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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 février 2024, n° 22/04646

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Drouot Patrimoine (SA)

Défendeur :

Holding Drouot Sport (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Moisan, Me Carbasse, Me Boccon Gibod, Me Fauchoux

TJ Paris, 3e ch. 1re sect., du 27 janv. …

27 janvier 2022

EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE

La société DROUOT PATRIMOINE est une société spécialisée dans l'organisation de ventes aux enchères d'objets d'art et est également la société mère de plusieurs sociétés formant le GROUPE DROUOT et se présente comme un acteur majeur sur le marché de l'art.

A ce titre, elle est titulaire des marques suivantes :

- la marque française verbale « DROUOT » n°1685519, (ci-après 519) déposée le 7 août 1991, en classes 16, 35, 36, 37, 39, 41 et 42 ;

- la marque verbale de 1'Union européenne « DROUOT » n°8395709, (ci-après 709) déposée le 30 juin 2009, en classes 6, 8, 13, 14, 16, 19, 20, 21, 24, 35, 36, 37, 39, 41 et 42 ;

- la marque semi-'gurative de 1'Union européenne n°9804204, (ci-après 204) déposée le 11 mars 2011, en classes 6, 8,13,14,16, 19, 20, 21, 24, 35, 36,37,39, 41 et 42, ci-dessous représentée :

- la marque semi-'gurative de l'Union européenne n°017884583, (ci-après 583) déposée le 6 avril 2018, en classes 6, 8, 13, 14, 16, 19, 20, 21, 24, 35, 36, 37, 39, 41, 42, ci-dessous représentée :

Ces marques ont été enregistrées pour désigner les produits et services suivants :

- Classe 6 : Objets d'art en métaux communs; objets d'arts en bronze; bustes en métaux communs; monuments métalliques; statues ou statuettes en métaux communs.

- Classe 8 : Armes blanches; couverts.

- Classe 13 : Armes à feux.

- Classe 14 : Métaux précieux et leurs alliages autres qu'à usage dentaire, joaillerie , bijouterie, pierres précieuses; horlogerie et instruments chronométriques à savoir montres, montres-bracelets, boîtiers de montres, bracelets de montres, verres de montres, cadrans, chaînes de montres, chronomètres, horloges; ornements de ceintures, de chapeaux, poudriers, bonbonnières, gobelets, coffrets à bijoux, coffrets à montres, porte-monnaie, tous en métaux précieux ou en plaqué, aiguilles en métaux précieux, amulettes (bijouterie), objets d'art en métaux précieux, breloques, bustes en métaux précieux, cadrans solaires, statuettes en métaux précieux, flacons en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux (à l'exception des couverts), monnaies, médailles, figurines en métaux précieux, coffrets à bijoux non en métaux précieux.

- Classe 16 : Papier et carton (bruts, mi-ouvrés ou pour la papeterie ou l'imprimerie), affiches, albums, almanachs, atlas, cartes géographiques, globes terrestres, aquarelles, dessins, gravures, livres, brochures, catalogues, calendriers, journaux, imprimés, prospectus, revues, magazines, manuels, encyclopédies, pamphlets, feuillets, photographies, stylos à savoir : stylos à encre, stylo-bille, stylos feutres, cahiers, carnets, plumes à écrire, plumes à dessin, porte-plume, plumiers, serre-livres, sous-mains, tableaux pour la peinture; clichés chapelets, lithographies, objets d'art lithographiés, marques pour livres, papiers-parchemin, toiles pour la peinture, chevalet pour la peinture, peintures (tableaux) encadrés ou non, cartes postales, sceaux (cachets), sous-main, statuettes en papier mâché, tickets (billets).

- Classe 19 : Objets d'art en pierre, en béton ou en marbre, bustes en pierre, en béton ou en marbre, statuettes en pierre, en béton ou en marbre.

- Classe 20 : Meubles, glaces (miroirs), cadres; meubles de bureau, meubles de cuisine, meubles de salle de bains, meubles de jardin, vitrines, armoires, étagères, présentoirs, paravents, chaises, fauteuils, tabourets, objets d'art en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, cire, plâtre, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques, bouchons de bouteilles, capsules de bouteilles; tableaux d'affichage; bustes, statues ou statuettes en bois, en cire, en plâtre ou en matière plastique, tables à dessins, enseigne en bois ou en matière plastique.

- Classe 21 : Verre brut ou mi-ouvré (à l'exception du verre de construction), vaisselle en verre, porcelaine ou faïence, objets d'art en porcelaine, en terre cuite ou en verre, vaisselle non en métaux précieux, brûle-parfums, bustes en porcelaine, en terre cuite ou en verre, ustensiles cosmétiques, enseignes en porcelaine ou en verre, statuette ou statue en porcelaine, en terre cuite ou en verre, vaporisateur à parfum, pots, vases sacrés non en métaux précieux, urnes non en métaux précieux, verre peint, argenterie (vaisselle), bougeoirs en métaux précieux, chandeliers en métaux précieux, vases sacrés en métaux précieux.

- Classe 24 : Tissus à usage textile; tissus d'ameublement; tentures murales en matières textiles; tapisserie en matière textile.

- Classe 35 : Ventes aux enchères; agence d'import-export; organisation d'expositions à but commerciaux ou de publicité; publicité, conseils, informations ou renseignements d'affaires; direction professionnelle des affaires artistiques, recueil de données dans un fichier central, agence d'informations commerciales, administration commerciale; travaux de bureaux; conseils en organisation des affaires; services d'abonnements de journaux (pour des tiers), organisation de foires à but commerciaux et de publicité, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, gestion administrative de lieux d'expositions.

- Classe 36 : Services d'assurances et de finances dans le domaine des ventes aux enchères publiques; estimation de bijoux; estimation d'antiquité; estimation de timbres; estimation d'objets d'art, estimations numismatiques.

- Classe 37 : Restauration de meubles; restauration d'œuvres d'art; travaux de vernissage.

- Classe 39: Services de transports notamment d'objet d'art; service d'empaquetage; entreposage; livraison de marchandises.

- Classe 41 : Education; formation, divertissement; activités sportives et culturelles; édition de livres, de revues, prêts de livres; dressage d'animaux; productions de spectacles, de films; agences pour artistes; location de films, d'enregistrements phonographiques, d'appareils de projection de cinéma et accessoires de décors de théâtre; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement; organisation et conduite de colloques, conférences, congres; organisation d'expositions a buts culturels ou éducatifs, location de bandes vidéo, exploitation de salles de cinéma et d'auditorium, services de clubs (divertissement et éducation), services de discothèques, location d'enregistrement sonores, enseignement, cinématographiques, locations épreuves pédagogiques, jardins d'attractions, location d'appareils et accessoires d'émetteurs récepteurs; services de musées (présentation, exposition), services d'orchestres, organisation de bals, organisation de spectacles, planification de réceptions, prêts de livres, programmes radiophoniques et de télévision, représentations théâtrales, divertissements télévisés; organisation de loteries, location d'appareil audio, organisation de spectacles, organisation et conduite d'ateliers de formation, publication de textes autres que textes publicitaires, publication électronique de livres et de périodiques en ligne, services de reporteurs, services de traduction.

