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Décisions

CA Cayenne, ch. civ., 26 février 2024, n° 22/00390

CAYENNE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Les Chatons (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blum

Vice-président :

M. Bouchare

Conseiller :

Mme Goillot

Avocats :

Me Gay, Me Nossin

TJ Cayenne, du 17 août 2022, n° 21/02358

17 août 2022

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société civile immobilière « Les chatons » a consenti un bail commercial, soumis au statut, à la société SCGR, suivant contrat en date du 30 mai 2016, portant sur un local composé d'une surface professionnelle et d'une surface d'habitation se trouvant [Adresse 6].

A compter du 1er août 2019, la société SCGR a cessé de payer les loyers.

Par acte d'huissier du 17 octobre 2019, la bailleresse a fait signifier à la locataire un commandement de payer la somme de 26 917,63 euros arrêtée au 31 octobre 2019, au titre des loyers impayés, visant la clause résolutoire du contrat de bail.

Par acte du 25 novembre 2019, la SCI « Les chatons » a assigné la SAS SCGR devant le juge des référés du tribunal de Grande instance de Cayenne, aux fins, notamment, de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'obtenir la condamnation de la locataire au paiement des loyers échus impayés, ainsi qu'à une indemnité d'occupation mensuelle à compter de la date de résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des locaux.

Par ordonnance du 17 janvier 2020, réputée contradictoire, le juge des référés a :

' condamné la société SCGR à payer à la société « Les chatons » une provision de 26 917,63 euros au titre des loyers et charges dues au 1er octobre 2019,

' constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 17 novembre 2019,

' ordonné l'expulsion des lieux de la société SCGR et de celle de tout occupant de son chef, dans le délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 30 euros par jour à compter du premier mois suivant sa signification et ce pendant un délai de quatre mois,

' dit que passé deux mois suivant la signification de la présente décision, il pourra être procédé à son expulsion avec le concours de la force publique,

' autorisé la bailleresse à procéder à l'enlèvement des biens situés dans les locaux aux frais et risques et périls de la société SCGR, pour les entreposer dans un lieu de son choix pendant un délai d'un mois aux frais de la défenderesse après une sommation délivrée un mois à l'avance la société SCGR,

' dit que passé ce délai, la propriétaire pourrait faire procéder à la destruction des biens ou à leurs ventes publiques après avoir établi un inventaire par acte d'huissier de justice régulièrement notifiée à la société SCGR,

' fixé le montant provisionnel de l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du 1er mars 2017 à la somme de 9000 €, jusqu'à son départ effectif, indemnité augmentée des charges et taxes afférents à l'occupation du local,

' condamné la société SCGR à payer à la société « Les chatons » étaient d'occupation égale au montant des loyers, charges et taxes afférents à l'occupation du local jusqu'à la libération effective des lieux manifestés par la remise des clés,

' condamné la société SCGR aux dépens.

Par acte d'huissier de justice en date du 31 janvier 2020, la SCI « Les chatons » a fait signifier un commandement de quitter les lieux à la société SCGR par dépôt à étude.

Le 20 février 2020, la SAS SCGR a quitté définitivement les lieux.

Par acte d'huissier de justice en date du 30 janvier 2020, la SCI « Les chatons » a fait signifier un commandement aux fins de saisie vente à la société SC GR par dépôt à étude.

Par acte d'huissier du 10 février 2020, la SCP Delabie-Cauchefer, huissiers de justice, a dressé un procès-verbal de saisie-vente contre la SAS SCGR pour une créance de 64 087,81€.

Par acte d'huissier du 11 février 2020, la SCP Delabie-Cauchefer, huissiers de justice, a dénoncé la saisie-vente à Madame [U], es qualité de présidente de la SAS SCGR.

Par acte d'huissier du 31 août 2020, la SAS SCGR a fait citer la SCI « Les chatons » devant le juge de l'exécution aux fins, notamment de voir prononcer la nullité des significations de l'ordonnance de référé du 17 janvier 2020, du commandement de quitter les lieux, du commandement de saisie-vente ainsi que du procès-verbal de saisie-vente.

Par jugement du 19 octobre 2020, le juge de l'exécution a rejeté les demandes en nullité, sauf s'agissant du procès-verbal de saisie-vente ainsi que la dénonciation de cette dernière, au vu des imprécisions dans à l'inventaire des biens saisis et à la désignation détaillée de ceci. La SCI « Les Chatons » a été condamnée à payer à la société SCGR la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les dépens de l'instance et ceux issus des procès-verbaux de saisie-vente et de dénonciation. Ceux issus de la signification de l'ordonnance, du commandement de quitter les lieux et du commandement de saisie-vente ont été laissé à la charge de la société SCGR.

Par arrêt en date du 29 septembre 2021, la Cour d'appel a :

' infirmé l'ordonnance de référé du 17 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

' dit que les demandes de la SCI « Les chatons » se heurtent à une contestation sérieuse,

' déclaré incompétent le juge des référés pour statuer sur les demandes principales de la SCI « Les chatons » et reconventionnelles de la SAS SCGR,

' condamné la SCI « Les chatons » aux dépens de première instance et d'appel.

Par acte d'huissier en date du 24 novembre 2021, la SCI « Les chatons » a saisi le tribunal judiciaire de Cayenne aux fins d'obtenir le versement des loyers impayés.

Par jugement du 17 août 2022, le tribunal judiciaire de Cayenne, a :

' constaté la résiliation du contrat de bail commercial conclu le 25 mai 2016 à compter du 17 novembre 2016,

' condamné la SAS SCGR à verser à la SCI Les chatons la somme de 42 055,91 euros augmentés du taux d'intérêt légal à compter du 24 novembre 2021,

' rejeté la demande de capitalisation des intérêts,

' condamné la SAS SCGR à verser à la SCI Les chatons la somme de 12 167,25 euros au titre des réparations locatives,

' rejeté les prétentions indemnitaires soulevées par la SAS SCGR relative au remboursement des loyers, aux frais d'avocat, à la restitution du dépôt de garantie et à son préjudice d'image,

' déclaré irrecevable la demande fondée sur le préjudice subi par Madame [O] [U] en son nom personnel,

' déclaré irrecevables les demandes formées au titre de l'exécution forcée de la saisie,

' invité la SAS SCGR à saisir le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Cayenne, seul compétent pour ses demandes,

' condamné la SAS SCGR à verser à la SCI Les chatons la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens,

' ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 2 septembre 2022, la SAS SCGR a interjeté appel.

Le 18 octobre 2022, la SCI « Les chatons » s'est constituée.

En l'état de ses premières et dernières conclusions reçues le 13 octobre 2022, la SAS SCGR a demandé à la Cour au visa des articles 1719 du Code civil, 1, 16, 82-1, 455 et 458 du CPC de :

' annuler le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne du 17 août 2022,

' subsidiairement, le réformer,

Statuant à nouveau,

' débouter la SCI en toutes ses fins et conclusions,

' condamner la SCI au titre de son manquement à son obligation de délivrance et de garantie de jouissance paisible des biens loués à la SCGR a payé à celle-ci :

* les dommages et intérêts représentatifs des loyers payés indûment, en réparation des désagréments subis par la société SCGR, soit la somme de 306 954,27 euros de juillet 2016 à juillet 2019 et jusqu'à son départ effectif,

* les dommages-intérêts pour procédure d'exécution forcée de saisie et d'expulsion abusive soit le coût du gerbeur, le coût de la marchandise, le coût des racks et rayonnages, les frais et honoraires d'avocats, la perte d'exploitation, le loyer du véhicule Iveco, l'assurance du véhicule Iveco et la caution du loyer, le tout sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

' condamner la SCI à verser à la société SCGR au titre de son préjudice d'image la somme de 10 000 €,

' condamné la même à payer à Madame [U] la somme de 5000 € au titre de son préjudice moral,

' condamner la SCI à payer 3000 € pour la première instance et 5000 € pour l'instance d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En l'état de ses premières conclusions du 10 janvier 2023 et dernières conclusions reçues le 24 avril 2023, la SCI « Les chatons » a sollicité de la Cour au visa des articles 49, 82-1 du CPC, L111-10 et R.121-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, L213-6 du COJ, 605, 606, 1719, 1720 et 1728 du code civil, de :

A titre principal,

' déclarer la SAS mal fondée en son appel,

' confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' débouter la SAS SCGR de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

' constater la résiliation du bail à la date du 17 novembre 2019 et condamner la société SCGR à payer à la SCI « Les chatons » la somme de 43 466,05€, déduction faite du dépôt de garantie d'un montant de 17 400€ et dire que la condamnation au paiement de la somme de 43 466,05€ sera majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1343-2 nouveau du code civil.

