CA Lyon, 1re ch. civ. a, 22 février 2024, n° 20/06720
LYON
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Sevlor (SCI)
Défendeur :
Ritmo Evento (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Vice-président :
M. Goursaud
Conseiller :
M. Gauthier
Avocats :
Me Lavergne, SELARL De Fourcroy Avocats Associes, SCP Baufume et Sourbe, SELARL Berthelon Gallone & Associes
Par acte sous seing privé du 25 juin 2013, la SCI Sevlor a donné en location à la société Ritmo Evento un bateau de type chaland, amarré [Adresse 1] à [Localité 3]. Cette location a été consentie pour une durée de neuf ans, à compter du 1er août 2013, moyennant un loyer annuel de 252 000 euros HT, outre une provision mensuelle de 1 000 euros HT en paiement des charges. Le bail prévoyait la prise en charge par la locataire de travaux d'agencement d'un montant de '250.00" euros (en réalité, 250'000 euros).
Le bail stipule que le bateau est loué comme établissement flottant recevant du public à bord, avec activités à quai, bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque.(souligné dans le bail)
Le bail précise également que :
- dans le cadre de l'exploitation du bateau, le locataire pourra également exploiter une terrasse à quai,
- à ce jour, l'agrément ERP (établissement recevant du public) est en cours d'obtention.
La locataire a dû engager des travaux de mise en conformité aux normes obligatoires pour obtenir l'agrément ERP et l'agrément comme établissement flottant, afin exploiter un restaurant, et a procédé à l'ouverture à la clientèle avec 50 jours de retard sur la date prévue.
Par courrier du 29 janvier 2014, le service des Voies Navigables de France (VNF) a adressé au bailleur un refus d'autorisation d'installer une terrasse entre la péniche et le quai et d'exploiter le bateau comme discothèque. Le service des VNF a en outre fait observer que plusieurs stipulations contractuelles étaient en contradiction avec la convention d'occupation temporaire conclue avec le propriétaire du bateau en 2012.
Par lettre du 7 avril 2014, le service des VNF a informé la SCI Sevlor qu'il autorisait l'exploitation du bateau pour les activités de restaurant, expositions, conférences, réception privée, séminaires professionnels et événements culturels ou institutionnels, toute autre activité (bar, discothèque) devant être soumise à son accord.
La société Ritmo a pu toutefois exploiter sporadiquement une terrasse sur le quai et organiser des soirées privées dansantes et des concerts.
Le 19 octobre 2017, la SCI a fait assigner la société Ritmo Evento devant le juge des référés aux fins d'obtenir la résiliation du bail et le paiement des arriérés de loyer qui n'étaient pas entièrement réglés depuis juin 2017.
Par ordonnance du 14 mai 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, retenant l'existence de contestations sérieuses concernant les créances réclamées par la société Ritmo Evento au titre des taxes et de manquements du bailleur à ses obligations, a notamment ordonné la suspension du paiement de la moitié du loyer jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue sur le fond dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Lyon. Par arrêt du 26 février 2019, la cour a confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné la suspension du paiement de la moitié du loyer. Le pourvoi en cassation formée par la SCI Sevlor a été rejeté.
Par acte d'huissier de justice du 24 octobre 2017, la société Ritmo Evento a fait assigner la société Sevlor devant le tribunal de grande instance de Lyon en remboursement des taxes foncières indûment réglées et paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme aux caractéristiques contractuelles.
Par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Ritmo Evento. Un plan de redressement par apurement du passif a été adopté le 20 novembre 2018 pour une durée de huit ans.
Par jugement du 3 juillet 2018, la SCI Sevlor a été admise au bénéfice d'une procédure de sauvegarde.
Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon, statuant sur la procédure initiée le 24 octobre 2017, a :
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau avec une terrasse exploitable à quai ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la société Ritmo Evento un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance et à son obligation d'entretien de la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau en conformité avec la réglementation sur les établissements recevant du public ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance et à son obligation d'entretien de la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau en conformité avec les normes de navigabilité ;
dit que la société Sevlor devra indemniser la Société Ritmo Evento de la perte de marge jusqu'au 15 mai 2022 engendrée par l'impossibilité d'exploiter la terrasse, de la perte de marge jusqu'au 15 mai 2022 engendrée par l'impossibilité d'exploiter une activité de discothèque, de la perte de marge engendrée par le retard d'ouverture de l'établissement causé par les travaux de mise en conformité avec la réglementation, des frais engagés par l'intervention de la société Socotec du cabinet Ruby, des sociétés Russla Project et Lurma, de Monsieur [L] [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux pour la mise aux normes;
réservé la fixation de la créance de dommages-intérêts de la société Ritmo Evento envers la Société Sevlor, la demande de compensation avec les loyers et charges et autres sommes dues dans le cadre du contrat de bail et toute demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
dit que les taxes foncières et Voies Navigables de France sont à la charge de la société Sevlor qui doit en conséquence rembourser à la société Ritmo Evento les taxes foncières 2015 et 2016 dont le montant de 8 372 euros sera fixé au passif de la procédure de sauvegarde de la société Sevlor, ainsi que les sommes réglées par la société Ritmo Evento au titre des taxes foncières et VNF à partir du 3 juillet 2018, jour du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ;
rejeté la demande au titre des frais occasionnés par la mise en cale sèche du bateau et les réparations nécessaires ;
rejeté la demande de condamnation de la société Ritmo Evento pour procédure abusive
dit que la société Sevlor devra communiquer à la société Ritmo Evento les plans hydrauliques et le plan électrique initial du bateau amarré au jour de l'entrée dans les lieux dans les trente jours de la signification du présent jugement et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai.
avant dire droit,
ordonné une expertise confiée à un expert en loyers commerciaux ;
dit que la société Sevlor devra verser à la société Ritmo Evento la somme de 10.000 euros en avance sur les frais d'instance avant le 30 novembre 2020, assortie de la somme de 100 euros par jour de retard
réservé les dépens de l'instance
sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Par déclaration du 1er décembre 2020, la société Sevlor et la Selarl [O] es-qualités ont interjeté appel de cette décision.
Par acte d'huissier de justice du 30 avril 2020, la SCI Sevlor a fait assigner la société preneuse devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir sa condamnation à lui payer un arriéré de loyer de 28'151,65 euros. Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a condamné la société Ritmo Evento à payer à la SCI Sevlor la somme de 53'349,83 euros à parfaire correspondant à son arriéré locatif, avec exécution provisoire.
Par jugement du 1er août 2023, la société Ritmo Evento a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon et la Selarl [M] [U] désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 13 septembre 2023, l'ordonnance de clôture initiale de la présente procédure a été révoquée pour permettre à la Selarl [M] [U] de régulariser des conclusions sous sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento.
