CA Douai, 2e ch. sect. 2, 22 février 2024, n° 22/04946
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Caraïbe Electro Cash (SARL), BCM (Selarl)
Défendeur :
Gitem (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Fallenot
Avocats :
Me Laforce, Me Belaye, Me Guichon, Me Camus-Demailly, Me Dizier
La société Gitem, qui avait jusqu'au 27 juin 2016 la dénomination sociale Euronics France (la société Euronics ou la société Gitem), est spécialisée dans la fourniture, en totalité ou en partie à ses associés de marchandises, services, équipements, matériels et fournitures nécessaires à l'exercice de leur commerce de vente au détail de matériels électroménagers.
M. [P], dirigeant de la SAS Caraïbe électro cash (la société Caraïbe), a adhéré à la coopérative le 27 mai 2010. A ce titre, la société Caraïbe a reçu, suivant lettre du 1er avril 2010, une copie du règlement intérieur de la coopérative, de ses statuts et des conditions d'admission et de cotisation 2010.
La SAS Caraïbe a obtenu soit par le canal de la société Gitem, soit par celui de la société Logitec, anciennement filiale de la société Gitem, la fourniture d'électroménagers pendant dix ans environ jusqu'au 12 décembre 2018, moyennant des encours d'achat de l'ordre de 2 400 000 euros par an.
Par jugements distincts du 2 octobre 2015, la société Euronics et sa filiale, la société Logitec, ont fait l'objet d'un redressement judiciaire.
Face aux difficultés économiques de la société Logitec ayant entraîné des difficultés d'approvisionnement pour les magasins Gitem, la société Euronics a signé le 12 octobre 2015 avec la société GP dis un accord de référencement temporaire et non exclusif permettant de proposer aux magasins Gitem une solution alternative d'approvisionnement en produits Bruns, Blanc, PEM...
Par ordonnance du 16 octobre 2015, le juge-commissaire au redressement judiciaire des sociétés Euronics et Logitec a autorisé l'exécution de cet accord.
Par jugement du 4 décembre 2015, la société Logitec a fait l'objet d'un plan de cession au profit de la société GP dis France (la société GP dis).
A la suite de ces décisions, la société Euronics et la société GP dis ont souhaité donner un caractère définitif à leur accord, ce qui a justifié la régularisation d'un contrat d'approvisionnement définitif et non exclusif garantissant l'approvisionnement des magasins Gitem en produits Bruns, Blancs, PEM...
Par jugement du 8 janvier 2016, la société Logitec a été l'objet d'une liquidation judiciaire.
Par jugement du 27 mai 2016, la société Gitem, anciennement Euronics, a obtenu un plan de redressement judiciaire sur une durée de dix ans.
Par ordonnance du 5 décembre 2016, le juge-commissaire a admis au passif de la société Euronics les créances déclarées par la société Caraïbe, comme suit :
- créance définitive à échoir d'un montant de 15.617 euros,
- créance définitive échue d'un montant de 63.991,95 euros,
- créance définitive échue au titre du compte courant d'un montant de 1 354,44 euros.
Par lettre du 12 décembre 2018, la société Caraïbe a notifié son intention de mettre un terme définitif aux relations contractuelles existant entre elle et la société Gitem.
Par cette même lettre, elle a demandé la restitution des sommes correspondant à sa souscription au capital de la société Gitem (16 905 euros), au solde du compte courant (63 991 euros) et aux intérêts, ainsi qu'un remboursement de sommes indûment versées en janvier 2017.
Par acte du 26 février 2019, la société Gitem a assigné la société Caraïbe pour voir déclarer nul et de nul effet le retrait par lettre du 12 décembre 2018 et se voir accorder des dommages et intérêts équivalents aux cotisations et commissions devant être payées jusqu'au 31 décembre 2019, outre des dommages et intérêts en réparation de faits délictueux et frauduleux de pratique parasitaire.
Par jugement du 19 octobre 2022, le tribunal de commerce d'Arras a :
dit et jugé que la SA Gitem est fondée en ses demandes ;
déclaré nulle et de nul effet et en tout cas irrégulière, la notification de retrait du 12 décembre 2018 ;
dit et jugé qu'en tout état de cause, le retrait de la SARL Caraïbe de la coopération SA Gitem ne peut prendre effet qu'à compter du 31 décembre 2019 ;
condamné sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification du présent jugement, la SARL Caraïbe électro cash à cesser toute utilisation de l'enseigne Euronics, ancienne dénomination sociale de la SA Gitem, sur l'extrait RCS Kbis et les publications infogreffe au greffe du tribunal de commerce de Pointe à Pitre ;
condamné la SARL Caraïbe à payer à la SA Gitem en application des statuts les sommes suivantes :
- cotisations dues par la SARL Caraïbe électro cash à la SA Gitem jusqu'au 31 décembre 2019 soit la somme de 29 040,00 euros.
- commissions qui auraient dû être payées par GP dis sur les achats et approvisionnements réalisés via la coopérative SA Gitem auprès de GP dis en exécution du contrat de logistique liant SA Gitem à GP dis et ceci jusqu'au 31 décembre 2019, terme du préavis statutaire, soit la somme de 64 000,00 euros.
- condamné la SARL Caraïbe à payer à la société SA Gitem en application des statuts les cotisations impayées pour l'année 2018 soit la somme de 24 200.00 euros,
- condamné la SARL Caraïbe électro cash à payer à la société SA Gitem pour pratique parasitaire déloyale conjointement et solidairement avec M.[P] son dirigeant, la somme de 100.000 euros correspondant au préjudice occasionné par la poursuite de l'usage du signe Euronics, par l'emploi de cette enseigne sur ses documents publicitaires et fonds de commerce, apposé à côté de l'enseigne Pulsat laquelle est le signe utilisé de manière concurrentielle par GP dis ;
- dit et jugé irrecevables la SARL Caraïbe et M. [P] en leurs demandes,
- débouté la SARL Caraïbe et M [P] de toutes leurs demandes,
- condamné la SARL Caraïbe au paiement à la SA Gitem de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- condamné la SARL Caraïbe aux entiers dépens en ce compris les frais et débours de greffe.
Par déclaration du 21 octobre 2022, M. [P] et la SARL Caraïbe ont interjeté appel critiquant l'ensemble des chefs de la décision.
Par jugement du 3 novembre 2022, la société Caraïbe a été placée en redressement judiciaire.
La SELARL BCM, prise en la personne de M. [J], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire, la SEARL Montravers [H], prise en la personne de M. [H], en qualité de mandataire judiciaire.
PRÉTENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 juillet 2023, M. [P] et la société Caraïbe ainsi que la SELARL BCM et la SELARL Montravers [H], en qualité de mandataire judicaire et d'administrateur judiciaire de la société, demandent à la cour, au visa des articles 1104 et suivant du code civil, de l'article L. 231-1 et suivant du code de commerce, de :
Dire et juger recevable l'intervention volontaire de la SELARL BCM prise en la personne de Me [J] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société.
- dire recevable l'intervention volontaire de la SELARL Montravers [H], prise en la personne de Me [H] en qualité de mandataire judiciaire de la société.
- recevoir la société Caraïbe électro cash et M. [P] en leur appel.
- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions [...]
Statuant à nouveau,
- débouter la société Gitem de toutes ses demandes, fins et conclusions.
