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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 27 février 2024, n° 22/02373

PAU

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Salles (SAS)

Défendeur :

Côte Basque (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

M. Darracq, Mme Guiroy

Avocats :

Me Bourdallé, Me Klein

CA Pau n° 22/02373

26 février 2024

Par jugement contradictoire du 18 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Bayonne a :

- REJETE la 'n de non-recevoir soulevée par la SCI COTE BASQUE tirée du défaut de qualité de la société SALLES [Z] à agir.

- DECLARE irrecevable la demande de la somme de 55.200 euros formulée par la société SALLES [Z] au titre de la perte des redevances de location gérance sur les 24 mois correspondant au contrat de location gérance qu'elle devait signer avec Monsieur [O] courant sur la période du ler août 2019 au 31 juillet 2021,

- DECLARE irrecevable la demande de la somme de 4422 euros formulée par la société SALLES [Z] au titre des frais d'assurance supportés sur la période courant sur les années 2020, 2021 et 2022.

- DECLARE applicable et opposable à la société SALLES [Z] la clause de non recours prévue au contrat de bail établi entre les parties le 22 mai 2017.

- PRONONCE la résiliation du contrat de bail établi entre la SCI COTE BASQUE, bailleur et la sociétéSALLES [Z], preneur, le 22 mai 2017 sur le fondement des dispositions de l'article 1722 du Code civil à la date de la présente décision.

- DEBOUTE la société SALLES [Z] de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de valeur du fonds de commerce, des détoumements des installations et agencements et du remboursement du dépôt de garantie.

- DEBOUTE la société COTE BASQUE de ses demandes reconventionnelles au titre des arriérés de loyers et du coût des réparations locatives.

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

- FAIT masse des dépens et DIT qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

- REJETTE les demandes formées par la société SALLES [Z] et la SCI COTE BASQUE sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 18 août 2022,la SAS SALLES [Z] a interjeté appel de la décision.

La SAS SALLES [Z] conclut à :

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu l'article 1103 et suivants du Code civil ;

Vu l'article 1192 du Code civil ;

Vu les articles 1722 et 1741 du Code civil ;

Il est demandé au Tribunal de céans de :

- DECLARER recevable l'appel interjeté par la SAS SALLES [Z] ;

- REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

o « Déclaré irrecevable la demande de la somme de 55.200 euros formulée par la société SALLES [Z] au titre de la perte des redevances de location-gérance sur les 24 mois correspondant au contrat de location-gérance qu'elle devait signer avec Monsieur [O] courant sur la période du 1 er août 2019 au 31 juillet 2021 ;

o Déclaré irrecevable la demande de la somme de 4.422 € formulée par la société SALLES [Z] au titre des frais d'assurance supportés sur la période courant sur les années 2020, 2021 et 2022 ;

o Déclaré applicable et opposable à la société SALLES [Z] la clause de non recours prévue au contrat de bail établi entre les parties le 22 mai 2017 ;

o Prononcé La résiliation du contrat de bail établi entre la SCI COTE BASQUE, bailleur et

la société SALLES [Z], preneur, le 22 mai 2017 sur le fondement des dispositions de l'article 1722 du code civil à la date de la présente décision ;

o Débouté la société SALLES [Z] de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de valeur du fonds de commerce, des détournements des installations et agencements et du

remboursement du dépôt de garantie ;

o Débouté les parties de leurs plus amples demandes et contraires ;

o Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

o Rejeté les demandes formées par la société SALLES [Z] et la SCI COTE

BASQUE sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ».