Par conclusions déposées au greffe le 7 octobre 2023, la SCI Sevlor et la Selarl [O], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan dans le cadre de la procédure de sauvegarde, demandent à la cour de :
- Recevoir la SCI Sevlor dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel;
- Prendre acte de l'intervention volontaire de la Selarl [M] [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento désignée par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 1er août 2023 aux lieu et place de la société intimée Ritmo Evento ;
Ce faisant,
Infirmer le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon dans l'intégralité de son dispositif ;
Statuant à nouveau,
Sur l'exploitation d'une terrasse à quai :
A titre principal
- Juger que l'intention des parties lors de la conclusion du contrat de location du 25 juin 2013 n'était pas d'inclure dans l'assiette du bail une terrasse à quai et que la SCI Sevlor n'a pas manqué à son obligation de délivrance d'une « terrasse à quai » ;
Juger que la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée en toute demande d'indemnisation au titre de sa prétendue perte de chance d'exploiter une « terrasse à quai » ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que l'intention des parties était d'inclure une terrasse à quai dans l'assiette du contrat de location,
- Juger que la SCI Sevlor est exonérée de toute responsabilité au titre de son manquement à son obligation de délivrance d'une « terrasse à quai » en raison de la faute de négligence commise par la société Ritmo Evento ayant directement concouru à la réalisation du dommage qu'elle prétend aujourd'hui subir et de sa mauvaise foi caractérisée dans l'exécution de la convention.
- Juger que la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée en sa demande d'indemnisation au titre de sa prétendue perte de chance d'exploiter une « terrasse à quai » ;
Sur l'utilisation du bateau à usage de discothèque :
A titre principal,
- Juger que l'intention des parties n'étaient pas de prévoir une destination du bateau à usage de discothèque et que le bailleur n'a pas manqué à son obligation de délivrance;
- Juger que la SELARL [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée en sa demande d'indemnisation au titre de sa prétendue perte de chance d'exploiter une discothèque ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à juger que l'intention des parties était de délivrer dès la prise d'effet du contrat un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occupation du domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque
- Juger que la SCI Sevlor est exonérée de toute responsabilité au titre de son manquement à son obligation de délivrance d'un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque en raison de la faute de négligence et d'imprudence commise par la société Ritmo Evento ayant directement concouru à la réalisation du dommage qu'elle prétend aujourd'hui subir et de sa mauvaise foi caractérisée dans l'exécution de la convention.
- Juger que la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée en sa demande d'indemnisation au titre de sa prétendue perte de chance d'exploiter une activité de discothèque ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Juger que la société Ritmo Evento utilise l'autorisation des VNF d'exploiter les locaux pour y organiser des « événements culturels » pour y exercer en réalité une activité de discothèque/club de telle sorte qu'elle ne rapporte donc pas la preuve d'un quelconque préjudice au titre du manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque.
Sur l'absence de manquement par la SCI Sevlor à l'obligation de délivrance d'un bien conforme à ses caractéristiques contractuelles et d'entretien de la chose en état de servir l'usage pour lequel elle avait été louée, s'agissant de la non-conformité comme établissement recevant du public et de navigabilité,
A titre principal,
- Juger que les travaux de mise en conformité pour une destination de « bateau, restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque» ont été contractuellement transférés à la société Ritmo Evento en application de l'article 2 «amélioration » de la convention de location du 25 juin 2013 ;
- Juger en conséquence que la Selarl [M] [U] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée à solliciter le remboursement des frais qu'elle a engagés par l'intervention de la société SOCOTEC, du cabinet Ruby, des sociétés Russla Project et Lurma, de M. [L] [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux pour la mise aux normes ainsi que le versement d'une indemnité réparatrice au titre de la perte de marge pendant la durée de réalisation de ces travaux ;
A titre subsidiaire, si la cour venait à considérer que la charge des travaux de mise aux normes n'a pas été transférée à la société Ritmo Evento,
- Juger que la société Ritmo Evento a réalisé des travaux de mise aux normes apportant des changements sur le bateau sans l'accord préalable et écrit du bailleur en violation du contrat de location et qu'elle ne rapporte pas la preuve que l'intégralité des frais qu'elle a engagés sont en lien direct et exclusif avec un quelconque manquement du bailleur à son obligation de délivrance ;
- Juger, en conséquence, que la Selarl [M] [U] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée à solliciter le remboursement des frais qu'elle a engagés par l'intervention de la société SOCOTEC, du cabinet Ruby, des Sociétés Russla Project et Lurma, de M. [L] [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux pour la mise aux normes ainsi que le versement d'une indemnité réparatrice au titre de la perte de marge pendant la durée de réalisation de
ces travaux ;
En tout état de cause,
Juger que la Selarl [M] [U] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento est infondée à solliciter le remboursement des frais engagés par l'intervention de la société Socotec, du cabinet Ruby, des Sociétés Russla Project et Lurma, de M. [L] [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux pour la mise aux normes ainsi que le versement d'une indemnité réparatrice au titre de la perte de marge pendant la durée de réalisation de ces travaux à défaut d'avoir mis préalablement la SCI Sevlor constituant un manquement à son obligation d'user de la chose raisonnablement en violation de l'article 1728 du code civil et d'exécuter la convention de location de bonne foi (sic).
Si par extraordinaire, la cour venait à confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la SCI Sevlor à indemniser la Selarl [M] [U] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento au titre de sa perte de marge de l'exploitation d'une terrasse à quai et d'une activité de discothèque,
- Juger qu'aucune mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la société Ritmo Evento dans l'administration de la preuve en application de l'article 146 du code de procédure civile.
Sur la taxe foncière et la redevance due aux Voies Navigables de France (VNF)
- Juger que la Société Ritmo Evento doit rembourser à la SCI Sevlor le montant de la taxe foncière et de la redevance due aux VNF en application de la clause « impôts et taxes » stipulée au contrat de location du 25 juin 2013 et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento ;
Sur la mise en cale sèche, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Ritmo Evento au titre des frais de mise en cale sèche à venir ;
Sur les plans initiaux hydrauliques et électriques, constater que la SCI Sevlor a bien communiqué à la société Ritmo Evento les plans initiaux hydrauliques et électriques ;
Sur la levée de la suspension du paiement de la moitié des loyers dus par la société Ritmo Evento
- Juger que de la mesure de suspension du paiement de la moitié des loyers dus par la société Ritmo Evento rétroactivement à compter du 21 novembre 2017 ordonnée par l'ordonnance de référé du 14 mai 2018 doit être levée ;
- Condamner la société Ritmo Evento à payer la totalité du montant du loyer contractuel à compter du 21 novembre 2017 et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento.
Sur l'appel incident de la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento :
Sur la demande de dommages et intérêts de la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento,
A titre principal,
- Constater que le dispositif des conclusions d'intimée du mois de mai 2021 de la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento comprend des demandes contradictoires quant à l'allocation de dommages et intérêts;
En conséquence,
- Juger irrecevable la demande de la société Ritmo Evento de se voir allouer des dommages et intérêts d'un montant de 900.000 euros et de voir fixer son montant au passif de la procédure de sauvegarde de la SCI Sevlor ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à considérer l'appel incident recevable,
- Débouter la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento de sa demande d'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 900.000 euros et d'une quelconque compensation avec les sommes qu'elle doit à la SCI Sevlor en ce qu'elle est infondée ;
Sur la demande de remboursement de l'impôt foncier et des redevances VNF
- Débouter la Selarl [M] [U] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento de sa demande de voir condamner la SCI Sevlor à lui restituer l'intégralité des sommes versées au titre de l'impôt foncier et des redevances dues aux VNF.