- Classe 42 : Authentification d'œuvres d'art.

La société HOLDING DROUOT SPORT exploite, depuis 2013, la clinique Drouot, située [Adresse 1] à [Localité 3] non loin de la rue Drouot, spécialisée dans la prise en charge médicale et chirurgicale des pathologies du sport et dans la rééducation.

Dans le cadre de son activité, elle exploite la marque verbale française « Clinique Drouot » n°4100395 et la marque semi-figurative n° 4100730 enregistrées depuis 2014 pour les «services médicaux » en classe 44 :

La société DROUOT PATRMOINE expose avoir découvert que la société HOLDING DROUOT SPORT a procédé au dépôt de la demande d'enregistrement de la marque française semi-'gurative « DROUOT SPORT » n°4589264, le 10 octobre 2019, en classes 41 et 44 :

Estimant que ce dépôt portait atteinte à ses marques antérieures, la société DROUOT PATRIMOINE a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2019, mis en demeure la société HOLDING DROUOT SPORT de procéder au retrait de sa demande d'enregistrement de la marque 'DROUOT SPORT' et de cesser l'utilisation du terme 'DROUOT'.

Le 9 décembre 2019, la société HOLDING DROUOT SPORT a procédé au retrait partiel de la demande d'enregistrement, limitant le dépôt de la marque à certains services médicaux et chirurgicaux visés en classe 44, soit « les services médicaux et chirurgicaux ; services de cliniques médicales ; services de consultation médicales ; services de médecine du sport ; services de consultation médicales dans le domaine de la chirurgie orthopédique, neurochirurgie, cardiologie, podologie ; assistance médicale ; rééducation physique ; services de radiologie ; examens radiologiques à des fins médicales ; services d'imagerie médicale ; informations médicales ; conseils en matière de santé ; services d'information et de prévention dans le domaine de la santé ; services de conseillers médicaux. »

Par acte d'huissier de justice en date du 24 février 2020, la société DROUOT PATRIMOINE a fait assigner la société HOLDING DROUOT SPORT devant le tribunal judiciaire de Paris pour atteinte à ses marques renommées.

Par jugement rendu le 27 janvier 2022 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Déclaré la société HOLDING DROUOT SPORT irrecevable à agir en déchéance partielle des droits de la société DROUOT PATRIMOINE sur les marques n°008395709, n°009804204 ct n°017884583 ;

- Débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande de nullité de la marque semi-'gurative DROUOT SPORT n°4589264 ;

- Débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande d'interdiction de faire usage de la marque semi-'gurative DROUOT SPORT n°4589264 ;

- Condamné la société DROUOT PATRIMOINE à payer à la société HOLDING DROUOT SPORT la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamné la société DROUOT PATRIMOINE aux dépens ;

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

La société DROUOT PATRIMOINE a interjeté appel de ce jugement le 28 février 2022.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 3, notifiées le 6 septembre 2023, la société DROUOT PATRIMOINE, appelante, demande à la cour de:

Vu les dispositions des articles L 711-3, L 713-3, L 714-3, L 714-5, L 716-3 ; L716-4 du Code de la Propriété Intellectuelle en vigueur ;

Vu les dispositions de l'article 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle en vigueur jusqu'au 1er avril 2020 ;

Vu les dispositions des articles 5.3 et 10.2 de la directive UE n° 2015/2436 du 16 décembre 2015 ;

Vu les dispositions des articles 8, 9, 60 du Règlement n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ;

Vu les dispositions des articles 514, 699 et 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats ;

- RECEVOIR la société Drouot Patrimoine en ses demandes, fins et conclusions, la déclarer bien fondée et y faire droit ;

- INFIRMER le Jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2022 RG n°20/02292 pour l'ensemble des chefs critiqués ;

- CONFIRMER le Jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2022 RG n°20/02292 en ce qu'il a déclaré la société Holding Drouot Sport irrecevable à agir en déchéance partielle des droits de la société Drouot Patrimoine sur les marques n°008395709, n°009804204 et n°017884583 ;

ET STATUANT DE NOUVEAU, DE :

A TITRE PRINCIPAL, sur la demande de nullité sur le fondement de droits antérieurs

- JUGER que la marque française verbale n°1685519 « DROUOT », les marques de l'Union européenne « DROUOT » verbale n°8395709 et semi-figurative « D DROUOT » n°9804204 et « DROUOT PARIS » n°017884583 (« Marques Drouot »), sont des marques jouissant d'une renommée au regard du public concerné, le public spécialisé, au sens des articles L.711-3 I 2° du CPI et 5.3 a) de la directive UE n° 2015/2436 du 16 décembre 2015 ;

- JUGER que la marque française verbale n°1685519 « DROUOT », les marques de l'Union européenne « DROUOT » verbale n°8395709 et semi-figurative « D DROUOT » n°9804204 et « DROUOT PARIS » n°017884583 (« Marques Drouot ») ont acquis une renommée au-delà des amateurs d'art et de ventes aux enchères, par le grand public ;

- JUGER que le public concerné par les Marques Drouot ainsi que le public de la marque postérieure n°4589264 seront susceptibles d'établir un lien entre lesdites marques ;

- JUGER que l'enregistrement et l'usage de la marque n°4589264 par la société Holding Drouot Sport porteront ou risqueront de porter atteinte aux Marques Drouot de Drouot Patrimoine dès lors que celle-ci tirera indûment profit de leur caractère distinctif et de leur renommée et leur portera préjudice par dilution et ce, sans juste motif ;

- JUGER que l'enregistrement et l'usage de la marque n°4589264 par la société Holding Drouot Sport porteront ou risqueront de porter atteinte à la dénomination sociale de Drouot Patrimoine en créant un risque de confusion avec celle-ci ;

- JUGER que l'enregistrement de la marque n°4589264 par la société Holding Drouot Sport doit être annulée ;

En conséquence :

- DECLARER nul l'enregistrement de la marque française n°4589264 pour l'ensemble des services désignés ;

- ORDONNER l'inscription de la décision d'annulation à intervenir au Registre National des Marques tenu par l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI).

