été repris dans un contrat de sous-traitance daté du 30 mai 2015 entre les parties visant le marché principal. 

La société Soprema s'est vu confirmer la 2e tranche des travaux et trois avenants ont été signés entre les parties pour un total de 135 529,20 euros pour cette tranche conditionnelle.

Le 9 août 2017, la société Iso bâtiment a mandaté le cabinet EEB, expert technique en bâtiment, pour donner son avis sur les travaux réalisés par elle et sur les sommes lui étant dues.

Dans son rapport du 13 novembre 2017, le cabinet EEB a conclu que les travaux d'étanchéité avaient été exécutés à 98 % et a établi un tableau récapitulatif des devis et avenants montrant un total en faveur de la société Iso bâtiment de 799 657,11 euros HT.

Par lettre du 14 décembre 2017, la société Iso bâtiment a mis la société Soprema en demeure de lui régler la somme de 185 892 euros.

La société Soprema a répondu par lettre du 21 décembre 2017 contestant ce rapport et indiquant que le marché conclu entre elles pour un total de 147 529,20 euros était un marché à forfait, que 136 995,64 euros avaient déjà été facturés et que le montant restant à devoir étaient ainsi de 10 533,56 euros. Elle a ajouté que la société Iso bâtiment avait abandonné le chantier en août 2017.

La société Iso bâtiment a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre qui, par ordonnance du 17 avril 2018, a désigné un expert remplacé finalement par M. [R] [B] par ordonnance du 31 mai 2018.

Dans son rapport du 14 mars 2020, l'expert judiciaire propose, pour valoriser les travaux de la société Iso bâtiment, de retenir la somme de 222 028,50 euros soit, déduction faite de la somme de 130 145,88 euros payée par la société Soprema, un solde dû par elle de 91 882,52 euros.

Par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2020, la société Iso bâtiment a fait assigner la société Soprema devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de paiement de ses travaux.

Par jugement contradictoire du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté la société Iso bâtiment de sa demande à titre principal, et subsidiaire, de condamnation de la société Soprema à lui payer la somme de 74 499,30 euros pour complément de prix,

- dit ne pas pouvoir statuer sur la demande de la société Iso bâtiment de complément de prix à titre subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

- condamné la société Soprema à payer à la société Iso bâtiment la somme de 17 383,32 euros pour solde du marché,

- débouté la société Soprema de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Iso bâtiment à lui payer la somme de 5 320 euros,

- condamné la société Soprema à payer à la société Iso bâtiment la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le tribunal a retenu, sur le fondement des articles 1104, 1164 et 1194 du code civil et L. 442-6 du code de commerce ainsi que du rapport de l'expert, des devis de la société Iso bâtiment et des bons de commande, qu'il apparaissait qu'avant la signature du contrat le 30 mai 2015, la société Iso bâtiment avait soumis des devis du 28 février 2015 pour les deux tranches du marché de la société Soprema, avec des prix unitaires différents.

Il a retenu que l'avenant n° 1 avait été rédigé, sur les bases du devis relatif à la tranche n° 2, du 20 avril 2016 soit avant le début des travaux correspondant, et avait été signé au cours de ces travaux, l'avenant n° 2 étant présenté comme une régularisation de plus ou moins-values et l'avenant n° 3 était une régularisation de travaux complémentaires ou de reprises demandés, à des prix identiques pour les 3 avenants pour les rubriques comparables et que la situation n'était pas celle visée par la norme NFP 03.001.

Le tribunal a retenu que la société Iso bâtiment n'apportait pas la preuve d'un manquement à l'obligation de bonne foi de la part de la société Soprema.

Le tribunal a également retenu qu'en application de l'article D. 442-3 du code de commerce, les litiges fondés sur l'article L. 442-6 du même code de commerce n'entraient pas dans sa compétence.

Il a également retenu que la société Iso bâtiment n'apportait pas la preuve que la société Soprema avait établi des factures inférieures à ses devis.

Il a par ailleurs retenu qu'en dehors de quelques travaux objets d'une demande reconventionnelle, la société Soprema ne faisait pas état de travaux non effectués qui justifieraient une limitation de la facturation par rapport au contrat initial et ses avenants.