En tout état de cause,
- Condamner la société Ritmo Evento au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle subit en raison de cette procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento;
- Condamner la société Ritmo Evento à payer à la SCI SEVLOR l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile par le jugement attaqué et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento ;
- Condamner la société Ritmo Evento au paiement d'une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento ;
- Condamner la société Ritmo Evento le montant des entiers dépens d'appel (sic) dont distraction au profit de la Sarl de Fourcroy, avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile et fixer cette créance de la SCI Sevlor au passif de la liquidation judiciaire de la société Ritmo Evento .
Par conclusions déposées au greffe le 1er septembre 2023, la Selarl [M] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento demande à la cour de :
Donner acte à la société Selarl [M] [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento, de la reprise de l'instance.
Lui adjuger, en conséquence, l'entier bénéfice des écritures antérieurement signifiées.
Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de Lyon en date du 3 novembre 2021 en ce qu'il a refusé de constater une première créance de dommages et intérêts de la société Ritmo Evento à l'encontre de la SCI Sevlor tous postes de préjudices confondus et de fixer son montant au passif de la procédure de sauvegarde à la somme de 900.000 euros;
Statuant à nouveau sur ce point, faire droit aux demandes formées par la société Ritmo Evento de ce chef et en conséquence :
- constater une première créance de dommages et intérêts de la société Ritmo Evento à l'encontre de la SCI SEVLOR, tous postes de préjudices confondus, et fixer son montant au passif de la procédure de sauvegarde à la somme de 900.000 euros ;
- ordonner la compensation de la créance qui sera fixée avec toutes les sommes dues par la société Ritmo Evento à la SCI Sevlor en exécution du contrat de bail commercial, notamment les loyers et charges.
Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les taxes foncières et Voies Navigables de France sont à la charge de la SCI Sevlor.
Le réformer en ce qu'il a jugé qu'une partie de la créance de restitution serait antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SCI Sevlor.
Statuant à nouveau sur ce point, condamner la SCI Sevlor à restituer l'intégralité des sommes réglées à ce titre à la société Selarl [M] [U], ès qualités
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit que la SCI Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la SARL Ritmo Evento, selon bail du 25 juin 2013, un bateau avec une terrasse exploitable à quai;
- Dit que la SCI Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la SARL Ritmo Evento, selon bail du 25 juin 2013, un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque ;
- Dit que la SCI Sevlor a manqué à son obligation de délivrance et à son obligation d'entretien de la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en ne louant pas à la SARL Ritmo Evento, selon bail du 25 juin 2013, un bateau en conformité avec les normes de navigabilité ;
- Dit que la SCI Sevlor devra indemniser la SARL Ritmo Evento de la perte de marge engendrée par l'impossibilité d'exploiter la terrasse jusqu'au 15 mai 2022, de la perte de marge jusqu'au 15 mai 2022 engendrée par l'impossibilité d'exploiter une activité de discothèque, de la perte de marge engendrée par le retard d'ouverture de l'établissement causé par les travaux de mise en conformité avec la réglementation, des frais engagés par l'intervention de la société Socotec du cabinet Ruby, des sociétés Russla Projetc et Lurma, de M. [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux pour la mise aux normes;
- Rejeté la demande de condamnation de la SARL Ritmo Evento pour procédure abusive;
Avant-dire droit,
- Ordonné une expertise confiée à [P] [K], expert en loyers commerciaux inscrit sur la liste de la cour d'appel de Lyon, avec la mission de :
- Recueillir et les consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles,
entendre tous sachants à charge de reproduire leurs dires et leurs identités,
- S'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source, faire appel si nécessaire à un technicien d'une spécialité différente de la sienne ;
- Etablir et communiquer aux parties ainsi qu'au magistrat chargé du suivi de l'expertise une note de synthèse après chaque réunion ;
- Se rendre sur les lieux du litige ;
- Évaluer, jusqu'à la date du présent jugement, puis jusqu'au 15 mai 2022, les préjudices causés à la société Ritmo Evento par l'impossibilité d'exploitation d'une discothèque, l'impossibilité d'exploitation d'une terrasse à quai et le bateau, la non-conformité du bateau à la règlementation des ERP et les normes de navigabilité (notamment sur ce dernier point les frais de mise en conformité et le préjudicie induit par le retard d'ouverture de l'établissement) ;
- Examiner les factures produites par la SARL Ritmo Evento à l'appui de sa demande de dédommagement des frais de mise en conformité avec la réglementation sur les établissements ouverts au public et les établissements flottants;
- Se faire remettre les factures afférentes aux travaux d'agencement contractuellement prévus en page 4 du contrat de bail et vérifier leur caractère distinct des factures précédentes,
- Déposer un pré-rapport,
- S'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires récapitulatifs et observations des parties dans le délai qui leur aura imparti après le dépôt de son pré-rapport et le cas échéant, compléter ses investigations ;
- Désigné le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire (3ème chambre cabinet 3C) pour suivre les opérations d'expertise et faire rapport en cas de difficultés ;
- Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation et qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;
- Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il aura été avisé par le greffe de la consignation par la SARL Ritmo Evento de la provision mise à sa charge ;
- Dit que la SARL Ritmo Evento devra consigner à la régie des avances et recettes de ce tribunal la somme de 5.000 euros à valoir sur les frais d'expertise le 30 novembre 2020;
- Rappeler qu'à défaut de consignation dans le délai imparti la désignation de l'expert est caduque ;
- Dit qu'à l'issue de la première et au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert soumettra au juge chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties un état provisionnel détaillé de ses frais et honoraires, et en cas d'insuffisance de la provision allouée, demandera la consignation d'une provision complémentaire ;
- Dit que l'expert rédigera au terme de ses opérations un pré-rapport qu'il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai minimum d'un mois,
- Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe en trois exemplaires le 30 avril 2021, prorogation qui lui serait accordée par le magistrat chargé du suivi de l'expertise sur requête à cet effet,
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Réservé les dépens de l'instance ;
- Sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
En tout état de cause :
Débouter la SCI Sevlor de ses entières demandes et notamment de levée de la suspension du paiement de la moitié des loyers.
Condamner la SCI Sevlor à payer à la Selarl [M] [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la même aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Gaël Sourbé, Avocat.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il y a lieu d'accueillir l'intervention volontaire de la Selarl [M] [U], désignée par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 1er août 2023, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento.
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1- sur l'obligation de délivrance
Vu l'article 1719 du code civil ;
a- la terrasse à quai
La SCI Sevlor et la Selarl [O] ès-qualités indiquent que le tribunal a commis une erreur dans l'interprétation du contrat, l'exploitation d'une telle terrasse étant stipulée par un alinéa isolé qui précise que le locataire pourra également exploiter cet équipement et l'article intitulé 'charges et conditions du bail' stipulant que le preneur s'engage à se conformer à la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial tel (sic) qu'annexé aux présentes. Elles font observer que la convention d'occupation temporaire conclue avec les VNF le 12 novembre 2012 n'autorisait pas l'exploitation d'une terrasse à quai et que les parties n'ont pas entendu inclure cette terrasse dans l'assiette du bail lors de sa conclusion et d'exclure toute démarche administrative préalable du locataire ou du bailleur. Elles font valoir qu'informé de ce que les VNF souhaitaient consulter un projet de présentation des terrasses pour délivrer les autorisations nécessaires, le 2 octobre 2014, le gérant de la société Ritmo Evento a tout d'abord renoncé à cet équipement en raison de l'augmentation des redevances qui en résulterait. Elles ajoutent que la société preneuse a su obtenir en 2015 une convention d'occupation du domaine public fluvial pour un terrain, ce qui contredit l'affirmation du tribunal selon laquelle seul le bailleur pouvait obtenir l'autorisation d'exploiter la terrasse à quai. Elles précisent que la surface alléguée de 500 m² ne résulte d'aucun document contractuel, et mettent en cause le conseil de la société preneuse qui a rédigé le bail, sans informer sa cliente que la convention avec les VNF ne permettait pas d'exploiter une telle terrasse.