A TITRE SUBSIDIAIRE, sur la demande d'interdiction et de nullité sur le fondement de la contrefaçon

- JUGER que la marque française verbale n°1685519 « DROUOT », les marques de l'Union européenne « DROUOT » verbale n°8395709 et semi-figurative « D DROUOT » n°9804204 et « DROUOT PARIS » n°017884583 (« Marques Drouot ») sont des marques jouissant d'une renommée au regard du public concerné, le public spécialisé, au sens de l'article L.713-3 du CPI et 10.2 c) de la directive UE n° 2015/2436 du 16 décembre 2015 et de l'article 9 du Règlement n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ;

- JUGER que la marque française verbale n°1685519 « DROUOT », les marques de l'Union européenne « DROUOT » verbale n°8395709 et semi-figurative « D DROUOT » n°9804204 et « DROUOT PARIS » n°017884583 (« Marques Drouot ») ont acquis une renommée au-delà des amateurs d'art et de ventes aux enchères, par le grand public ;

- JUGER que le public concerné par les Marques Drouot ainsi que le public de la marque postérieure n°4589264 seront susceptibles d'établir un lien entre lesdites marques.

- JUGER que l'enregistrement et l'usage de la marque n°4589264 par la société Holding Drouot Sport porteront ou risqueront de porter atteinte aux Marques Drouot de Drouot Patrimoine dès lors que celle-ci tirera indûment profit de leur caractère distinctif et de leur renommée et leur portera préjudice par dilution et ce, sans juste motif ;

- JUGER que l'enregistrement et l'usage envisagé de la marque n°4589264 constituent un acte de contrefaçon des Marques Drouot de Drouot Patrimoine :

En conséquence :

- FAIRE INTERDICTION totale et immédiate à la société Holding Drouot Sport d'utiliser en France et dans l'Union européenne, la marque n°4589264 de quelque manière que ce soit et d'utiliser le signe « DROUOT » sous quelque forme que ce soit, seul ou associé au terme « SPORT » ainsi qu'à tout autre terme, dans toutes calligraphies, couleurs, typographies y compris dans le cadre la dénomination sociale « Holding Drouot Sport », sur tout support de communication, et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- FAIRE INTERDICTION à la société Holding Drouot Sport de déposer à l'avenir, à titre de marque, le terme « DROUOT » seul ou associé à d'autres termes dont notamment le terme « SPORT » et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- DECLARER nul l'enregistrement de la marque française n°4589264 pour l'ensemble des services désignés ;

- ORDONNER l'inscription de la décision d'annulation à intervenir au Registre National des Marques tenu par l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI).

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER la société Holding Drouot Sport au paiement de la somme de 40.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société Holding Drouot Sport aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'huissier, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- SE RESERVER la liquidation des astreintes.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 3, notifiées le 11 octobre 2023, la société HOLDING DROUOT SPORT, intimée, demande à la cour de:

Vu les articles L.711-3 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2019-1169 du 13 novembre 2019,

Vu l'article 9.2 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la Marque de l'Union européenne et l'article 5.2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande de nullité de la marque semi-figurative DROUOT SPORT n°4589264 ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande d'interdiction de faire usage de la marque semi-figurative DROUOT SPORT n° 4589264 ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société DROUOT PATRIMOINE à payer à la société HOLDING DROUOT SPORT la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Y ajoutant :

- CONDAMNER la société DROUOT PATRIMOINE au paiement de la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société DROUOT PATRIMOINE aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'huissier, sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le chef non contesté du jugement

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré la société HOLDING DROUOT SPORT irrecevable à agir en déchéance partielle des droits de la société DROUOT PATRIMOINE pour les marques n°008395709, n°009804204 ct n°017884583.

Il est donc définitif de ce chef.

Sur la demande de nullité de la marque n° 264 fondée sur l'atteinte à la renommée des marques DROUOT n° 519, 709, 204 et 583

La société DROUOT PATRIMOINE soutient que ses marques sont connues d'une grande partie du public français et européen depuis de nombreuses années pour les produits et services couverts lors de leurs dépôts et particulièrement pour les produits et services afférents aux ventes aux enchères et, plus largement, aux services associés à sa qualité d'acteur majeur du marché de l'art et met en avant notamment de nombreux articles de presse, des ventes prestigieuses qu'elle a organisées, le nombre important de visiteurs accueillis dans ses locaux ou consultant son site internet, le volume conséquent de ventes qu'elle génère chaque année, outre les efforts consentis pour le développement de son image de marque et de sa communication, ce que des sondages qu'elle a fait réaliser confirment, selon elle, ajoutant que cette renommée s'étend au-delà du public concerné par ces marques.

Elle estime qu'au regard des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les marques en conflit, du degré de distinctivité et de l'intensité de la renommée de ses marques, le public de la marque litigieuse sera susceptible d'établir un lien et un rapprochement entre ces marques, nonobstant la différence des produits et services en cause, retenant au demeurant une certaine complémentarité entre les services concernés. Elle ajoute que le lien entre les marques en cause ressort également du risque de confusion, retenant que l'usage fait du signe « Drouot » par l'intimée n'est pas fait en référence à son adresse ou sa localisation mais en tant qu'élément de marque, l'intimée ayant au demeurant décliné cette marque lors de la création de nouveaux sites, et alors qu'elle-même a développé une famille de marques dont elle justifie de l'usage, le public ne pouvant qu'être amené à penser que la marque « Drouot Sport » ne constitue qu'une nouvelle déclinaison de sa marque originelle « Drouot ».

Elle plaide que l'usage de cette marque « Drouot Sport » porte atteinte à ses droits, au regard du profit indu tiré par l'intimée, mettant en avant notamment la notoriété incontestable et le pouvoir d'attraction de ses marques auprès du public, acquis notamment grâce aux investissements qu'elle a consentis pour les promouvoir et rappelle qu'en tout état de cause, elle justifie de l'existence d'un risque de préjudice du fait de l'atteinte portée à la renommée et au caractère distinctif de ses marques, estimant que l'usage par la société HOLDING DROUOT SPORT de l'élément « Drouot » pour désigner des services distincts aura nécessairement pour effet de diluer l'attractivité des marques premières au regard de son public spécialisé en banalisant leur valeur. Elle conteste l'existence de justes motifs revendiqués précisant que le terme « Drouot » est utilisé comme élément dominant, sans le terme « clinique », à la différence des marques précédemment déposées et en tant qu'indication économique des services fournis et, non, en référence à un lieu d'implantation.