À titre reconventionnel
- condamner la société Gitem à payer à la société Caraïbe la somme de 38 641 euros
En tout état de cause,
- condamner la société Gitem à payer à la société Caraïbe la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société Gitem SA à payer à M [P] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société Gitem aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Me Laforce, avocat au barreau de Douai, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 octobre 2023, la société Gitem demande à la cour, au visa des articles 9 et 15, 144 et 146 du code de procédure civile, des articles L124.1 du code de commerce, des articles 1134 et subsidiairement 1147 et suivants anciens du code civil, des articles 240 (plutôt 1240) et suivants du code civil, des statuts de la coopérative, l'article 11 relatif au retrait prescrivant un préavis de trois mois avant la date de clôture de l'exercice, de l'article L. 626-11 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Subsidiairement, si par impossible la cour considérerait ne pas disposer d'éléments suffisants sur le montant des achats et approvisionnements réalisés auprès de GPdis via la coopérative Gitem par la société Caraïbe en 2017 et 2018 :
- ordonner une expertise et nommer tel expert qu'il plaira à la cour pour déterminer le montant des achats réalisés par la société Caraïbe auprès de GPdis via la coopérative SA Gitem pour les années 2017 et 2018.
Subsidiairement, et si par impossible la cour considérerait que le retrait prend effet au 31 décembre 2018 :
- condamner la SARL Caraïbe à lui payer pour utilisation sans droit des signes distinctifs Euronics et Gitem du 1er janvier au 15 août 2019 une somme de 227.000,00 euros à titre d'indemnité forfaitaire conformément aux statuts et au règlement intérieur.
Subsidiairement et dans l'hypothèse où la cour considérerait la société Gitem redevable d'une quelconque somme envers la SARL Caraïbe, ordonner la compensation entre les sommes dues par la SARL Caraïbe à la société Gitem, et les éventuelles sommes dues par la société Gitem à la SARL Caraïbe
En toute hypothèse,
- juger irrecevables la SARL Caraïbe et Monsieur [P] en leurs demandes à raison du plan de redressement du 27 mai 2016 et 25 septembre 2020, suivant jugements du tribunal de commerce d'Arras et les dispositions de l'article L. 626-11 du code de commerce.
- débouter la SARL Caraïbe et Monsieur [P], et les intervenants volontaires de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
condamner la SARL Caraïbe au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.
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Par message RPVA du 2 février 2024, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de la recevabilité de la demande reconventionnelle de la société Caraïbe en remboursement des sommes versées de janvier 2017 à avril 2018, au regard des dispositions de l'article L. 622-21 1° et de la jurisprudence y afférent, le délibéré ayant été prorogé aux fins de permettre de laisser aux parties le temps de répondre sur ce point.
Par note en délibéré du 8 février 2024, la société Caraïbe et M. [P], ainsi que les organes de procédure collective de la société Caraïbe, ont souligné qu'il ne fallait pas confondre cette demande et celle, objet d'une inscription au passif, relative au capital et au compte courant que la société Caraïbe détient dans la société Gitem. Ils rappellent que le redressement judiciaire de la société Gitem est du 3 octobre 2015 et que la demande concerne des cotisations versées postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire, aucune irrecevabilité ne pouvant dès lors affecter cette demande.
Par note en délibéré du 7 février 2024, la société Gitem estime que la créance dont se prévaut la société Caraïbe ne rentre pas dans les prévisions de l'article L. 622-17, cette demande s'analysant donc en une demande en paiement irrecevable.
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MOTIVATION
A titre liminaire, il convient de recevoir les interventions volontaires de la SELARL BCM prise en la personne de Me [J], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Caraïbe et de la SELARL Montravers [H], prise en la personne de M. [H], en qualité de mandataire judiciaire de cette même société.
I - Sur le retrait de la société Caraïbe de la coopérative Euronics
La société Caraïbe fait valoir que conformément aux statuts, elle disposait d'un droit de retrait de la coopérative, à la « fin d'un exercice social », sans que la société Gitem puisse lui reprocher de ne pas avoir respecté un préavis de 3 mois, ni lui réclamer l'équivalent d'une année entière de cotisation, soit jusqu'au 31 décembre 2019.
Elle observe que le non-respect du préavis de 3 mois n'est pas sanctionné par la nullité du retrait et la poursuite automatique du paiement des cotisations sur une période d'un an.
Elle souligne la contradiction de la posture de la société Gitem, qui souhaite à la fois la nullité du retrait et en même temps la perception des commissions pour la période à courir.
Elle rappelle que la société Gitem est une coopérative, soumise à l'article L. 231-6 du code de commerce, d'ordre public, et à la jurisprudence subséquente, selon laquelle les statuts ne peuvent limiter l'exercice du droit de retrait des associés que dans une mesure compatible avec le respect de la liberté individuelle.
Elle fait remarquer que si le retrait irrégulier a pu causer un préjudice à la société Gitem, cela ne pourrait aller au-delà de 2 mois et 12 jours de cotisations. Il n'existe aucune preuve d'un préjudice et la demande tendant à la voir condamner à une année de cotisations pour l'année 2019, en l'absence de toute contrepartie de la société Gitem, rend cette demande sans objet. Elle souligne que cette absence de contrepartie démontre que la société Gitem a pris acte de la résiliation des relations.
En réponse, la société Gitem met en avant que les demandes saisissant la juridiction sont sans lien avec le contrat de distribution sélective conclu le 1er juin 2010, mais sont fondées sur les statuts de la coopérative et une pratique parasitaire. L'argumentaire sur l'article 9 du contrat et sur l'expiration de ce dernier le 1er juin 2015, est donc sans rapport avec le statut de coopérateur adhérent de la société Caraïbe.
Elle rappelle qu'un associé peut parfaitement quitter la coopérative en respectant un délai de 3 mois avant la date de clôture de l'exercice social, soit le 31 décembre de chaque année. Elle souligne que la société Caraïbe confond le formalisme du retrait et la date d'effet du retrait. Elle précise que la notification du 12 décembre 2018 ne fait ni état de retrait ne de démission, mais uniquement d'« un terme définitif aux relations contractuelles », en invoquant un contrat caduc depuis le 1 er juin 2015 et en ne respectant pas le délai de 3 mois.
Elle en conclut qu'à juste titre les premiers juges ont retenu que cette dernière n'avait pas fait perdre à la société Caraïbe son statut de coopérateur, de sorte qu'elle restait redevable de toutes ses obligations à l'égard de la coopérative.
Elle estime que les allégations de l'appelante selon lesquelles elle n'assumait plus la fourniture des marchandises, la constitution des stocks, la mise en œuvre des techniques commerciales, la mises à disposition de la marque Euronics ou Gitem, sont dépourvues de la moindre preuve. Au contraire le recours à la société GP dis France, dans le cadre d'approvisionnement, démontre la réalité de ses démarches pour poursuivre les obligations qui étaient les siennes.
Elle réplique que l'article L. 231-6 du code de commerce est invoqué à tort puisque la clause statutaire organisant le retrait d'un adhérent ne limite pas l'exercice du droit, mais en définit les modalités fixant la règle d'un préavis de 3 mois avant la clôture d'un exercice.
Elle considère ne pas avoir à justifier de l'insertion d'une clause pénale dans le contrat et que la rupture unilatérale et l'usage à titre personnel des signes ou marques de la coopérative lui ont porté préjudice.
Elle précise qu'en violation des statuts, la SARL Caraïbe a traité directement avec GPdis France propriétaire de la marque Pulsat, alors qu'aucune décision n'avait été prise à ce stade ni postérieurement, le réseau Gitem et le réseau Pulsat demeurant autonomes, ce qui ne permettait en aucun cas à l'appelante d'associer dans sa communication Euronics ancienne dénomination sociale jusqu'au 27 juin 2016, avec la marque Pulsat, ainsi qu'elle l'a fait en violation des statuts.
