CA Paris, Pôle 1 - ch. 5, 28 février 2024, n° 23/18184
PARIS
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Isaure Beauté (SARL)
Défendeur :
S.C.I. Naissly (SCI), Bred Banque Populaire (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseiller :
Mme Martel
Avocats :
Me Fromantin, Me De Coulhac Mazerieux, Me Dini, Me Benhamou, Me Chabeau, Me Ronzeau, Me Bouzidi-Fabre, Me Otto
Par acte du 15 avril 2014, la SCI Kerautret a donné à bail à la société Isaure Beauté un local à usage commercial situé [Adresse 4] à [Localité 8], pour y exercer une activité de salon de coiffure.
Par lettre du 10 décembre 2018, Maître [I], notaire, a notifié à la société Isaure Beauté l'intention de la SCI Kerautret de vendre le local au prix de 250.000 euros outre 18.700 euros de frais, afin de lui permettre d'exercer son droit de préemption en application de l'article L.145-46-1 du code de commerce. Par lettre du 2 janvier 2019, la société Isaure Beauté a manifesté son intérêt pour l'acquisition du local mais à un prix moindre.
Par acte du 5 novembre 2019, passé devant Maître [I], la SCI Kerautret a vendu plusieurs lots situés dans le même immeuble dont le lot objet du bail commercial, à la SCI Naissly. La société Bred Banque Populaire est intervenue à l'acte en qualité de prêteur de deniers.
La société Isaure Beauté ne s'étant pas acquittée de ses loyers tant à l'égard de la SCI Kerautret que de la SCI Naissly, cette dernière lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Après avoir fait citer les sociétés Kerautret et Naissly devant le tribunal correctionnel du chef du délit d'escroquerie, la société Isaure Beauté les a fait assigner ainsi que Maître [I] et la société Bred Banque Populaire, par actes des 17 et 18 juin 2021 devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de nullité de la vente intervenue le 5 novembre 2019.
Par jugement du 6 novembre 2023, ce tribunal a notamment :
- rejeté les demandes de la société Isaure Beauté ;
- condamné cette société aux dépens et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la SCI Naissly, Maître [I] et la société Bred Banque Populaire, la somme de 4.000 euros à chacun.
Par déclaration du 14 novembre 2023, la société Isaure Beauté a relevé appel de ce jugement.
Par actes du 23 novembre 2023, la société Isaure Beauté a fait assigner en référé, devant le premier président de cette cour, la SCI Naissly, Maître [I] et la société Bred Banque Populaire afin que soit ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire dont est de droit assorti le jugement susvisé.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société Isaure Beauté demande que soit prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 6 novembre 2023, que soient rejetées les prétentions des sociétés Naissly et Bred Banque Populaire ainsi que celles de M. [I] et que la SCI Naissly soit condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la SCI Naissly demande de déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, de la rejeter et de condamner la société Isaure Beauté au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, Maître [I] s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et sollicite la condamnation de la société Isaure Beauté au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et développées à l'audience, la société Bred Banque Populaire demande de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et sollicite la condamnation des parties succombantes in solidum ou à défaut, solidairement, à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Selon l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Au cas présent, la société Isaure Beauté soutient qu'il existe, d'une part, des moyens sérieux d'annulation et de réformation de la décision entreprise tenant à l'absence de motivation de celle-ci et à la nullité de l'acte de vente du 5 novembre 2009 en raison de la violation de son droit de préemption et des agissements des sociétés Kerautret et Naissly et, d'autre part, des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement entrepris.
A cet égard, elle indique que son bilan 2022 fait apparaître un déficit de 9.635 euros et la réalisation d'un chiffre d'affaires de 34.961 euros, que la situation comptable arrêtée au 30 novembre 2023 révèle un chiffre d'affaires de 36.339 euros et un bénéfice de 1.872 euros et que le solde créditeur de son compte bancaire, au 19 janvier 2024, ne constitue pas de la trésorerie disponible mais correspond au montant des loyers non réglés depuis mars 2022 dans l'attente de l'autorisation judiciaire de consigner les loyers.
Elle fait donc valoir que l'exécution provisoire de la décision la contraindrait à ne pouvoir régler l'intégralité des loyers échus et l'exposerait à un risque de cessation d'activité et de dépôt de bilan. Elle ajoute qu'il existe en outre un risque de non restitution des fonds de la part de la SCI Naissly en cas d'infirmation de la décision critiquée.
Il ressort des termes du jugement entrepris, et ainsi que le soutiennent, sans être contredits, la SCI Naissly et Maître [I], que la société Isaure Beauté n'a pas formulé, devant le premier juge, d'observations sur l'exécution provisoire au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile, lesquelles s'entendent de moyens propres à faire écarter le prononcé de cette mesure.
Ainsi, pour être recevable en sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire, la société Isaure Beauté doit démontrer, conformément à l'article 514-3 susvisé, l'existence d'un moyen sérieux de réformation du jugement et de conséquences manifestement excessives survenues depuis cette décision.
Or, force est de constater que la société Isaure Beauté ne fait état d'aucune conséquence manifestement excessive résultant de l'exécution provisoire du jugement, qui serait apparue depuis son prononcé. Les éléments comptables qu'elle produit relatifs à l'exercice 2022 et aux onze premiers mois de l'année 2023, à les supposer défavorables, étaient nécessairement connus avant le prononcé du jugement.
En tout état de cause, le bilan établi au 30 novembre 2023 révèle que la société Isaure Beauté disposait, à cette date, de disponibilités d'un montant de 36.583 euros, ce qui démontre que l'exécution provisoire du jugement n'est pas de nature lui causer un préjudice irréparable et à la placer dans une situation irrémédiable, étant en effet observé que les éléments du bilan ne caractérisent pas un état de cessation de paiement et que la société Isaure Beauté ne peut sérieusement exciper du non-paiement des loyers depuis plusieurs mois pour justifier de conséquences manifestement excessives apparues postérieurement à la décision de première instance.
Enfin, la société Isaure Beauté ne démontre pas l'impécuniosité de la SCI Naissly et l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait, en cas d'infirmation de la décision entreprise, de restituer les fonds versés.
Ainsi, les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire n'étant pas établies, il y a lieu de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sans qu'il soit utile d'examiner les moyens sérieux de réformation ou d'annulation invoqués.
Succombant en ses prétentions, la société Isaure Beauté supportera les dépens de l'instance.
Ayant contraint les défendeurs à exposer des frais irrépétibles pour assurer leur défense, elle sera condamnée à les indemniser à ce titre ainsi qu'il sera précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de la société Isaure Beauté tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 6 novembre 2023 ;
Condamnons la société Isaure Beauté aux dépens de l'instance et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 500 euros à la SCI Naissly, 500 euros à Maître [I] et 500 euros à la société Bred Banque populaire.
ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.