La société HOLDING DROUOT SPORT conteste l'ensemble des demandes formulées dénonçant la volonté de son adversaire de s'arroger un monopole sur le terme « Drouot » et ce alors qu'elle a accepté, dans un souci d'apaisement, de procéder au retrait de la classe 41 couvrant notamment des services de conseil et de formation dans le domaine du sport de sa demande d'enregistrement. Elle retient, en conséquence, comme le tribunal, que la renommée des marques « Drouot » est circonscrite aux services de ventes aux enchères et au marché de l'art, estimant au demeurant que l'étendue de la renommée est un faux débat sans incidence sur l'absence de lien entre les marques en cause au regard spécifiquement de la différence de nature intrinsèque entre les services de vente aux enchères et les services médicaux et chirurgicaux visés par les marques en conflit.

A cet égard, elle souligne l'absence de similitudes entre les signes notamment d'un point de vue visuel et conceptuel, sa marque évoquant selon elle une activité liée au sport, évocation totalement absente des marques opposées, l'éloignement des activités couvertes excluant d'autant tout lien ou même risque de rapprochement et ce d'autant plus que le terme « Drouot » est utilisé pour de nombreuses activités commerciales pour désigner leur implantation dans ce secteur géographique de Paris. Elle estime que l'appelante ne peut tenter de contourner l'exigence d'un lien en invoquant à nouveau l'intensité de la renommée et le degré de distinctivité des marques Drouot pour les services de ventes aux enchères, au demeurant très réglementés, qui ne peuvent en tout état de cause les rendre évocatrices de services médicaux et chirurgicaux. Elle ajoute que l'existence d'une famille de marque, à la supposer avérée, ne peut suffire à caractériser ce lien et ce notamment au regard du recours récurrent par d'autres acteurs au même terme « Drouot » en tant que dénomination sociale ou marque, et ce, même si les publics concernés par ces marques peuvent se chevaucher dans une certaine mesure.

Elle conteste la prétendue complémentarité entre les services en cause, désormais revendiquée par l'appelante. Elle estime que la société DROUOT PATRIMOINE échoue à démontrer l'atteinte à la renommée des marques « Drouot », tant sur le prétendu profit tiré de leur caractère distinctif, n'apportant nullement la preuve d'un transfert d'image ou de risques sérieux de profits indus, et ce alors que son adversaire n'a jamais adopté un positionnement sur le marché orienté vers les domaines médicaux et chirurgicaux et qu'elle n'a jamais cherché à se placer dans leur sillage mais uniquement à indiquer à ses patients sa localisation. Elle retient également que l'appelante ne démontre pas davantage l'existence d'une modification du comportement du consommateur économique moyen des produits et services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée consécutivement à l'usage des signes incriminés ou même d'un risque sérieux que cette modification se produise dans le futur.

Elle estime, en tout état de cause, disposer d'un juste motif à l'usage de ce signe au regard de l'implantation de la clinique Drouot dans le quartier du même nom, comme de nombreuses autres cliniques qui font référence dans leur désignation et leur activité à leur lieu d'implantation et alors que l'usage de ce nom ne lui a pas été contesté par l'appelante entre 2013 et 2019 et, qu'ainsi, il a toujours existé une coexistence pacifique entre les activités médicales de la clinique Drouot et les activités exercées par la société DROUOT PATRIMOINE.

Sur ce, la cour rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article 9 sur le « droit conféré par la marque de l'Union européenne » du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :

« 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (')

c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. »

Puis, en vertu de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable aux faits de la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, la marque contestée ayant été enregistrée le 10 octobre 2019, « la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou cette imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée. »

Sur le public pertinent

La CJUE dans son arrêt INTEL du 27 novembre 2008, s'agissant du public pertinent à prendre en considération en matière de marque de renommée, a dit pour droit :

« 33 Le public à prendre en considération afin de déterminer si l'enregistrement de la marque postérieure est susceptible d'être annulé en application de l'article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive varie en fonction du type d'atteinte allégué par le titulaire de la marque antérieure.

34 En effet, d'une part, tant le caractère distinctif que la renommée d'une marque doivent être appréciés par rapport à la perception qu'en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé

1: Mise en gras ajoutée par la cour

(s'agissant du caractère distinctif, voir arrêt du 12 février 2004,Koninklijke KPN Nederland, C-363/99, Rec. p. I-1619, point 34; s'agissant de la renommée, voir, en ce sens, arrêt General Motors, précité, point 24).

35 Partant, l'existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

36 D'autre part, s'agissant de l'atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l'avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, l'existence de ladite atteinte doit être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. »

Comme l'a justement retenu le tribunal sans être contesté par les parties, le public concerné par les quatre marques Drouot opposées est un public spécialisé constitué d'amateurs d'art et de ventes aux enchères.

Sur la renommée des marques

Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une fraction du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits ou services désignés, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l'ancienneté de la marque, la part de marché occupée par la marque, l'intensité de son exploitation, son succès commercial, l'étendue géographique de son usage et l'importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l'existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat, ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice. Ces critères ne sont pas cumulatifs et le titulaire d'une marque enregistrée peut, aux fins d'établir la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d'une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise. (CJCE 6 octobre 2009, Pago - C301/07).

Dès lors que la renommée d'une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l'Union, pouvant le cas échéant coïncider avec le territoire d'un seul Etat membre, il y a lieu de considérer que cette marque jouit d'une renommée dans l'Union.

Il est enfin acquis que si la renommée d'une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée, les documents portant une date postérieure à cette date ne sauraient toutefois être privés de valeur probante s'ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu'un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d'une marque s'acquiert, en général, progressivement (TUE, 16 décembre 2010, affaires n° T-345/08 et T-357/08 -point 52).

Sur ce, la renommée de ces marques qui, pas plus qu'en première instance, n'est contestée en défense pour les services relatifs aux ventes aux enchères et au marché de l'art, ressort à l'évidence des pièces produites et, notamment, de nombreux articles de la presse spécialisée ou plus généraliste, de reportages télévisés, de l'organisation de ventes aux enchères prestigieuses, du public nombreux accueilli dans les salles de vente de l'hôtel Drouot (entre 500.000 et 700.000 en 2017 et 2018), de la fréquentation de son site internet (6 millions de visiteurs en 2022), de ses nombreux abonnés sur les différents réseaux sociaux, générant un montant de vente de 376 millions en 2018 et 573 millions en 2022, des investissements conséquents engagés pour soutenir et développer son image de marque en lien avec ses services, deux sondages établis en 2020 et 2022 attestant de ce que respectivement 65% et 80% des répondants ayant un intérêt particulier pour les ventes aux enchères et/ou les œuvres d'art et objets de collection ont répondu « connaître l'entreprise Drouot ne serait-ce que de nom », l'ensemble de ces éléments démontrant une exploitation soutenue, ancienne (historiquement implantée à Paris depuis 1852) et continue.

Il convient en conséquence de retenir que les marques Drouot sont des marques de renommée et bénéficient en conséquence du régime spécial de protection édicté par l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, la société HOLDING DROUOT SPORT ne contestant pas l'existence de cette renommée en France, et ainsi sur une partie substantielle du territoire de l'Union européenne.