Réponse de la cour,
Dans les sociétés à capital variable, le retrait de l'associé apparaît comme une caractéristique de fonctionnement, alors que cette faculté n'est accordée que rarement par le droit commun des sociétés.
L'article L. 231-6 du code de commerce apporte des précisions quant à ce retrait volontaire des associés en indiquant que « chaque associé pourra se retirer de la société lorsqu'il le jugera convenable, à moins de conventions contraires et sauf application du premier alinéa de l'article L. 231-5 ».
Les statuts peuvent réglementer les conditions de mise en œuvre du droit de retrait, sous réserve qu'elles n'entravent pas exagérément ce droit et dans une mesure compatible avec la liberté individuelle, toute clause qui tendrait à le supprimer directement ou indirectement étant nulle d'une nullité d'ordre public.
En l'espèce, la société Caraïbe, membre de la société Coopérative Euronics depuis le 27 mai 2010, et à ce titre actionnaire de la société Gitem depuis le 27 juin 2016, a notifié, par courrier du 12 décembre 2018, son intention de voir cesser toutes « relations contractuelles » avec les entités précitées pour le 31 décembre 2018.
Si les parties s'accordent sur le fait que ce courrier vaut exercice par la société Caraïbe de son droit de retrait en application de l'article 11 des statuts, se trouvent en discussion la validité de cette notification et les conséquences de cette dernière.
Les statuts de la coopérative SA Gitem, anciennement Euronics, qui est une société à capital variable, prévoient en leur article 11 que « tout associé a le droit de se retirer, mais seulement à la fin d'un exercice social. Il devra faire notification de sa démission par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au Président du Conseil de surveillance au moins trois mois avant la date de clôture de l'exercice ».
La validité de cette clause n'est pas contestée par les parties, son objet n'étant que de réglementer la mise en œuvre de cette liberté individuelle reconnue à chaque associé, suivant des modalités clairement définies et qui ne conduisent pas à entraver exagérément le droit de retrait.
Cette clause stipule uniquement à la charge de l'associé l'obligation de respecter, d'une part, une temporalité, en prévoyant un retrait seulement à la fin de l'exercice social, d'autre part, un préavis, en imposant que soit adressée une lettre recommandée avec accusé de réception au président du conseil de surveillance, au moins trois mois avant la date de clôture de l'exercice, pour rendre effectif le retrait.
La société Gitem ne saurait dénaturer les obligations claires et précises que renferme l'article 11, et ajouter à la stipulation précitée en soutenant que l'irrégularité dans la mise en œuvre du droit de retrait peut être sanctionnée par la nullité de ce retrait et de cette notification.
Aucun texte ne prévoyant la nullité à titre de sanction d'un non-respect des modalités prévues par la clause statutaire précitée, la décision des premiers juges ayant déclaré nulle et de nul effet la notification effectuée par la société Caraïbe ne peut qu'être infirmée.
Par contre, le fait que la société Gitem n'ait subi aucun préjudice du fait du non-respect du délai de préavis ou qu'aucune clause ne vienne sanctionner la notification irrégulière notamment par application d'une clause pénale, ne saurait pour autant rendre efficace le droit de retrait exercé en dehors des conditions de mises en œuvre prévues statutairement.
En effet, il se déduit de la clause précitée que tout associé peut se retirer de ladite coopérative à la fin de chaque exercice social, soit au 31 décembre de l'année suivant sa notification, à condition que cette dernière ait été adressée 3 mois auparavant, soit en l'occurrence, au plus tard le 30 septembre 2018.
Si la notification effectuée de manière tardive n'est pas nulle, elle ne saurait produire effet avant la fin du premier exercice social utile, soit, en l'espèce, le 31 décembre 2019.
C'est donc à juste titre que les premiers juges, qui ont constaté l'irrégularité de la notification faite le 12 décembre 2018, ont estimé que le retrait de la société Caraïbe ne pourrait prendre effet qu'à compter du 31 décembre 2019.
Cette société ne peut utilement arguer d'une limite exagérée à son droit de retrait, en ce qu'il lui serait ainsi imposé une année de cotisations supplémentaires, dès lors qu'il lui appartenait, pour que son droit au retrait soit effectif et efficace à la date souhaitée, de se soumettre au formalisme institué par les statuts, auxquels elle avait librement consenti lors de son adhésion.
Par ailleurs, la société Caraïbe ne peut déduire de la seule date de l'assignation délivrée en février 2019, soit avant que l'année 2019 ne se soit écoulée, une prise d'acte de la résiliation et une volonté de la société Gitem de ne pas fournir de contrepartie. Tout au plus l'exigibilité d'une partie de la créance, compte tenu de la prématurité de l'action, n'était pas effective.
Dès lors, la décision des premiers juges est confirmée en ce qu'elle a dit et jugé qu'en tout état de cause, le retrait de la SARL Caraïbe de la coopérative SA Gitem ne peut prendre effet qu'à compter du 31 décembre 2019.
II- Sur les demandes de la société Gitem
Au titre des cotisations jusqu'au 31 décembre 2019,
La société Caraïbe plaide que dans l'hypothèse où la cour considérerait que son retrait a pris effet au 31 décembre 2019, aucune des sommes n'était due à titre de redevances du fait de l'absence de contrepartie.
La société Gitem expose que la société Caraïbe ne peut se retrancher derrière l'absence de sanction prévue pour un retrait irrégulier pour estimer son départ valable au 31 décembre 2018 et limiter le préjudice subi à 2 mois et 12 jours.
Faute de retrait régulier, la société Caraïbe, demeurant coopérateur, reste redevable des cotisations dues en application des statuts et du règlement intérieur de la coopérative. Elle conteste l'absence de contrepartie et ajoute que les pièces établissent que l'appelante a continué à utiliser les marques Euronics et Gitem de janvier à au moins août 2019.
Elle estime que cela justifie l'octroi des cotisations échues jusqu'au 31 décembre 2019, ou à tout le moins une indemnisation en réparation de son préjudice du montant des cotisations échues.
Réponse de la cour,
Selon l'ancien article 1134 du code civil, applicable en la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 2 du règlement intérieur de la coopérative prévoit que chaque adhérent doit régler mensuellement une ou des cotisations dont les modalités de fixation et de montant sont déterminées, d'une part, dans le contrat d'enseigne signé entre l'adhérent et le GIE Gitem, et d'autre part, par le conseil d'administration de la coopérative d'Euronics de manière annuelle, comprenant notamment : une cotisation fixe destinée aux frais de gestion, une cotisation publicitaire le cas échéant, une participation aux frais de transports.
Compte tenu de l'adhésion aux statuts de la coopérative, aux stipulations du règlement intérieur et aux conditions d'admission et de cotisation, remises lors de son adhésion en 2010, la société Caraïbe en sa qualité de d'adhérent coopérateur est redevable de commissions tant que son retrait n'est pas effectif, soit en l'espèce jusqu'au 31 décembre 2019.
Le caractère contractuel de son obligation prive de toute pertinence les développements de la société Caraïbe relatifs à un préjudice subi limité à 2 mois et 12 jours.
Par ailleurs, en pointant l'absence de contrepartie aux cotisations exigées, la société Caraïbe se prévaut en réalité d'une exception d'inexécution à la demande en paiement, et il lui appartient, dans ce cas, de justifier de l'inexécution et de la proportionnalité de la sanction mise en œuvre.