Statuant à nouveau,

- DEBOUTER la SCI COTE BASQUE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- CONSTATER le défaut de jouissance paisible du local pris à bail par la SAS SALLES

[Z] ;

- DIRE ET JUGER que la SCI COTE BASQUE est responsable des troubles causés par son autre locataire, la SAS DUST GARAGE ; En conséquence,

- PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de bail commercial liant la SCI COTE BASQUE et la SAS SALLES [Z], aux torts exclusifs du bailleur ;

- CONDAMNER la SCI COTE BASQUE à verser à la SAS SALLES [Z] :

o La somme de 55.200 €au titre de la perte des redevances de location gérance sur les 24 mois correspondant au contrat de location gérance qu'elle devait signer avec Monsieur [O] courant sur la période du 1 er août 2019 au 31 juillet 2021 ;

o La somme de 95.115,39 € au titre de la perte par la SAS SALLES [Z] de la valeur de son fonds de commerce ;

o La somme de 4.422 € au titre des frais d'assurance supportés sur la période courant sur les années 2020, 2021 et 2022.

o La somme de 52.000 € au titre des détournements des installations et agencements dont elle s'est rendue coupable ;

o La somme de 10.560 € en remboursement du dépôt de garantie.

- CONDAMNER la SCI COTE BASQUE à verser à la SAS SALLES [Z] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre au paiement des entiers dépens.

La SCI COTE BASQUE conclut à :

Vu les articles 32, 559, 122 et 840 du Code de procédure civile

Vu les articles 1103, 1217 et 1722 du Code civil

Vu l'article L121-12 du Code des assurances

Il est demandé à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bayonne sauf en ce qu'il a:

- REJETÉ la fin de non-recevoir soulevée par la SCI COTE BASQUE tirée du défaut de qualité de la société SALLES [Z] à agir ;

- DEBOUTÉ la SCI COTE BASQUE de ses demandes reconventionnelles au titre des arriérés de loyers et du coût des réparations locatives.

- DEBOUTÉ la SCI COTE BASQUE de ses demandes reconventionnelles au titre des réparations locatives

- FAIT masse des dépens et DIT qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties;

- REJETTÉ les demandes formées par la SCI COTE BASQUE sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant de nouveau sur ces points :

- DECLARER irrecevables les demandes formulées par la société SALLES [Z] à l'exception de sa demande en résiliation judiciaire du bail commercial

- CONFIRMER la résiliation judiciaire et l'imputer aux torts exclusifs de la société SALLES [Z]

- CONDAMNER la société SALLES [Z] à payer à la société SCI COTE BASQUE la somme de 160.159,80 € TTC au titre des arriérés de loyers

- CONDAMNER la société SALLES [Z] à payer à la société SCI COTE BASQUE la somme de 358.017,41 € au titre du coût des réparations locatives

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société SALLES [Z] à payer à la société SCI COTE BASQUE la somme de 15.000 € au titre du caractère abusif de la présente procédure d'appel

- CONDAMNER la société SALLES [Z] à payer à la société SCI COTE BASQUE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- CONDAMNER la société SALLES [Z] aux entiers dépens de la présente procédure d'appel .

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2023.

SUR CE

La SCI COTE BASQUE, a conclu le 22 mai 2017, avec la SAS SALLES [Z], un bail commercial sous seing privé sur des locaux professionnels d'une surface de 508 m2 constituant les lots15A, 15B,16A et l6B sis [Adresse 1] à [Localité 3] afin d'y développer une activité de centre d'éducation physique et sportive pour un loyer annuel de 52.800 euros annuels hors charges et taxes, 4400 € hors charges et hors taxes par mois soit 5200 €TTC par mois. Un dépôt de garantie d'un montant de 10 560 € a été versé.

Au cours du mois d'août 2017, la SAS SALLES [Z] a procédé aux aménagements qu'elle estimait nécessaires à l'exercice de son activité sous sa seule responsabilité, en qualité de maître d'ouvrage, ces travaux d'aménagement s'élevant à la somme de 268 724,25 €.

Une location-gérance devait être concédée dès le 1er août 2019 à Monsieur [O], suivant accord conclu entre les parties dès le 12 juillet 2019 ayant abouti à l'établissement d'un inventaire le 16 juillet 2019. La signature du contrat de location gérance devait intervenir le 31 juillet 2019 comme l'atteste le dernier courriel de Monsieur [Z].