Par ailleurs, la cour estime que les pièces versées au débat par la société DROUOT démontrent que ses marques ont acquis une renommée qui va au-delà du seul public concerné par les services de ventes aux enchères attestant ainsi d'une renommée d'une intensité certaine. Cette intensité de la renommée des marques Drouot ressort ainsi notamment de l'ancienneté avérée de l'usage de ce signe, l'hôtel Drouot étant le plus ancien hôtel des ventes au monde et décrit comme l'une des quatre grandes maisons de vente aux enchères en France qui attire un public conséquent lors de ses ventes, dont 30% de clients étrangers, outre que son activité et certaines de ses ventes portant sur des collections ou objets célèbres font l'objet, régulièrement, d'articles dans la presse spécialisée mais aussi généraliste, ainsi que de reportages sur des chaines de télévision nationales, cette grande visibilité étant rendue possible par les investissements conséquents consentis depuis de nombreuses années pour promouvoir ses activités et ses marques tant en interne qu'auprès de conseils en développement. A cet égard, les sondages établis en 2020 et 2022 confortent cette analyse, puisque 57% du public interrogé confirme connaître « DROUOT, entreprise dans le secteur de la vente aux enchères spécialisées dans les œuvres d'art et les objets de collection » ou, parmi une liste de secteurs d'activité, associe le terme DROUOT à hauteur de 47% à celui de la vente aux enchères, 33% reliant spontanément le terme Drouot au secteur de la vente aux enchères d'objets d'art.

Mais la renommée de ces marques ne s'étend pas à l'ensemble des produits et services couverts par celles-ci, ce que ne conteste pas l'appelante dans ses écritures, et reste limitée aux services suivants:

Pour la marque verbale française « DROUOT » n°1685519 :

Classe 35 : « Services de publicité et d'affaires dans le domaine des ventes aux enchères; estimations, évaluations et expertises en affaires ; ventes aux enchères » ;

Classe 36 : « Services d'assurances et de finances dans le domaine des ventes aux enchères publiques ; estimations financières d'objets d'art » ;

Classe 37 : « Services de réparation ; notamment réparation, restauration et nettoyage d'objets

d'art. Services de transport et d'entreposage ; »

Classe 42 : « Estimations, évaluations et expertises d'objets d'art ; organisation de salons et expositions ».

Pour la marque verbale de l'Union européenne « DROUOT » N° 008395709 :

Classe 35 : « Ventes aux enchères ; services d'abonnements de journaux (pour des tiers), organisation de foires à but commerciaux et de publicité, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, gestion administrative de lieux d'expositions. »

Classe 36 : « Services d'assurances et de finances dans le domaine des ventes aux enchères publiques ; estimation de bijoux ; estimation d'antiquité ; estimation de timbres ; estimation d'objets d'art, estimations numismatiques ; »

Classe 37 : « Restauration de meubles ; restauration d'œuvres d'art ; travaux de vernissage » ;

Classe 39 : « Services de transports notamment d'objet d'art; Services d'emballage et d'empaquetage; entreposage; livraison de marchandises » ;

Classe 41 : « activités culturelles ; organisation d'expositions à buts culturels ; services de musées (présentation, exposition); »

Classe 42 : « Authentification d'œuvres d'art ».

Pour la marque semi-figurative de l'Union européenne N° 9804204 :

Classe 35 : « Ventes aux enchères ; services d'abonnements de journaux (pour des tiers), organisation de foires à but commerciaux et de publicité, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, gestion administrative de lieux d'expositions » ;

Classe 36 : « Services d'assurances et de finances dans le domaine des ventes aux enchères publiques ; estimation de bijoux ; estimation d'antiquité ; estimation de timbres ; estimation d'objets d'art, estimation numismatique ; »

Classe 37 : « Restauration de meubles ; restauration d'œuvres d'art ; travaux de vernissage »;

Classe 39 : « Services de transports notamment d'objet d'art ; Services d'emballage et d'empaquetage; entreposage; livraison de marchandises » ;

Classe 41 : « Activités culturelles ; organisation d'expositions à buts culturels ; services de musées (présentation, exposition) ; »

Classe 42 : « Authentification d'œuvres d'art ».

Pour la marque semi-figurative de l'Union européenne N° 017884583 :

Classe 35 : « Organisation de ventes aux enchères ; Tenue de ventes aux enchères ; services d'abonnements de journaux (pour des tiers) ; Location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; Services d'abonnement à des journaux pour des tiers; Organisation d'expositions et de foires à buts commerciaux ou de publicité; gestion administrative de lieux d'expositions ; »

Classe 36 : « Services d'assurances et de finances dans le domaine des ventes aux enchères publiques ; estimation de bijoux ; estimation d'antiquité ; estimation de timbres ; estimation d'objets d'art, estimation numismatique ; Services de prestation de conseils en finances dans le domaine des ventes aux enchères » ;

Classe 37 : « Restauration de meubles ; restauration d'œuvres d'art ; travaux de vernissage. »

Classe 39 : « Services de transports notamment d'objet d'art; Services d'emballage et d'empaquetage; entreposage; livraison de marchandises ».

Classe 41 : « Activités culturelles ; organisation d'expositions à buts culturels ; services de musées; Expositions de musées ; »

Classe 42 : « Authentification d'œuvres d'art ».

La cour retient en conséquence que les marques de la société DROUOT jouissent d'une renommée intense en France, soit sur une partie substantielle du territoire de l'Union européenne, pour les services afférents aux ventes aux enchères et au marché de l'art, à la date du dépôt de la marque incriminée soit le 10 octobre 2019.

Sur l'existence d'un lien entre les marques

Dans son arrêt Adidas du 23 octobre 2003 (Aff. C-408/01), la Cour de Justice de l'Union européenne, a dit pour droit :

' 29 Les atteintes visées à l'article 5, paragraphe 2, de la directive, lorsqu'elles se produisent, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c'est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu'il ne les confond pas.

30 L'existence d'un tel lien doit, (...) être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. »

Aux fins d'apprécier l'existence d'un tel lien entre les marques, la Cour de Justice de l'Union européenne a rappelé dans l'arrêt Intel susvisé du 27 novembre 2008 ( C-252/07):

'42 Parmi ces facteurs peuvent être cités :

- le degré de similitude entre les marques en conflit ;

- la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné ;

- l'intensité de la renommée de la marque antérieure ;

- le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure;

- l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public. (...)

47 Il convient par ailleurs de rappeler que la renommée d'une marque s'apprécie par rapport au public concerné par les produits ou les services pour lesquels cette marque a été enregistrée. Or, il peut s'agir soit du grand public, soit d'un public plus spécialisé. (...)

