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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 22 février 2024, n° 23/12488

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Nouvel Hôtel (SNC), Axyme (SELARL), HSBC France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Lacheze, M. Le Vaillant

Avocats :

Me Lesenechal, Me Jacquin, Me Fabre, Me Sharma-Fokeer, Me Etevenard, Me Tricaud, Me Forge

T. com. Paris, du 3 nov. 2021, n° 830793…

3 novembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE:

La SNC Nouvel Hôtel, exploitait un fonds de commerce d'hôtellerie, dans des locaux situés [Adresse 11], donnés à bail le 7 octobre 2015, à titre de renouvellement, par les consorts [O], propriétaires indivis de l'immeuble. La location a été consentie moyennant un loyer annuel de 70.000 euros payable par trimestre, porté à la somme annuelle de 71.846 euros à compter du 1er juillet 2019.

Le 4 juin 2021, les bailleurs ont fait délivrer à la société SNC Nouvel Hôtel une sommation de payer, puis ont introduit le 12 juillet 2021 une demande en référé pour voir constater la résiliation du bail. Cette procédure n'a pas été poursuivie en raison de l'ouverture, le 3 novembre 2021, par le tribunal de commerce de Paris d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SNC Nouvel Hôtel, la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [R], étant désignée liquidateur judiciaire.

Par courrier du 18 novembre 2021, les bailleurs ont déclaré au passif de la liquidation, à titre privilégié, une créance de 97.897,05 euros, au titre des loyers impayés.

Dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs, le liquidateur a diffusé un cahier des charges pour susciter des offres en vue de la vente du fonds de commerce exploité par la SNC Nouvel Hôtel. Lors de l'audience d'ouverture des plis du 9 février 2022, le conseil des bailleurs a rappelé oralement la créance des loyers et charges impayés et exprimé leur intention de poursuivre l'action en résiliation du bail.

De nombreux candidats-repreneurs se sont manifestés pour le rachat du fonds de commerce, parmi lesquels:

- les sociétés Groupe Anatole et Groupe Delaforge, qui ont déposé une offre d'achat moyennant le prix de 2.300. 000 euros net vendeur,

- les consorts [O], les bailleurs, qui ont offert le 8 février 2022 d'acquérir le fonds de commerce moyennant le prix de 898.785,11 euros, sans pour autant renoncer expressément à une éventuelle action aux fins de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer courant dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire.

Parallèlement, les consorts [O] ont saisi le juge-commissaire dans les termes suivants:

- le 1er février 2022, d'une requête visant à faire constater la résiliation du bail pour une cause antérieure au jugement de liquidation judiciaire, sur laquelle il n'a pas été statué la requête n'ayant pas été maintenue;

- le 16 février 2022, d'une seconde requête pour voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d'ouverture.

Le 11 mars 2022, la société Axyme, ès qualités, a saisi le juge commissaire d'une requête aux fins d'autoriser la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société Nouvel Hôtel au profit des consorts [O] moyennant le prix de 898.795,11 euros.

Par deux ordonnances du 14 mars 2022, le juge-commissaire a statué respectivement sur la requête du liquidateur judiciaire aux fins de cession et sur la requête des bailleurs aux fins de constat de la résiliation du bail, déposée le 16 février 2022.

Sur la requête du liquidateur judiciaire, le juge-commissaire a:

- constaté que l'offre des bailleurs constitue la seule proposition de rachat des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce sis [Adresse 11]) susceptible d'être retenue au regard des incertitudes et des aléas inhérents à la procédure actuellement engagée par les bailleurs,

- constaté que ladite offre permet de préserver l'intérêt des créanciers, le prix proposé étant supérieur au montant du passif déclaré entre les mains du liquidateur,

- en conséquence, autorisé la cession des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la SNC Nouvel Hôtel, à savoir un hôtel de catégorie 2 étoiles, sis [Adresse 11]) pour un prix net vendeur de 898.795, 11 euros hors taxes, hors droits et hors frais, selon les conditions essentielles énoncées en la requête qui précède, ladite vente intervenant au profit des propriétaires indivis de l'immeuble situé au [Adresse 11], à savoir Mme [F] [O], veuve de M. [U] [O],

M. [B] [O] et Mme [E] [L], veuve de M.[L], ou toute personne physique ou morale que l'acquéreur se substituera, à l'exclusion des personnes mentionnées à l'article L.642-3 du code de commerce, tout en restant solidairement tenus avec le ou les substitués à l'exécution des engagements liés à la vente,

- fixé l'entrée en jouissance au jour de l'ordonnance, de telle sorte qu'à compter de cette date tous les loyers, charges, assurances et impôts afférents audit fonds de commerce, seront supportés par le repreneur,

- dit que le prix sera payable au jour de la signature de l'acte de cession mais que d'ores et déjà les sommes versées entre les mains du mandataire judiciaire seront déposées à la caisse des dépôts et consignations le jour de l'ordonnance afin de garantir l'entrée en jouissance,

- pris acte que le repreneur déclare régler en partie le prix de cession par compensation avec la créance de loyers et charges impayés pour la période antérieure au 3 novembre 2021 déclarée entre les mains de la SELARL Axyme pour la somme de 97.897, 05 euros sous réserve de l'admission de la créance au passif,

- pris acte que le dépôt de garantie actuellement détenu entre les mains du propriétaire des locaux pour la somme de 35.923 euros sera compensé avec la créance des loyers et charges née postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire,

- dit que le solde du prix de cession, soit la somme de 400.000 euros, devra être réglé entre les mains du mandataire judiciaire et que le repreneur devra justifier, dès connaissance de la présente décision, de la souscription d'une police d'assurance pour les locaux, avant toute prise de possession,

- dit que si des revendications portant sur les biens meubles devaient intervenir dans le délai prévu par la loi, le repreneur s'engage à restituer les biens revendiqués sans le recours ni contre la procédure collective, ni contre le liquidateur dont la responsabilité ne saurait en aucun cas être engagée à cet égard,

- dit que la vente sera régularisée par un avocat choisi par le liquidateur, qui établira lesdits actes avec le concours du conseil du repreneur, le cas échéant, et que les frais et honoraires de rédaction d'acte, d'enregistrement, de formalités légales, de purge et de radiation des inscriptions seront à la charge exclusive du repreneur,

- dit que la vente devra intervenir dans un délai de trois mois et qu'il devra nous en être référé en cas de difficulté.

S'agissant de la requête des consorts [O], le juge-commissaire l'a déclarée recevable mais mal fondée, rejetant ainsi leur demande de constat de la résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs.

Les sociétés Groupe Anatole et Groupe Delaforge, d'une part, la SNC Nouvel Hôtel d'autre part ont relevé appel de l'ordonnance du 14 mars 2022, ayant autorisé la cession du fonds de commerce au profit des consorts [O].Par arrêt du 14 mars 2023, la présente cour a sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal de commerce de Paris saisi du recours formé par les consorts [O] à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté leur requête.

C'est l'objet de l'instance parallèle RG 22-06258.

Sur recours des consorts [O] à l'encontre de l'ordonnance du 14 mars 2022 ayant rejeté leur demande de constat de la résiliation du bail, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 16 juin 2023, a dit les consorts [O] recevables, mais mal fondés en leur recours et les en a déboutés, en conséquence, a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance ayant rejeté le constat de résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement de liquidation judiciaire, condamné les consort [O] à payer 5.000 euros à la SELARL Axyme, en la personne de Maître [R], ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires et condamné les consorts [O] aux dépens.

Mme [F] [X] épouse [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] épouse [L] ont relevé appel de ce jugement le 12 juillet 2023, en intimant la SNC Nouvel Hôtel , la SELARL Axyme en la personne de Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nouvel Hôtel et la SA HSBC Continental Europe.