Or, elle se contente d'affirmer l'absence de toute contrepartie, sans en apporter la preuve, étant observé qu'il ressort des pièces communiquées que, quand bien même la société Gitem pouvait éprouver des difficultés, notamment en raison de la défaillance de sa filiale logistique, cette dernière a conclu des accords avec la société GP dis pour pouvoir répondre à ses obligations, notamment en termes d'approvisionnement des adhérents.
Enfin, à juste titre, les premiers juges ont souligné que l'absence d'utilisation des services de la coopérative, à supposer ce fait établi, n'était pas de nature à faire perdre la qualité d'associé coopérateur et à le libérer de son obligation de payer les cotisations contractuellement dues.
Au surplus, il sera observé que les pièces versées aux débats permettent de constater que la société Caraïbe a poursuivi l'utilisation de l'enseigne Euronics au-delà du mois de décembre 2018, ce qu'elle pouvait légitimement faire d'ailleurs, compte tenu de son retrait qui n'était effectif qu'au 31 décembre 2019.
La créance de cotisations pour l'année 2019 est donc due. Compte tenu des pièces versées aux débats, et notamment de l'extrait de compte « tiers cotisation » et des factures de la société Gitem, elle s'élève à la somme de 29 040 euros.
Une déclaration de créance se référant au jugement du tribunal de commerce d'Arras ayant octroyé cette somme a été adressée par la société Gitem le 16 novembre 2022.
S'agissant d'une créance trouvant son origine antérieurement à la procédure collective de la société Caraïbe, ouverte le 3 novembre 2012, dont aucune des parties ne soutient le caractère utile, la décision du tribunal de commerce est confirmée en ce qu'elle a fait droit à ce chef de demande de la société Gitem, sauf à préciser, compte tenu des règles applicables en matière de procédure collective, qu'il ne s'agit plus d'une condamnation mais d'une fixation au passif de la procédure collective de la société Caraïbe à hauteur de 29 040 euros au titre des cotisations dues jusqu'au 31 décembre 2019.
Au titre des cotisations impayées pour l'année 2018,
Compte tenu des documents contractuels ou statutaires précités, les cotisations de l'année 2018, s'agissant également d'une créance antérieure à la procédure collective de la société Caraïbe et trouvant sa source dans sa qualité d'adhérent coopérateur, sont dues. Cette dernière société n'apporte pas plus la preuve qui lui incombe d'une absence de contrepartie de la société Gitem.
Il ressort des pièces produites que les mensualités de janvier et mars 2018 ont été honorées, laissant impayée la somme de 24 200 euros au titre des autres cotisations pour l'année 2018.
En conséquence, et compte tenu des rappels ci-dessus évoqués concernant la qualité de coopérateur et l'exigibilité de la créance antérieurement à la procédure collective de la société Caraïbe, la confirmation de la décision entreprise s'impose, sauf à préciser qu'il ne s'agit plus d'une condamnation, mais d'une fixation de créance au passif de la société Caraïbe de ce chef à hauteur de 24 200 euros.
Au titre des commissions qu'aurait dû verser la société GP dis à la société Gitem.
La société Caraïbe fait remarquer en premier lieu que la société GP dis n'est pas partie à la présente procédure, qu'on ignore si les prétendues commissions qui seraient dues par la société GP dis à la société Gitem ont été réclamées, et qu'elle-même n'est partie à aucune des conventions conclues entre les sociétés Euronics et GP dis.
Elle fait observer que cette proposition d'approvisionnement non exclusif et temporaire concernait les magasins Gitem figurant sur une annexe au contrat et qu'elle ne figure pas parmi les établissements concernés.
La société Caraïbe note que la société Gitem concède ce fait et ne peut tenter de l'expliquer par le fait que la liste ne concernerait que les magasins situés en métropole et qu'il faudrait prendre en compte la plateforme d'approvisionnement située à [Localité 3] pour les DOM-TOM.
Elle conclut que le contrat-cadre ne lui est pas opposable et qu'elle n'est pas concernée par ce contrat, n'ayant en outre jamais utilisé l'enseigne Gitem, ce qui ne fait l'objet d'aucune contestation. La société Gitem ne peut donc prétendre à un manque à gagner du fait de l'absence de reversement de commissions par la société GP dis sur les ventes faites à la société Caraïbe. Elle observe que de tels engagements imposés seraient manifestement contraires au droit de la libre concurrence et au libre choix des fournisseurs.
Elle ajoute que le montant réclamé ne correspond pas de toute façon à la rémunération prévue dans les avenants 1 puis 2 et que la convention désigne expressément la société GP dis comme débitrice d'une commission et non elle-même.
Elle conteste le fondement contractuel envisagé à titre subsidiaire par la société Gitem, soulignant ne pas être partie à la convention et précise qu'aucune disposition des statuts ne prévoit une obligation de se fournir auprès de la société GP dis. Elle estime que la clause du règlement intérieur de « faire de son mieux » ne peut constituer une obligation de résultat, à l'origine d'un approvisionnement obligatoire et exclusif auprès de la société GP dis, le contrat d'approvisionnement entre cette dernière et la société Gitem qualifiant d'ailleurs l'approvisionnement de non exclusif.
La société Caraïbe réplique que, même si l'indemnisation d'une rupture brutale pouvait être invoquée, ce qui n'est pas le cas, s'agissant des sociétés coopératives et associés, la société Gitem ne démontre pas que les conditions permettant de qualifier la notification de « brutale » sont réunies.
La société Gitem plaide que, bien que n'étant tenue à aucun approvisionnement exclusif auprès de la société GP dis, la SARL Caraïbe s'est toujours approvisionnée auprès de cette dernière, avant et après la rupture. Ainsi, à partir de fin 2018 et avant même la correspondance du 12 décembre 2018, puis en 2019, la société Caraïbe a négocié directement auprès de la société GP dis au mépris du règlement et de sa qualité d'adhérent.
La société Gitem ajoute que, comme l'a jugé le tribunal, en nouant des accords commerciaux directement avec la société GP dis, elle a privé la coopérative du versement des commissions dues au titre du contrat de logistique (3 % de commissions). Elle conclut que l'approvisionnement direct constitue une brusque rupture qui n'aurait pas dû intervenir si les statuts avaient été respectés jusqu'à la date statutaire du 31 décembre 2019.
La société Gitem réplique que la société Caraïbe ne peut se prévaloir de sa qualité de tiers au contrat d'approvisionnement qui ne lui serait pas opposable, au motif qu'elle ne figure pas dans la liste des établissements annexée à ce contrat. Elle pointe que l'entrée en relation avec ce fournisseur n'a eu lieu que par l'entremise de la coopérative et ensuite a été maintenue en violation des accords existants.
Elle en conclut que la fraude et la violation du contrat de 2015 qui n'a pas été respecté par la société Caraïbe, ce qui est une faute, doit donner lieu à indemnisation, la cour pouvant, si elle considère les pièces insuffisantes, ordonner une expertise. La rétribution perdue est due sur le fondement de l'article 1134 du code civil et, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1147 du code civil.
La société Gitem oppose n'avoir jamais prétendu que l'appelante aurait signé le contrat d'approvisionnement cadre avec la société GP dis. Elle ajoute que le fait que l'appelante n'apparaisse pas dans la liste en annexe est inopérant, s'agissant d'une liste des magasins Gitem sur le territoire national, qu'en qualité de coopérateur, elle est un magasin Euronics nouvellement Gitem, et que le contrat régularisé par la coopérative Gitem et la société GP dis est applicable à tous les coopérateurs dont ceux situés hors de la France métropolitaine.