49 En outre, même si les publics concernés par les produits ou les services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées sont les mêmes ou se chevauchent dans une certaine mesure, lesdits produits ou services peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d'évoquer la marque antérieure dans l'esprit du public pertinent.

50 Dès lors, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit ont été respectivement enregistrées doit être prise en considération aux fins d'apprécier l'existence d'un lien entre ces marques '.

La cour rappelle, en conséquence, que pour déterminer si l'utilisation de la marque contestée porte atteinte à la renommée des marques antérieures, il convient d'analyser si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, un lien ou une association entre les marques sera établi dans l'esprit du public concerné.

Les critères pertinents sont notamment le degré de similitude entre les signes, la nature et le degré de proximité des produits, ainsi que le public concerné, l'intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l'usage de la marque antérieure et l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public.

L'atteinte à la marque renommée est constituée par un usage sans juste motif de la marque contestée qui, soit tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, soit porte ou porterait préjudice à son caractère distinctif, soit porte ou porterait préjudice à sa renommée. Un seul de ces trois types d'atteinte suffit pour que la protection de la marque de renommée puisse s'appliquer.

L'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle d'un risque de préjudice porté à ces caractères distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l'usage par un tiers d'un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractères distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d'attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d'exploiter, sans compensation financière, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de celle-ci (CJUE arrêt L'Oréal C487/07 du 18 juin 2009 - point 50).

Sur les services visés

Il a déjà été vu que les marques DROUOT opposées pour lesquelles la renommée a été établie visent essentiellement des services de ventes aux enchères ou afférents au marché de l'art.

La marque semi-figurative DROUOT SPORT vise en classe 44 « les services médicaux et chirurgicaux ; services de cliniques médicales ; services de consultation médicales ; services de médecine du sport ; services de consultation médicales dans le domaine de la chirurgie orthopédique, neurochirurgie, cardiologie, podologie ; assistance médicale ; rééducation physique ; services de radiologie ; examens radiologiques à des fins médicales ; services d'imagerie médicale ; informations médicales ; conseils en matière de santé ; services d'information et de prévention dans le domaine de la santé ; services de conseillers médicaux. »

La société DROUOT ne conteste pas le fait que les services désignés pour chacune des marques ne sont ni identiques, ni similaires par nature mais soutient cependant l'existence d'une complémentarité entre les services visés par ses marques en classe 35 : « Ventes aux enchères; services d'abonnements de journaux (pour des tiers), organisation de foires à but commerciaux et de publicité, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, gestion administrative de lieux d'expositions » et en classe 41 « activités culturelles ; organisation d'exposition à but culturels, services de musées (présentation, exposition) » et les services visés en classe 41 de la marque contestée « Services médicaux chirurgicaux (') services d'informations et de prévention dans le domaine de la santé ; services de conseillers médicaux » .

Sur ce point, la cour rappelle que l'existence d'une similitude entre les services désignés par les marques en conflit est propre à l'appréciation globale du risque de confusion, distincte de celle du risque de lien, caractérisant une atteinte aux marques de renommées. Doit ainsi être pris en considération le degré de proximité ou de dissemblance des services en cause afin d'apprécier un lien entre les marques (Trib UE 7 décembre 2022 Puma §68).

Or, au cas présent, la société DROUOT n'apporte nullement la preuve que l'association de services d'activités culturelles et de vente aux enchères avec les services médicaux et de santé soit « très courante », le seul fait que des actions caritatives ou des programmes culturels aux fins d'inclusion des malades et de promotion de la culture au sein des établissements de santé soient organisées ne suffisant pas à établir ce lien étroit et obligatoire, ni davantage le fait que les marques DROUOT aient été associées, de manière très ponctuelle, à certaines ventes caritatives.

La cour retient, en conséquence, que les services en cause, dont les parties retiennent qu'ils ne sont ni identiques ni similaires, sont différents par nature et très dissemblables, les services concernés de ventes aux enchères ou afférents au marché de l'art, d'une part, et les services médicaux, d'autre part, relevant de secteurs réglementés totalement différents, étant proposés chacun dans des lieux dédiés très spécifiques et par des professionnels aux qualifications très distinctes, le public étant amené à y avoir recours dans des situations très différentes.

Sur la comparaison des signes

SIGNES ANTERIEURS

SIGNE CONTESTE

DROUOT

Marques verbales française n°1685519 et de 1'Union européenne n°8395709

Marque française semi-'gurative « DROUOT SPORT » n°4589264

Marque semi-'gurative de 1'Union européenne n°9804204

Marque semi-'gurative de l'Union européenne n°017884583,

Visuellement, les signes en litige ont en commun le terme « DROUOT », seul élément des deux marques verbales antérieures, associé à un D majuscule très présent en attaque et en position haute et centrale, situé au-dessus du terme « DROUOT » pour la marque semi-figurative n°204 et du terme « PARIS » reproduit en dessous dans une police différente et plus petite, pour la marque semi-figurative n°583, toutes les deux présentées en couleur rouge, tandis que la marque semi-figurative contestée est constituée de l'association d'un D majuscule incliné stylisé et ajouré et occupant une place à gauche prépondérante de par sa taille et sa position et des termes « DROUOT SPORT » mentionnés en majuscules mais en plus petits caractères et à droite du D.

Il en ressort notamment pour les marques semi-figuratives en conflit des différences visuelles réelles à relativiser cependant au regard de l'élément verbal commun DROUOT, le public étant plus enclin à retenir un élément verbal que figuratif.

Phonétiquement, les signes ont en commun le nom « DROUOT ». Cependant, si dans les marques opposées n°519 et 709, il en constitue le seul terme, et est précédé d'abord par un D dans la marque n°204 et suivi du terme « PARIS » dans la marque n°583, il est précédé d'un D et suivi du terme SPORT dans la marque n°264, de sorte que les signes ne comportent pas le même nombre de syllabes et présentent des sonorités en partie différentes.

Intellectuellement, le signe contesté « DROUOT SPORT » évoque un service lié à une activité physique, signification absente dans les marques opposées, tandis que le terme « PARIS » au sein de la marque N°583 est fortement évocateur d'un lieu géographique. Le terme « DROUOT » commun aux signes renvoie au quartier parisien situé dans le 9e arrondissement de Paris et, pour une partie du public, en particulier le public amateur d'art et de ventes aux enchères, à l'hôtel des ventes de la société DROUOT situé dans la rue éponyme. Enfin la lettre D peut être perçue comme une reprise de la lettre du terme dominant « DROUOT », la cour ne partageant pas l'analyse de l'intimée qui explique que le graphisme de cette lettre D dans la marque n°264 correspond à la représentation stylisée d'une piste d'athlétisme.