Le Selarl [M] [U] es-qualités répond que la terrasse est stipulée au bail, que sa construction avait débuté avant la mise en location, qu'elle était indiquée sur les annonces locatives présentant le bateau, sur le document remis par le bailleur aux candidats à la location, et dans le dossier de présentation établi par le bailleur à l'intention des VNF et que le bailleur avait garanti à son cocontractant qu'il obtiendrait les autorisations permettant de l'exploiter.
Sur ce,
A la rubrique 'désignation' du contrat de location régularisé le 25 juin 2013, après la description du bateau et l'indication de la superficie de ses trois niveaux, il est précisé ceci : 'dans le cadre de l'exploitation du bateau le locataire pourra également exploiter une terrasse à quai'.
Or, la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial conclue le 20 novembre 2012 pour une durée de deux ans entre l'établissement public VNF (ci-après VNF) et M. [Y] [S], gérant de la SCI Sevlor désigné comme l'occupant dans cet acte, autorise l'occupation du domaine public fluvial à raison d'une superficie de 462 m² correspondant à l'emprise du bateau Sevlor sur le fleuve, et de 32 m² de terrain nu permettant l'accès au bateau. Il n'est aucunement prévu de terrasse, qu'elle soit située entre le bateau et le quai ou même sur le quai.
Le contrat de location impose au preneur de se conformer à la convention d'occupation temporaire du domaine fluvial, ainsi que le font valoir les appelantes. Cependant et contrairement à ce qu'indique le bail en page 4, la convention n'y a pas été annexée.
Le 29 janvier 2014, VNF a signalé au bailleur que contrairement à l'indication portée au contrat de location, aucune terrasse à quai n'avait été autorisée, et qu'elle ne le serait pas dans un premier temps (pièce 29 de l'appelante). Le bailleur a transmis ce courriel à la société preneuse.
Par un courriel du 17 juin 2016, VNF a informé la société Ritmo Evento que sa demande d'aménagement d'une terrasse au niveau du quai bas était rejetée.
L'intimée produit :
- une annonce du cabinet [Z], agence d'immobilier d'entreprise, datée du 10 juin 2013 et annonçant la mise en location pour un commerce de brasserie du bateau Sevlor disposant de 500 m² de terrasse (sa pièce 7). Si les appelantes contestent avoir mandaté cet intermédiaire, il n'en demeure pas moins que la pièce dont la fausseté n'est pas démontrée fait expressément état d'une terrasse de grandes dimensions. La photographie qui illustre l'annonce confirme la présence à cette date d'une armature métallique partiellement recouverte de planches, située entre le bateau et le quai, ayant l'apparence d'une structure de terrasse.
- un document de présentation du bateau que lui a remis la SCI le 3 juillet 2013, dont les dessins en pages 2 et 3 représentent une terrasse en bois entre le bateau et le quai (sa pièce 8).L'intimée ne conteste pas qu'il lui a été adressé par courriel après la conclusion du bail, le 25 juin précédent. Ce document montre toutefois qu'à la date de la transmission, la SCI Sevlor présentait le bateau comme étant doté d'une vaste terrasse, ce qui corrobore les termes de l'annonce publiée antérieurement.
- le dossier de présentation du 14 octobre 2013 établi par la SCI à l'attention de VNF, comporte des photographies montrant la structure métallique correspondant à une terrasse, entre le bateau et le quai (pièce 39 des appelantes).
Surtout, la clause du bail énonçant que dans le cadre de l'exploitation du bateau le locataire pourra également exploiter une terrasse à quai, utilise le futur du verbe pouvoir et non le conditionnel ; la phrase est en conséquence affirmative et signifie que le bail permet au preneur de jouir d'une terrasse. Ainsi évoquée, l'exploitation d'une terrasse ne peut être considérée comme dépendant d'une autorisation non encore accordée, et donc hypothétique, alors que les documents dont il est fait état ci-avant confirment que le bateau a été présenté à la société Ritmo Evento comme comportant une telle terrasse.
En outre, le contrat du 25 juin 2013 indique (p 2) : ce bateau est loué, comme établissement flottant recevant le public à bord, avec activités à quai, ce qui conforte la présence d'une terrasse.
Enfin, la convention d'occupation temporaire du domaine public de 2012 n'ayant pas été annexée au bail, contrairement à ce que mentionne l'acte qui le prévoit expressément, il ne peut être affirmé comme le font les appelantes que la contradiction entre le bail et la convention était manifeste et devrait conduire la juridiction à interpréter l'intention des parties comme étant de ne pas inclure la terrasse dans l'assiette du bail, alors que le contrat prévoit sans ambiguïté le contraire.
Au vu de la convention d'occupation du domaine public conclue en 2012 et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, il incombait au bailleur de solliciter l'autorisation d'installer une telle terrasse avant qu'il en soit fait état dans le bail, ou tout au moins d'interroger VNF sur la possibilité d'obtenir l'autorisation nécessaire, alors qu'aucun élément ne permettait au preneur de mettre en doute les indications du bail sur ce point et de rechercher auprès de VNF la confirmation d'une information figurant au contrat.
Les appelantes ne peuvent pas davantage reprocher au rédacteur de l'acte de n'avoir pas effectué de vérifications à ce sujet, alors qu'aucune réserve n'assortissait la mention relative à l'exploitation de la terrasse dont la structure métallique était au surplus visible à la date de signature du contrat.
Dans ces conditions, les observations de l'appelante sur la superficie exacte de la terrasse et sur le fait que la société preneuse ait été en capacité de solliciter directement l'autorisation d'installation d'une telle terrasse auprès de VNF, après la conclusion du bail, sont sans emport sur l'exécution par le bailleur de son obligation de délivrance.
Le jugement critiqué mérite en conséquence d'être approuvé en ce qu'il a considéré que la terrasse à quai était incluse dans l'assiette du bail et qu'aucune démarche administrative préalable pour l'exploiter n'était requise tant du locataire que du bailleur.
b- la discothèque
A la rubrique « désignation », le bail stipule que le bateau bénéficie de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque (souligné dans le bail).
L'intimée fait valoir que le loyer, très élevé, a notamment été accepté en raison de la faculté d'exploiter une discothèque, cette activité étant à fort taux de marge. Elle soutient que le bailleur avait l'obligation de s'assurer qu'il pourrait exploiter une activité de dancing et que les autorisations nécessaires seraient délivrées. Elle se prévaut de la consultation produite par les appelantes dont l'auteur rappelle que lorsque l'exploitation ou l'activité prévue au bail impose une autorisation, il incombe au propriétaire de l'obtenir et ajoute que l'activité de dancing et activités de danses figure dans son objet social.
Elle reproche au bailleur d'avoir promis la possibilité d'exercer une activité de discothèque sans avoir obtenu préalablement des VNF une autorisation au moins de principe sur ce point.