Cet appel est l'objet de la présente instance ( RG 23-12488).

Dans leurs conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 octobre 2023, Mme [F] [X] épouse [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] épouse [L] (les consorts [O]) demandent à la cour de:

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- en conséquence, infirmer le jugement en toute ses dispositions et, statuant à nouveau:

- à titre principal, de surseoir à statuer en l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris à intervenir au fond sur l'appel de la société Nouvel Hôtel à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la cession du fonds de commerce à leur profit,

- subsidiairement, constater la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 6 février 2022, date de dépôt de la requête des bailleurs, sinon à compter de la date de l'arrêt à intervenir, ordonner à la société Axyme, en la personne de Maître [R], ès qualités, de leur remettre les clés de l'immeuble vidés de tout occupant et de tout mobilier dans les 10 jours de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour au-delà dudit délai, et de se réserver la liquidation de l'astreinte,

- en tout état de cause, de condamner tout succombant à leur payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouter la SELARL Axyme, en la personne de Maître [R], ès qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions, et condamner les intimés aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 novembre 2023, la SNC Nouvel Hôtel demande à la cour de:

- juger ses demandes recevables et bien fondées,

- débouter les consorts [O] de leur demande de sursis à statuer,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris qui a lui-même confirmé l'ordonnance du 14 mars 2022 ayant rejeté la demande de constat de la résiliation du bail commercial,

- en tout état de cause, débouter les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les consorts [O] à payer à la SELARL Axyme, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nouvel Hôtel, au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS Foucaud Tchekhoff Pochet & Associés.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 novembre 2023, la SELARL Axyme, en la personne de Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SNC Nouvel Hôtel, demande à la cour de débouter la SNC Nouvel Hôtel de sa demande de renvoi pour connexité, débouter les bailleurs, les consorts [O], de toutes leurs demandes, notamment celle relative au sursis à statuer, fins et prétentions, confirmer purement et simplement le jugement et condamner solidairement les consorts [O] à lui payer, ès qualités, 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 novembre 2023, la société HSBC Continental Europe demande à la cour de juger les consorts [O] irrecevables et en tout cas mal fondés en leur appel, les débouter de leurs demandes, confirmer le jugement, condamner solidairement les consorts [O] et toutes parties succombantes à lui payer 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens.

Le dossier a été visé sans observation par le ministère public le 4 décembre 2023.

SUR CE

- Sur la recevabilité de l'appel des consorts [O]

La société HSBC Continental Europe ne développant aucun moyen au soutien de sa demande tendant à voir juger irrecevable l'appel des consorts [O], l'appel sera déclaré recevable.

- Sur la demande de sursis à statuer formée par les consorts [O]

La demande des consorts [O] tendant à voir surseoir à statuer dans la présente instance, en l'attente de l'arrêt à intervenir sur l'appel relevé à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé la cession du fonds de commerce, doit être rejetée dès lors que, par arrêt du 14 mars 2023, la présente cour a sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal sur le recours des bailleurs à l'encontre de l'ordonnance ayant refusé de constater la résiliation du bail et que la décision sur le sort du bail étant susceptible d'avoir une incidence déterminante sur la cession du fonds de commerce, c'est bien dans la présente instance que la cour doit se prononcer en premier lieu.

- Sur la résiliation du bail

Par requête reçue au greffe le 16 février 2022, les bailleurs ont demandé au juge-commissaire, au visa des articles L641-12,3° et R641-21 du code de commerce, de constater la résiliation du bail commercial conclu le 7 octobre 2015, en exposant que les loyers postérieurs au jugement d'ouverture du 3 novembre 2021 n'avaient pas été payés à l'échéance contractuelle, que le délai légal imparti au liquidateur était dépassé, que le chèque de 13.421,64 euros à l'ordre des ' consorts [O]',parvenu le 15 février 2022 à leur conseil, n'avait aucune portée, le bénéficiaire énoncé n'existant pas juridiquement, que le montant était en tout état de cause insuffisant et que la volonté de faire supporter les loyers postérieurs au jugement d'ouverture par l'éventuel cessionnaire du fonds n'était d'aucune efficacité.