Sur la demande reconventionnelle de la société Soprema, il a retenu que la lettre de la société Soprema du 10 août 2017 n'était pas une mise en demeure qui aurait permis à la société Iso bâtiment d'y répondre et que le montant qui y était indiqué était différent de celui finalement demandé et que la société Soprema n'apportait pas la preuve qu'elle avait respecté les dispositions de l'article 1223 du code civil.

La société Iso bâtiment a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 décembre 2021.

Aux termes de ses conclusions n° 2 remises le 4 août 2022, la société Iso bâtiment demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à titre principal et subsidiaire de condamnation de la société Soprema à lui payer la somme de 74 499,30 euros pour complément de prix et a limité la condamnation de la société Soprema à lui payer la somme de 17 383,32 euros pour solde du marché,

- à titre principal, de juger que la société Soprema est tenue tant à son obligation de bonne foi qu'aux usages bien établis entre professionnels du bâtiment et à la norme NFP 03.001 qui régit les marchés privés,

- de condamner en conséquence la société Soprema à lui payer la somme de 91 882,52 euros,

- à titre subsidiaire, de juger que la société Soprema fixait seule les prix en rédigeant les devis et factures,

- de condamner la société Soprema à lui payer la somme de 91 882,52 euros à titre de dommages et intérêts,

- en toutes hypothèses, de débouter la société Soprema de toutes ses demandes, rejeter la demande reconventionnelle relative au paiement de la somme de 5 320 euros,

- de rejeter la demande reconventionnelle ayant trait à la demande d'interprétation relative aux dépens de première instance qui incluent, en tout état de cause, nécessairement les frais de l'expertise ordonnée selon les ordonnances de référé du 17 avril et du 31 mai 2018,

- de condamner la société Soprema à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de son avocat.

La société Iso bâtiment fait valoir, sur le fondement des articles 1104 et 1194 du code civil, qu'il y a eu manquement à l'obligation de bonne foi de la société Soprema en ce qu'elle a passé avec elle un marché de 12 000 euros pour, ensuite, conclure une série d'avenants portant le montant total des factures à 147 000 euros s'assurant par la même occasion d'avoir un ascendant dans la relation contractuelle. Elle fait aussi valoir que la société Soprema a préféré conclure un marché de base et de nombreux avenants pour la maintenir sous dépendance économique, avec une absence totale de coopération, confinant à l'obstruction, avec l'expert.

Elle soutient également, sur le fondement du rapport d'expertise, que les avenants contenaient des prix dérisoires.

Elle énonce également que la société Soprema lui doit une indemnisation en raison du plan de redressement qu'elle a subi.

Subsidiairement, elle fait valoir que sur le fondement de l'article 1164 du code civil que la société Soprema fixait seule les prix en rédigeant les devis et factures, ce qui a entraîné un abus dans la fixation du prix et donc un préjudice financier pour la société Iso bâtiment.

Elle énonce également, sur les demandes reconventionnelles de la société Soprema, qu'elle n'a jamais délaissé le chantier et que la demande d'indemnisation du recours à la société Pro Maçonnerie et les factures réelles présentées par cette dernière ne concordent pas.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 déposées le 2 décembre 2022, la société Soprema forme appel incident et demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce que la société Iso bâtiment a été déboutée de ses demandes.

- déclarer mal fondée la société Iso bâtiment en son appel concernant sa demande à hauteur de 74 499,30 euros au titre de "complément de prix" ou de dommages et intérêts remettant en cause les engagements contractuels valablement souscrits entre les parties au titre de marchés à forfait ayant force de loi,

- condamner la société Iso bâtiment à verser à la société Soprema la somme de 5 320 euros avec intérêts à compter du 21 août 2017 et capitalisation et d'ordonner la compensation entre le solde du marché, soit 17 382,32 euros, et la somme mise à la charge de la société Iso bâtiment,

- interpréter le jugement en ce qui concerne la condamnation aux dépens et, en tout état de cause, infirmer le jugement qui a mis à sa charge les dépens de l'instance ou préciser que les frais d'expertise ne sont pas compris dans les dépens,

- débouter la société Iso bâtiment de toutes ses demandes complémentaires,

- condamner la société Iso bâtiment à lui verser une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société Soprema fait valoir que les relations contractuelles pour ce chantier se sont échelonnées sur une période de plus de deux années sans qu'il y ait eu de difficultés jusqu'à la demande d'expertise de la société Iso bâtiment et la remise en cause des montants facturés, d'où il ressort une mauvaise foi de l'appelante qui a pourtant accepté de signer ces engagements et ne démontre pas les arguments allégués.