' condamner la SCGR au paiement de la somme de 37 057,25€ au titre des réparations locatives,

Plus subsidiairement,

' Prononcer la résiliation du bail pour manquement du preneur à ses obligations d'entretien et d'usage raisonnable et fixer la date de résiliation du bail au plus tôt le 24 novembre 2021 sinon à la date de l'arrêt à intervenir,

' condamner la société SCGR à payer à la SCI « Les chatons » la somme de 242 453,12 € au titre des loyers échus et dus jusqu'au 24 novembre 2021 outre la somme de 37 057,25 € au titre des réparations locatives,

Dans tous les cas,

' condamner la société SCGR au paiement d'une somme de 7 000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les dépens sui seront recouvrés par Me NOSSIN conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2023.

Sur ce la Cour,

Sur la nullité du jugement du Tribunal judiciaire en date du 17 août 2022

La société appelante soutient que le jugement entrepris doit être annulé pour non-respect du principe du contradictoire et méconnaissance par le premier juge de son office. Elle allègue que d'une part le juge de première instance ne pouvait refuser de statuer sur le bien-fondé de l'exception au fond ; qu'étant juge de l'action, il était également juge de l'exception ; qu'à tout le moins il devait surseoir à statuer et renvoyer devant la juridiction compétente plutôt que de décider de l'irrecevabilité de la demande.

Toutefois, il convient de rappeler que l'exception en défense, qui n'est autre que moyen de défense au fond, peut seulement jouer pour faire échec à une action principale dirigée contre le défendeur.

Cette exception ne peut donc se confondre avec la demande reconventionnelle, qui aux termes de l'article 64 du code de procédure civile constitue une demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

Au cas d'espèce, la demande de la SAS SCGR qui consiste à solliciter devant le juge du fond la condamnation de la SCI « Les chatons » à lui rembourser les biens saisis au cours de l'exécution forcée de l'ordonnance de référé du 17 janvier 2020, ne peut être considérée comme une simple exception ayant pour objet de faire écarter la demande principale, mais comme une demande reconventionnelle échappant aux règles dérogatoires ci-dessus invoquées par l'appelante.

D'autre part, la société SCGR fait grief au premier juge de ne pas avoir appliqué les nouvelles dispositions de l'article 82-1 du code de procédure civile régissant les questions de compétence au sein du tribunal judiciaire. Selon l'appelante, le Premier juge se devait de renvoyer l'affaire au président du tribunal afin qu'il désigne le juge compétent.

Mais, à la lecture de l'article précité, ce texte ne met à la charge du juge saisi aucune obligation particulière.

En effet, il dispose que « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d'un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d'une partie ou d'office par le juge.
Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine.
Le dossier de l'affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.
La compétence du juge à qui l'affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois.
Dans ce cas, le juge, d'office ou à la demande d'une partie, renvoie l'affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire [']».

Ce texte institue donc une simple faculté de règlement des questions de compétence au sein du tribunal judiciaire, dont la mise en œuvre est laissée à la discrétion du juge, soit à la demande d'une partie soit d'office. Il ne s'agit pas d'une règle d'ordre public.

Enfin, la SAS SCGR invoque que le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré de la compétence exclusive du juge de l'exécution en matière de contentieux de la responsabilité pour exécution forcée, sans que ce moyen n'ait été soulevé par les parties et sans avoir procédé à la réouverture des débats ; que ce faisant il a violé l'article 16 du code de procédure civile, a méconnu l'article 1er du code de procédure civile et n'a pas satisfait à son obligation de motivation prévue à l'article 455 dudit code.

Mais en vertu de l'article 76 du code de procédure civile : « Sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ['] ».