Pour rejeter cette requête, le tribunal a retenu à la suite du juge-commissaire, que les consorts [O] avaient reçu le 15 février 2022, avant leur requête en résiliation du bail, un chèque de 13.421,64 euros de la part du liquidateur correspondant aux seuls loyers exigibles du 3 novembre 2021 au 31 décembre 2021, qu'ils avaient refusé ce chéque par l'intermédiaire de leur conseil habituel alors que le libellé à l'ordre des 'Consorts [O]' correspondait à la pratique habituelle des décomptes du bailleur, que le bailleur avait concouru à l'appel d'offre visant la cession du fonds de commerce en formulant une offre de reprise le 8 février 2022, soit antérieurement à la requête en résiliation de bail, en indiquant expressément que le paiement des loyers postérieurs se ferait par compensation avec le dépôt de garantie et qu'il était incohérent pour le bailleur de se porter acquéreur d'un fonds de commerce en demandant que son élément essentiel soit résilié.

Aux termes de l'article L641-12 du code de commerce ' 3° Le bailleur peut, également, demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article L622-14.'

L'article L 622-14,2° alinéas 1 et 2 dispose que ' 2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois à compter dudit jugement. / Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.'

Le jugement ouvrant la liquidation judiciaire ayant été rendu 3 novembre 2021, le délai de trois mois imposé au bailleur pour agir, expirait le 3 février 2022. Il est constant que la requête aux fins de constat de la résiliation du bail, déposée le 16 février 2022, est bien intervenue après l'expiration de ce délai d'attente.

Le bail stipule que le loyer est payable par trimestre à terme échu, le loyer ayant été porté à la somme annuelle de 71.846 euros, à compter du 1er juillet 2019, soit 5.987,16 euros par mois.Le loyer du premier trimestre 2022 n'étant exigible qu'au 31 mars 2022, les parties ne contestent pas que seul le loyer du 4ème trimestre 2021 dû au 31 décembre 2021 est l'objet du litige.

Indépendamment du débat portant sur le montant dû au titre du 4ème trimestre 2021, les parties étant en désaccord sur le point de savoir si le loyer du 4ème trimestre est dû intégralement ou seulement au prorata correspondant à la période postérieure au jugement d'ouverture, il est constant, qu'à tout le moins à hauteur de 13.421,64 euros (montant du chèque), le loyer du 4ème trimestre 2021 n'a pas été payé à son échéance du 31 décembre 2021, ni avant l'expiration du délai de trois mois, le chèque invoqué comme paiement ayant été reçu le 15 février 2022.

Le 11 février 2022 la SELARL Axyme, ès qualités, a émis un chèque d'un montant de 13.421,64 euros à l'ordre des 'CONSORTS [O]' tiré sur la Caisse des dépôts et consignations, qui a été adressé à Maître Nahon, avocat de ces derniers, avec l'indication que le montant de 13.421,64 euros correspondait au prorata du loyer du 4ème trimestre 2021.Le courrier comportant ce chèque a été posté le 14 février 2022 et reçu par le conseil des bailleurs le 15 février 2022, soit la veille du dépôt de leur requête.

Par courrier daté du 21 février 2022 reçu par le liquidateur judiciaire le lendemain, Maître [H] a, au nom de ses clients, retourné le chèque, en indiquant qu'il lui était parvenu après l'expiration du délai de trois mois imparti par la loi pour régler les loyers et charges échus depuis le jugement de liquidation judiciaire, ajoutant que selon ses clients le montant ne couvre pas l'arriéré en question et que le bénéficiaire mentionné n'existe pas, ce qui empêcherait de toute façon le paiement du chèque.