Globalement, les signes en présence présentent donc des similitudes moyennes.

Il doit également être relevé que le terme « DROUOT » est arbitraire pour désigner notamment les services de ventes aux enchères et qu'il est distinctif et dominant dans les signes en conflit, l'ajout du terme « SPORT », plus descriptif, faisant référence au domaine d'activité de la société HOLDING DROUOT SPORT, soit notamment la prise en charge des pathologies du sport.

Sur l'existence d'un lien entre les marques

1Ainsi qu'il a été rappelé, dans l'hypothèse où les signes en conflit présentent une certaine similitude, il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si nonobstant le caractère dissemblable des services, il existe en raison de la présence d'autres facteurs pertinents tels que l'importante renommée de la marque antérieure, sa forte distinctivité ou l'existence d'un risque de confusion, un lien ou un risque de lien entre ces signes dans l'esprit du public concerné.

A cet égard, la CJUE dans l'arrêt Intel susvisé a dit pour droit :

« 51 Il convient également de souligner que certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu'elle va au-delà du public concerné par les produits ou services pour lesquelles ces marques ont été enregistrées

52 Dans une telle hypothèse, il est possible que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu'il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée.

53 Dès lors, aux fins d'apprécier l'existence d'un lien entre les marques en conflit, il peut être nécessaire de prendre en considération l'intensité de la renommée de la marque antérieure, afin de déterminer si cette renommée s'étend au-delà du public visé par cette marque.

'54 (...) plus la marque antérieure présente un caractère distinctif fort, qu'il soit intrinsèque ou acquis par l'usage qui a été fait de cette marque, plus il est vraisemblable que, confronté à une marque postérieure identique ou similaire, le public pertinent évoque ladite marque antérieure.

55 Dès lors, aux fins d'apprécier l'existence d'un lien entre les marques en conflit, il convient de prendre en considération le degré de caractère distinctif de la marque antérieure.

56 À cet égard, dans la mesure où l'aptitude d'une marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque et, partant, son caractère distinctif sont d'autant plus forts que cette marque est unique, c'est-à-dire s'agissant d'une marque verbale telle qu'INTEL, que le mot dont elle est constituée n'a été utilisé par qui que ce soit pour quelque produit ou service que ce soit hormis par le titulaire de cette marque pour les produits et services qu'il commercialise - il convient de vérifier si la marque antérieure est unique ou essentiellement unique. »

Enfin, si la protection accordée aux marques de renommée ne repose pas sur la démonstration d'un risque de confusion entre les signes pour le public, il n'en demeure pas moins, selon le même arrêt qu'« un lien entre les marques en conflit est nécessairement établi en cas de risque de confusion, c'est à dire lorsque le public pertinent croit ou est susceptible de croire que les produits ou services commercialisés sous la marque antérieure et ceux commercialisés sous la marque postérieure proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées. »

En l'espèce, l'intimée démontre que le terme « DROUOT » est couramment utilisé pour désigner un quartier parisien du 9e arrondissement en lien avec la rue du même nom existant depuis 1847, auquel fait référence la station de métro « Richelieu-Drouot » le desservant, mais aussi par de nombreux commerces de ce quartier dans leur dénomination sociale ou nom commercial, sans systématiquement mentionner l'activité exercée. Ainsi dans plusieurs marques, l'usage de ce terme permet de rattacher une activité à une zone d'implantation géographique, à l'instar au demeurant de l'intimée dans sa dénomination qui exploite les deux autres marques françaises verbales « Clinique Drouot » et semi-figurative « Clinique Drouot sport et arthrose », sans jamais avoir été inquiétée par la société DROUOT pour ces marques et usages.

Ainsi, si les marques opposées sont objectivement distinctives pour les services qu'elles visent, il n'en demeure pas moins que le terme « DROUOT » n'est pas uniquement utilisé par l'appelante mais également par d'autres acteurs, en référence à leur implantation dans ce quartier parisien, ces marques n'étant donc pas « uniques » au sens de l'arrêt précité, de sorte que le degré de distinctivité revendiqué doit être replacé dans ce contexte.

Dans ces circonstances, la référence au terme « DROUOT » dans la marque DROUOT SPORT a une justification, puisque la clinique éponyme exploitée par la société HOLDING DROUOT SPORT s'est implantée en 2013 précisément dans ce quartier, et, à l'instar de nombreuses cliniques notamment parisiennes, a fait le choix d'une appellation en lien avec cette implantation géographique. Si, bien postérieurement, elle a été amenée à ouvrir d'autres établissements dans d'autres quartiers en se référant toujours à son appellation originelle, ces faits ne sont pas de nature à remettre en cause le choix de cette dénomination lors de sa création.

En outre, si la société DROUOT démontre disposer d'une famille de marques (marque française HOTEL DROUOT n°1685520 - marque de l'Union européenne GALERIE DROUOT n° 9803834 - marque de l'Union européenne DROUOT DIGITAL n° 17704776 ; marque de l'Union européenne DROUOT FORMATION n° 1770722 - marque française DROUOT IMMOBILIER n° 3863414 - marque de l'Union européenne DROUOT ENCHERE n° 17707217) corrélativement à une diversification de ses activités, il convient de constater que celles-ci sont toutes en lien avec son c'ur de métier, les ventes aux enchères, soit des activités d'expertises, de formations des professionnels du marché de l'art, d'enchères en ligne, ou de ventes immobilière ou de transport. Elle ne peut donc raisonnablement soutenir que le public serait susceptible d'associer la marque DROUOT SPORT, faisant référence à une activité totalement distincte, à une nouvelle déclinaison de ses propres marques, le sondage réalisé en 2022 ne pouvant constituer une preuve à cet égard, au regard des questions fermées posées aux sondés ni, davantage, le fait qu'elle ait organisé quelques ventes éparses d'objets ou de photographies liés au monde sportif.

En outre, si les publics respectivement concernés par les marques en litige, soit le grand public, s'agissant de services médicaux pour le signe contesté, et un public spécialisé d'amateurs d'art et de vente aux enchères pour les marques de renommée DROUOT, se chevauchent dans une certaine mesure, les services sont si dissemblables en raison de leur différence de nature, soit d'une part, les ventes aux enchères ou des activités liées au marché de l'art et, d'autre part, la chirurgie orthopédique, la médecine du sport, la rééducation, la radiologie ou le traitement de l'arthrose, recouvrant ainsi des secteurs d'activités très éloignés proposés par des acteurs totalement différents, que la marque postérieure sera insusceptible d'évoquer les marques antérieures auprès du public pertinent.

