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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 21 février 2024, n° 22/02159

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/02159

21 février 2024

MINUTE N° 89/24

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Anne CROVISIER

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties et à M. le Directeur Général de l'[4]

Le 21.02.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Février 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/02159 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3GC

Décision déférée à la Cour : 26 Avril 2022 par l'Institut [4] de [Localité 3]

DEMANDERESSE AU RECOURS :

S.A.S. CASA FRANCHI

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

DEFENDERESSE AU RECOURS :

S.A.R.L. FRANCHI

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

En présence de : Monsieur le Directeur Général de l '[4], représenté par Mme [J] [W], munie d'un pouvoir

Ministère Public :

représenté par Mme Claire VUILLET, substitut général, non présente aux débats mais dont les conclusions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la demande d'enregistrement n°21 4 755 561 déposée le 15 avril 2021 par la SARL FRANCHI, portant sur le signe verbal LE GLACIER FRANCHI, ayant vocation à désigner les produits et services suivants 'Pâtisseries ; confiseries ; glaces alimentaires ; crèmes glacées ; glaces à l'eau (glaces alimentaires) ; glaces aux fruits (glaces alimentaires) ; sorbets (glaces alimentaires) ; yaourts glacés (glaces alimentaires) ; granités ; salons de thé ; services de restauration (alimentation) ; services de glaciers',

Vu l'opposition à l'enregistrement de cette marque formée par la SAS CASA FRANCHI le 6 juillet 2021, sur la base des droits antérieurs suivants :

- La dénomination sociale CASA FRANCHI,

- Le nom commercial CASA FRANCHI,

- L'enseigne GLACIER FRANCHI.

Vu la décision rendue le 26 avril 2022, par laquelle M. le Directeur Général de l'[4] a statué comme suit : 'Article unique : l'opposition est rejetée',

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS CASA FRANCHI contre cette décision et déposée le 24 mai 2022 (RG N° 1A 22/02159),

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS CASA FRANCHI contre cette décision et déposée le 9 juin 2022 (RG N° 1A 22/02216),

Vu la constitution d'intimée déposée le 11 juillet 2022 par la SARL FRANCHI,

Vu l'ordonnance de jonction en date du 3 mai 2023,

Vu les conclusions en date du 23 novembre 2023 par lesquelles M. le Procureur Général déclare s'en remettre à sagesse,

Vu les dernières conclusions de la SAS CASA FRANCHI en date du 7 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles elle demande à la cour de :

'DIRE ET JUGER l'appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit :

INFIRMER la décision n°OP21-3044/DDL du Directeur général de l'[4] rendue le 26 avril 2022 en ce qu'elle :

- a rejeté l'opposition formée par la société SAS CASA FRANCHI ;

- a ordonné la demande d'enregistrement du signe 'LE GLACIER FRANCHI' n° 214755561 ;

Statuant à nouveau :

CONSTATER que les signes 'CASA FRANCHI' et 'LE GLACIER FRANCHI' présentent un risque de confusion aux termes d'une appréciation globale ;

DIRE ET JUGER que le signe 'LE GLACIER FRANCHI' porte atteinte aux droits antérieurs de la société SAS CASA FRANCHI ;

En conséquence :

REJETER l'enregistrement du signe 'LE GLACIER FRANCHI' selon demande formulée sous le n° 214755561 du 15 avril 2021 ;

En tout cas :

DEBOUTER la société SARL FRANCHI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société SARL FRANCHI à payer à la société SAS CASA FRANCHI la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société SARL FRANCHI aux entiers frais et dépens de première instance et de la procédure d'appel.'