Les parties sont contraires sur le point de savoir si un paiement intervenant postérieurement au délai de trois mois mais avant le dépôt de la requête par le bailleur, à supposer que son montant et son libellé remplissent les conditions pour valoir paiement, fait obstacle au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs.

Les consorts [O] soutiennent que prendre en compte un tel paiement revient à ajouter aux dispositions combinées des articles L 641-12, L641-11-1 et L622-14 du code de commerce, et qu'il résulte de la loi que seul un paiement fait avant l'expiration du délai de trois mois n'entraîne pas la résiliation du bail.

La société Nouvel Hôtel et le liquidateur objectent que le délai de trois mois prévu à l'article L622-14,2° du code de commerce est un délai d'action et que dès lors que le paiement des loyers était intervenu à la date à laquelle la requête a été déposée, la résiliation ne peut plus être constatée. Ils ajoutent que c'est de mauvaise foi que les bailleurs ont refusé le chèque et déposé une requête en constat de résiliation du bail, alors que le chèque qui a été remis à leur conseil tiré sur le compte de la Caisse des dépôts et consignations était à l'évidence provisionné, qu'il a été établi à l'ordre des 'consorts [O]', correspondant au libellé constamment utilisé par les parties, que le montant correspond à la totalité des sommes dues au prorata du 4ème trimestre 2021, les loyers échus jusqu'au 2 novembre 2021 constituant une créance antérieure au jugement d'ouverture et n'ayant pas dans la présente instance à être pris en compte.La société Nouvel Hôtel souligne que les bailleurs ne sauraient se prévaloir de leur propre turpitude tenant au refus d'encaisser le chèque pour soutenir qu'aucun paiement des loyers postérieurs n'est intervenu avant la saisine du juge-commissaire.

HSBC, créancier inscrit,conclut dans le même sens, arguant que les consorts [O] ne peuvent pas sérieusement et de bonne foi, contester la régularité du paiement des loyers postérieurs par le liquidateur, ni quant à son montant, ni quant à son libellé.

Le délai de trois mois édicté par l'article L 622-14 du code de commerce est un délai d'attente imposé au bailleur avant qu'il puisse agir. Il ne constitue pas une condition de fond, mais un délai d'action.

La résiliation du bail lorsqu'elle est fondée sur une cause postérieure au jugement d'ouverture prend effet au jour de la demande du bailleur, ce qu'admettent les consorts [O] puisqu'ils demandent à la cour de constater la résiliation du bail à la date de leur requête. Ainsi qu'il est admis en jurisprudence, les conditions de résiliation de plein droit du bail donc doivent être appréciées au jour de la requête.

S'il résulte de l'article L 622-14,2° qu'il n'y a pas lieu à résolution du bail lorsque le paiement des sommes dues intervient dans le délai de trois mois, il ne peut en revanche en être déduit, en l'absence d'indication en ce sens dans le texte, que tout paiement intervenant aprés l'expiration de ce délai et avant la saisine du juge-commissaire est sans effet sur le constat de la résiliation du bail, alors qu'une telle interprétation aurait valeur de sanction. Il sera surabondamment relevé que la disposition sus visée présente l'intérêt pour la procédure collective de neutraliser la date d'échance du loyer contractuellement fixée à l'intérieur de ce délai d'attente, puisqu'un paiement intervenant avant l'expiration du délai de trois mois suffit à faire obstacle à la résiliation du bail.

Il s'ensuit que doit être rejeté le moyen tiré du caractère inopérant d'un paiement des sommes dues au titre des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture intervenant après le délai d'attente de trois mois mais avant la saisine du juge-commissaire par le bailleur.

Il convient à présent d'examiner la pertinence des contestations relatives au montant et au libellé du chèque, étant rappelé que la réception du chèque de 13.421,64 euros par le conseil des bailleurs, le 15 septembre 2022, est acquise aux débats.

