CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 28 février 2024, n° 23/01453
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Preformed Line Products France (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Avocats :
Me De Maria, Me Divoy, Me May
Vu la requête du 7 juillet 2023, déposée par la société PERFORMED LINE PRODUCTS France (PLP France) auprès du président du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement des articles L.615-5 du code de propriété intellectuelle et 145 du code de procédure civile, aux fins d'être autorisée à1 procéder à des mesures de saisie-contrefaçon et des mesures d'instruction in futurum au sein de l'établissement de la société SAEE MALICO CONNECTORS INTERNATIONAL,
Vu l'ordonnance du 7 juillet 2023 du président du tribunal judiciaire de Paris rejetant la requête,
Vu la déclaration d'appel en matière gracieuse de la société PLP France du 21 juillet 2023 aux fins de rétractation de l'ordonnance,
Vu le courrier du 17 août 2023 du greffe du tribunal judiciaire de Paris indiquant que le magistrat n'a pas entendu réformer sa décision,
Vu la transmission du dossier à la cour d'appel de Paris,
Vu les conclusions d'appel notifiées par RPVA par la société PLP France le 6 janvier 2024 aux termes desquelles elle demande :
« - INFIRMER l'ordonnance rendue le 7 juillet 2023 par Monsieur le Président du tribunal judiciaire de Paris, en la personne de son délégué, en ce qu'elle a rejeté sa requête présentée le même jour par la société PLP France aux fins de l'octroi de mesures de saisie-contrefaçon sur le fondement de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle et de mesures d'instruction in futurum sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
- PRONONCER les mesures demandées dans la requête, dont les termes sont repris ci-dessous :
Autoriser la société PLP France à faire procéder par tout commissaire de justice compétent de son choix, à l'encontre de la société MALICO (anciennement « SAEE MALICO CONNECTORS INTERNATIONAL, en abrégé « SM-CI ») aux mesures suivantes visant :
d'une part, sur le fondement de l'article L.615-5 CPI, à constater et établir la matérialité, l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon alléguée à l'encontre de la société MALICO de tout ou partie des revendications de la partie française de la demande de brevet n° EP 3 464 938 ;
et, d'autre part, sur le fondement de l'article 145 CPC, à constater et établir les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société MALICO, ainsi que l'étendue du droit à réparation de la société PLP France en conséquence, selon les modalités détaillées ci-dessous ;
2. Autoriser le commissaire de justice à se rendre :
à l'établissement de la société MALICO situé [Adresse 3],
ainsi que dans les locaux de tout successeur ou ayant droit de cette société,
ainsi qu'en tout autre local révélé par les opérations et dépendant de cette société, dont la visite pourrait se révéler pertinente à l'exercice des missions détaillées ci-après et se trouvant dans le ressort de compétence du commissaire de justice ;
3. Autoriser le commissaire de justice à se faire assister :
par tous clercs ou collaborateurs de son étude ; et
par Maître Renaud Diebold, commissaire de justice, membre de la SCP CAP H Renaud DIEBOLD Véronique SIBRAN-VUILLEMIN Romain CAMUS, et par tous clercs ou collaborateurs de son étude ; et
par un conseil en propriété industrielle, en la personne de Monsieur [K] [S], exerçant au sein du cabinet Nony, situé [Adresse 2], ainsi que tout membre de son équipe ; et
par un ou plusieurs expert(s) informatique indépendant(s) de son choix ; et/ou
par un photographe ; et
par un serrurier ; et
par un commissaire de police ou tout autre représentant de la force publique territorialement compétent requis à cette fin par le commissaire de justice afin de veiller à l'accomplissement de ses missions ;
4. Autoriser le commissaire de justice à venir avec tout matériel et instrument nécessaire à la réalisation de ses opérations, notamment tout dispositif électronique tel qu'un ordinateur portable, un ou plusieurs appareils ou moyens de stockage et/ou d'enregistrement, tels que notamment clés USB, disques durs externes, appareils de duplication, appareils photographiques, et plus généralement tous appareils ou dispositifs qui pourront être utilisés par le commissaire de justice lui-même ou par la ou les personne(s) l'assistant, sous sa supervision et son contrôle ;
