CA Poitiers, 2e ch. civ., 27 février 2024, n° 23/00183
POITIERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
BNP Paribas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pascot
Conseillers :
M. Vetu, M. Lecler
Avocats :
Me Lacaze, Me Gillet
Par acte sous seing privé du 10 septembre 2014, la société anonyme Bnp Paribas (la banque) a consenti à la société Antomax, dont le gérant est Monsieur [U] [N], un prêt à hauteur de 100.000€ au taux de 3,6 % remboursable en 84 mois.
Par acte du même jour, Monsieur [N] s'est porté caution solidaire à hauteur de 57.000€ à concurrence de 50% des sommes restant dues et sans pouvoir dépasser un maximum de 57 500 euros, frais, intérêts et accessoires compris.
Par jugement du 13 décembre 2017, le tribunal de commerce de La Roche sur Yon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Antomax, et a désigné Monsieur [F] [R] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 30 janvier 2018, la banque a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire.
Le 18 octobre 2018, les créances de la banque ont été admises au passif de la liquidation judiciaire à titre de créances privilégiées.
Le 26 novembre 2018, la banque a adressé une mise en demeure à Monsieur [N] en sa qualité de caution, de régler les échéances impayées à hauteur de 32.167,95 €.
Par acte du 16 juillet 2020, la banque a attrait Monsieur [N] devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon.
Dans le dernier état de ses écritures, la banque a demandé de:
- la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- condamner Monsieur [N], en qualité de caution, à lui verser les sommes de 30.258,43 € au titre des 50 % de la créance admise et 9,67 € au titre des intérêts au taux légal arrêtés au 3 juillet 2020, ainsi que les intérêts postérieurs au taux légal jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme ;
- condamner Monsieur [N], en qualité de caution, à lui verser la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 8 novembre 2022, le tribunal de commerce de La Roche sur Yon a :
- dit et jugé la banque partiellement recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
- dit et jugé l'assignation non nulle et débouté Monsieur [N] à ce titre ;
- dit et jugé que le cautionnement de Monsieur [N] pris en date du 10 septembre 2014 dans la limite de 57.500 € n'était pas manifestement disproportionné à ses revenus et ses biens à cette date ;
- dit et jugé que la banque ne justifiait pas avoir satisfait à ses obligations d'information annuelle de la caution au sens de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et encourait les sanctions dont disposait ledit article;
- condamné Monsieur [N] à payer à la banque, au titre de son cautionnement, la somme de 27.137,56 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018, date de la mise en demeure et ce, jusqu'à parfait paiement;
- ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seraient dus pour une année entière ;
- débouté Monsieur [N] de sa demande de délai de paiement pour s'acquitter de sa dette ;
- condamne Monsieur [N] à payer à la banque la somme de 800€ au titre des frais irrépétibles.
Le 19 janvier 2023, Monsieur [N] a relevé appel de ce jugement en intimant la banque.
Le 5 janvier 2024, Monsieur [N] a demandé d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau, de :
- rejeter l'ensemble des demandes de la banque,
à titre subsidiaire,
- réduire le quantum de la créance à son encontre de plus justes proportions en application de la loi, à savoir un montant limité à 19.377,05 euros ;
en tout état de cause,
- lui octroyer les plus larges délais de paiement ;
- condamner la banque à lui payer une indemnité de 4.023 € au titre des frais irrépétibles des deux instances ;
- condamner la banque aux entiers dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil.
Le 12 janvier 2024, la banque a demandé :
- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 8 janvier 2024, la réouverture des débats et le prononcé de l'ordonnance de clôture à la date des plaidoiries le 15 janvier 2024 ;
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- de condamner Monsieur [N], en qualité de caution, à lui payer les sommes suivantes :
- 50 % de la créance admise après application des dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier: 27 137,56 €;
- intérêts postérieurs au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement: mémoire ;
- de dire que tous intérêts échus depuis un an en produiraient eux-mêmes, conformément à l'article 1343-2 du Code Civil ;
- de débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre ;
Y ajoutant.
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner Monsieur [N] aux dépens des deux instances avec, pour ceux de première instance, distraction au profit de son conseil.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
A l'audience de la cour en date du 15 janvier 2024, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
MOTIVATION :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
C'est à la date de son audience du 15 janvier 2024 que la cour a prononcé la clôture de l'instruction de l'affaire.
Dès lors, il y aura lieu de déclarer sans objet la demande de la banque tendant à ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture annoncée au 8 janvier 2024, selon le calendrier de procédure transmis aux parties, mais qui n'a pas été prononcée.
Observations liminaires :
Eu égard à l'absence de toute critique sur ce point par les parties, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé l'assignation non nulle et débouté Monsieur [N] à ce titre.
Sur le nantissement du fonds de commerce :
Selon l'article 2314 du code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques, et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
L'application de ce texte est subordonnée à l'existence d'un fait de commission ou d'omission imputable au seul créancier.
Il appartient à la caution de démontrer qu'elle ne peut pas, par le fait du créancier, être subrogée dans un droit préférentiel de celui-ci, en démontrant, d'une part, la perte d'un droit préférentiel, et d'autre part, que cette perte résulte de la faute exclusive du créancier.