Elle observe que la société Caraïbe s'est engagée en tant qu'associé coopérateur, à faire son possible pour effectuer ses achats auprès de la société Logitec, puis du fait de sa liquidation judiciaire auprès de la société GP dis, l'autre société indiquée par la coopérative, en conformité avec l'article 5 qui n'est donc pas sans objet.
Réponse de la cour,
L'article 5 du règlement intérieur stipule que « la société coopérative Euronics a des liens étroits avec sa filiale Logitec ['], puisqu'elle lui a apporté sa branche d'activité de centrale d'achat et de logistique (stockage et livraison), et ce, dans le but de fournir une prestation de négoce de produits de qualité contribuant au développement de l'activité de l'adhérent sous l'enseigne qu'il a choisi d'arborer. Dans ce cadre l'adhérent s'engage à faire de son mieux/à faire son possible, dans l'intérêt du groupement, pour effectuer ses achats par l'intermédiaire de la société Logitec et/ ou de toute autre société indiquée par la coopérative Euronics France ».
Il est constant que la société Caraïbe a adhéré à ce règlement, qui constitue la loi des parties, et s'est engagée à « faire de son mieux ou tout son possible », pour s'approvisionner auprès de la société Logitec « et/ou toute autre société indiquée par la coopérative Euronics », ce qu'elle a manifestement fait en ayant recours, dans un premier temps, à la filiale de la société Euronics puis à la société GP dis.
Ce fait est établi par l'attestation de l'expert-comptable de la société Gitem reprenant les chiffres d'affaires mensuels réalisés par la société Caraïbe auprès de la société GP dis (2 178 572 euros pour l'année 2017 et 2 413 802 euros pour l'année 2018), et adressée par cette dernière société à la société Gitem, pour permettre le calcul des commissions dues par la société GP dis à la société Gitem en vertu des contrats-cadres et avenants autorisés par le juge-commissaire.
En effet, pour faire face à la défaillance de la société Logitec, sa filiale, la société Gitem a conclu des contrats-cadres et accords commerciaux avec la société GP dis afin de « désigner GPdis en qualité de grossiste, comme fournisseur privilégié non exclusif des magasins Gitem en produits et de formaliser les conditions d'approvisionnement », une annexe à ces conventions comportant la liste de magasins entrant dans le champ d'application du contrat (convention cadre du 1er décembre 2015 et ses avenants 1 et 2 et celui pour la période de redressement judiciaire).
Il est prévu en contrepartie de ces présentations le versement d'une commission calculée sur le chiffre d'affaires réalisé par les magasins Gitem auprès de la société GP dis.
La polémique qu'entretient la société Caraïbe quant à l'opposabilité du contrat-cadre et des avenants, quant au champ d'application du contrat-cadre, lié à la dénomination « Magasin Gitem » et aux seuls magasins listés dans l'annexe au contrat, ou encore quant au débiteur des commissions, sont sans emport dès lors, d'une part, que la société Gitem ne se fonde aucunement sur les conventions la liant à la société GP dis mais sur le non-respect des dispositions statutaires à laquelle cette société a consenti en adhérant à la coopérative, d'autre part, qu'elle sollicite non le reversement de commissions mais des dommages et intérêts en réparation de la faute contractuelle personnelle commise par la société Caraïbe.
En effet, la société Gitem invoque certes un non-respect de la convention de 2015 par la société Caraïbe, laquelle est tiers à la convention et ne pourrait voir sa responsabilité engagée pour manquement à ladite convention que sur le fondement délictuel, mais indique agir en responsabilité au visa des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, reprochant un comportement la privant des commissions qu'elle s'attendait à voir versées par la société GP dis.
Le débat sur la non-application de l'article L. 442-6-1 du code de commerce aux liens unissant une société coopérative à son associé, lesdits liens étant régis par les statuts exclusivement, n'est pas plus opérant en l'espèce, l'emploi des termes « brusque rupture » ou « rupture brutale » par la société Gitem n'étant que le résultat d'une impropriété de langage.
Ainsi, la cour comprend des développements confus de la société Gitem sur cette faute, que cette dernière société reproche en réalité à la société Caraïbe, sous la dénomination « brusque rupture », la rupture anticipée de ses approvisionnements sur l'année 2019, et ce malgré le maintien des liens d'adhésion jusqu'au 31 décembre 2019, et la passation de commandes directement auprès de la société GP dis en contournement de la procédure contractuellement prévue entre les parties.
Tout d'abord, le retrait de la coopérative ne saurait être qualifié de brutal dès lors qu'il n'a été effectif qu'au 31 décembre 2019, soit plus d'une année après avoir été notifié à la société Gitem.
Au vu de la faute invoquée par la société Gitem, il lui appartient de démontrer l'existence d'une obligation d'approvisionnement s'imposant à la société Caraïbe et la réalité du contournement de cet engagement.
Or, le règlement intérieur de la coopérative ne comporte aucune obligation minimale d'approvisionnement pour l'adhérent auprès de l'intermédiaire désigné, mais prévoit uniquement une « clause de meilleurs efforts », puisqu'il est stipulé uniquement « une obligation de faire son mieux » ou « tout son possible ».
Il n'est pas plus édicté de sanction au non-respect de cet engagement, qui n'est alors qu'un simple engagement de moyens et il ne ressort pas des stipulations précitées une obligation exclusive pour l'adhérent de se fournir auprès de l'intermédiaire désigné.
Ainsi, il n'existait pas de droit acquis pour la société Gitem de voir réaliser par la société Caraïbe un chiffre d'affaires équivalent à celui établi les années précédentes, et notamment en 2017 et en 2018, jusqu'à la date effective de son retrait, soit le 31 décembre 2019.
Les pièces produites sont en outre insuffisantes à établir la passation de commandes directement par la société Caraïbe auprès de la société GP dis, ou un contournement de la procédure contractuellement envisagée par les parties auprès de l'intermédiaire, notamment instrumentalisant une autre des sociétés de la famille [P], la société K-distrib.
Tel est le cas du mail de la société Gitem du 1er février 2019 à la société GP dis, avec l'intitulé « chiffres manquants » précisant que « les établissements Caraïbe n'apparaissent plus dans la base de données Activités GP dis, les deux comptes adhérents manquants ne se trouvent pas à Euronics ni à K distrib. Ce doit être un bug informatique ».
La société Caraïbe est une entité distincte de la société K-distrib, laquelle n'est pas liée par les stipulations du règlement intérieur précité et peut parfaitement nouer des accords directement avec la société GP Dis pour se fournir en matériel.
Il n'existe d'ailleurs aucune interdiction pour le gérant d'un adhérent de disposer directement ou indirectement d'intérêt dans une personne morale distincte du coopérateur et d'entretenir au profit de cette personne morale distincte des liens avec l'intermédiaire désigné par la coopérative.
La seule présence de conteneurs adressés à la société K-distrib par la société GP dis ne permet pas d'établir un approvisionnement de matériels en provenance de cette dernière société à destination de la société Caraïbe ou d'une réception de ce matériel par la société K-distrib qui l'aurait réadressé à la société Caraïbe.
Il n'est ainsi pas offert le moindre commencement de preuve de ces éléments. La carence manifeste de la société Gitem dans l'administration de la preuve qui lui incombe étant ne saurait être suppléee par une mesure d'instruction, en application de l'article 146 du code de procédure civile.