Elle ne conteste pas que le solde restant dû en application des conventions s'élevait bien à la somme de 17 383,32 euros mais c'est le complément réclamé qu'elle refuse de payer.

Elle remarque que l'expert a bien reconnu que le montant du marché de base était conforme aux prix pratiqués, que ce marché et les suivants sont des marchés à forfait.

Elle invoque le principe de l'intangibilité des obligations nées du contrat qui ne permet pas de remettre en cause l'économie du contrat sauf situation exceptionnelle qui n'existe pas ici.

La société Soprema énonce également qu'il n'y a pas de contrat cadre et que les dispositions de l'article 1164 du code civil sont ainsi inapplicables.

Elle réfute les allégations adverses sur un quelconque abus de droit caractérisé et affirme que c'est la société Iso Bâtiment qui est de mauvaise foi lorsqu'elle tente de remettre en cause ses obligations.

Elle fait remarquer que la société Iso Bâtiment ne prouve aucun préjudice.

La société soutient par ailleurs que la société Iso bâtiment a délaissé le chantier et qu'elle a donc dû palier sa carence en faisant intervenir une société tierce.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023, l'affaire a été appelée à l'audience du 11 décembre 2023 et mise en délibéré au 26 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement de la société Iso bâtiment,

En application de l'article 1134 ancien du code de procédure civile, applicable en l'espèce eu égard à la date de conclusion des contrats, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, il est constant que les parties ont contracté dans le cadre d'un marché de sous-traitance confiant à la société Iso bâtiment des travaux d'étanchéité formalisé par :

- un bon de commande signée le 30 mai 2015 pour 12 000 euros HT pour des travaux relatifs à la tranche n°1 repris dans un contrat de sous-traitance du 30 mai 2015

- 3 avenants des :

1er août 2016 pour 100 000 euros,

3 mars 2017 pour 19 503,20 euros,

10 juillet 2017 pour 16 026 euros,

soit un total de 147 529,20 euros pour le marché.

Bien que la société Iso bâtiment ait accepté ces montants et que le chantier se soit déroulé sans difficultés majeures, elle a remis en question les montants de ses prestations demandant une revalorisation de ceux-ci. Elle se fonde pour cela sur le rapport de l'expert judiciaire.

Il faut remarquer que l'expert judiciaire a remis un rapport particulièrement clair et circonstancié en dépit du peu de coopération des parties.

Il a néanmoins déploré n'avoir pu, pour mener à bien sa mission, obtenir certaines réponses à ses questions posées aux parties et certaines pièces réclamées à la société Soprema, notamment tous les comptes rendus de chantier, la lettre de mise en demeure de la société Iso bâtiment suite au prétendu abandon de chantier, la liste de prestations qu'elle n'aurait pas réalisées et le procès-verbal de réception. Ainsi, il a dû rendre son rapport avec les seuls éléments en sa possession.

Concernant la société Iso bâtiment, l'expert a demandé, en vain, de lui justifier la somme de 799 657,11 euros HT mentionnée par son conseil technique le cabinet EEB comme représentant le montant des travaux effectués. Il affirme qu'aucun élément ne permet de comprendre ce montant important.

L'expert remarque qu'aucun manquement aux règles de l'art ou aux documents contractuels n'est allégué, les travaux ont été réceptionnés, l'immeuble est occupé.

Sur la façon d'opérer dans le domaine du bâtiment, il explique qu'habituellement le sous-traitant chiffre les travaux qu'il considère comme supplémentaires dans un devis qu'il soumet à l'entreprise générale qui établit un avenant pour le faire signer par son sous-traitant.

Sur les allégations de la société Iso bâtiment quant à s'être vue imposer la signature des avenants afin d'être payée des travaux exécutés, l'expert dit n'avoir trouvé aucun élément justifiant cette affirmation bien que comme il sera vu ci-après certains faits peuvent contredire cette affirmation.