La caution n'est déchargée qu'à due concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation, et dont elle a été privée par le fait du créancier, et la valeur de ses droits s'apprécie à la date d'exigibilité de l'obligation de la caution, c'est à dire à la date de la défaillance du débiteur principal, sauf si, à cette date, le créancier était empêché de mettre en oeuvre la sûreté.
Mais le bénéfice de subrogation est conditionné à l'existence d'un préjudice essuyé par la caution, et c'est au créancier qu'il appartient de démontrer que la perte du droit préférentiel n'a causé aucun préjudice à la caution, notamment en établissant que le droit perdu ne présentait pas de véritable efficacité, ou encore que malgré le droit perdu, la caution pouvait être subrogée dans d'autres droits préférentiels lui permettant d'obtenir paiement de sa créance.
Selon l'article L. 142-1 du code de commerce,
Le nantissement d'un fonds de commerce ne donne pas au créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds en paiement et jusqu'à due concurrence.
Le créancier nanti est privé du droit de rétention, puisqu'il ne détient pas le fonds de commerce; il ne peut pas plus demander l'attribution judiciaire de ce gage, ce qui est lui expressément refusé par la loi.
En effet, le nantissement d'un fonds de commerce ne donne pas au créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds en paiement: le fait de ne pas avoir demandé une telle attribution ne peut pas constituer une faute ayant privé la caution du bénéfice de la subrogation.
N'est pas exclusivement imputable au fait exclusif du créancier la perte du nantissement d'un fonds de commerce résultant d'une cession de gré à gré du fonds de commerce nanti, accepté par le créancier qui aurait pu y faire opposition, et qui avait été initiée par le liquidateur de la procédure collective du débiteur (Cass. com., 21 février 2012, n° 10-24.239).
Selon l'article L. 143-13 du code de commerce, alinéa 1,
Tout créancier inscrit sur un fonds de commerce peut, lorsque l'article L. 143-11 n'est pas applicable, requérir sa mise à prix aux enchères publiques, en offrant de porter le prix principal, non compris le matériel et la marchandise, à 1/10 en sus et de donner caution pour le paiement des prix et charges ou de justifier de solvabilité suffisante.
Selon l'article L. 143-11 du code de commerce,
Aucune surenchère n'est admise lorsque la vente a eu lieu dans les formes prescrites par les articles L. 143-3 à L. 143-8, L. 143-10 et L. 143-13 à L. 143-15.
Mais les dispositions relatives à la surenchère, applicables en cas de cession amiable ou de gré à gré d'un fonds de commerce, sont également applicables dans le cadre d'une liquidation judiciaire (Cass. com., 20 octobre 1988, Bull. n° 248, Cass. com., 10 janvier 2006, n° 03-19.519, Bull. 2006, IV, n° 4°).
Selon l'article L. 642-20-1 du code de commerce, en cas de vente par le liquidateur, l'inscription prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence de ce dernier dans les 6 mois de la liquidation judiciaire, à défaut du retrait du gage sur autorisation du juge commissaire selon l'article L. 641-3 alinéa 2 du code de commerce.
* * * * *
En garantie du prêt en date du 10 septembre 2014 cautionné d'un montant de 100 000 euros, la banque a pris un nantissement sur le fonds de commerce de la société, dont inscription en date du 18 septembre 2014.
Par ordonnance en date du 12 janvier 2018, le juge commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à céder le fonds de commerce de la société au prix de 20 000 euros.
Par ordonnance en date du 30 janvier 2018, la banque a déclaré sa créance au titre du prêt litigieux à titre privilégié en vertu du nantissement du fonds de commerce, et sa créance a été admise à titre privilégié en vertu de cette sûreté selon ordonnance du 18 octobre 2018.
* * * * *
En observant que la créance de la banque s'élevait à cette date à la somme très supérieure de 60 516,87 euros, la caution fait grief à l'établissement de crédit d'avoir renoncé à sa sûreté, en laissant le liquidateur judiciaire vendre le fonds de commerce au prix dérisoire de 20 000 euros, nettement inférieur à sa valeur vénale, sans former aucune opposition ni recours.
Monsieur [N] estime ainsi qu'il appartenait à la banque de s'opposer à une vente à vil prix et de former une surenchère du dixième à l'encontre de l'ordonnance susdite ayant décidé de la vente, car il s'agit d'un attribut du droit de suite au créancier nanti, qui n'est pas réservé à la seule hypothèse d'une vente aux enchères publiques, et se trouve dès lors également applicable au cas d'espèce d'une vente de gré à gré
En rappelant que ce nantissement portait sur l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage, le matériel actuel et à venir servant à l'exploitation, le droit au bail sur les lieux présent et futur d'exploitation du fonds, en ajoutant qu'un droit d'entrée de 40 000 euros était prévu au sein du bail commercial souscrit par la société Antomax pour l'exploitation des locaux de magasin sous l'enseigne Happy Cash aux Herbiers, dans lesquels d'importants travaux d'aménagement avait été réalisés pour un montant total de 98 308,80 euros selon devis le 3 avril 2024, Monsieur [N] soutient que la cession du fonds autorisée pour un prix de seulement 20 000 euros est très inférieure à sa valeur vénale.