Les appelantes répondent que la convention du 25 juin 2013 est défectueuse car elle ne contient pas de clause de destination et que la rubrique « destination » doit être interprétée à la lumière de l'article qui impose au preneur de se conformer à la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial annexée aux présentes.
Elles soutiennent que dans la rédaction de la stipulation, une virgule est manquante après la mention 'domaine public' et qu'il convient d'interpréter la volonté des parties en ce que les activités de « restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque » seraient à terme demandées par la locataire sous réserve d'une autorisation de VNF et font observer que le dossier de présentation du 14 octobre 2013 établi par la preneuse et la bailleresse ne faisant pas état de l'activité de discothèque, il est ainsi démontré que les parties n'avaient pas l'intention de destiner les locaux à cette activité et que la bailleresse n'a pas manqué à son obligation de délivrance.
À titre subsidiaire, elles se prévalent d'un courrier du rédacteur du bail qui indique que la société Ritmo Evento était parfaitement informée qu'une autorisation préalable était requise pour l'ouverture d'une discothèque et affirment que la locataire n'ignorait pas l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 interdisant le cumul de l'activité de restauration et de celle d'activité dansante. Elles reprochent à la locataire de se prévaloir de sa propre turpitude pour leur reprocher un manquement à l'obligation de délivrance qui n'est pas constitué.
A titre infiniment subsidiaire, elles produisent diverses pièces démontrant que la locataire a programmé des soirées dansantes et musicales se terminant à six heures, le week-end et en semaine.
Sur ce,
Le bail ne comporte pas de paragraphe consacré à la destination des locaux. Toutefois, la clause suivante figure dans l'article intitulé « désignation » : ce bateau est loué, comme établissement flottant recevant le public à bord, avec activités à quai, (suit l'adresse), bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque.
La convention d'occupation temporaire de 2012 énonce que l'occupation est autorisée 'à titre purement professionnel'.
Faute de virgule après les mots 'domaine public', il se déduit de la rédaction de cette clause, dépourvue de toute ambiguité, que l'exploitation d'une discothèque sur le domaine public fluvial était autorisée, et donc que VNF avait donné l'accord préalable permettant l'exercice de cette activité sur le bateau.
L'absence de mention de cette activité dans le dossier de présentation du 14 octobre 2013 établi conjointement par la bailleresse et la preneuse pour être soumis à VNF ne peut être interprétée comme une renonciation de la locataire à ouvrir une discothèque dans les lieux loués, une telle renonciation devant résulter d'une volonté clairement exprimée et ne pouvant être implicite.
De plus et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le courrier du rédacteur du bail du 5 novembre 2018 (pièce 69 des appelantes) indique qu'il était prévu que la preneuse puisse exercer sur le bateau une activité de discothèque et que le propriétaire avait indiqué que VNF serait d'accord pour l'autoriser, ce qui l'a convaincue de régulariser le bail. Il ressort de ce courrier que la bailleresse et la preneuse étaient informées qu'une autorisation particulière était nécessaire pour exploiter une discothèque sur le bateau et que le représentant de la SCI Sevlor avait assuré la preneuse qu'il obtiendrait cette autorisation avant que celle-ci ne signe le bail.
Il en résulte que le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance sur ce point est parfaitement constitué, la circonstance que la preneuse n'a pas exploité de discothèque en début de bail et qu'un arrêté préfectoral ait interdit le cumul de l'activité de restauration avec celle de discothèque étant indifférents, la preneuse étant libre de choisir la ou les activités exercées dans les limites prévues par le bail qui autorisait l'exploitation d'une discothèque.
c- la non-conformité du bateau comme établissement recevant du public et le défaut de permis de navigation
Au paragraphe intitulé «désignation», il est indiqué que ce bateau bénéficiait d'un permis de navigation portant le n° 6130. Il est précisé qu'un nouveau permis de navigation est en cours d'obtention. Il est également précisé qu'à ce jour l'agrément ERP (établissement recevant du public) est en cours d'obtention.
Les appelantes critiquent le jugement qui a condamné la SCI Sevlor à indemniser la société preneuse de la perte de marge engendrée par le retard d'ouverture de l'établissement de 50 jours, dû aux travaux de mise en conformité nécessaires pour obtenir les deux agréments nécessaires. Elles font valoir que le tribunal a mal interprété la volonté des parties et n'a pas retenu que la société preneuse était informée des autorisations exigées, comme l'a indiqué son avocat, rédacteur du bail dans un courrier du 5 novembre 2018 (sa pièce 69).
Elles considèrent que la preneuse ne peut se prévaloir du manquement de la propriétaire à ce titre alors qu'elle a fait réaliser des travaux modificatifs des locaux sans l'avoir mise au préalable en demeure d'y procéder puis sans obtenir son accord pour faire réaliser les travaux.
Elles ajoutent qu'il incombait à l'exploitant de l'établissement d'obtenir l'arrêté municipal permettant d'ouvrir les lieux au public, que cette demande devait être accompagnée de la justification que les travaux adéquats avaient été réalisés, et que les travaux de 250'000 euros hors-taxes stipulés au bail et mis à la charge de la preneuse étaient précisément destinés à rendre le bateau conforme à sa destination.
À titre subsidiaire, elles font valoir qu'en modifiant la chose louée sans avoir obtenu l'accord exprès et préalable du bailleur, la preneuse a contrevenu à ses obligations et ne peut obtenir le remboursement des frais exposés.
L'intimée répond qu'aux termes du bail, les agréments étaient en cours d'obtention, alors que ce n'était pas le cas, qu'elle a été contrainte de financer de nombreux travaux de mise en conformité et que la SCI a pris une part active dans leur organisation comme le démontrent leurs échanges par courriel, et que la bailleresse en a pris en charge une infime partie alors que ces travaux étaient à sa charge au titre de son obligation de délivrance. Elle précise que les travaux évoqués au bail étaient des travaux d'agencement, et qu'en l'absence de stipulation particulière du bail, les travaux exigés par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur en application de l'article 1719 du code civil.
Sur ce,
Le contrat de bail, qui fait la loi des parties, stipule au paragraphe intitulé 'désignation' que le bateau est loué comme établissement flottant recevant le public à bord.
Le contrat de bail précise expressément qu'à sa date, l'agrément ERP était en cours d'obtention, de même que le permis de navigation (p.3), étant observé qu'il n'est nullement justifié par les appelantes de l'exactitude de cette affirmation.
Le courrier de l'avocat rédacteur du bail invoqué par les appelantes pour affirmer que la preneuse était informée de la nécessité d'obtenir des autorisations administratives afin d'exercer son activité ne concerne nullement l'agrément ERP et l'obtention du permis de navigation mais uniquement l'autorisation d'exploiter une discothèque. Il est donc sans incidence sur les deux autorisations évoquées.
Les appelantes contestent qu'il ait incombé à la SCI Sevlor d'obtenir l'autorisation de recevoir du public, soutiennent que le terme d'agrément ERP est imprécis et pourrait correspondre à l'arrêté municipal délivré par la mairie après réception de l'avis de la commission de sécurité pour autoriser l'exploitant à recevoir du public. Elles font valoir que cette obligation relevait de l'exploitant de l'établissement en application Du bail qui imposait à la preneuse de respecter la convention d'occupation temporaire du domaine fluvial et des articles L 111-7 à L 111-8-4 du code de la construction et de l'habitation.