Quant à la façon dont se sont déroulées les relations contractuelles qui pourrait surprendre puisque d'un marché de 12 000 euros HT, on atteint la somme globale de 147 529,20 euros en fin de chantier, l'expert avance que cela est en partie dû au marché dont était elle-même titulaire la société Soprema, dont la première tranche était de 50 910 euros HT et la seconde « conditionnelle » de 529 090 euros HT.

Cependant, la société Soprema aurait pu procéder de même avec son sous-traitant, en scindant son marché en deux tranches, l'une ferme et l'autre conditionnelle, en fonction de son propre marché principal. Cette façon de procéder aurait permis au sous-traitant de connaître dès le départ les conditions du contrat et de les accepter ou non. En ne procédant pas ainsi, on peut suspecter de la part de la société Soprema l'emploi d'un procédé déloyal vis-à-vis de son sous-traitant.

Sur les prix proposés par la société Soprema, l'expert les a comparés avec les prix demandés par la société Iso bâtiment.

Il a retenu la décomposition globale des prix globale et forfaitaire (DPGF) du marché initial de la société Iso bâtiment et du marché de la société Soprema pour en conclure que sur le plan quantitatif il n'y avait aucune anomalie mais que sur les prix unitaires, le marché de sous-traitance ne portait que sur la main d'œuvre, il se pose ainsi la question de savoir si aucune fourniture n'a été livrée par le sous-traitant, question à laquelle personne n'a répondu.

En comparant avec les prix de marché du Moniteur, il conclut que les prix unitaires accordés à la société Soprema sur le marché de base n'appellent pas de critique.

Il n'est pas contestable que ce marché de base n'est pas un contrat cadre, mais il peut donner un éclairage de la base sur laquelle les relations contractuelles se sont nouées.

Quant aux avenants, la DPGF de la phase 2 établie par le maître d'ouvrage pour la société Soprema montre que les prix unitaires sont inchangés par rapport à la commande initiale, ce qui est habituel, puisque dans les marchés, il est souvent prévu que les prix unitaires de la DPGF initiale seront les mêmes pour chiffrer les travaux dans les commandes supplémentaires. Ceci permet d'avoir un équilibre contractuel sur la durée de la relation.

Or sur ce point, dans la relation de la société Soprema avec son sous-traitant, l'expert constate que les prix unitaires initiaux ont été « fortement minorés » lors de la régularisation des avenants.

Ceci n'est pas conforme à la norme applicable ici, soit la norme NFP 03.001, qui régit les marchés privés et qui dispose « 11.1.1.1. En cas d'augmentation de la masse des travaux, l'entrepreneur est tenu d'exécuter les travaux supplémentaires tant que l'augmentation, évaluée aux prix initiaux, n'excède pas le quart du montant initial des travaux ».

L'expert ajoute que le marché, objet de son analyse, n'a donc pas respecté la norme précitée, tant en ce qui concerne l'augmentation de la masse des travaux qu'en ce qui concerne le chiffrage de ceux-ci. Dans les éléments diffusés, il n'a trouvé aucune précision qui ferait obstacle à l'application des normes françaises.

Il a demandé, à plusieurs reprises à la société Soprema, la raison de cette minoration des prix unitaires du marché de base alors qu'ils n'étaient pas réduits dans son propre compte. Mais il n'a pas obtenu de réponse.

Enfin, il note que les prix unitaires des avenants sont très inférieurs à ceux habituellement pratiqués pour des ouvrages semblables au titre de chantiers de même importance et affirme que ces prix sont « anormalement faibles ».

Pour exemple, la comparaison des prix unitaires des items suivants entre le premier marché et les avenants suivants sont réduits d'un tiers environ :

- écran par vapeur : 3 euros à 1,60 euros,

- équerres sur pause par vapeur : 2 euros à 1,20 euros,

- isolation thermique : 2 euros à 1,20 euros,

- étanchéité bicouche : 5 euros à 3,50 euros,

Tous les prix des avenants ont été systématiquement minorés d'un tiers à la moitié par rapport au premier marché.

Ces faits objectifs et chiffrés dans le rapport d'expertise font se poser la question de la raison pour laquelle la société Iso Bâtiment aurait accepté « librement » de voir le prix de ses prestations ainsi minorées.