S'agissant du montant, les consorts [O] exposent qu'il était dû une somme de 21.289,50 euros, correspondant au montant des loyers et charges du 4ème trimestre 2021 exigible au 31 décembre 2021, soit postérieurement au jugement d'ouverture.

C'est toutefois à juste titre que la société Nouvel Hôtel et le liquidateur soutiennent que seule la partie des loyers et charges du 4ème trimestre 2021 afférents à l'occupation des locaux postérieure au 3 novembre 2021, date de la liquidation judiciaire, était due au jour de la requête des bailleurs, peu important à cet égard que le 4ème trimestre 2021 soit globalement contractuellement exigible au 31 décembre 2021. La partie du loyer trimestriel antérieure au jugement d'ouverture constitue en effet une créance antérieure relevant d'un traitement différent.

Ainsi, la société Nouvel Hôtel n'était redevable au 16 février 2022, au titre des loyers postérieurs, que du montant correspondant à la période d'occupation du 3 novembre au 31 décembre 2021 et il n'est pas démontré, ni même allégué que le montant de 13.421,64 euros ne correspondrait pas à ce montant.

Quant à la mention 'les Consorts [O]' utilisée pour désigner le bénéficiaire du chèque, il sera relevé que l'expression ' les consorts', qui est habituellement utilisée par les professionnels du droit pour désigner collectivement un ensemble de personne partageant les mêmes intérêts dans un contrat ou une procédure, correspond précisément dans la présente instance à la situation de Mme [F] [O], Mme [E] [L] et de M.[B] [O] qui agissent ensemble pour défendre leur intérêt commun, le bail et son avenant du 3 juillet 2018 ayant été établi au nom de Mme [F] [X] épouse [O] et de l'indivision composée de Mme [E] [O] épouse [L] et de M.[B] [O], agissant en qualité de propriétaires indivis 'ci-après dénommées au cours de l'acte: le Bailleur'.Si aucune personnalité juridique n'est attachée à l'expression 'les consorts', les appelants ne démontrent aucunement que ce libellé courant était de nature à empêcher l'encaissement du chèque, ce dernier ayant été refusé et retourné au liquidateur sans qu'il ait été procédé à une tentative d'encaissement.

Il s'ensuit qu'au jour de la requête saisissant le juge-commissaire aux fins de constat de la résiliation du bail, les loyers et charges échus postérieurement au jugement d'ouverture avaient bien donné lieu à paiement.

Le défaut de paiement du chèque, qui procède du seul refus des consorts [O] de le porter à l'encaissement pour des motifs qui leur sont propres, sans lien avec une quelconque absence de provision, le chèque ayant été tiré sur le compte du liquidateur ouvert à la caisse des dépôts et consignation, ne peut être opposé au débiteur et à la liquidation.

A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [O] de leur recours contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté la requête tendant à voir constater la résiliation du bail.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les consorts [O], parties perdantes, seront condamnés aux dépens d'appel. Ils ne peuvent en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité procédurale. Le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance.

En revanche, l'équité ne commande pas de condamner les consorts [O] au paiement d'une indemnité procédurale ni en première instance, ni à hauteur d'appel, et le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis à leur charge une indemnité procédurale.

Les demandes en paiement des intimés fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevable l'appel relevé par Mme [F] [X] veuve [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] veuve [L],

Déboute Mme [F] [X] veuve [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] veuve [L] de leur demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné Mme [F] [X] veuve [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] veuve [L] au paiement d'une indemnité procédurale,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute la société Nouvel Hôtel, la SELARL Axyme en la personne de Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nouvel Hôtel, la société HSBC Continental Europe, ainsi que Mme [F] [X] veuve [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] veuve [L] de leurs demandes en paiement d'indemnités procédurales,

Condamne in solidum Mme [F] [X] veuve [O], M.[B] [O] et Mme [E] [O] veuve [L] aux dépens d'appel.