Or, tel est le cas en matière de compétence du juge de l'exécution. Il ressort en effet de la combinaison des articles R. 121-1 et R. 121-4 du code de procédure civile d'exécution que d'une part tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence ; que d'autre part cette règle est d'ordre public.

Ainsi, le juge de l'exécution ayant, en vertu de l'article L213-6 du code de l'organisation judiciaire, une compétence exclusive s'agissant des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, c'est à juste titre que le premier juge a relevé son incompétence est invité la SAS SCGR à mieux se pourvoir.

D'où il suit, que le moyen doit être écarté.

Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme et l'exception d'inexécution des obligations du bailleur

Aux termes de l'article 1720 du code civil « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres de locatives ».

Le contrat de bail signé le 25 mai 2016 stipule en clause 14.3 que « Le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel, sans pouvoir exiger aucune réparation ».

La clause 16.3 stipule que « Le preneur prendra les lieux, objets du présent bail, dans l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucune réduction de loyer, ni aménagement ou réparation de quelque nature de ce soit, actuelle ou future. Au cas où quelque autorité que ce soit viendrait à exiger à un moment quelconque une modification des locaux ['], et même si cette exigence est constitutive d'un cas de force majeure, tous les frais et conséquences de cette modification seraient intégralement et définitivement supportés par le preneur qui s'y oblige ».

La société SCGR invoque la nullité de ces clauses, ou à tout le moins leur inapplicabilité dès lors que la délivrance du bien n'a pas été effectivement réalisée.

La SCI « Les chatons » allègue que si les parties ne peuvent exonérer totalement le bailleur de son obligation de délivrance, elles sont tout à fait libres d'en moduler l'ampleur ; que l'article 1720 du code civil n'est pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé. La société indique également qu'au jour des cessations de paiement survenues à compter du 1er août 2019, les désordres relevés par les locataires jusqu'en mars 2018 ne relevaient plus de l'obligation de délivrance du bailleur.

Mais, c'est de manière constante qu'il est admis, au visa des articles 1719 et 1720 du code civil, que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et d'autant plus s'agissant d'un local commercial comprenant une partie habitation, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il doit entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que locatives.

De sorte que les clauses du contrat de bail ne pouvaient décharger la SCI « Les chatons » de son obligation de délivrance d'un local en état de servir à l'usage contractuellement prévu, soit un local professionnel destiné à un usage commercial et pour la partie habitation à un usage d'habitation, conformément à l'article 3 du contrat de bail de 2016.

Enfin, il est constant que l'exception d'inexécution n'est justifiée qu'en présence de désordres ayant rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail ne suffisant pas.

En l'espèce, il ressort des échanges de courriels entre les parties en 2017, du procès-verbal de constat d'huissier en date du 19 mai 2017, des photographies et des états des lieux de sortie des 5 juin et 9 mars 2020 que, si le bailleur justifie avoir procédé à certaines réparations (pièce 12 des conclusions intimées), d'autres désordres constatés par les locataires subsistaient encore au jour de la cessation des paiements.

Ainsi, le constat d'huissier du 19 mai 2017 et le procès-verbal d'état des lieux de sortie du 9 mars 2020 font état s'agissant du bâtiment à usage commercial :

' d'attaques provenant d'insectes xylophages sur les bois de charpente, sur un poteau en bois au fond du hangar, sur le parquet des bureaux qui casse et qui craque car rongé par les termites. Si le bailleur argue que le bois utilisé dans le hangar est de classe 4 traité contre les termites, il n'en rapporte pas la preuve.

' la présence de chauve-souris dans les bureaux et le hangar (déjections constatées à certains endroits du bâtiments).

' des câbles électriques qui pendent et sont coupés dans la salle des archives,

' la présence de fils électriques dénudés non protégés par un domino dans le hangar et les sanitaires,

' un problème électrique au niveau des fusibles des sanitaires (deux fusibles font disjoncter l'intégralité du système électrique),

' pas d'électricité dans le premier bureau à gauche

' l'absence de grillage sur le parking.

Concernant le bâtiment à usage d'habitation, le constat du 19 mai 2017 et le procès-verbal d'état des lieux de sortie du 5 juin 2020 relèvent :

' l'absence d'une poignée sur la porte d'entrée du salon, le constat de 2017 précisant que celle-ci devait être claquée pour être fermée et celui de 2020 mentionnant que la porte fermée de l'intérieur avec des fils et des points et qu'il existait des traces d'effraction sur le cadre de la porte au niveau des fermetures.

' les fermetures des ouvrants (fenêtres, volets en bois, portillons de la terrasse) de mauvaise qualité, ferment mal, manquant parfois de serrures ou de barres de sécurité.

' l'absence de clôture à l'extérieur de l'habitation.

C'est donc à tort que le bailleur considère avoir satisfait à son obligation de délivrance, que ce soit au jour de la conclusion du contrat de bail ou au cours de l'exécution de ce dernier.

Force est de constater que les désordres reprochés à la SCI SCGR existaient bien au moment du non-paiement des loyers et qu'ils ont perduré jusqu'à la fin de l'occupation effective des lieux.

Que ces manquements étaient suffisamment graves au sens de l'article 1219 du code civil ; que de plus de par les risques d'hygiène et de sécurité auxquels ils exposaient l'ensemble des usagers des locaux, tant à usage commercial que d'habitation, ces désordres rendaient bien les immeubles impropres à leur destination respective.

Néanmoins, la résolution a pour effet de mettre fin au contrat, conformément à l'article 1229 du Code civil. Ainsi, il est constant que l'exception d'inexécution devient inefficace une fois que la clause résolutoire est acquise.

En l'espèce, le contrat de bail commercial du 25 mars 2016 comporte une clause résolutoire stipulant qu'en vertu de l'article L 145-41 du code de commerce, la résiliation du bail commercial interviendra de plein droit un mois après un commandement demeuré infructueux.

Que dans le mois du commandement de payer du 17 octobre 2019, la SAS SCGR n'a ni payé les loyers ni saisi le juge aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire comme l'y autorisait l'article susvisé ; que dès lors la clause résolutoire pour non-paiement des loyers était acquise,

En conséquence, c'est en vain que la SAS SCGR invoque l'exception d'inexécution pour s'y opposer.

Il y a donc lieu de débouter l'appelante de sa demande de dommages et intérêts à hauteur des loyers versés à la SCI « Les chatons » depuis la mise en demeure de juillet 2016 jusqu'à la date d'arrêt de paiement en août 2019.

La même sera déboutée de sa demande de compensation avec les sommes dues à titre d'indemnité d'occupation revendiquées par la SCI.

Sur les sommes dues au titre de loyers impayés et de l'indemnité d'occupation

La SAS SCGR ne conteste pas s'être abstenue du règlement des loyers à compter du mois d'août 2019 pour un montant total de 26 917,63 euros arrêté au 31 octobre 2019.

Elle ne conteste pas davantage la créance fixée par le premier juge au titre des loyers impayés et de l'indemnité d'occupation, pour un montant total de 42 055,95 euros.

La SCI « Les chatons » demande à titre principal que soit confirmé le jugement entrepris.

Il y a donc lieu de condamner la SAS SCGR à payer à la SCI « Les chatons » la somme de 42 055,91 euros, après déduction du dépôt de garantie de 17 400 €, avec intérêt au taux légal à compter du 24 novembre 2021, date de l'assignation.

Sur la demande d'indemnisation au titre des réparations locatives

La SCI « Les chatons » sollicités en première instance la condamnation des locataires au remboursement des frais avancés par elle au titre des réparations locatives, après restitution du bien.

Elle évaluait le montant de ces réparations à 37 057,25 euros et justifiait de plusieurs factures au titre de la remise en état du chemin, de la réparation du portail électrique en raison des dysfonctionnements du moteur, des travaux de rafraîchissement du local commercial et du lavage des façades.

Le tribunal fixait la créance du bailleur, qui a avancé les réparations locatives à la somme de 12 167,25 euros consistant en des travaux de rafraîchissement du local commercial et de lavage des façades. Le tribunal considérait que les autres travaux réalisés par la SCI relevaient du devoir d'entretien incombant au bailleur.