La banque lui objecte que l'article 2314 du code civil ne peut se voir appliquer dans le cadre d'une vente de gré à gré, mais uniquement dans le cadre d'un plan de cession prévu à l'article L. 642-12 du code de commerce.
Elle dénie avoir commis toute faute en ne s'opposant pas à la vente du fonds de commerce nanti, alors que sa sûreté ne lui permet pas de se faire attribuer le fonds en paiement.
Elle estime ne pas avoir la faculté de surenchérir de 10 %, ce dont elle s'est abstenue ainsi que le lui reproche la caution, car cette faculté serait réservée aux ventes aux enchères, alors qu'en l'espèce, la vente du fonds de commerce a été faite de manière amiable ou de gré à gré et en tout état de cause, ne serait pas applicable à une cession de fonds de commerce intervenue dans le cadre d'une procédure collective.
Elle avance ainsi que le nantissement du fonds n'a à aucun moment été perdu, de telle sorte qu'aucun droit préférentiel du chef de la caution n'a non plus été perdu.
Elle soutient que la faculté pour un créancier inscrit de solliciter une surenchère de 10 % n'est pas applicable dans le cadre d'une vente de fonds de commerce du débiteur en liquidation judiciaire résultant d'une ordonnance du juge-commissaire.
La banque dénie que la caution aurait subi un réel préjudice.
Car même en admettant que le fonds eut dû être vendu à 22 000 euros, elle entend rappeler que ces demandes s'élevaient initialement à 30 258,43 euros, de telle sorte que sa créance est supérieure au prix qui aurait pu être escompté de la vente du fonds de commerce, dans l'hypothèse de la surenchère d'un dixième.
* * * * *
A titre liminaire, il ressort des moyens de la caution que dans la mesure où celle-ci ne fait pas grief à la banque de ne pas avoir demandé en tant que créancier nanti de se faire attribuer le fonds en paiement, il n'y aura pas lieu d'examiner les moyens de la banque estimant que le fait ne pas avoir demandé une telle attribution ne peut constituer une faute.
Si l'article L. 642-2 du code de commerce dispose que sur le principe, les sûretés grevant les actifs du débiteur sont transmises au cessionnaire dans le cadre d'un plan de cession, sauf accord entre le créancier et le cessionnaire, c'est le principe contraire qui prévaut dans le cadre d'une cession de gré à gré, comme l'indique exactement la banque elle-même (page 14/31).
Ainsi, alors que les parties ne viennent pas remettre en cause la perfection de la cession du fonds de commerce à ses cessionnaires, il sera retenu que la cession de gré à gré litigieuse du fonds de commerce nanti a mis fin à la sûreté litigieuse.
Contrairement aux dénégations de la banque, la procédure de surenchère attachée à la vente d'un fonds de commerce, applicable en matière de procédure collective, n'est pas limitée au seul cas de la vente aux enchères publiques, mais trouve à s'appliquer également en cas de vente amiable ou de gré à gré.
Et au surplus, il n'est pas allégué par les parties que l'ordonnance ayant autorisé la cession du fonds de commerce soit soumise aux formes prescrites énumérées par l'article L. 143-11 du code de commerce, proscrivant alors dans de telles conditions toute surenchère.
Car l'examen de cette ordonnance, intervenue à la requête du mandataire judiciaire, et non pas des créanciers poursuivants, et exclusive de toute mise aux enchères publiques, exclut par-là même l'application des formes énumérées à l'article L. 143-11 du code de commerce, et ménage ainsi la faculté de surenchère au créancier inscrit.
Mais alors qu'en vertu de l'article L. 142-1 précité du code de commerce, le créancier bénéficiaire d'un nantissement sur le fonds de commerce ne peut se faire attribuer le fonds en paiement jusqu'à due concurrence, la banque n'a commis aucune faute en ne s'opposant pas à la vente du fonds proposée au prix de 20 000 euros, ni surabondamment pour avoir omis de surenchérir sur ce prix de 10 %, alors que c'était le mandataire judiciaire qui avait saisi le juge-commissaire d'une telle requête.
Et encore il ressort de la requête du mandataire judiciaire et de l'ordonnance autorisant la cession que les candidats cessionnaires avaient initialement proposé un prix de cession de 12 000 euros, ultérieurement relevé à 20 000 euros, et que c'est sur la base de ce dernier prix que le mandataire judiciaire a déposé sa requête aux fins d'être autorisé à céder le fonds de commerce, et que le juge-commissaire a fait droit à cette requête exactement dans ses termes.
Au surplus, il sera observé qu'à la requête du mandataire judiciaire, a été annexé un écrit en date du 10 janvier 2018 de Monsieur [N], dirigeant de la société Antomax, qui a donné son accord pour la cession amiable du fonds de commerce de la société aux cessionnaires s'étant manifestés pour le prix de 20 000 euros nets vendeur.
Il en résulte ainsi que la disparition de cette sûreté ne procède pas du fait exclusif du créancier.