Vu les dernières conclusions en date du 23 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL FRANCHI demande à la cour de :

'DECLARER la SAS CASA FRANCHI mal fondée en ses appels,

L'en DEBOUTER ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

CONFIRMER la décision n°OP21-3044/DDL statuant sur l'opposition OP21-3044DDL du Directeur général de l'[4] rendue le 26 avril 2022 en ce qu'elle a rejeté l'opposition formée par la SAS CASA FRANCHI et ordonné l'enregistrement de la marque LE GLACIER FRANCHI n° 21 4 755 561,

En conséquence,

CONFIRMER l'enregistrement du signe 'LE GLACIER FRANCHI' selon demande formulée sous le n° 21 4 755 561 du 15 avril 2021 auprès de l'[4],

CONDAMNER la SAS CAS FRANCHI aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une somme de 5000 € par application de l'article 700 du CPC.'

Vu les débats à l'audience du 11 décembre 2023, au cours de laquelle Monsieur le Directeur de l'[4] a renoncé à se prévaloir de ses observations du 1er décembre 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

A titre liminaire, la cour rappelle que le recours instauré à l'encontre des décisions du directeur de l'Institut [4], par l'ordonnance n°2019/1169 du 13 novembre 2019, a pour objet le contrôle de la légalité desdites décisions et ne peut s'entendre que comme un recours en annulation pour toutes les décisions autres que celles de nullité et de déchéance. Dès lors, il n'appartient à la cour ni de confirmer, ni d'infirmer lesdites décisions, mais de rejeter le recours engagé à leur encontre ou d'en prononcer l'annulation. Il convient de requalifier les demandes présentées par les parties en ce sens, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la réouverture des débats, cette question étant évoquée dans les conclusions de la SARL FRANCHI.

Il résulte également de la nature de ce recours, que seuls peuvent être examinés les moyens et pièces soumis au directeur de l'[4] antérieurement au prononcé de sa décision. En conséquences, les pièces n°12 à 19 de la SAS CASA FRANCHI seront écartées des débats.

Sur la nullité de la décision rendue par le directeur général de l'[4] :

L'article L711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que, ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle, une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

3° Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

- Sur la dénomination sociale CASA FRANCHI :

La dénomination sociale est l'identifiant d'une société. Elle n'est protégée que contre des comportements qui sont la source d'un risque de confusion, ce qui suppose qu'elle soit exploitée. Ainsi, pour déterminer si la dénomination sociale est susceptible de fonder une opposition, il convient de s'attacher à la date du commencement de son exploitation.

En l'espèce, les pièces produites au soutien de sa demande par la SAS CASA FRANCHI, devant le directeur de l'[4] au soutien de son opposition, étaient les suivantes :

- Pièce 1 : Extrait Kbis,

- Pièce 2 : Photographies de la vitrine en 2019 et de la nouvelle boutique en 2020,

- Pièce 3 : Factures

- Pièce 6 : Extraits des sites internet www.visit.alsace et www.tourisme-obernai.fr

- Pièce 9 : Rapport du président de l'AGO du 14 juin 2021

- Pièce 10 : Dix photographies

- Pièce 11 : Publications Instagram entre août et octobre 2020.

Or :

- Un extrait Kbis ne permet pas de démontrer l'exploitation effective de la dénomination CASA FRANCHI ;

- La première photographie de la vitrine de la SAS CASA FRANCHI n'est pas datée, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été prise antérieurement à la date de dépôt de la demande d'enregistrement contestée ; en outre, elle fait apparaître un établissement clos ne pouvant ainsi constituer une preuve d'exploitation de la dénomination sociale ;

- Sur la seconde photographie de la vitrine de la SAS CASA FRANCHI, qui peut être datée de mai 2020, au regard de sa qualité, seules peuvent être lues les mentions 'FRANCHI' et 'GLACIER', la mention CASA FRANCHI n'étant pas apparente ;

- Les trois factures produites en pièce 3 au nom de CASA FRANCHI ou du GLACIER CASA FRANCHI, sont datées de septembre 2020 et mars 2021 ; elles sont cependant presque entièrement cancellées et ne font apparaître ni la nature des prestations facturées, ni leur montant ;

- Les extraits des sites internet www.visit.alsace et www.tourisme-obernai.fr ont été édités en juillet 2021, soit postérieurement à la date de dépôt de la demande d'enregistrement contestée et ne mentionnent que le CAFE GLACIER FRANCHI et non la CASA FRANCHI ;

- Le rapport du président à l'assemblée générale du 14 juin 2021 est postérieur à la date de dépôt de la demande d'enregistrement contestée.