L'expression 'agrément ERP', dénuée d'imprécision, désigne les normes auxquelles doit satisfaire tout local pour accueillir du public.
Le bateau ayant été loué comme établissement flottant recevant du public à bord aux termes mêmes du bail, la bailleresse était contractuellement tenue, en exécution de son obligation de délivrance, de remettre à la preneuse un bateau en état de servir à l'usage auquel il était destiné.
Les appelantes se prévalent de la volonté des parties de transférer du bailleur à la locataire la charge des travaux liés à la mise en conformité du bien loué avec la destination du bateau loué.
Les règles de répartition de la charge des travaux entre bailleur et preneur fixées par les articles 1754, 1755 et 606 du code civil présentent un caractère supplétif et peuvent en effet être écartées par des clauses contraires.
Cependant, ces clauses doivent être précises et prévues expressément dans le bail. De telles clauses sont d'interprétation stricte (Civ. 3 , 29 septembre 2010, n° 09-69.337) et ne peuvent exonérer le bailleur de toute obligation de délivrance (Civ.3, 5 juin 2002).
En l'espèce, il est indiqué à la rubrique intitulée « améliorations » du bail (p.4) : il est d'ores et déjà convenu entre les parties que le locataire a pris l'engagement de réaliser des travaux d'agencement pour un montant de 250.00 € hors-taxes sur 12 mois à compter de la prise de possession. Ces travaux permettant de rendre le bien conforme à sa destination (bateau restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque).
Les parties ont convenu que la somme visée était de 250'000 et non de 250 euros.
Outre le titre du paragraphe qui vise les améliorations et non les travaux de mise en conformité, la première partie du texte se rapporte exclusivement aux changements apportés au bateau, aux embellissements, décors ou installations dont il est prévu qu'ils resteront acquis au bailleur en fin de bail sauf à celui-ci à réclamer le rétablissement du bien loué dans son état primitif. Il résulte du titre du paragraphe et de cette formulation que les travaux évoqués sont exclusivement des travaux d'agencement, et non des travaux de mise aux normes, d'autant que le bail indiquant sans ambiguïté que l'agrément ERP était en cours d'obtention, la preneuse pouvait escompter une délivrance conforme sur ce point.
Dans ces conditions, la clause relative aux travaux, d'un montant de 250'000 euros, permettant de rendre le bien conforme à sa destination sans aucune indication de la nature et de l'ampleur des travaux à effectuer est insuffisamment précise et n'a pu transférer à la preneuse la charge des travaux de mise en conformité du bateau pour qu'il puisse recevoir du public. Il est dès lors dépourvu d'intérêt d'examiner les courriers échangés par les parties à l'occasion des travaux et la prise en charge partielle des dits travaux par la bailleresse, qui sont sans emport.
D'autre part, l'intimée produit une correspondance de VNF en date du 29 janvier 2014 dont il ressort que le bateau ne disposait pas à cette date de son nouveau titre de navigation et indique avoir dû faire appel au Cabinet Ruby afin de réaliser les travaux nécessaires à l'obtention du titre, délivré le 7 avril 2014. Or, le bail indiquait au contraire que le permis de navigation était en voie d'obtention, de sorte que la preneuse pouvait compter sur l'autorisation que la bailleresse affirmait avoir sollicitée.
Le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance d'un bateau permettant de recevoir du public et détenant un permis de navigation est ainsi parfaitement établi.
La SCI Sevlor reproche à la preneuse d'avoir accompli les travaux en violation de ses obligations contractuelles au motif qu'elle n'a pas obtenu préalablement son autorisation et soutient qu'en conséquence, elle n'est redevable d'aucune somme à ce titre.
Il résulte d'un courrier de la bailleresse du 26 août 2013 qu'elle a autorisé la preneuse 'à effectuer les travaux d'aménagements dans le bateau destiné à l'usage défini dans le cadre du bail', d'échanges de courriels entre les parties que la bailleresse a été informée des travaux projetés et a suivi avec attention les prestations effectuées par les différents intervenants, de sorte qu'elle a laissé la preneuse les prendre en charge sous son contrôle et ne peut affirmer aujourd'hui qu'elle n'y a pas consenti (pièces de Ritmo Evento n°44 à 46).
C'est pourquoi le jugement mérite approbation en ce qu'il a mis à la charge du bailleur le coût de la fermeture imprévue de l'établissement pendant 50 jours, délai nécessaire et non contesté pour parvenir à la mise en conformité du bateau.
2- sur les dommages et intérêts réclamés à la bailleresse au titre de l'inexécution de son obligation de délivrance
Les appelantes font valoir que l'intimée est infondée à demander le remboursement de l'intégralité des frais qu'elle a exposés dans le cadre des travaux effectués sur le bateau alors qu'elle n'a pas obtenu l'accord préalable et écrit du bailleur, en violation du contrat de location, et qu'elle ne démontre pas que l'intégralité des frais engagés sont en lien direct et exclusif avec le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance. Elle ajoute que l'intimée s'appuie sur des éléments comptables qu'elle a elle-même établis à l'appui de sa demande d'indemnisation de perte de marge et qu'il n'appartient pas à la juridiction de pallier la carence de l'intéressée dans l'administration de la preuve en ordonnant une expertise. Elles font observer que la société Ritmo Evento a déclaré une créance de 20'868'271,71 euros au titre des postes de préjudices relatifs à la présente instance et sollicite de la cour la fixation au passif de la SCI Sevlor d'une somme totale de 9'305'649,81 euros, d'un montant bien inférieur qui démontre le manque de sérieux de ses prétentions. Elles s'appuient sur les conclusions d'un expert privé et sur la consultation d'un professeur de droit selon lequel la société preneuse n'ayant jamais exploité les activités invoquées, le préjudice invoqué consiste dans la perte d'une chance.
L'intimée s'appuie sur les courriels qu'elle a échangés au sujet des travaux de mise en conformité avec M. [S], gérant de la SCI Sevlor, et sur le fait que la bailleresse a pris en charge une partie minime de ces travaux, et fait observer que la propriétaire du bateau était parfaitement informé de ces travaux et ne s'y est nullement opposée.
Elle se prévaut de la valeur probatoire des rapports de deux experts-comptables qu'elle produit pour justifier de son préjudice, et indique que les critiques de ces rapports par l'expert comptable auquel la SCI Sevlor a fait appel ne sont pas fondées.
En ce qui concerne la terrasse, elle dit avoir dû abandonner le projet d'une restauration basique proposée notamment à la clientèle du musée des [6] tout proche, n'avoir pu augmenter le nombre de ses clients lors des brunchs du dimanche, à l'occasion desquels l'établissement était fréquemment complet, avoir été privée de la possibilité d'accueillir des clients en terrasse lorsque le bateau était privatisé et que les deux experts-comptables ont calculé le préjudice sur la base d'une terrasse accueillant 40 couverts au déjeuner, 80 pour le soir et 50 pour le brunch, ce qui est loin des 200 couverts supplémentaires qu'aurait procurés une terrasse de 500 m². Répondant à l'argument météorologique de la bailleresse, elle fait observer que grâce aux chauffages radiants, des établissements comparables accueillaient des clients toute l'année.
Elle ajoute que la terrasse de 219 m² qu'elle a pu exploiter sur le quai n'offrait pas les mêmes agréments que la terrasse à quai qui lui était promise, et qui pouvait être couverte.
Elle soutient que la critique par la partie adverse du taux de marge qu'elle a retenu est infondée dans la mesure où les données du Cedage dont excipe l'expert privé de la bailleresse démontrent que les marges des établissements lyonnais de taille importante, quoique inférieure à la sienne, sont supérieures à celles évaluées par son expert-comptable M. [R].
Elle indique que la perte générée par l'absence de l'activité de discothèque est importante dans la mesure où les marges sur les boissons et les entrées sont plus élevées qu'en matière de restauration. Elle affirme n'avoir pas exercé une telle activité.
Elle sollicite le remboursement du coût de l'intervention de la société Socotec (5250 euros hors taxes) et du cabinet Ruby (6960 euros hors-taxes), du coût des travaux de mise en conformité pour 63'388 euros, de l'achat du matériel pour 88'813,71 euros, et de la perte de marge de 225'950 euros due au retard pris dans l'ouverture de l'établissement en raison des travaux de mise en conformité.
Elle conclut à la confirmation de la décision critiquée qui a ordonné une expertise en indiquant que celle-ci permettra de lever toute contestation de la partie adverse.
Sur ce,
Par courrier du 26 août 2013, la bailleresse a, se référant à leurs échanges, autorisé la preneuse 'à effectuer les travaux d'aménagements dans le bateau destiné à l'usage défini dans le cadre du bail et ce, sans impact sur les possibilités de navigation du bateau'.
Elle affirme aujourd'hui que cette autorisation ne porte pas sur des travaux de mise en conformité et se plaint que son accord préalable n'ait pas été requis.
Toutefois, les échanges de courriels entre les parties, concomitants à cette autorisation, démontrent une coopération du bailleur afin que la société preneuse puisse exploiter le bateau conformément au bail (pièces de la preneuse n° 44 à 46) et établissent que M. [S] suivait de près l'intervention de M.[N], architecte, et de la société Russla Projets qui a réalisé les travaux. Le 18 août 2013, M. [S] a communiqué au gérant de la société Ritmo Evento une facture des prestations de M. [N], accompagnée de la fiche de suivi du chantier comportant le résumé des temps de travail.
Au regard des termes de l'autorisation délivrée le 26 août 2013 dont il émane que la SCI bailleresse a donné son accord à la réalisation de travaux de mise en conformité du bateau à l'usage contractuellement prévu, en l'absence de communication par la bailleresse des échanges préalables qui auraient pu éclairer la cour quant au périmètre de l'autorisation ainsi octroyée, et au vu des courriels communiqués par la preneuse, la cour constate que la bailleresse a donné son accord aux travaux effectués par sa locataire, dont elle était parfaitement informée.
Au surplus, dans un courriel du 12 mars 2016, le gérant de la SCI Sevlor a admis 'être susceptible d'être responsable' de certains travaux mais s'est opposé à contribuer au niveau demandé par la société preneuse (pièce 38 de la preneuse).
En conséquence, la bailleresse doit être condamnée à réparer le préjudice résultant pour la preneuse de ses manquements à son obligation de délivrance.
En ce qui concerne le préjudice économique, l'intimée produit les conclusions de deux experts-comptables, MM. [R] et [T], qui ne peuvent être considérées comme des preuves qu'elle s'est constituées à elle-même ainsi que le soutient la bailleresse.
M. [R] a chiffré la perte de marge brute à plus de 4.000.000 d'euros entre 2014 et 2017 sur la base d'un taux de marge brute de 70 à 100 % du chiffre d'affaires qu'il a évalué. Dans un rapport plus détaillé, M. [T] évalue le manque-à-gagner lié à l'absence de terrasse et à l'absence de discothèque pour la même période en retenant des taux de marge très proches, et évalue le préjudice total à 2'497'588 euros.
L'appelante verse aux débats l'analyse du rapport de M. [R] par son propre expert privé, M. [E]. Celui-ci retient que la preneuse disposait d'une terrasse de 219 m². Il en déduit que l'abandon de son projet de restauration rapide n'est pas justifié, et affirme que l'expert-comptable privé de la preneuse n'a pas tenu compte des aléas climatiques, des nuisances sonores provoquées par l'autoroute proche et des difficultés d'accès au site. Il retient des taux de marge brute de 66,75 % en moyenne qui sont inférieurs de peu à ceux des experts privés adverses, et fait observer que la preneuse organise une activité de club proche de celle d'une discothèque, qui est au surplus incompatible avec l'activité de restauration qu'elle exerce. Il énonce que faute d'avoir pris en considération les charges variables, l'analyse comptable produite par la preneuse n'est pas crédible.
Toutefois, l'évaluation du préjudice, dont le principe est parfaitement établi par les deux rapports de MM. [R] et [T] et indirectement par celui de M. [E], doit se fonder sur l'activité de la preneuse telle qu'elle aurait dû l'exercer dans le cadre contractuel si la bailleresse avait satisfait à son obligation de délivrance, cette activité comprenant en conséquence l'exploitation d'une terrasse à quai de 500 m² et celle d'une discothèque. En effet, l'aménagement ultérieur, grâce à l'autorisation de VNF, d'une terrasse moins avenante de 219 m² et l'organisation de concerts dansants n'ont pu permettre à la société Ritmo Evento d'atteindre le chiffre d'affaires correspondant aux activités promises aux termes du bail.
D'autre part, il est justifié par l'intimée des différentes sommes qu'elle a exposées pour effectuer des travaux. Elle évoque une somme de 150'000 euros au titre des travaux de mise en conformité.
Cependant, les factures produites ne permettent pas de distinguer les travaux de mise en conformité des travaux d'aménagement, seuls les premiers étant imputables à la société bailleresse.
C'est pourquoi le jugement mérite confirmation en ce qu'il a ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice de la preneuse.
La preneuse réclame l'application de l'article L.622-7 du code de commerce à sa demande de 'constatation d'une première créance de dommages et intérêts' de 900'000 euros. La bailleresse ne formule aucune observation sur ce point.
En application de ce texte, doit être admise la compensation de deux obligations réciproques nées d'un même contrat, qui sont connexes, entre une créance sur la liquidation née antérieurement au jugement d'ouverture, et une créance réciproque détenue par la société preneuse liquidée (3e Civ., 28 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.632).
En l'espèce, la créance de dommages et intérêts de la société en liquidation Ritmo Evento en réparation des manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance est issue du même contrat que la créance de loyers dont la bailleresse a sollicité la fixation en justice. Les créances sont donc connexes.
C'est pourquoi, les pièces ci-dessus citées justifiant que, du fait des manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance, la preneuse a souffert un retard de 50 jours pour débuter l'exploitation, a dû financer des travaux particulièrement onéreux qui ne lui incombaient pas, et a manqué un gain important, sa demande de provision sera accueillie à hauteur de 400'000 euros, et la cour ordonne la compensation de cette somme avec sa dette de loyers résultant de la procédure ayant donné lieu au jugement du 17 novembre 2020, dont appel, étant rappelé que cette décision est assortie de l'exécution provisoire.