Ceci conforte la thèse de la société Iso bâtiment qui se plaint d'avoir été soumise économiquement à la société Soprema qui a abusé de sa position forte pour lui imposer des prix très bas.

Le premier contrat dont le prix était un prix de marché convenable a permis d'engager la relation contractuelle sur des bases équilibrées, elle s'est poursuivie pour un montant global onze fois supérieurs mais à des prix unitaires réduits de la moitié à un tiers, au détriment du sous-traitant.

Ceci établit la mauvaise foi de l'entreprise principale dans l'exécution de ses obligations contractuelles envers son sous-traitant.

Cette mauvaise foi a causé au sous-traitant un préjudice économique évident -même si elle ne justifie pas du plan de redressement qu'elle allègue- dont il doit obtenir réparation.

Toutefois, comme l'affirme l'expert, le chiffrage de 799 657,11 euros HT proposé par la société Iso bâtiment dans le rapport du cabinet EEB, ne repose sur rien, il ne peut être retenu.

Il faut considérer que les montants établis sur la base des prix du marché initial peuvent être retenus pour recalculer le juste prix des prestations suivantes.

Le calcul aboutit au montant indiqué sur les devis présentés par la société Iso bâtiment pour un montant total de 222 028,50 euros - réduits dans ses avenants à 147 529,20 euros par la société Soprema-.

Ce montant qui correspond à la base contractuelle entre les parties, est retenu par la présente juridiction.

Ainsi sur le compte à faire entre les parties, l'expert après avoir établi des comptes précis retient qu'il est dû à la société Iso bâtiment, la somme de 91 882,52 euros soit 222 028,50 euros - 130 145,88 euros déjà payés.

En conséquence, la société Soprema est condamnée à payer à la société Iso bâtiment la somme de 17 383,32 euros au titre du solde du contrat impayé qu'elle ne conteste pas et la somme de 74 499,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

En conséquence, le jugement est infirmé dans cette limite.

Sur la demande reconventionnelle de la société Soprema

La société Soprema prétend que les travaux n'ont pas été achevés. Elle s'appuie sur le rapport du cabinet EEB, missionné par la société Iso bâtiment, dans lequel il est indiqué que les travaux ont été réalisés à 98 %.

L'expert judiciaire, en dépit de sa demande aux parties, n'a pas eu accès à toutes les pièces, comme la présente juridiction, dont le procès-verbal de réception, et n'a pas été mis en mesure de confirmer cette assertion.

Comme le souligne les premiers juges, aucune mise en demeure de finir les travaux n'a été adressée à la société Iso bâtiment.

Il est versé une facture représentant, selon la société Soprema, les débours qu'elle affirme avoir payés pour remédier aux non-finitions.

Cependant, cette pièce ne permet pas de vérifier cette assertion.

En conséquence, la demande de la société Soprema ne peut prospérer, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande d'interprétation du jugement

L'article 696 du code de procédure civile dispose « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie (...).

En l'espèce, le tribunal a mis à la charge de la société Soprema, partie perdante, la charge des dépens de l'instance.

L'article 695 du même code précise que les dépens afférents aux instances comprennent notamment la rémunération des techniciens, donc les frais de taxe de l'expert judiciaire, en l'espèce, M. [B], désigné dans cette affaire.

Ainsi, il n'y pas lieu d'interpréter le jugement qui met justement les dépens, comprenant les frais d'expertise en application de cet article, à la charge de la société Soprema.

Sur les dépens et les autres frais de procédure,

La société Soprema, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise. Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Soprema à payer à la société Iso bâtiment une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel, elle est elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Soprema entreprises à payer à la société Iso bâtiment la somme de 17 383,32 euros pour solde du marché ;

- débouté la société Soprema entreprises de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Iso bâtiment à lui payer la somme de 5 320 euros ;

- condamné la société Soprema entreprises à payer la somme de 2 000 euros à la société Iso bâtiment en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Soprema entreprises aux dépens et précise qu'ils comprennent les frais d'expertise ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Soprema entreprises à payer à la société Iso bâtiment la somme de 74 499,20 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société Soprema entreprises à payer les entiers dépens d'appel, pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Soprema entreprises à payer à la société Iso bâtiment une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.