A l'issue de cette analyse, il sera retenu que la caution est malhabile à se prévaloir de la perte par le fait du créancier, d'un droit préférentiel dans lequel elle aurait été subrogée.
Sur la garantie de la Banque Publique d'investissement (Bpi) France:
L'acte de prêt litigieux a bénéficié d'une garantie de Bpi France, et a été soumis aux conditions générales de cet établissement.
Selon son article 9 (assiette de la garantie), la garantie couvre, pour les prêts à long terme et moyen terme, le montant du capital restant dû à la date de la résiliation du crédit ou de l'intervention d'un jugement de redressement ou de liquidation judiciaire et les intérêts contractuels dus à cette date, dans les limites d'une année d'intérêts.
Selon l'article deux des conditions générales de la garantie de Bpi France,
La garantie ne bénéficie qu'à l'établissement intervenant ; elle ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par le bénéficiaire et ses garants pour contester tout ou partie de leur dette.
Selon l'article 10 de ces mêmes conditions générales,
L'établissement intervenant exerce les diligences nécessaires en vue du recouvrement de la totalité de sa créance
.....
Toutes les sommes recouvrées à la suite des poursuites engagées pour le recouvrement de la créance garantie viennent en déduction de la créance garantie par Bpi France;
....
Lorsqu'il est constaté, en accord avec BPI France financement, que toutes les poursuites utiles ont été épuisées, BPI France financement règle les pertes finales desdits intérêts, au prorata de sa part de risque.
Sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et sur le caractère léonin des clauses:
Selon l'article L. 442-1 du code de commerce,
I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion l'exécution de contrat, par toute personne exerçant des activités de production, distribution de services :
...
2° de soumettre de tenter de soumettre l'autre partie des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L'article L. 511-4 du code monétaire et financier prévoyant seulement que les articles L. 420-1 à L. 420-4 du code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles s'appliquent aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour les opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code, les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence ne leur sont pas applicables (Cass. com., 15 janvier 2020, n°18-10.512, publié).
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, en son premier alinéa,
Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dès lors que le prêteur ne fournit aucun bien ou service à la caution qui garantit le remboursement du prêt consenti, celle-ci ne peut se prévaloir de la qualité de consommateur (Cass. 1ère civ., 6 septembre 2017, n° 16-15.331, Bull. 2017, I, n° 185).
Selon l'article 1171 du Code civil, dans sa version en vigueur au 1er octobre 2016,
Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
A l'appui de ces textes, Monsieur [N] soutient avoir été contraint à souscrire une garantie Bpi France, lui occasionnant des frais spécifiques, à défaut de quoi le prêt n'aurait pas été accordé.
Il allègue ainsi que l'article 2 du contrat, prévoyant que la garantie Bpi France ne bénéficie qu'à l'établissement dispensateur de crédit, et ne pouvant être invoqué par des tiers, créerait un déséquilibre significatif entre les parties.
Il avance enfin que l'article 10 de ses conditions générales instituerait une clause léonine, puisque seule la banque serait susceptible de s'en prévaloir et que son non-respect ne serait en définitive pas sanctionné.
Il sollicite ainsi que ces clauses soient dites réputées non écrites.
De première part, le premier de ces textes n'est pas applicable aux prêts consentis par les établissements de crédit.
De deuxième part, en ce que le crédit litigieux a été souscrit par une société commerciale pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il n'est ni allégué ni justifié que l'établissement de crédit aurait fourni des biens ou services à la caution, celle-ci ne peut invoquer le bénéfice du deuxième de ces textes.
De troisième part, le troisième de ces textes, entré en vigueur le 1er octobre 2016, n'est pas applicable aux faits de l'espèce, puisque les contrats de crédit et de cautionnement en débat ont été souscrits le 10 septembre 2014.
De quatrième part, en ce que cette clause a pour objet et pour effet de faire prendre en charge par Bpi France une part du risque final qu'un établissement prêteur assume dans une opération dont le financement est réputé difficile, quand bien même bénéficie-t-il exclusivement à la banque, il se trouve encadré par un certain nombre de conditions, délais plafonds et modalités lui faisant perdre tout caractère léonin, favorisant ainsi tant le créancier principal dans l'octroi du crédit que la caution dans l'étendue de la garantie qui lui est réclamée, notamment de part l'interdiction de prendre des garanties et d'exercer des poursuites sur la résidence principale du dirigeant social.
Et la circonstance que cette clause institue une simple faculté à l'encontre de la banque, et non une obligation, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.
Ainsi, la caution ne peut arguer du déséquilibre significatif ou du caractère léonin de ces clauses pour être déchargée de son engagement.
Sur la perte d'un droit préférentiel du fait du créancier dont la caution aurait pu se prévaloir par subrogation:
Au visa de l'article 2314 du code civil sus évoqué, Monsieur [N] fait grief à la banque de ne pas avoir mobilisé la garantie de Bpi France alors que, selon ses conditions contractuelles (article 7) celle-ci était mobilisable par la banque notamment dès le prononcé du jugement de liquidation judiciaire.