Parallèlement, courant juillet 2017, 2 mois après la prise à bail de la SAS SALLES [Z], la SCI COTE BASQUE a conclu sur un local contigu , un bail commercial avec la SAS DUST GARAGE spécialisée dans les préparations et réparation de motos.

Le 23 juillet 2019, un incendie s'est déclaré dans un local mitoyen, occupé par la société DUST GARAGE. Cet incendie a détruit le local occupé par la société DUST GARAGE et a endommagé plusieurs autres locaux dont celui occupé par la SAS SALLES [Z].

Le 14 août 2019, la SCI COTE BASQUE a proposé un nouveau local dans la même zone d'activité à la société SALLES [Z] a'n que celle-ci ne perde pas sa clientèle. La société SALLES [Z] lui a opposé un refus.

Le 23 août 2019, s'est tenue une expertise amiable en présence des parties et de leurs assureurs aux termes de laquelle la responsabilité de la société DUST GARAGE a été établie. Par la suite, la SAS SALLES [Z] a demandé le maintien du bail commercial et la dispense du paiement des loyers à la SCI COTE BASQUE qui a refusé cette proposition.

La société [Z] a saisi le juge des référés a'n de solliciter la suspension des loyers.

Par ordonnance de référé en date du 26 mai 2020, il a été fait droit à la demande de la société [Z] hors la présence de la SCI COTE BASQUE, non comparante.

Le 11 juin 2020, la société SALLES [Z] a obtenu de son assureur BPCE l'indemnisation du préjudice issu du sinistre soit 249.579,85 euros (honoraires des experts inclus) mais l'assureur lui a refusé la prise en charge de la perte d'exp1oitation.

C'est dans ces conditions que par requête en date du 3 mars 2021, la société SALLES [Z] a fait assigner à jour fixe la SCI COTE BASQUE aux 'ns de solliciter en urgence la résiliation du bailcommercial outre l'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 18 juillet 2022dont appel le tribunal judiciaire de Bayonne a notamment prononcé la résiliation du contrat de bail du 22 mai 2017 sur le fondement de l'article 1722 du Code civil, à la date du jugement, a débouté la société SALLES [Z] de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de valeur du fonds de commerce, des détournements des installations et agencements du remboursement du dépôt de garantie et a débouté la société COTE BASQUE de ses demandes reconventionnelles au titre des arriérés de loyer et du coût des réparations locatives.

Sur la recevabilité de l'action engagée par la société SALLES [Z] à l'encontre de la société COTE BASQUE :

- Sur le droit d'agir :

La SCI COTE BASQUE fait valoir que la société SALLES [Z] est dépourvue du droit d'agir dans la mesure où au visa de l'article L 121-12 du code des assurances, son assureur la BPCE ASSURANCES IARD serait subrogée dans ses droits jusqu'à concurrence des indemnités versées.

La société SALLES [Z] précise qu'elle n'a perçu aucune indemnité au titre de la perte des redevances de location-gérance sur les 24 mois correspondant au contrat de location gérance qu'elle devait signer avec Monsieur [O] courant sur la période du 1er août 2019 au 31 juillet 2021 et sur la perte de la valeur de son fonds de commerce à hauteur de 140 395,83 €. Elle n'a donc perçu aucune somme au titre de la perte définitive de la valeur vénale du fonds.

La société SALLES [Z] établit par les quittances versées aux débats que sa société d'assurance la BPCE ASSURANCES IARD lui a versé la somme de 95 213,40 € correspondant au contenu de la salle de sport pris en son matériel vétusté déduite et la somme de 125 443,25 € visant les agencements de la salle de sport pris en ses infrastructures (isolation, doublage, cloison placoplâtre, sanitaires').

En l'espèce,la société SALLES [Z] réclame des sommes au titre de la perte vénale de son fonds de commerce, le détournement des installations et agencements et le remboursement du dépôt de garantie, sommes pour lesquelles elle n'a pas été indemnisée par son assureur.

Son assureur n'est pas subrogé dans ses droits puisqu'elle n'a pas obtenu indemnisation de sa part pour ces chefs de demande.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la société a qualité à agir contre la SCI COTE BASQUE pour présenter des demandes d'indemnisation de préjudices non couverts par son assurance sans risque de double indemnisation.

Sur les demandes nouvelles :

La SCI COTE BASQUE soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles ne figurant pas dans l'acte introductif d'instance à jour fixe sur le fondement de l'article 840 alinéa deux du code de procédure civile qui dispose que la requête doit exposer les motifs de l'urgence, contenir les conclusions du demandeur et viser les pièces justificatives.

En l'espèce, la requête a été présentée le 9 mars 2021 aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe. Dans l'assignation à jour fixe du 16 mars 2021, la SCI COTE BASQUE sollicite la condamnation de la SCI SALLES [Z] à lui verser la somme de 120 000 € au titre de la perte de la valeur vénale de son fonds de commerce, la somme de 52 000 € au titre des détournements des installations et agencements dont elle s'est rendue coupable, la somme de 10 560 € en remboursement du dépôt de garantie.

Elle conclut ensuite en demandant la somme de 55 200 € au titre de la perte des redevances de location-gérance sur les 24 mois correspondant au contrat de location-gérance qu'elle devait signer avec Monsieur [O] courant sur la période du 1er août 2019 au 31 juillet 2021 et la somme de 4422 €au titre des frais d'assurance supportés sur la période courant sur les années 2020, 2021 et 2022.

L'Article 840 du code de procédure civile prévoit que dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire le président du tribunal peut en cas d'urgence autoriser le demandeur sur sa requête à assigner le défendeur à jour fixe. La requête doit exposer les motifs de l'urgence, contenir les conclusions du demandeur et viser les pièces justificatives.

Les premiers juges ont constaté que ces demandes nouvelles n'ont pas été présentées dans les conclusions jointes à la requête.

Si les dispositions du code de procédure civile précitées ne contiennent aucune précision quant à l'intangibilité des demandes visées dans les conclusions jointes à la requête, il convient de se reporter aux dispositions de l'article 910-4du code de procédure civile et au principe de concentration qui exige d'exposer dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond. Pour ce qui concerne l'évolution du litige en appel, sont toujours recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance d'un fait nouveau. Il est également toujours possible de soumettre à la cour une prétention qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si son fondement juridique diffère et il est également possible d'actualiser certaines demandes.

Les demandes présentées en ce qui concerne la perte des redevances de location-gérance et les frais d'assurance supportés sur la période courant sur les années 2020, 2021 et 2022. doivent être considérées comme des demandes nouvelles et comme telles irrecevables ; le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Au fond :

Sur l'application de la clause de non recours :

La SCI COTE BASQUE sollicite l'application de la clause de non recours prévu au bail commercial conclu entre les parties et qui s'impose à elle. Par l'adoption de cette clause les parties tout comme leur assureur ont réciproquement accepté de renoncer à engager un quelconque recours direct ou subrogatif, l'un envers l'autre notamment sur le fondement des articles qui permettent d'engager la responsabilité de l'un d'eux en raison de la survenance d'un incendie et des dommages qui pourraient en résulter.

La SCI SALLES [Z] conteste l'application de cette clause en se prévalant des dispositions de l'article 1171 du Code civil suivant lesquelles dans un contrat d'adhésion toute clause non négociable déterminée à l'avance par l'une des parties qui créent un déséquilibre significatif en outre les droits et obligation des parties au contrat est réputée non écrite. En effet selon elle, tout preneur ne peut se voir opposer la clause de non recours, l'obligation de délivrance constituant une obligation essentielle du bail et étant d'ordre public ce qui frappe d'inefficacité une telle clause.

En l'espèce, il résulte du contrat de bail conclu entre les parties le 22 mai 2017, un paragraphe intitulé :« assurances »figurant en page 10 et 11 de ce contrat, contenant une clause de renonciation ainsi libellée : « les parties conviennent de renoncer réciproquement à tout recours l'une contre l'autre et contre leurs assureurs respectifs' le preneur s'engage à avertir le bailleur de tout sinistre' le bailleur s'engage de son côté assurait l'immeuble dans le cadre d'une police multirisque injustifiée de cette assurance par la remise au preneur d'une note de couverture émanant de ses assureurs. D'une manière générale le bailleur et le preneur s'obligent réciproquement à se communiquer l'ensemble des polices d'assurance couvrant les lieux objet des présentes.

Ces dispositions renferment des engagements réciproques entre les parties en ce qui concerne leur obligation d'assurer les lieux loués et l'absence de recours l'une contre l'autre et contre leur assureur respectif en cas de sinistre.

Cette clause ainsi libellée dans le cadre d'un contrat librement conclu entre les parties, ne porte pas atteinte à l'obligation de délivrance du bailleur et n'apparaît donc pas comme clause abusive dont la validité pourrait être contestée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu la validité d'une telle clause.

En conséquence, les demandes de la SCI SALLES [Z] portant sur le remboursement de la perte vénale de son fonds de commerce, le paiement de sommes au titre des détournements des installations et agencements et en remboursement du dépôt de garantie seront rejetées.

Sur la résiliation du bail commercial :

Selon la société [Z], seules les dispositions générales relatives au louage doivent s'appliquer suivant lesquelles le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail. En effet aux termes de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière,de faire jouir paisiblement le preneur, de la chose louée pendant la durée du bail.

Le bailleur fait valoir son absence de responsabilité en raison de la survenance d'un événement de force majeure. Il considère que l'incendie survenu dans le local commercial exploité par une société tierce doit être qualifié de cas de force majeure à son égard et qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 1722 du Code civil.

Il invoque la propre responsabilité de la société SALLES [Z] dans la propagation de l'incendie à son local. Il en veut pour preuve le rapport d'expertise établi le 7 octobre 2020 par l'expert judiciaire. Si les normes impératives d'aménagement imposées par le rapport de sécurité établies par le SDIS avaient été respectées par l'appelante l'incendie aurait pu être contenu par le mur coupe-feu pendant une heure avant de se propager aux locaux exploités par la société [Z].

La société [Z],fait valoir l'absence de caractère contradictoire de ce rapport qui dès lors ne lui est pas opposable.

La société intimée fait valoir que sa proposition de reloger l'appelante a été rejetée par celle-ci et qu'il résulte de la volonté même de l'assuré de ne pas poursuivre son activité ce qui lui aurait permis de conserver sa clientèle. Elle n'a pas à supporter le refus d'indemnisation qui lui a été opposé et la société [Z] en application des clauses de son contrat d'assurance doit assumer son choix de refuser la poursuite de l'exploitation.

L'article 1722 du Code civil prévoit que si pendant la durée du bail la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie,le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

S'agissant de déterminer l'origine du sinistre, il y a lieu de se reporter à l'expertise judiciaire organisée en application de l'ordonnance de référé du 21 janvier 2020, celle-ci n'a pas été réalisée au contradictoire de la société [Z] mais entre la SCI COTE BASQUE et les autres locataires impactés par le sinistre parmi lesquels la SAS DUST GARAGE dans les locaux desquels l'incendie a pris naissance avant de se propager aux locaux mitoyens dont ceux de la société [Z].

Même si elle n'a pas été réalisée au contradictoire de la société [Z], cette expertise judiciaire ne peut être écartée de la discussion dans la mesure où elle est soumise au débat contradictoire devant la cour et sa valeur probante laissée à l'appréciation du juge qui statuera en fonction également des pièces et arguments présentés par les parties.