En cause d'appel, la SAS SCGR demande que la SCI les chatons soit déboutée de l'intégralité des réparations locatives exposées, lesquelles représentent en réalité selon elle des travaux de mise en conformité du local commercial et d'habitation avec la destination des lieux.

Au cas d'espèce, s'agissant des travaux de rafraîchissement du local commercial, le bailleur produit en pièce 19, un devis estimatif, établi le 11 mai 2020 par la société To Ti Kaz, pour une prestation de nettoyage haute pression des façades intérieures et extérieures, évaluée à 3591,75 euros.

Mais ce devis n'est pas signé et ne contient aucun élément permettant à la Cour de contrôler la réalisation de cette prestation ainsi que le paiement effectif de celle-ci. De sorte que ce justificatif dont la valeur probante est équivoque, sera écarté.

Du reste, il ressort expressément des procès-verbaux de constat d'état des lieux de sortie que les immeubles loués ont été mal entretenus, que l'huissier a constaté un mauvais état général des locaux : peintures murales sales et tachetées (dessins et d'écriture laissés par les enfants des locataires), parquets rayés, carrelage cassé, marchandises appartenant aux locataires déclarées abandonnées.

Ainsi, il y a lieu d'engager la responsabilité de la SAS SCGR au titre des travaux de rafraîchissement du local commercial, dont il est attesté par facture n° 01052020 en date du 18 mai 2020 émanant de la société ESPACE MEGA, pour un montant de 8 575,50 euros.

En effet, les réparations facturées dans le local commercial, notamment la peinture des sanitaires ainsi que ceux des bureaux (murs et portes isoplanes), correspondent bien aux dégradations constatées par l'huissier de justice.

L'appelante sera donc condamnée à payer à la SCI « Les chatons » la somme de 8575,50 euros au titre des réparations locatives.

Sur la demande de remboursement des biens saisis dans le cadre de l'exécution forcée

C'est à juste titre que le premier juge a repris les termes de l'article L213-6 du code de l'organisation judiciaire, en vertu duquel « le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elle porte sur le fond du droit à moins qu'elle n'échappe à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ».

C'est donc à bon droit que celui-ci a relevé d'office la compétence exclusive du juge de l'exécution, s'agissant de la demande de remboursement de l'appelante quant aux biens saisis à l'occasion de l'exécution forcée de l'ordonnance de référé du 17 janvier 2020.

Il convient donc de renvoyer la SAS SCGR à mieux se pourvoir et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

S'agissant du préjudice moral et d'images allégués par Madame [U], présidente de la SCGR

L'appelante allègue que Madame [U] s'est trouvée personnellement impactée par la situation de la société, que son mari a été affecté par ce litige et a dû être hospitalisé, que de faire elle a été contrainte de s'occuper seule de sa vie de famille, de la santé de son époux et du transfert de l'activité commerciale, ce qui ne lui a pas permis d'exercer pleinement ses fonctions de présidente. Elle prétend que Madame [U] est partie à la procédure en sa qualité de présidente de la société locataire.

La même atteste avoir subi un préjudice d'image en ce qu'elle a été obligée de quitter la, sous la pression de commandement d'expulsion, pour non-paiement des loyers, ce qui constitue vis-à-vis des tiers un signe de fragilité commerciale.

Mais force est de constater que l'appelante ne produit au soutien de ses prétentions, aucun élément de nature à démontrer utilement ses assertions, de sorte que la Cour se trouve privée de son contrôle.

Il y a par conséquent lieu de la débouter de ses demandes indemnitaires.

Sur les autres demandes

Au regard des circonstances de l'espèce, chaque partie conservera la charge de ses dépens

De même, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :

DEBOUTE la SAS SCGR de sa demande d'annulation du jugement du tribunal judiciaire de Cayenne du 17 août 2022,

CONFIRME le jugement déféré, sauf s'agissant du montant de la créance de la SCI « Les Chatons » au titre des réparations locatives,

Statuant à nouveau, sur ce chef,

CONDAMNE la SAS SCGR à payer à la SCI « Les Chatons » la somme de de 8 575. 50 euros au titre des réparations locatives.

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

AUTORISE Me NOSSIN à recouvrer ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.