5. Dire que si l'accès aux locaux de la partie saisie est soumis à des règles de sécurité, imposant par exemple, le port de chaussures de sécurité, de casques, de blouses, de gants, de masques ou de tout autre accessoire, le commissaire de justice et la ou les personne(s) l'assistant devront se soumettre à ces règles, le commissaire de justice étant autorisé à requérir le prêt desdits accessoires pour lui-même et la ou lesdites personne(s) l'assistant auprès de la partie saisie ;
6. Dire que la partie saisie devra assister le commissaire de justice et la ou les personne(s) l'assistant, notamment en leur fournissant tout outillage, instrument, clef, équipement de sécurité ou consigne de sécurité à respecter ;
7. Autoriser le commissaire de justice à se faire indiquer, par toute personne au sein des locaux de la société MALICO ou dépendant de celle-ci, les informations utiles à la localisation des services et des personnes pouvant détenir les informations ou documents recherchés tels que décrits ci-après ;
8. Autoriser, sur le fondement de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, le commissaire de justice à :
- 8.1 Procéder ou faire procéder à la description détaillée, si besoin sous forme de schémas, croquis, photographies et/ou films vidéo, de tout ou partie des produits argués de contrefaçon, à savoir les produits « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
« AS FO B 040-048 », correspondant au code interne MALICO « P120944048 »,
« AS FO B 048-062 », correspondant au code interne MALICO « P120944862 »,
« AS FO B 062-078 », correspondant au code interne MALICO « P120946278 »,
« AS FO B 078-095 », correspondant au code interne MALICO « P120947892 »,
« AS FO B 092-108 », correspondant au code interne MALICO « P120949208 »,
« AS FO B 107-128 », correspondant au code interne MALICO « P120940813 »,
« AS FO B 128-150 », correspondant au code interne MALICO « P120941315 »,
et plus généralement, de tout autre produit de la société MALICO susceptible de contrefaire à tout le moins la revendication n° 1 de la demande de brevet européen n° EP 3 464 938, ainsi que de toute information de nature à établir leur apparence ;
- 8.2 Procéder à la saisie réelle en deux exemplaires (contre paiement ou offre de paiement de leur prix au tarif normal, ce paiement pouvant être immédiat ou différé) des produits argués de contrefaçon, à savoir les produits « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
- 8.3 Demander à se faire remettre et/ou rechercher ou faire rechercher tout document, quelle qu'en soit la nature (courrier, courriels, factures, bons de commande, bons de livraison, catalogues, brochures, présentations, offres de vente, pièces comptables) et quel qu'en soit le support (document papier et numérique, quel que soit son mode de stockage), relatif aux produits argués de contrefaçon, à savoir les produits « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
les noms et les adresses de tout acheteur, vendeur, distributeur, importateur, exportateur, promoteur ou de toute personne ou entité impliquée dans la fabrication, la promotion, la commercialisation, l'utilisation ou la distribution des produits allégués de contrefaçon;
les quantités fabriquées et vendues en France de ces produits allégués de contrefaçon ;
les quantités exportées depuis la France ou importées en France des produits allégués de contrefaçon ;
le détail de tous revenus (y compris toute commission ou redevance de licence) issus de la fabrication, la vente, la promotion et la distribution de ces produits allégués de contrefaçon ;
toute information technique, en ce inclus tout prospectus, mode d'emploi, catalogue, toute notice, spécification technique, instruction d'utilisation, publication, documentation fonctionnelle, protocole de fabrication, protocole de synthèse, analyse de compositions, document de contrôle qualité, fiche technique, fiche de sécurité, données relatives aux fournisseurs des matières premières, portant sur ces produits allégués de contrefaçon ;
- 8.4 Se faire présenter, constater et inventorier le stock des produits argués de contrefaçon, à savoir les produits « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
- 8.5 Pour le cas où le commissaire de justice ne trouverait pas, sur place, les produits argués de contrefaçon, à savoir les produits « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
- 8.6 A défaut d'autre moyen pour obtenir la preuve de la contrefaçon, et uniquement en tant que de besoin, faire interrompre la ligne de production des produits argués de contrefaçon susmentionnés et, plus généralement, de tout produit de la société MALICO susceptible de contrefaire à tout le moins la revendication n° 1 de la demande de brevet européen n° EP 3 464 938, de manière aussi brève que possible, et faire réaliser les interventions et/ou manipulations strictement nécessaires à l'établissement de la preuve de la contrefaçon alléguée, notamment pour décrire les produits argués de contrefaçon à tous les stades de leur fabrication, en sollicitant et obtenant à cet effet le concours des personnes physiques présentes sur les lieux de la saisie ;
- 8.7 Procéder aux opérations de saisie-contrefaçon pendant les heures habituelles d'ouverture des locaux, étant précisé que ces opérations pourront se poursuivre après ces heures d'ouverture et le jour ouvrable suivant si nécessaire ;
9.Autoriser, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le commissaire de justice à :
9.1 Demander à se faire remettre et/ou rechercher ou faire rechercher à fins de consultation et procéder à la copie, en deux exemplaires, de tout document, fichier, dossier, message, élément, quel qu'en soit le support et sous quelque forme que ce soit :
entre le 1er janvier 2017 (à l'occasion de la mise jour du catalogue PLP France aux fins d'introduction du code couleur conçu par la société PLP France) et la date de la réalisation des mesures d'instruction sollicitées ;
en lien avec les actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés à la société MALICO ;
comprenant un ou plusieurs des termes suivants, au singulier ou au pluriel, conjugué(s) ou à l'infinitif, le cas échéant :
« PLP », « Preformed line product »,
« Fiberlign », « Fiberline »,
« préformé », « preformed »
« ancrage », « anchor », « anchorage », « code »
« spiralé », « coiled », « spiral », « spiral grip », « dead-ends »,
« code couleur », « gamme de couleurs », « color code », « colour code », « range of colors », « range of colours »,
« reproduire », « inspirer », « imiter », « copier », « concurrent », « concurrence », « reproduce », « inspire », « imitate », « copy », « competitor », « competition» ;
9.2 Demander à se faire remettre et/ou rechercher ou faire rechercher tout document, quelle qu'en soit la nature (courrier, courriels, factures, bons de commande, bons de livraison, catalogues, brochures, présentations, offres de vente, pièces comptables) et quel qu'en soit le support (document papier et numérique, quel que soit son mode de stockage),
entre le 1er janvier 2017 (à l'occasion de la mise jour du catalogue PLP France aux fins d'introduction du code couleur conçu par la société PLP France) et la date de la réalisation des mesures d'instruction sollicitées ;
en lien avec les actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés à la société MALICO et relatif aux produits suivants de la société MALICO ;
' « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
« AS FO B 040-048 » et/ou « P120944048 »,
« AS FO B 048-062 » et/ou « P120944862 »,
« AS FO B 062-078 » et/ou « P120946278 »,
« AS FO B 078-095 » et/ou « P120947892 »,
« AS FO B 092-108 » et/ou « P120949208 »,
« AS FO B 107-128 » et/ou « P120940813 »,
« AS FO B 128-150 » et/ou « P120941315 »
' « Ancrages spiralés pour câbles ADSS portées
« AS FO B SC 040-048 » et/ou « P120940448 »,
« AS FO B SC 048-062 » et/ou « P120940406 »
« AS FO B SC 062-078 » et/ou « P120940678 »,
« AS FO B SC 078-095 » et/ou « P120940709 »,
« AS FO B SC 092-108 » et/ou « P120940910 »,
« AS FO B SC 107-128 » et/ou « P120941012 »,
« AS FO B SC 128-150 » et/ou « P120941215 »,
' « Dispositif[s] de suspension pour câbles à fibres optiques ADSS », portant notamment les références :
« SS FO B 048-062 » et/ou « P10089874 »,
« SS FO B 062-078 » et/ou « P10089875 »,
« SS FO B 078-095 » et/ou « P10089876 »,
« SS FO B 092-108 » et/ou « P10089877 »,
« SS FO B 107-128 » et/ou « P10089878 »,
« SS FO B 128-150 » et/ou « P10089879 »,
' ledit document étant notamment susceptible d'établir, de façon non exhaustive, les informations suivantes :
' les quantités fabriquées et vendues des produits allégués de concurrence déloyale et parasitaire,
' l'état des stocks et des commandes en cours ou passées des produits allégués de concurrence déloyale et parasitaires,
' les quantités exportées depuis la France ou importées en France des produits allégués de concurrence déloyale et parasitaire, et enfin,
' le détail de tous revenus (y compris toute commission ou redevance de licence) issus de la fabrication, la vente, la promotion et la distribution de ces produits allégués de concurrence déloyale et parasitaire ;
10. Pour l'accomplissement des missions susvisées sur le fondement des articles L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle et 145 du code de procédure civile, autoriser le commissaire de justice à :
10.1 Poser toute question en lien avec les missions susvisées et consigner toute réponse ainsi que toutes déclarations qui pourraient lui être faites spontanément par les personnes rencontrées au cours des missions susvisées et en lien avec celles-ci, en s'abstenant de toutes interpellations autres que celles strictement nécessaires à l'accomplissement des missions susvisées ;
10.2 Utiliser, aux fins de ses opérations, tous matériels et logiciels, y compris bureautiques et informatiques, moyens de reprographie et/ou de duplication électronique ou numérique, ou outils nécessaires à ses opérations se trouvant sur les lieux de la saisie ou apportés par ses soins ou par la ou les personnes qui l'assistent, et toute source d'énergie disponible sur les lieux ;
10.3 Avoir accès, ou demander l'accès par le ou les personnes l'assistant, à tout système informatique de la société MALICO (poste informatiques portables ou fixes, disques durs internes ou externes, CD ROM, DVD, serveurs intranet ou extranet, serveur de messagerie, téléphones du type « smartphone » ayant une capacité à gérer du courrier électronique, des messages textes (type SMS) et du stockage de données, supports de données locaux ou délocalisés, systèmes de sauvegarde de données, équipements de télécommunication, etc.), existant ou accessible sur place
10.4 Procéder ou faire procéder par le ou les expert(s) informatique l'accompagnant à toute recherche, sur tous systèmes et dispositifs informatiques visés ci-dessus, en lien avec les missions susvisées ;
10.5 Requérir et se faire communiquer, par toute personne présente sur les lieux, tout identifiant, mot de passe et/ou moyen de déchiffrement nécessaires à l'exécution des missions susvisées, en particulier dans le cadre de l'utilisation des systèmes et dispositifs informatiques susvisés ; et, si besoin avec l'assistance du ou des expert(s) informatique, connecter tout dispositif sur les matériels de l'entreprise et installer tout logiciel sur les systèmes informatiques de l'entreprise aux fins d'exécuter les missions susvisées ;
10.6 Procéder ou faire procéder par le ou les expert(s) informatique l'assistant à toute récupération, restauration ou décryptage de fichiers, dossiers ou messages supprimés, cryptés ou masqués, ceci afin de décrire et/ou copier les contenus de tels fichiers, documents ou messages ;
10.7 Avec le concours possible du ou des expert(s) informatique l'assistant, utiliser un disque dur externe ou tout autre dispositif de stockage de données et/ou de tout autre équipement informatique approprié lors des missions susvisées afin d'être en mesure de faire toutes constatations utiles ;
10.8 Faire usage des moyens de reprographie se trouvant sur les lieux des opérations, après offre de paiement du coût de cet usage ;
10.9 Décrire, copier sur tout support et imprimer, au besoin avec le concours du ou des expert(s) informatique l'assistant, tous documents ou informations visés ci-dessus, quelle qu'en soit la nature et quel qu'en soit le support, en lien avec l'accomplissement des missions susvisées ;
10.10 En cas d'absence de photocopieur ou d'imprimantes sur les lieux des opérations ou d'impossibilité d'utiliser le(s) appareil(s) existant sur place, emporter momentanément les documents à copier afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer dans un délai de vingt-quatre (24) heures suivant la clôture des opérations ;
10.11 Pour le cas où certaines pièces ou documents devaient ne pas se trouver dans le ou les lieux dans lesquels s'effectueront les opérations, requérir de la partie saisie de se les faire transmettre immédiatement au lieu des mesures notamment par email ou télécopie sans que cette liste ne soit exhaustive ;
10.12 Pour le cas où des informations utiles seraient conservées sur un support autre que le papier, réaliser une édition sur papier ou une copie sur tout support informatique approprié, en utilisant les moyens disponibles sur place ou à l'extérieur des lieux de la saisie avec le concours éventuel de la ou les personnes l'assistant ;
11 Dire que les pièces et documents saisis au cours des opérations et qui sont éligibles à la protection au titre du secret des affaires seront placés par le commissaire de justice sous séquestre provisoire dans les conditions de l'article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle renvoyant à l'article R. 153-1 du code de commerce, étant précisé que le secret des affaires ne couvre, conformément à l'article L. 151-1 du même code, qu'une information répondant aux critères cumulatifs suivants :
une information qui n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
une information qui revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
une information qui a fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ;
mais autoriser néanmoins le commissaire de justice, avec l'aide de la ou des personne(s) l'assistant, à inventorier ces documents par une description sommaire et générique visant à être reportée dans son procès-verbal ;
12 Dire que, lorsque des pièces et documents sont placés sous séquestre provisoire, ces pièces et documents seront remis à la requérante en l'absence de contestation de la partie saisie dans un délai d'un (1) mois à compter de la signification de votre ordonnance ;
13 Dire que le commissaire de justice devra dresser un procès-verbal de ses opérations dont il délivrera une copie à la partie saisie, soit immédiatement après son intervention, soit dans un délai maximum de huit (8) jours à compter de la date d'exécution des opérations, qui servira ce que de droit, ainsi qu'une copie à la requérante ;
14 Dire qu'à l'issue de sa mission, le commissaire de justice conservera en son étude une copie de l'ensemble des éléments saisis et procédera à des copies sur support informatique adapté pour remise à la partie auprès de laquelle il les aura obtenus et à la requérante ;
15 Dire qu'il sera procédé aux mesures ordonnées sur le fondement des articles L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle et 145 du code de procédure civile dans un délai d'un (1) mois à compter de la signature de votre ordonnance ;
16 Dire que votre ordonnance sera exécutoire, par provision et au seul vu de la minute, nonobstant toute opposition de la partie saisie en application de l'article 495 du code de procédure civile ;
17 Dire qu'il vous en sera référé en cas de difficulté, mais seulement une fois les missions susvisées effectuées, ou en cas d'obstacles tels qu'ils ne permettent pas l'exécution de tout ou partie de ses missions par le commissaire de justice, conformément aux dispositions de l'article 496 du code de procédure civile.
Vu les observations du ministère public notifiées par RPVA le 12 janvier 2024,
Vu l'audience du 16 janvier 2024 au cours de laquelle le conseil de la société PLP France a été entendu en ses observations,
SUR CE,
La société PLP expose qu'elle est spécialisée dans la conception et la fabrication d'accessoires pour l'installation et la sécurisation de réseaux de télécommunications et de réseaux électriques ; qu'elle a été constituée en 2014 et fait partie du groupe PLP, leader mondial dans ce domaine, ayant notamment été pionnier dans le développement des dispositifs de fixation des câbles de télécommunications aux poteaux électriques par ancrage et par suspension.
La société mère du groupe, la société PLP Co. a déposé une demande de brevet européen n° EP 3 464 938 (EP938), publiée le 30 novembre 2017 et intitulée « structure de support pour soutenir un câble », cette demande, issue de la demande internationale de brevet déposée le 25 mai 2017, revendiquant la priorité du brevet déposé le 25 mai 2016 aux États-Unis.
L'examen de cette demande de brevet européen est toujours en cours devant l'Office européen des brevets (OEB). Le dernier jeu de revendications modifié de cette demande a été soumis le 14 avril 2023 en réponse à l'OEB, lequel a, le 5 juillet 2023, invité la société PLP France, qui bénéficie d'une licence exclusive sur la demande de brevet depuis le 6 juin 2023, licence inscrite auprès du registre européen des brevets par acte du 22 juin 2023, à présenter des observations, en considérant que la demande souffrait d'un manque de nouveauté, compte tenu de deux antériorités.
La société PLP France commercialise en outre plusieurs dispositifs de fixation sous la marque « Fiberlign », et a développé depuis le début de l'année 2017 un standard visuel, consistant en une combinaison de couleurs choisies associées à différentes tailles de diamètre de câbles, ce qui lui a permis de rendre ses produits particulièrement identifiables sur le marché.
Elle expose qu'elle a appris que la société Malico, société française créée en 1999, filiale du groupe SICAME spécialisé dans la fabrication de matériel d'installations électriques, commercialisait des dispositifs de fixation par ancrage et par suspension, les premiers semblant reproduire les caractéristiques de la revendication de la demande de brevet précitée, tandis que les premiers et les seconds étaient commercialisés avec la reprise à l'identique du code couleur mis au point par la société PLP France.
Sur la mesure de saisie contrefaçon
La société PLP France soutient en substance qu'en vertu de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon de brevet est en droit de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon ; que la Cour de cassation a précisé que le juge a le pouvoir de fixer les conditions et l'étendue de la saisie contrefaçon, mas non celui de refuser l'autorisation d'y procéder qui lui a été demandée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi ; qu'elle a rapporté la preuve de sa qualité à agir puisqu'elle bénéficie d'une licence exclusive d'exploitation de la demande de brevet inscrite au registre européen des brevets ; que le requérant doit démontrer qu'il existe des éléments laissant supposer une atteinte à ses droits ce qu'elle a fait ; que dès lors qu'une mesure de saisie-contrefaçon est basée sur le fondement d'une demande de brevet, la validité du titre concerné est indifférente pour apprécier si la mesure doit être octroyée ; que le juge saisi d'une requête aux fins de saisie-contrefaçon n'est pas juge de la validité du brevet ; que les ordonnances rendues sont donc entachées de deux erreurs de droit pour avoir exigé que soit rapportée la preuve de la vraisemblance de la validité du titre invoqué et pour avoir préjugé le fond de l'affaire à savoir l'absence de délivrance à venir du brevet demandé alors que l'apparente simplicité de l'invention ne permet nullement de préjuger de sa validité, tant sur le plan de sa nouveauté que de l'activité inventive, cette demande ayant d'ailleurs donné lieu à la délivrance d'un brevet aux États-Unis et en Chine ; que la communication de l'Office européen des brevets du 5 juillet 2023 ne permet pas de conclure à l'absence de nouveauté de la demande de brevet, les deux antériorités soulevées par l'Office n'en étant pas vraiment puisque le problème technique posé par ces brevets était différent.
Sur ce,
L'article L.615-5 du code de propriété intellectuelle dispose : 'La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. (') ».
La société PLP France est bien recevable à solliciter une mesure de saisie-contrefaçon sur le fondement des articles L. 615-2 et L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, en sa qualité de titulaire d'une licence exclusive publiée de la demande de brevet européen EP 938.
Au soutien de sa demande le requérant doit apporter des éléments suffisants pour établir le caractère vraisemblable de l'existence d'une atteinte à son droit de propriété intellectuelle.
S'agissant d'une demande de brevet encore en cours, et afin d'appliquer le principe de proportionnalité entre les intérêts en présence, le juge doit apprécier tant la vraisemblance du droit invoqué, à savoir la demande de brevet non encore délivré, que la vraisemblance d'une atteinte portée à ses droits.
En l'espèce, la demande de brevet européen n° EP 938 invoquée au titre de la requête en saisie contrefaçon a été déposée le 30 novembre 2017, c'est-à-dire il y a plus de six années, et après plusieurs échanges avec l'examinateur de l'Office européen des brevets, celui-ci a considéré à nouveau en juillet 2023 que l'objet de la demande de brevet n'est pas nouveau au regard de deux antériorités, et a demandé à la société PLP de présenter des arguments au soutien de sa brevetabilité, le fait que la société PLP produise un document, non traduit en français, daté du 11 janvier 2024, par lequel elle forme devant l'OEB une requête principale et une requête subsidiaire, ne suffisant pas à rendre vraisemblable le succès de sa demande.
Le juge des requêtes doit donc être approuvé en ce qu'il a considéré que la délivrance du brevet, et donc la contrefaçon de ce brevet, n'étaient pas suffisamment vraisemblables pour autoriser une saisie-contrefaçon. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la mesure d'instruction in futurum
Au soutien de sa demande, la société PLP France fait valoir en substance qu'elle a pris soin pour éviter de tomber dans les écueils de la « perquisition civile », de prévoir dans sa requête que le commissaire de justice devait demander au préalable une remise volontaire des documents utiles, avant d'exercer ses pouvoirs, étant précisé que ces pouvoirs sont strictement limités par une borne temporelle (depuis le 1er janvier 2017) et matérielle (utilisation de mots clés déterminés ne concernant que le litige en vue) ; que les mesures d'instruction sollicitées sont utiles et nécessaires, et ne peuvent être rejetées pour la seule raison d'une possible atteinte au secret des affaires ; que l'octroi d'une mesure in futurum n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action en vue de laquelle cette mesure est sollicitée.
Sur ce,
Selon l'article 145 du code de procédure civile, 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".
L'article 493 prévoit par ailleurs que 'L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse'.
En application de l'article 145 susvisé du code de procédure civile, le requérant doit justifier, d'une part, d'un motif légitime et donc de l'intérêt de la mesure qu'il sollicite au regard des éléments de preuve recherchés nécessaires à la solution du litige, d'autre part, de l'existence d'éléments concrets justifiant de déroger à la procédure contradictoire, et notamment le risque de dépérissement des preuves qui doit être suffisamment caractérisé, notamment par la nature de la preuve, la volonté de dissimuler les faits, ou des circonstances démontrant que la société se refuse à la communication spontanée des informations.
En l'espèce, la société PLP France a fait procéder à un procès-verbal de constat dressé le 21 février 2023 par commissaire de justice sur le site internet malico-telecom.com auquel sont annexées des notices des produits montrant les codes couleur qu'elle incrimine au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, de sorte qu'elle a déjà pu obtenir par elle-même des éléments de preuve, et ne justifie d'aucun risque de dépérissement des preuves de nature à légitimer le recours à une procédure non contradictoire qui doit conserver un caractère exceptionnel.
Le recours à une mesure d'instruction in futurum doit être rejeté. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant non contradictoirement, en chambre du conseil,
Confirme l'ordonnance sur requête rendue 7 juillet 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a rejeté la requête de la société PLP France,
Laisse les dépens à la charge de la société PLP France.