En l'espèce la société [Z] considère que le bailleur n'aurait pas dû laisser installer une activité de garagiste à proximité de sa salle de sport compte tenu des risques liés à cette activité . Cependant le rapport d'expertise a démontré que l'origine du feu était accidentelle et résultait d'un travail par point chaud effectué à proximité d'un milieu combustible. En l'occurrence il s'agissait d'une opération de meulage effectuée à trop grande proximité d'un bac de rétention contenant un bidon d'huile usagée. La société [Z] ne conteste pas utilement les conclusions de l'expert sur l'origine de l'incendie dont le caractère imprévisible et irrésistible est ainsi établi ainsi que l'extériorité par rapport au bailleur.

Dès lors l'incendie résulte bien d'un cas fortuit, à savoir d'un événement accidentel dont la survenance ne pouvait être prévue.

L'expert ne remet d'ailleurs pas en cause la responsabilité du bailleur mais plutôt celle de la société [Z] non pas ce qui concerne la genèse de celui-ci mais sur sa propagation aux locaux de la société [Z] dont il a relevé qu'elle n'avait pas installé lors des travaux d'aménagement du bâtiment un isolement suffisant de l'établissement par rapport au tiers (la SAS DUST GARAGE) par des murs coupe-feu de degré1h00.

Le manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'est donc pas établi.

Suite à l'incendie, les locaux de la société [Z] ont été détruits et n'ont plus pu être exploités par celle-ci. L'importance des dégâts s'induit du montant des sommes versés par l'assurance, le bailleur ayant d'ailleurs proposé de reloger la société [Z] dans un autre bâtiment afin qu'elle puisse poursuivre son activité et conserver sa clientèle.

Dans ces conditions étant établie l'origine fortuite de l'incendie ayant détruit en totalité la chose objet du bail mettant le preneur dans l'impossibilité d'en faire un usage conforme à sa destination,l'article 1722 du Code civil trouve application et le bail est résilié de plein droit sans aucun dédommagement.

Il y a lieu de débouter les parties de leur demande de résiliation judiciaire du bail aux torts de l'une ou l'autre d'entre elles et de constater la résiliation du bail ntervenue de plein droit en exécution des dispositions de l'article 1722 du Code civil à la date du 23 juillet 2019

En conséquence la demande de versement des arriérés de loyer à compter du 1er août 2019 sera rejetée, en raison de la date de survenance de l'incendie le 23 juillet 2019 et de l'impossibilité d'occuper les lieux incendiés.

La demande de la SCI COTE BASQUE de se voir rembourser le coût des réparations locatives sera rejetée sur le même fondement.

S'agissant du détournement de l'intégralité des agencements matériels présents sur le site, il n'est pas prouvé et le changement de serrure du local se justifie par la volonté de la société [Z] de ne plus occuper les lieux ni poursuivre son activité en procédant aux réaménagements utiles.

La société [Z] ne caractérise d'ailleurs aucun préjudice subi de ce chef.

Elle sera donc déboutée de l'ensemble de ses prétentions .

Sur la demande en dommages intérêts :

La SCI COTE BASQUE sollicite la somme de 15 000 € en arguant du caractère abusif de la procédure initiée par la partie adverse. Cependant il n'est pas établi le caractère abusif de l'action en justice intentée par la société [Z] qui avait le droit de faire valoir sa position dans une situation complexe juridiquement.

Ce chef de demande sera donc rejeté.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il y a lieu de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés par moitié par chacune d'entre elles et les demandes qu'elles forment respectivement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirmant partiellement le jugement déféré :

Constate la résiliation du bail conclu le 22 mai 2017 entre la SCI COTE BASQUE et la societé [Z] à compter du 23 juillet 2019 date de l'incendie.

Confirme le jugement déféré sur le surplus, sur l'ensemble de ses dispositions.

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour moitié par chacune des parties.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.