Au surplus, il sera observé que la demande subsidiaire d'expertise formulée par la société Gitem ne serait aucunement utile à établir l'existence de la faute invoquée ni l'ampleur du préjudice qui en aurait résulté, puisqu'elle sollicite uniquement une mesure technique en vue de déterminer les chiffres d'affaires réalisés par la société Caraïbe auprès de la société GP dis au titre des années 2017 et 2018, ce qui est dépourvu de tout intérêt en l'espèce.
Cette demande ne peut qu'être rejetée. La décision entreprise est infirmée en ce qu'elle a condamné la société Caraïbe de ce chef à la somme de 64 000 euros.
Sur l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 6 du règlement intérieur et l'astreinte ordonnée par le tribunal de commerce d'Arras
La société Caraïbe fait remarquer la contradiction qui sous-tend cette demande puisque la société Gitem soutient qu'elle serait restée membre de la coopérative jusqu'au 31 décembre 2019 et sollicite pour autant des pénalités pour non-retrait de l'enseigne à compter du 1er janvier 2019.
Elle souligne que, quand bien même la cour retiendrait un retrait au 31 décembre 2018, aucune somme ne peut être réclamée à ce titre par la société Gitem, à elle-même et encore moins à M. [P] à titre personnel.
Elle estime que l'article 6 doit être analysé comme une clause pénale. Elle précise qu'elle n'a commis aucun manquement à cette obligation de retrait et n'a nullement été mise en demeure. Elle ajoute qu'elle avait jusqu'au 31 janvier 2019 pour cesser l'utilisation de la marque. Or, le seul fait invoqué date de début janvier 2019.
Elle plaide enfin que la société Gitem fait preuve de mauvaise foi dans la mise à exécution du contrat, n'ayant jamais adressé de mise en demeure de cesser l'utilisation de l'enseigne, ce qui a pour conséquence de rendre inapplicable la clause et de caractériser son invocation de mauvaise foi dans le présent litige.
Elle demande qu'il soit fait usage du pouvoir modérateur du juge et précise que le préjudice de la société Gitem est inexistant puisqu'elle exploite sous l'enseigne Gitem et non Euronics, rendant ainsi inexistant tout dommage à la marque Gitem.
La société Gitem souligne le caractère subsidiaire de cette demande, au cas où la cour considérerait que le retrait prend effet au 31 décembre 2018.
Elle considère que l'utilisation sans droit des signes et marques Euronics et Gitem justifie une indemnité forfaitaire de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, une utilisation minimale sur la période du 1er janvier 2019 au 15 août 2019, soit 227 jours, donnant naissance à une indemnité de 227 000 euros, ce qui induit d'ores et déjà une indemnité forfaitaire.
Elle conteste l'affirmation de l'appelante qui nie l'utilisation et qui souligne la contradiction de cette demande avec celle en paiement des cotisations jusqu'au 31 décembre 2019. Elle estime que la société Caraïbe ne peut se retrancher derrière le changement d'enseigne de la coopérative en 2016, puisque c'était en sa qualité d'associé de la coopérative qu'elle a pu bénéficier de l'enseigne Euronics.
Elle estime que l'appelante n'établit pas en quoi la coopérative ne pourrait obtenir réparation du préjudice résultant de la violation de ses statuts par un ancien coopérateur qui a continué à utiliser cette enseigne obtenue en cette seule qualité (Euronics), et en communiquant via la marque Gitem.
Elle ajoute que cette demande ne se confond pas avec la pratique parasitaire déloyale de l'utilisation concomitante des marque et dénomination Euronics avec la dénomination Pulsat exposée ci-après, reposant sur des faits différents, objet d'une demande de dommages et intérêts d'un montant de 100 000 euros.
Elle considère que c'est à tort qu'est invoqué l'article 1231-5 du code civil, l'appelante l'ayant mise devant le fait accompli, n'ayant plus payé la moindre cotisation et s'étant comportée en concurrent direct et ayant enfin été mise en demeure par l'assignation.
Réponse de la cour,
La demande au titre d'un manquement à l'article 6 du règlement intérieur n'étant présentée par la société Gitem que subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas un retrait irrégulier ne pouvant produire effet avant le 31 décembre 2019, aucune contradiction interne ne saurait être invoquée par la société Caraïbe contre la société Gitem.
La cour ayant précédemment jugé que le retrait ne pouvait produire effet qu'à compter du 31 décembre 2019, elle n'est pas saisie de la demande subsidiaire de la société Gitem d'octroi d'une somme de 227 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour utilisation sans droit des signes distinctifs Euronics et Gitem du 1er janvier au 15 août 2019. Cela rend dès lors, sans objet les développements relatifs, d'une part, à la présence ou non de cette créance dans la déclaration effectuée par la société Gitem à la procédure collective de la société Caraïbe, d'autre part, à la possibilité ou non pour la société Gitem de revendiquer cette marque et ces signes distinctifs.
Il ressort en revanche également du dispositif des écritures de la société Gitem qu'elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé une astreinte de 1 000 euros en vue de faire cesser toute utilisation de l'enseigne Euronics.
Il n'est pas précisé le point de départ de cette obligation, qui toutefois, compte tenu des faits de la cause, ne peut exister qu'à compter du retrait effectif de la société Caraïbe de la coopérative précitée, soit à compter du 31 décembre 2019.
Or, sans même qu'il soit nécessaire de s'interroger sur les contours de la déclaration de créance, laquelle ne comporte aucune allusion à cette astreinte, ou sur le droit pour la société Gitem de revendiquer l'utilisation exclusive de l'enseigne Euronics, force est de constater qu'aucune des pièces versées aux débats ne vient établir une utilisation de ces signes par la société Caraïbe postérieurement au 31 décembre 2019.
Dès lors, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Caraïbe, sous astreinte de 1 000 euros à compter de la signification du jugement, à cesser l'utilisation de l'enseigne Euronics.
5) sur la demande de dommages et intérêts pour pratique déloyale parasitaire
La société Caraïbe fait valoir que la société Gitem maintient, outre cette demande d'indemnité forfaitaire au titre de l'utilisation des marques Euronics et Gitem, la demande de 100 000 euros pour les actes parasitaires caractérisés par l'utilisation de la marque Euronics, ce qui revient à indemniser un préjudice identique.
Elle précise que toute référence à la société K-distrib, qui n'a jamais été membre de la coopérative et n'a jamais été exploitée sous l'enseigne Euronics, ou Gitem, est hors de propos.
La société Caraïbe conteste tout acte de parasitisme par confusion, notamment entre les marques Euronics et Pulsat.
Elle conclut à l'infirmation de toute façon de la décision à l'encontre de M. [P], faute de caractérisation d'une faute séparable de ses fonctions de dirigeant.
Elle souligne qu'elle n'est pas un magasin Gitem et que les éventuelles inexécutions contractuelles de la société GP dis ne peuvent lui être imputées. Non concernée par l'accord, elle estime qu'elle avait le droit de se fournir, ou non, auprès de la société GP dis, d'autant que les statuts de la coopérative, traitant du retrait d'un membre, ne prévoient aucune clause limitative ou restrictive de concurrence. Le règlement ne permet pas plus de fonder une quelconque interdiction de contracter directement avec la société GP dis.
La société Caraïbe ajoute que le non-reversement des commissions serait de toute façon imputable à la société GP dis, et non à elle-même, et qu'elle ne peut se voir reprocher qu'un tiers à la présente procédure, la société K-distrib, se soit fourni auprès de la société GP dis. Elle fait observer que la société Gitem confond volontairement les deux entités, l'exploitant du magasin sous l'enseigne Pulsat n'était pas en 2019 elle-même mais la société K distrib, personne morale distincte et dont le gérant n'est pas M. [S] [P], mais M. [E] [P].
Elle revient sur l'apposition très temporaire des marques Euronics et Pulsat, sur un catalogue qui n'avait que pour but de présenter l'ensemble des magasins de la famille [P] et distinguait bien chacune des enseignes.
Elle fait remarquer, enfin, que la société Gitem ne peut sérieusement soutenir avoir subi un préjudice du fait de la juxtaposition de la marque Pulsat avec une de ses marques, alors qu'à cette époque, elle avait également entrepris un rapprochement avec le détenteur de la marque Pulsat et qu'elle communiquait sur cette alliance.
Elle conteste toute volonté de se placer dans le sillage d'autrui et pointe que l'enseigne Euronics n'était plus utilisée par la société Gitem depuis 2016, de sorte que cette mention ne peut avoir aucun effet parasitaire. Elle observe que, depuis son retrait du GEIE Euronics, la société Gitem n'avait plus le droit d'utiliser la marque Euronics, dont seul le GEIE est propriétaire. Enfin, elle se prévaut de la tolérance de cette pratique, la société Gitem ayant gardé le silence à la parution des prospectus.
À titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de préjudice et d'absence de lien de causalité entre le préjudice et la faute.
La société Gitem plaide que la démarche de non-respect du préavis statutaire s'intègre dans une démarche parasitaire déloyale en complicité avec la société GP dis, en obtenant la livraison directe d'électroménager par cette dernière, alors qu'elle était en partenariat avec elle-même.
Elle ajoute qu'en travaillant directement avec la société GP dis, en connaissance de l'échec du projet de rapprochement entre elle-même et la société GP dis, la société Caraïbe lui a occasionné un préjudice, semant la confusion sur la distinction entre les deux enseignes et faisant croire à un transfert d'entreprise.
Elle précise que son adhérent a décidé de circonvenir le lien coopératif pour traiter directement avec le prestataire qui lui avait été présenté par la coopérative, ce qui a été fait en 2015, 2016, 2017.
Elle souligne que cette déloyauté était avérée compte tenu du détournement des signes commerciaux (enseignes, agencement de magasin) par M. [P], sous l'instigation de GP dis et qu'il existe une pratique parasitaire visant à capter, par l'usage de l'enseigne Euronics, une clientèle soucieuse de conserver des points de repère visuels, essentiellement à l'égard d'Euronics, ancienne dénomination de la SA Gitem, pour y associer un autre signe, Pulsat.
Elle réfute procéder à une quelconque confusion entre les différents magasins de la famille [P]. L'utilisation conjointe des deux enseignes a été faite pour faire connaître un magasin à [Localité 4], et ne visait pas uniquement le magasin litigieux, mais laissait croire que l'enseigne Euronics disparaissait au profit de l'enseigne Pulsat.
Elle estime qu'il s'agit d'une faute intentionnelle, imputable à la société et également à son gérant, et d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
Elle précise que tant le préjudice que le lien de causalité entre la faute et le préjudice sont établis.
Réponse de la cour,
Aux termes des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, devenus 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'action en concurrence déloyale ou parasitaire peut être mise en œuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif (action en contrefaçon), ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif.
Les comportements et procédés appréhendés par ces actions sont nombreux et variés. Ils ont en commun de constituer un manquement aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle, n'impliquant pas nécessairement la mauvaise foi.
Le parasitisme est l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s'il n'avait pas bénéficié des efforts de l'autre.
Selon les dispositions de l'article L. 225-251 du code de commerce, rendu applicable aux SAS et à leurs dirigeants par les articles L. 227-1 et L. 227-8 du code de commerce, le président d'une SAS ainsi que les autres dirigeants de celle-ci sont responsables individuellement envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
A l'égard des tiers, la Cour de cassation estime que seule la faute détachable des fonctions peut être reprochée au président de la SAS, la faute détachable s'entendant comme une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions (par exemple, Cass.Civ.3ème, 10 mars 2016, RG n° 14-15.326).
En l'espèce, la société Gitem reproche des « pratiques parasitaires déloyales de la SARL Caraïbe et la faute de son mandataire social [S] [P] », envisageant pêle-mêle les négociations existant en 2017 en vue de la « création d'un nouveau magasin pour ce coopérateur », puis l'abandon des négociations et la création d'un magasin à [Localité 4] sous une enseigne concurrente Pulsat, la rupture déloyale du lien de coopérateur par des commandes passées en direct auprès de GP dis par M. [P] et la société Caraïbe, une utilisation juxtaposée des enseignes Pulsat et Euronics, créant une confusion entre les signes, une volonté de faire croire à un changement d'enseigne non d'un magasin précis mais à la disparition de l'enseigne Euronics au profit de l'enseigne Pulsat.
En premier lieu, le caractère confus des développements de la société Gitem rend délicate la détermination de l'auteur des comportements qu'elle liste. Ainsi, le terme « coopérateur », utilisé à maintes reprises, paraît renvoyer alternativement à M. [S] [P] ou à la société Caraïbe. Or, seule la société Caraïbe a cette qualité.
La société Gitem ne prend pas plus garde, d'une part, à la coexistence d'autres sociétés appartenant à la famille [P], notamment la société K-distrib, entité distincte de la société Caraïbe et qui n'est pas coopérateur, d'autre part, à la présence d'autres dirigeants, notamment M. [E] [P].
Enfin, la société Gitem fait un amalgame entre les différents magasins de la famille [P], sans singulariser le dernier magasin créé, situé à [Localité 4], qui n'est pas géré par M. [S] [P], et n'est pas détenu par la société Caraïbe.
En second lieu, alors même que la société Gitem envisage une responsabilité personnelle du dirigeant et une condamnation solidaire de ce dernier avec la société Caraïbe, elle ne consacre aucun développement à la caractérisation d'une faute détachable commise par M. [P] au sens de la jurisprudence ci-dessus exposée. Ainsi n'est-il nullement alléguée et établie l'existence d'une faute intentionnelle commise par le dirigeant d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociétales, toutes conditions nécessaires à l'engagement de sa responsabilité personnelle vis-à-vis d'un tiers.
En troisième lieu, il ne saurait être reproché ni à M. [S] [P] ni à la société Caraïbe la constitution par une autre entité d'un nouveau magasin ou encore le fait que les négociations menées initialement pour créer ce magasin sous l'enseigne Gitem aient pu échouer, ce magasin ayant été ouvert par une autre entité sous l'enseigne concurrente, compte tenu de l'absence de clause d'exclusivité ou de non-concurrence directe ou indirecte prévue par les stipulations statutaires ou réglementaires de la coopérative, et des principes de liberté d'entreprendre et de la concurrence.
Il n'est pas plus établi par les pièces versées aux débats que des commandes auraient été passées directement par M. [S] [P] ou la société Caraïbe à leur profit direct et personnel auprès de la société GP dis, les développements relatifs à un contournement de la procédure régissant les relations des parties et leur lien avec l'intermédiaire désigné par la coopérative sur l'année 2019 procédant d'affirmations non étayées.
Il sera tout autant observé que les griefs formulés par la société Gitem à l'encontre de la société GP dis, avec qui un rapprochement avait un temps été envisagé, ne sont pas l'objet du présent litige.
Enfin, s'agissant de l'utilisation juxtaposée des enseignes Pulsat et Euronics, créant une confusion entre les signes, et de la volonté de faire croire non à un changement d'enseigne limité à un magasin précis mais à la disparition de l'enseigne Euronics au profit de l'enseigne Pulsat, la société Gitem se prévaut de publications sur la période de janvier 2019 à mai-juin 2019 pour estimer établie cette faute tant à l'égard de M. [S] [P] que la société Caraïbe.
A supposer que cette faute soit établie, il n'est nullement démontré qu'il s'agisse d'une faute détachable des fonctions justifiant la condamnation du dirigeant à titre personnel.
Par ailleurs, il ne saurait être fait reproche à la société Caraïbe d'une utilisation de la seule dénomination Euronics jusqu'au 31 décembre 2019, étant alors toujours coopérateur et ayant toujours exercé sous cette enseigne.
Ainsi, il ne saurait être considéré comme fautif la juxtaposition des deux enseignes Euronics et Pulsat sur ces publications, dès lors qu'elles portent également la précision, sous chaque enseigne concernée, de l'adresse des magasins en dépendant, et notamment sous l'enseigne Pulsat, l'identification claire du magasin de [Localité 4].
Il n'en est pas de même de la publication de juillet 2019 « Euronics devient O Pulsat, plus de 400 magasins », comportant l'adresse de chacun des magasins détenus par la famille [P], lesquels portent tous dans leur dénomination désormais la mention Pulsat, alors même que la société Caraïbe était toujours coopératrice à l'époque, son droit de retrait n'étant effectif qu'à compter du 31 décembre 2019.
Cependant, il ressort des pièces produites par les parties, premièrement, que lors de l'assemblée générale mixte ordinaire annuelle et extraordinaire de la société Euronics du 27 juin 2016, il a été voté le changement de sa dénomination sociale et l'adoption de la dénomination sociale Gitem en remplacement de la société Euronics.
Deuxièmement, à compter de cette date, la société Gitem n'a plus utilisé effectivement cette enseigne Euronics, communiquant d'ailleurs dans les médias, sur l'abandon de cette enseigne et le rapatriement des magasins sous l'enseigne Gitem à compter de juin 2016, comme en attestent les coupures de presses versées aux débats par la société Caraïbe et M. [P].
Troisièmement, la société Gitem ne démontre pas être propriétaire de cette marque, laquelle a été déposée au niveau européen à l'INPI par le GIE Euronics international.
Quatrièmement, aucune pièce ne vient corroborer qu'une clientèle, attachée à cette marque Euronics, existait encore en juillet 2019, date des faits reprochés et que celle-ci, consciente de ce que cette dénomination avait été abandonnée au profit de la dénomination Gitem en 2016, venait encore à ce titre dans les magasins portant la marque Euronics. Il n'est ainsi pas établi que la société Gitem puisse revendiquer un quelconque droit sur cette clientèle, à supposer qu'un tel droit puisse exister au regard des principes de libre concurrence et de liberté de la clientèle.
En conséquence, aucune faute n'est établie par la société Gitem de ce chef tant à l'encontre de la société Caraïbe que de M. [S] [P], à titre personnel. La décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de la société Gitem de ce chef, laquelle est rejetée.
III - Sur la demande reconventionnelle de la société Caraïbe électro cash
La société Caraïbe s'estime bien fondée à demander le remboursement des sommes versées sans contrepartie. Elle précise qu'il n'y a pas lieu de confondre cette demande avec les créances admises au passif de la société Euronics France.
Elle considère avoir versé sans contrepartie des sommes de janvier 2017 à avril 2018, qu'il convient de lui rembourser, la société Gitem n'étant plus en mesure d'assurer les avantages et services qu'elle proposait avant l'ouverture de sa procédure collective et de celle de sa filiale qui assurait le rôle de fournisseur.
En réponse, la société Gitem oppose que ces demandes sont irrecevables, comme ne reposant sur aucune pièce, notamment comptables.
Elle précise que la demande de remboursement du capital, compte courant et intérêts est prématurée, les dispositions statutaires et réglementaires permettant la conservation de ces sommes pendant 5 ans.
Elle ajoute que le jugement arrêtant le plan de continuation de la société Gitem prévoit pour les créanciers internes, définis par le tribunal comme étant ceux relevant de la catégorie des créances de toute nature dues aux actionnaires actuels, que ces créanciers seront réglés après le constat par le tribunal de la parfaite exécution du plan de redressement, dans les conditions qui seront soumises au tribunal avant le constat de la parfaite exécution du plan concernant le passif externe. La demande est de ce chef également prématurée, donc irrecevable, la société Gitem ayant en outre obtenu un allongement de la durée du plan de redressement.
Elle estime que les cotisations versées pour la période de janvier 2017 à avril 2018, en contrepartie de services rendus par la coopérative à cet associé coopérateur, moyennant même la conclusion d'un accord avec un fournisseur privilégié pour permettre la fourniture de marchandises malgré les difficultés rencontrées par la société Logitech, sont dues. La demande de remboursement ne peut donc qu'être rejetée.
Réponse de la cour,
Aux termes des dispositions de l'article L. 622-21, I, du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Aux termes de l'article L. 622-17, I, du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
En l'espèce, le redressement judiciaire de la société Gitem a été ouvert par jugement du 2 octobre 2015. La société Caraïbe sollicite le remboursement des cotisations réglées pour la période de janvier 2017 à avril 2018, faute de contrepartie selon elle.
La créance invoquée est certes une créance postérieure, mais elle n'est néanmoins pas née régulièrement pour les besoins de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.
Dès lors, elle est concernée par l'interruption des poursuites individuelles et la demande formée de ce chef par la société Caraïbe et M. [P] et de ce fait irrecevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Gitem pour s'opposer à cette demande.
IV - Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il convient de leur laisser la charge de leurs propres dépens.
Les demandes d'indemnités procédurales sont rejetées et la décision entreprise infirmée des chefs relatifs aux dépens et à l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
RECOIT les interventions volontaires de la SELARL BCM prise en la personne de Me [J] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Caraïbe électro cash et de la SELARL Montravers [H], prise en la personne de M. [H] en qualité de mandataire judiciaire de de la société Caraïbe électro cash ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé qu'en tout état de cause, le retrait de la société Caraïbe électro cash de la coopération SA Gitem ne pouvait prendre effet qu'à compter du 31 décembre 2019 ;
- condamné la société Caraïbe électro cash à payer à la société Gitem la somme de 29 040 euros et la somme de 24 200 euros, sauf à préciser, compte tenu de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Caraïbe électro cash par jugement du 3 novembre 2022 qu'il ne s'agit plus d'une condamnation, mais d'une fixation au passif de cette société de ces chefs à hauteur de 29 040 euros et de 24 200 euros.
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
REJETTE la demande de nullité formée par la société Gitem formée à l'encontre de la notification du droit de retrait du 12 décembre 2018 ;
DEBOUTE la société Gitem de sa demande au titre de la perte des commissions dues par la société GP dis ;
DEBOUTE la société Gitem de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article 6 du règlement intérieur ;
REJETTE la demande de la société Gitem de cessation de l'utilisation de l'enseigne Euronics sous astreinte ;
DEBOUTE la société Gitem de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Caraïbe électro cash et M. [P], à titre personnel, pour pratique déloyale parasitaire ;
DECLARE irrecevable la demande de la société Caraïbe électro cash formée contre la société Gitem au titre des cotisations réglées sur la période de janvier 2017 à avril 2018 ;
Y ajoutant,
LAISSE à chacune des parties la charge de leurs propres dépens ;
REJETTE les demandes respectives d'indemnité procédurale.