Et il résulte de son article 10 que les conditions générales de la garantie de Bpi France font obligation à l'établissement ayant consenti un crédit d'exercer toutes les poursuites utiles pour le recouvrement de sa créance, ce compris auprès des cautions et que cette garantie n'a vocation à être mobilisée qu'après épuisement de tous les recours exercés tant contre le débiteur principal que contre ses garants.
Surtout, il ressort de l'objet et de la finalité de cette garantie, notamment définie en son article 2, que celle-ci ne bénéficie qu'à l'établissement de crédit, et non pas notamment aux cautions de celui-ci, de telle sorte que Monsieur [N] est malhabile à soutenir que la garantie de Bpi France constituerait un droit préférentiel susceptible de lui être transmis par subrogation.
Ainsi, Monsieur [N] est malhabile à invoquer l'article 2314 du code civil s'agissant de la garantie de Bpi France, et il ne pourra être déchargé de son engagement sur ce chef.
Sur la nullité du contrat de cautionnement ou sur une indemnité équivalente aux sommes réclamées par la banque:
Selon l'article 954 du même code, alinéa 3,
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Dans les motifs de ses écritures (pages 17 et 18), Monsieur [N] a sollicité que par suite du manquement de la banque à son obligation d'information portant sur l'étendue de la garantie de Bpi France, l'ayant induit en erreur en sa qualité de caution sur l'étendue de son propre engagement, celle-ci soit condamnée à lui payer une indemnité équivalente aux sommes qui lui étaient réclamés, et que soit ordonnée compensation des créances respectives des parties.
Il demande aussi que cette réticence dolosive soit sanctionnée par la nullité de son engagement de caution.
Mais ces prétentions ne figurent pas dans le dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour de demandes auxquelles elle est tenue de répondre.
Sur la disproportion de l'engagement de caution aux biens et revenus:
Il appartient à la caution personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve.
Il y a lieu de tenir compte de l'endettement global de la caution au moment de son engagement, et ce compris au titre de précédents engagements de caution.
A l'égard de biens grevés de sûretés, leur valeur doit être appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évaluée au jour de l'engagement de caution (Cass. 1ère civ., 24 mars 2021, n° 19-21.254, publié).
Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé, dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, font partie du patrimoine de la caution devant être pris en considération pour l'appréciation de la proportionnalité de son engagement à ses biens et revenus au moment de cet engagement (Cass. com., 26 janvier 2016, n°13-28.378).
La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non pas à l'obligation garantie selon les modalités de paiement propres à celles-ci, mais à son propre engagement (Cass. com. 9 octobre 2019, n°18- 16.798, diffusé; Cass. com., 11 mars 2020, n°18-25.390, publié).
La disproportion manifeste de l'engagement d'une caution commune en bien s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son conjoint (Cass. com., 6 juin 2018, n°16-26.182, publié).
La disproportion manifeste de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels (Cass. com., 24 mai 2018, n°16-23.063, publié).
La disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels, comprenant sa quote part dans les biens indivis (Cass. 1ère civ., 19 janvier 2022, n° 20-20.467).
L'établissement prêteur n'a pas à vérifier la situation financière de la caution.
Une caution ne peut pas se prévaloir d'engagements ou de dettes qu'elle a omis de déclarer auprès de l'établissement de crédit au moment de la souscription.
L'établissement de crédit est ainsi en droit de se fier aux indications données par la caution dans la fiche de renseignement remplie par cette dernière au moment de son engagement, et n'a pas à en vérifier l'exactitude, sauf anomalies apparentes, ou sauf si malgré la cohérence des éléments figurant dans la fiche d'information, la banque ne pouvait pas ignorer l'existence d'autres charges (Cass. com., 27 mai 2014, n° 13.17-287), ou bien encore sauf lorsque la déclaration ne permet pas d'informer la banque de certains éléments essentiels, qui permettraient d'établir le caractère disproportionné du cautionnement (Cass. 1ère civ., 25 novembre 2015, n° 14.24-800).
Monsieur [N] fait grief à la banque de ne pas avoir vérifié sa situation financière au moment de son engagement de caution du 10 septembre 2014, pour se contenter de produire une fiche de renseignement très antérieure du 14 avril 2014.
Mais en matière d'appréciation de la disproportion manifeste de l'engagement de caution à ses biens et revenus au moment de sa souscription, la charge de la preuve appartient à la caution, tandis que la banque n'est tenue à aucune vérification de la solvabilité de celle-ci.
De plus, il résulte des écritures mêmes de la caution la reconnaissance que cette fiche de renseignement se rapporte bien à la souscription du prêt qu'il a cautionné (page 21), de sorte que la date à laquelle celle-ci a été établie est indifférente.
Et Monsieur [N] se borne à verser à cet égard son seul avis d'imposition pour l'année 2014, faisant ressortir un total de revenus personnels annuels de 27 088 euros, sans produire aucun élément sur la valeur de son patrimoine au jour de la souscription de son engagement.
Il y aura donc lieu, pour l'essentiel, de se fier aux mentions de la fiche de renseignement susdits, avec les précisions suivantes.
Selon la fiche de renseignement en date du 14 avril 2014, remplie, signée et certifiée sincère et véritable par Monsieur [N], celui-ci a déclaré :
- être marié sous le régime de la séparation de biens ;
- disposer de 28 000 euros de revenus professionnels annuels personnels ;
- que sa conjointe dispose de 11 400 euros de revenus annuels, outre 1400 euros d'allocations ;
- disposer de divers produits d'épargne mobilière pour un total de 100 000 euros;
- avoir souscrit un emprunt immobilier d'un capital de 68 900 euros, d'un montant restant dû de 1200 euros, venant à échéance au 10 juin 2014 ;
- être propriétaire avec sa conjointe d'un bien immobilier comme résidence principale d'une valeur estimée de 180 000 euros, acquis grâce à un crédit d'un montant restant dû de 1200 euros venant à échéance au 10 juin 2014.
Il sera observé la quasi-correspondance entre le montant des revenus de l'intéressé figurant sur son avis d'imposition pour l'année 2014 et le montant indiqué sur cette fiche de renseignement.
Eu égard au régime de séparation de biens, les revenus de la conjointe de Monsieur [N] ne seront pas pris en considération, mais la valeur de la part de la caution dans le bien immobilier commun sera prise en considération.
Ces éléments font ainsi ressortir qu'au 10 septembre 2014, jour de son engagement de caution, le crédit immobilier souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale était venu à échéance depuis le 10 juin 2014, de sorte qu'il n'y a plus lieu de déduire de la valeur de sa résidence principale un quelconque reliquat d'emprunt.
La valeur de la part de Monsieur [N] afférente à sa résidence principale doit donc être évaluée à 90 000 euros (180 000/2).
Il sera tenu compte à cet égard de la seule valeur de ce bien immobilier mentionnée dans cette fiche, dont la valeur d'achat sera indifférente.
Monsieur [N] avance qu'eu égard au régime de séparation de biens, seule sa propre épargne, à hauteur de 4500 euros, aurait dû être prise en considération, et non pas celle de son épouse, la somme de 95 000 euros indiquée sur la fiche de renseignement ne correspondant pas à son épargne personnelle.
Monsieur [N] allègue encore à cet égard que les mentions manuscrites afférentes à son patrimoine financier ne sont pas de sa main.
Mais le renseignement de la rubrique afférente au patrimoine financier de la caution fait ressortir une somme déclarée de 95 000 euros, à laquelle doivent s'ajouter les sommes détenues sur un livret A et un plan d'épargne logement pour 4500 euros, détenus auprès de la Banque Postale et du Crédit Agricole pour un total de 100 000 euros.
Et aucune mention sur cette rubrique, afférente au patrimoine financier de la seule caution, ne fait apparaître que les éléments qui y sont mentionnées ne concernent pas le patrimoine de celle-ci, mais concernent aussi le patrimoine de son conjoint.
Il est aussi indifférent que les renseignements portés dans cette rubrique soient ou non de la main de Monsieur [N], alors que celui-ci ne dénie pas sa signature sur la fiche de renseignement, apposée à côte de la mention pré-imprimée selon laquelle la caution certifie l'authenticité des renseignements ainsi apportés.
A l'issue de cette analyse, il sera retenu que cette fiche de renseignement ne comporte aucune anomalie apparente.
Il y aura donc lieu de retenir que selon les mentions de cette fiche de renseignement, le patrimoine financier de la caution s'élevait au moment de son engagement à 100 000 euros, son patrimoine immobilier à 90 000 euros, et ses revenus annuels à 28 000 euros.
Mais aux éléments figurant dans ce document, doivent encore s'ajouter d'autres éléments de patrimoine dont la banque ne pouvait pas ignorer l'existence.
Car le contrat de prêt et l'acte de cautionnement mettent en évidence que Monsieur [N] s'est engagé à bloquer son compte courant d'associé créditeur de la société Antomax qu'il détenait dans les livres de la société Bnp Paribas à hauteur de 42 000 euros.
Ainsi, le compte courant d'associé de la caution au sein de la société emprunteuse doit être aussi retenu, pour une valeur qui ne saurait être inférieure à 42 000 euros.
En outre, les statuts de la société Automax en date du 26 juin 2014 font ressortir que Monsieur [N] détenait 17 500 parts sociales valorisées à 35 000 euros, et cet élément sera encore retenu comme partie intégrante du patrimoine de la caution.
Certes, Monsieur [N] justifie s'être aussi porté caution à hauteur de 50 000 euros au titre d'un prêt consenti à cette même société par la Banque Populaire pour un montant de 100 000 euros le 31 juillet 2014, en rappelant que l'opération financée était globale, avec le concours des deux établissements de crédit, le prêt cautionné en litige intervenant auprès de la Bnp dans le même trait de temps le 10 septembre 2014.
De fait, l'acte de prêt litigieux, consenti par la société Bnp à hauteur de 100 000 euros, fait mention de ce financement global de 200 000 euros accordé conjointement avec la Banque Populaire.
Il y aura donc lieu de considérer que la société Bnp Paribas ne pouvait pas ignorer que dans le cadre de ce financement global, Monsieur [N] s'était déjà porté caution à hauteur de 50 000 euros auprès de la Banque Populaire.
Ainsi, le patrimoine utile de Monsieur [N] au moment de son engagement doit être évalué à 217 000 euros (100 000 + 90 000 + 42 000 + 35 000 - 50 000).
Dès lors, son engagement de caution auprès de la Bnp Paribas, dans la limite de 57 500 euros en principal, intérêts, pénalités et intérêts de retard n'est manifestement pas disproportionné à un patrimoine de 217 000 euros et à des revenus annuels de 28 000 euros au moment de sa souscription.
Dès lors, l'invocation de la disproportion par la caution ne pourra pas faire échec aux prétentions de la banque.
Il y aura donc lieu de dire et juger que le cautionnement de Monsieur [N] pris en date du 10 septembre 2014 dans la limite de 57 500 euros n'était pas disproportionné à ses revenus et ses biens à cette date, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'invocation de L. 650-1 du code de commerce:
Selon l'article L. 650-1 du code de commerce,
Lorsque la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ces concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.
Lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure collective, la responsabilité de la banque pour les préjudices subis du fait des concours consentis ne peut être engagée que si :
- les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ;
- et qu'il existe une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou une disproportion des garanties prises par rapport aux concours consentis.
Ce texte s'applique à la caution qui reproche à la banque d'avoir consenti un soutien abusif au débiteur principal ou qui invoque la nullité de son engagement, en raison de la disproportion du cautionnement consenti par rapport au concours consenti.
Monsieur [N] invoque le texte susdit, pour voir réduit ou annulé son propre engagement de caution, en indiquant que son propre cautionnement aurait été manifestement disproportionné, lors de sa conclusion à ses biens et revenus, et serait toujours disproportionné à son patrimoine au moment où il a été appelé.
Mais d'une part, il défaille à démontrer tant la fraude de la banque que son immixtion caractérisée dans la gestion de la société débitrice.
Et eu égard aux montants respectifs de concours consenti à la société (100 000 euros) avec le plafond de son propre engagement (57 500 euros dans la limite de 50 % de l'encours du prêt), Monsieur [N] défaille semblablement à faire la preuve de la disproportion du cautionnement qu'il a souscrit au concours consenti par la banque à la société.
Et pour le surplus, il n'allègue ni ne démontre en quoi l'ensemble des sûretés dont s'est munie la banque serait disproportionné au concours qu'elle a consenti.
Dès lors, l'invocation de ce texte ne pourra pas conduire à l'annulation ou à la réduction de l'engagement de caution de Monsieur [N].
Sur la perception par la banque des répartitions et dividendes issus de la procédure collective :
S'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par la production des contrats de crédit et de cautionnement, de sa déclaration de créance et de la décision d'admission de celle-ci, et de ses divers décomptes postérieurs, la banque a suffisamment fait la preuve du principe et du quantum de sa créance, sous les réserves suivantes.
La caution soutient que la banque aurait reçu des fonds de la procédure collective, notamment ensuite de la cession du fonds de commerce à hauteur de 20 000 euros, ainsi qu'en attesterait le liquidateur judiciaire.
Mais alors qu'en qualité de caution répondant aux obligations du débiteur principal, c'est à elle qu'il appartient de démontrer s'être libéré, elle ne justifie pas de la perception par la banque, qui le dénie, d'une somme quelconque ensuite de la vente du fonds de commerce.
Et bien au contraire, si la requête du mandataire liquidateur aux fins de clôture de la liquidation judiciaire du 11 août 2021 met en évidence que le produit de la cession du fonds de commerce susdit à hauteur de 20 000 euros a permis de verser un acompte au créancier bancaire bénéficiant d'un nantissement de premier rang, la requête du mandataire judiciaire aux fins de cession du fonds de commerce du 12 janvier 2018 rappelle sur le fonds de commerce, ont été inscrits un premier nantissement le 14 août 2014 au profit de la Banque Populaire, puis un second nantissement le 18 septembre 2014 au profit de la société Bnp Paribas.
Ainsi, seule la Banque Populaire, créancier inscrit de premier rang, a touché un acompte sur le produit de la cession du fonds de commerce, et non la société Bnp Paribas.
A l'issue de cette analyse, il sera retenu que la banque n'a touché aucune somme sur les répartitions et dividendes de la procédure collective de la société débitrice principale.
Sur l'obligation annuelle d'information de la caution :
Selon l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,'les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition de cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus entre la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
'Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'
Ces textes ont été abrogés à compter du 1er janvier 2022 par l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la réforme des sûretés, et l'obligation d'information et sa sanction ont été intégrées aux nouveaux articles 2302 à 2304 du code civil.
Mais selon l'article 37 de l'ordonnance, l'obligation d'information issue des nouveaux textes est applicable à compter du 1er janvier 2022 aux cautionnements conclus avant cette date.
Cette obligation incombe au prêteur jusqu'à l'extinction de la dette.
La charge de la preuve de l'exécution de cette obligation incombe au créancier professionnel.
La production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
Mais il n'incombe pas au prêteur de démontrer que la caution a reçu cette lettre d'information.
Nonobstant la sanction édictée par le second de ces textes, la caution reste néanmoins tenue aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure (Cass. 1ère civ. 9 avril 2015, n°14-10.975, diffusé).
Si l'établissement de crédit a produit les lettres d'information annuelle de la caution pour les années 2014 à 2016, elle concède ne pas être en mesure d'en justifier l'envoi.
Et la banque n'allègue ni ne justifie de l'envoi de ces courriers pour les années postérieures.
Il y aura donc lieu de dire et juger que la banque ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations d'information annuelle de la caution au sens de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et encourt les sanctions dont disposait ledit article, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Monsieur [N] soutient que faute pour la banque de ne pas avoir produit un décompte expurgé des intérêts et comportant l'imputation des intérêts payés sur le seul capital, elle doit être déboutée de l'intégralité de sa prétention.
Mais telle n'est pas la sanction édictée par le texte susdit, car il y aura seulement lieu de prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels.
La banque a produit le courrier de mise en demeure du 26 novembre 2018, dont accusé de réception signé par son destinataire.
Dans sa déclaration de créance, la banque a indiqué que le capital restant dû au 10 décembre 2017 était de 56 687,38 euros, en y ajoutant les deux échéances impayées des 10 novembre 2017 et 10 décembre 2017, soit un total de 2738,74 euros, ainsi que le reliquat impayé à hauteur de 1090,75 euros de l'échéance du 10 septembre 2017.
Au regard de cette déclaration de créance et du tableau d'amortissement, il ressort ainsi que pour cette dernière échéance du 10 septembre 2017 a été payée partiellement à hauteur de 278,62 euros.
Les paiements effectués seront affectés au règlement du principal de la dette.
Aussi, au regard du tableau d'amortissement, faisant état d'échéances mensuelles de 1369,37 euros (mais dont il conviendra d'ôter 20,83 euros mensuels de cotisations d'assurances non touchées par la déchéance), soit 1348,54 euros, il aura lieu de retenir que du 10 octobre 2014 au 10 septembre 2017, la société a payé au titre du capital et des intérêts un total de 47 456,69 euros [(35 mois x 1348,54 euros) + (278,62 euros - 20,83 euros)], qui s'imputera intégralement sur le capital restant dû.
Ainsi, dans ses rapports avec la caution, la banque ne peut réclamer du débiteur principal que la seule somme de 52 543,31 euros.
Selon les stipulations contractuelles, le cautionnement solidaire de Monsieur [N] sera limité à concurrence de 50 % du montant de l'encours, constitué du principal, intérêts commissions éventuelles, cotisations d'assurances, frais accessoires, pénalités et intérêts de retard, dans la limite d'une somme maximum de 57 500 euros.
Ainsi, dans ses rapports avec la caution, la banque ne peut réclamer à celle-ci que la somme seule somme de 26 271,65 euros (52 543,31 euros x 50%).
Il y aura donc lieu de condamner Monsieur [N] à payer à la banque la somme de 26 271,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018 avec anatocisme, et le jugement sera infirmé de ces chefs.
Sur les délais de paiement:
Selon l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues.
Monsieur [N] sollicite les plus larges délais de paiement.
Il produit son avis d'imposition 2021 sur les revenus de l'année 2020, dont il ressort un revenu fiscal de référence de 22 226 euros annuels, avec un enfant à charge mentionné dans cette déclaration.
Mais il sera observé le défaut d'actualisation des justificatifs produits au jour où la cour statue.
Monsieur [N] ne présente aucun élément permettant de considérer en quoi le report de paiement qu'il réclame serait susceptible de conduire à un règlement effectif à l'issue du délai de 2 ans qu'il sollicite.
Il est à cet égard topique de relever que depuis l'engagement des poursuites, Monsieur [N] n'a réalisé aucun paiement à ce titre, fût-il symbolique.
Et bien plus, dans ses écritures, Monsieur [N] ne présente aucune proposition de règlement, fut-elle échelonnée et très éloignée dans le temps.
Il conviendra donc de débouter Monsieur [N] de sa demande de délais de paiement, et le jugement sera confirmé de ce chef.
* * * * *
Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.
Il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [N] aux entiers dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Il y aura d'ordonner distraction au profit du conseil de la banque s'agissant des dépens de première instance.
Monsieur [N] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Monsieur [N] sera condamné aux entiers dépens d'appel, et à payer à la banque une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare sans objet la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la société anonyme Bnp Paribas ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- condamné Monsieur [U] [N] à payer à la société Bnp Paribas au titre de son cautionnement, la somme de 27.137,56€, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018, date de la mise en demeure et ce, jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seraient dus pour une année entière ;
Infirme le jugement de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne Monsieur [U] [N] à payer à la société anonyme Bnp Paribas au titre de son cautionnement, la somme de 26 271,65 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2018, date de la mise en demeure et ce, jusqu'à parfait paiement ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seraient dus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;
Déboute Monsieur [U] [N] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Condamne Monsieur [U] [N] à payer à la société anonyme Bnp Paribas la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Monsieur [U] [N] aux entiers dépens d'appel :
Ordonne distraction au profit de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mady-Gillet-Briand-Petillon, conseil de la société anonyme Bnp Paribas, de ceux des dépens de première instance dont elle a eu à faire l'avance sans en avoir reçu provision ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.