Les seules pièces pertinentes sont en conséquence les annexes 10 et 11 comportant 13 photographies, consistant en des publications sur des réseaux sociaux de particuliers et du glacier FRANCHI entre juin et octobre 2020. Elles démontrent que le terme CASA FRANCHI figure sur des gaufrettes placées dans des pots de glace portant l'inscription Maison Franchi CAFE GLACIER [Localité 5], ainsi que sur des gobelets de milk-shake.

Cependant, ainsi que l'a relevé le directeur de l'[4] dans la décision contestée, ces 13 photographies sont insuffisantes à démontrer un usage sérieux de la dénomination sociale CASA FRANCHI dans la vie des affaires.

En effet, la durée et l'intensité de l'utilisation de ce signe en tant qu'élément distinctif pour ses destinataires que sont les acheteurs, les fournisseurs, les consommateurs et les concurrents, n'est pas suffisamment significative.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler la décision du directeur de l'[4], sur le fondement de l'atteinte à la dénomination commerciale CASA FRANCHI, dont l'exploitation antérieure n'est pas démontrée.

- Sur le nom commercial CASA FRANCHI et l'enseigne GLACIER FRANCHI :

Un nom commercial ou une enseigne doit être connu sur l'ensemble du territoire national, pour constituer une antériorité opposable à une marque française.

En l'espèce, la SAS CASA FRANCHI fait valoir que sa clientèle ne se limite pas à [Localité 5] mais qu'elle provient de toute l'Alsace, que sa page Instagram contient des publications de nombreux clients qui participent à la publicité de ses produits dans toute la France, qu'elle est très active sur les réseaux sociaux, sa page Instagram comptant 2 234 abonnés et sa page Facebook, créée en 2019, recensant 4 276 abonnés et 4 108 'likes', que la ville d'[Localité 5] est une ville très touristique, de nombreux français et des étrangers y séjournant et que sa notoriété dépasse largement les limites locales.

Or, aucun des éléments produits ne permet de démontrer une portée autre que locale, tant du nom commercial CASA FRANCHI que de l'enseigne le GLACIER FRANCHI.

Au contraire, la mention du CAFE GLACIER FRANCHI sur les sites internet www.visit.alsace et www.tourisme-obernai.fr témoigne de la portée locale des signes CASA FRANCHI ET GLACIER FRANCHI, tout comme le nombre d'abonnés à ses pages Facebook et Instagram. Il n'est en outre ni allégué ni démontré que les produits de la SAS CASA FRANCHI sont vendus hors de sa boutique sise à [Localité 5].

En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler la décision du directeur de l'[4] sur le fondement de l'atteinte au nom commercial CASA FRANCHI, ou de l'enseigne GLACIER FRANCHI.

Sur les accessoires :

Succombant, la SAS CASA FRANCHI sera condamnée aux dépens de la procédure.

L'équité commande de condamner la SAS CASA FRANCHI à payer à la SARL FRANCHI la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande à ce titre devant être rejetée.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

ECARTE des débats les pièces n°12 à 19 de la SAS CASA FRANCHI, qui n'avaient pas été soumises au directeur de l'[4],

REJETTE le recours présenté par la SAS CASA FRANCHI contre la décision n°OP21-3044/DDL du Directeur Général de l'[4] rendue le 26 avril 2022,

CONDAMNE la SAS CASA FRANCHI aux dépens de la procédure,

CONDAMNE la SAS CASA FRANCHI à payer à la SARL FRANCHI une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande de la SAS CASA FRANCHI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :