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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 28 février 2024, n° 23/03998

RENNES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Spring Alma (SAS), Unibail-Rodamco-Westfield (SA)

Défendeur :

Alma-Viandes (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parent

Conseillers :

Mme Le Champion, Mme Hauet

Avocats :

Me Bourges, Me Pineau-Braudel, Me Chatellier

TJ Rennes, du 2 juin 2023, n° 23/03998

2 juin 2023

Par acte d'huissier du 6 septembre 2022, la SAS Spring Alma et la société Unibail-Rodamco-Westfield ont fait assigner la SAS Alma-Viandes, preneur à bail d'un local commercial implanté au sein du centre commercial Rennes Alma situé [Adresse 2] devant le président du tribunal judiciaire de cette ville, pris en sa qualité de juge des référés.

Les sociétés demanderesses sollicitent la condamnation de la société défenderesse à leur payer deux provisions, d'un montant de 342 384,21 euros et de 41 711,25 euros, au titre de loyers, charges et pénalités restées impayées au 22 juillet 2022, le tout sous bénéfice des dépens et de l'allocation d'une somme de 5 600 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 2 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes a :

- déclaré son incompétence au profit du président du tribunal de commerce de Rennes,

- renvoyé la cause et les parties devant ladite juridiction,7

- rappelé qu'à l'issue du délai d'appel, l'entier dossier est transmis par les soins du greffe du tribunal judiciaire de Rennes au greffe de la juridiction sus-désignée,

- dit que les dépens suivront ceux de l'instance en cours.

Le 3 juillet 2023, les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 24 juillet 2023, elles demandent à la cour de :

- juger recevable et bien fondé leur appel,

- infirmer l'ordonnance rendue le 2 juin 2023 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'elle a :

* déclaré son incompétence au profit du président du tribunal de commerce de Rennes,

* renvoyé la cause et les parties devant ladite juridiction,

* rappelé qu'à l'issue du délai d'appel, l'entier dossier sera transmis par les soins du greffe du tribunal judiciaire de Rennes au greffe de la juridiction sus-désignée,

* dit que les dépens suivront ceux de l'instance en cours,

Et statuant à nouveau,

- dire que seul le tribunal judiciaire de Rennes est compétent pour connaître des demandes formées par elles, et ce, à l'exclusion du tribunal de commerce de Rennes,

- condamner la société Alma Viandes à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Alma Viandes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2024, la société Alma-Viandes demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 2 juin 2023,

par voie de conséquence,

- débouter les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum les sociétés sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield précisent les clauses du contrat de bail et notamment la réduction exceptionnelle du loyer pendant les trois premières années du bail et les modalités de paiement des loyers.

Elles signalent que, depuis le 26 septembre 2018, le compte locatif de la société Alma-Viandes a été débiteur et que, malgré plusieurs lettres de mise en demeure, la société Alma-Viandes n'a pas procédé au règlement des loyers.

Elles expliquent que, par acte du 8 mai 2020, la société Spring Alma a cédé à la société Unibail-Rodamco-Westfield la créance qu'elle détient à l'encontre de la société Alma-Viandes pour un montant de 56 147,18 euros.

Les deux sociétés exposent que le tribunal judiciaire dispose d'une compétence exclusive en matière de baux commerciaux en application des articles R. 211-4 et R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire et en exécution d'une clause contractuelle d'attribution de compétence.

En réponse, la société Alma-Viandes considère que le tribunal judiciaire ne connaît que des actions relatives au statut des baux commerciaux, qu'il ne connaît pas des litiges nés dans le cadre d'un bail commercial qui ne concernent pas spécifiquement le statut des baux commerciaux et qu'il n'est pas compétent pour une action engagée pour le recouvrement de loyers commerciaux si cette action concerne deux commerçants.

Elle conteste la clause attributive de compétence.

L'article L. 721-3 du code de commerce dispose que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, aux sociétés commerciales et aux actes de commerce entre toutes personnes.

Le présent litige concerne des sociétés commerciales.

Selon l''article R. 145-23 du code de commerce, le tribunal judiciaire est compétent pour les contestations relatives aux baux commerciaux autres que celles relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé. L'article R. 211-3-26 11°du code de l'organisation judiciaire dispose que le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, de baux professionnels et de conventions d'occupation précaire en matière commerciale.

L'article R. 211-4 2° du code de l'organisation judiciaire dans sa version issue du décret n° 2019-912 du 30 août 2019 prévoit que les tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent seuls des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la compétence exclusive des tribunaux judiciaires en matière de bail commercial ne s'entend que des seuls litiges fondés sur le statut des baux commerciaux et non ceux fondés sur le droit commun des obligations, étant précisé que l'article R. 211-4 2° dans sa nouvelle rédaction consacre ainsi la jurisprudence déjà dégagée par la Cour de cassation (3ème civile, 11 avril 2019 n° 18-16061).

Dans le cas présent, les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield réclament le paiement de deux provisions d'un montant de 342 384,21 euros (puis de 416 166,73 euros) et de 41 711,25 euros au titre de loyers, charges et pénalités prévus au bail commercial et impayés au 22 juillet 2022.

Le présent litige est un litige entre commerçants sur une demande de paiement de loyers qui relève de la compétence du tribunal de commerce et qui ne relève pas d'une règle propre au statut des baux commerciaux.

La décision, sur ce point, est confirmée.

Le bail du 31 décembre 2018 mentionne en son article 30 : 'il est expressément prévu entre les parties que tous les litiges relatifs à l'interprétation ou à l'exécution des présentes et de leurs suites seront au choix des parties, soit du ressort du tribunal de grande instance du siège social de l'une ou l'autre des partie nonobstant le cas de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie, soit du lieu de situation du local.

L'article 48 du code de procédure civile prévoit que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Les dérogations prévues aux règles de compétence ne concernent que la compétence territoriale et non pas les compétences d'attribution.

Les sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfiel ne peuvent se prévaloir de la clause précitée.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions.

Succombant en cause d'appel, les sociétés sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield sont déboutées de leur demande en frais irrépétibles et aux dépens d'appel, étant par ailleurs précisé que la disposition de l'ordonnance entreprise sur les dépens est confirmée.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La société Alma-Viandes est déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Renvoie l'affaire devant le juge des référé du tribunal de commerce de RENNES ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne les sociétés sociétés Spring Alma et Unibail-Rodamco-Westfield

aux dépens d'appel.