3- sur les taxes foncières et VNF
Les appelantes critiquent le jugement déféré en ce qu'il a considéré, faute de clause expresse du bail mettant ces sommes à la charge de la locataire, que les taxes foncières et VNF sont à la charge de la bailleresse et a jugé qu'elle devait rembourser à la preneuse la taxe foncière 2015 et 2016 ainsi que les taxes foncières et redevances VNF à partir du 3 juillet 2018. Elles font valoir que le tribunal a fait une interprétation erronée de la clause aux termes de laquelle le preneur devra acquitter à compter du 1er août 2013 'toutes redevances et taxes de stationnement', en ce que la convention de location prévoit qu'elle doit percevoir un loyer net de charges. Elles ajoutent que la société Ritmo Evento a payé les charges sans contestation pendant des années, qu'il existait un accord des parties pour transférer ces taxes et redevances à la preneuse et que le juge-commissaire au redressement judiciaire de la preneuse a admis la totalité de la créance de la SCI sur ce point.
L'intimée répond qu'en 2015, la bailleresse a soudainement décidé de lui facturer la taxe foncière, sans lui en faire connaître le montant. Elle fait valoir que dans un courriel du 12 mars 2016, M. [S] a reconnu que ces taxes incombaient à la SCI Sevlor et qu'en tout état de cause, le bail ne met pas ces sommes à sa charge par une clause claire et précise.
Sur ce,
La clause « impôts et taxes » du bail stipule : le preneur acquittera à compter du 1er août 2013 en sus du loyer ci-après fixé, les impôts et taxes de toute nature, ordinaires et extraordinaires auxquels ledit bateau peut et pourra être assujetti, pendant la durée du bail, ainsi que toutes redevances et taxes de stationnement, trématage, amarrage ou passage de bacs qui pourraient être dues au cours du bail, le tout de manière que les bailleurs ne soient jamais inquiétés à ce sujet et reçoivent toujours, net de toute charge, le loyer ci-après stipulé.
Il est constant que pour refacturer une taxe au preneur, dans les baux conclus avant la loi du 18 juin 2014, une stipulation expresse du bail était impérative. En l'espèce, la clause du bail est aussi large qu'imprécise. Le bail ne précisant pas clairement que la charge des redevances dues à VNF et celle de la taxe foncière sont transférées à la société preneuse, le paiement de ces sommes incombait à la bailleresse en application de l'article 1162 du code civil qui commande, dans le doute, d'interpréter la convention contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, le jugement méritant confirmation sur ce point.
La créance de restitution résulte du jugement du 3 novembre 2020 qui l'a consacrée et qui est assorti de l'exécution provisoire.
Cependant, la SCI Sevlor ayant été placée sous le régime de la sauvegarde par jugement du 3 juillet 2018 antérieur au jugement du 3 novembre 2020, le montant des sommes dues, soit celle de 8.372 euros au titre des taxes foncières 2015 et 2016 comme les sommes réglées indûment par la SARL Ritmo Evento au titre des taxes foncières et VNF à compter du 3 juillet 2018 seront fixées au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor et l'intimée déboutée de sa demande en paiement de ce chef, sauf à ce qu'elle puisse intervenir dans le cadre de la compensation des sommes dues entre les parties rappelée ci-avant.
- sur les frais de mise en cale sèche à venir
Les appelantes sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la preneuse à ce titre. L'intimée ne formulant aucune demande sur ce point, le jugement sera confirmé de ce chef.
- sur la communication par la bailleresse à la preneuse des plans hydrauliques et électrique du bateau
Les appelantes justifient avoir communiqué les plans et demandent à la cour de le constater ; l'intimée ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point, la cour n'étant saisie d'aucune demande.
- sur la levée de la suspension du paiement de la moitié des loyers à compter du 21 novembre 2017
La cour confirmant le jugement en ce qu'il a retenu divers manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance et la suspension du paiement de la moitié du montant du loyer ayant précisément été ordonnée pour ce motif, cette demande doit être rejetée.
- sur la condamnation de la société Ritmo Evento pour procédure abusive
La cour confirmant le jugement critiqué en ce qu'il a constaté des manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance, la demande de dommages et intérêts formée par les appelantes au titre d'un abus de procédure sera rejetée, aucun abus n'étant caractérisé, et le jugement confirmé sur ce point.
- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les appelantes, qui succombent, supporteront les dépens d'appel qui seront fixés au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Gaël Sourbé, avocat. Il sera fait droit à la demande formée par l'intimée au titre de ses frais irrépétibles, et la créance de la Selarl [M] [U] en sa qualité de liquidateur de la SARL Ritmo Evento, d'un montant de 10.000 euros, sera fixée au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor, la demande des appelantes sur ce point sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Accueille la Selarl [M] [U], désignée par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 1er août 2023, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ritmo Evento, en son intervention volontaire ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 3 novembre 2020 en ce qu'il a:
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau avec une terrasse exploitable à quai ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la société Ritmo Evento un bateau bénéficiant de l'autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'être utilisé à usage de bateau discothèque ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau en conformité avec la réglementation sur les établissements recevant du public ;
dit que la société Sevlor a manqué à son obligation de délivrance en ne louant pas à la Société Ritmo Evento un bateau en conformité avec les normes de navigabilité
dit que la société Sevlor devra indemniser la Société Ritmo Evento de la perte de marge jusqu'au 15 mai 2022 engendrée par l'impossibilité d'exploiter la terrasse, de la perte de marge jusqu'au 15 mai 2022 engendrée par l'impossibilité d'exploiter une activité de discothèque, de la perte de marge engendrée par le retard d'ouverture de l'établissement causé par les travaux de mise en conformité avec la réglementation, des frais engagés pour la mise aux normes par l'intervention de la société Socotec, du cabinet Ruby, des sociétés Russla Project et Lurma, de M. [N] et du salarié spécialement embauché à cet effet, de l'achat des matériels et matériaux ;
réservé la fixation de la créance de dommages-intérêts de la société Ritmo Evento envers la Société Sevlor, la demande de compensation avec les loyers et charges et autres sommes dues dans le cadre du contrat de bail et toute demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
dit que les taxes foncières et Voies Navigables de France sont à la charge de la société Sevlor qui doit en conséquence rembourser à la société Ritmo Evento les taxes foncières 2015 et 2016 dont le montant de 8.372 euros sera fixé au passif de la procédure de sauvegarde de la société Sevlor, ainsi que les sommes réglées par la société Ritmo Evento au titre des taxes foncières et VNF à partir du 3 juillet 2018, jour du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ;
rejeté la demande au titre des frais occasionnés par la mise en cale sèche du bateau et les réparations nécessaires ;
rejeté la demande de condamnation de la société Ritmo Evento pour procédure abusive,
et avant dire droit, a :
ordonné une expertise ;
dit que la société Sevlor devra verser à la société Ritmo Evento la somme de 10.000 euros en avance sur les frais d'instance avant le 30 novembre 2020, assortie de la somme de 100 euros par jour de retard,
réservé les dépens de l'instance,
sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Y ajoutant,
- fixe au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor la somme de 400'000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice de la SARL Ritmo Evento ;
- ordonne la compensation de cette somme avec la dette de loyers de la SARL Ritmo Evento telle qu'elle résulte de la procédure ayant donné lieu au jugement du 17 novembre 2020 ;
Dit que les dépens d'appel qui seront fixés au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Gaël Sourbé, avocat, et dit que la créance de la Selarl [M] [U] en sa qualité de liquidateur de la SARL Ritmo Evento, d'un montant de 10.000 euros, sera fixée au passif de la procédure collective de la SCI Sevlor, la demande des appelantes sur ce point étant rejetée.