Enfin, si l'INPI ou certaines juridictions, dans le cadre d'autres contentieux, ont pu retenir des atteintes à la renommée de marques, nonobtsant la dissemblance des produits et services concernés, ces décisions ne sauraient être transposables, dès lors que chaque litige diffère au regard tant de la comparaison des signes en cause, à la lumière de tous les facteurs pertinents et propres à chaque cas d'espèce.

En conséquence, prenant en compte l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce, nonobstant les similitudes moyennes existant entre les marques en conflit, l'intensité de la renommée de la marque antérieure et son caractère distinctif, la cour retient que la dissemblance des services proposés sous la marque postérieure est telle qu'il n'existe aucun risque que ce signe puisse évoquer, auprès du public visé, les marques invoquées par la société DROUOT PATRIMOINE et que, sans les confondre, ce public puisse établir un lien entre elles.

Au surplus, la société DROUOT PATRIMOINE échoue à démontrer l'existence des atteintes alléguées et que la société HOLDING DROUOT SPORT tirerait ou risquerait de tirer indument profit de la renommée ou du caractère distinctif des marques DROUOT ou encore qu'elle lui porterait préjudice ou risquerait de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de ces marques en faisant usage de la marque DROUOT SPORT contestée au regard de la nature totalement dissemblable des activités concernées, l'appelante ne démontrant nullement par ailleurs une modification du comportement économique du consommateur de ses services, consécutive à l'usage de la marque postérieure, ni même un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur.

C'est, en conséquence, à juste titre que le tribunal a débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande en nullité de la marque semi-figurative DROUOT SPORT N°4589264 fondée sur l'atteinte à la renommée de ses marques N°1685519, N°8395709, N°9804204 et N°017884583, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de nullité fondée sur l'atteinte à la dénomination sociale

La société DROUOT PATRIMOINE soutient que ce dépôt de marque porte atteinte également à sa dénomination sociale, la reprise de l'élément dominant « Drouot » dans la marque litigieuse étant de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public avec sa dénomination sociale et à lui laisser croire que la marque « DROUOT SPORT » lui appartient puisqu'elle est la société mère d'un groupe de sociétés aux activités variées, telles les sociétés DROUOT IMMOBILIER ou DROUOT LOGISITIC.

La société HOLDING DROUOT SPORT conteste identiquement les demandes formulées au titre de l'atteinte à la dénomination sociale de l'appelante, rappelant l'absence de risque de confusion entre une dénomination sociale et une marque, dès lors que les secteurs d'activité couverts par la dénomination sociale et la marque sont suffisamment distincts, comme au cas présent.

En vertu de l'article L.711-4 b) du code de propriété intellectuelle dans sa version applicable aux faits en cause, soit lors de l'enregistrement de la marque semi-figurative « DROUOT SPORT » n° 4589264 , « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment : (') à une dénomination sociale ou raison sociales s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. »

La cour rappelle par ailleurs que la dénomination sociale ne bénéficiant d'une protection que pour l'activité réellement exercée, il convient aussi de s'attacher à cette dernière et d'examiner également les produits et services désignés par la marque postérieure.

Dans le cadre de l'examen de l'atteinte aux marques renommées « DROUOT », il a déjà été procédé à la comparaison des signes en cause qui conserve sa pertinence, sauf pour la cour à ajouter que la présence du terme « PATRIMOINE » au sein de la dénomination sociale opposée tend à minimiser les similitudes avec la marque contestée « DROUOT SPORT », même si le terme DROUOT reste dominant.

S'agissant des services, il a déjà été relevé leur caractère notablement dissemblable, ces derniers n'étant ni identiques, ni similaire par complémentarité.

La cour retient en conséquence que l'adjonction du terme « SPORT » au terme « DROUOT » dans la marque semi-figurative N° 264 contestée exclut tout risque de confusion dans l'esprit du public, avec la dénomination sociale de la société DROUOT PATRIMOINE, société spécialisée dans l'organisation de ventes aux enchères d'objets d'art et également société mère d'un groupe de sociétés filiales et ce, alors que la marque contestée n'a été déposée que pour les services médicaux et chirurgicaux désignés en classe 44.

Il ne peut en conséquence être soutenu par l'appelante que le dépôt de cette marque puisse laisser à penser au public qu'elle a entendu diversifier ses activités dans le domaine du sport, alors qu'elle-même expose que ses différentes filiales sont en charge d'activités liées à la vente aux enchères, soit une diversification cantonnée à ce domaine d'activité spécifique.

A cet égard, le sondage produit par l'appelante ne permet nullement de caractériser ce risque de confusion alors que les questions posées sont particulièrement fermées et orientées, qu'il n'est pas proposé aux répondants une comparaison entre la dénomination sociale de la société DROUOT PATRIMOINE et la marque telle que déposée mais entre les seuls termes « DROUOT » et « DROUOT SPORT » et que le panel des répondants n'est pas forcément représentatif du public concerné.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la société DROUOT PATRIMOINE de sa demande de nullité de la marque semi-figurative DROUOT SPORT N°4589264 fondée sur l'atteinte à sa dénomination sociale.

Sur la demande de nullité subsidiaire fondée sur la contrefaçon

La société DROUOT PATRIMOINE formule une demande subsidiaire au titre de la contrefaçon de ses marques de renommée retenant que le dépôt de la marque litigieuse constitue, en tout état de cause un usage dans la vie des affaires, et qu'elle cherche à se prémunir de sa future exploitation.

La société HOLDING DROUOT SPORT conteste les demandes formulées au titre de la contrefaçon, pour l'ensemble des motifs opposés, et rappelant qu'elle ne fait pas un usage du signe litigieux dans la vie des affaires, le seul dépôt d'une marque ne pouvant être analysé comme tel.

En vertu de l'article L.713-3 du code de propriété intellectuelle, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. »

La cour rappelle que la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire (Cass Com 13 octobre 2021).

Dès lors, dans la mesure où il n'est pas contesté que la marque semi-figurative n'a fait l'objet d'aucune exploitation effective, et partant d'aucun usage pour des produits ou services dans la vie des affaires, les faits de contrefaçon allégués ne sont pas constitués.

Au surplus, au vu des constatations déjà opérées ci-dessus, il résulte de l'appréciation globale des signes en cause que, nonobstant la renommée et le caractère distinctif des marques opposées et les similitudes moyennes pouvant exister entre les signes, le caractère si différent et dissemblable des services est tel qu'il n'existe aucun risque que le signe incriminé puisse évoquer auprès du public visé les marques invoquées, la société DROUOT ne démontrant pas, au demeurant, que l'usage de la marque DROUOT SPORT N° 4589264 serait de nature à permettre à la société HOLDING DROUOT SPORT de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de ses marques ou même à leur porter préjudice.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société DROUOT PATRIMOINE, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société DROUOT PATRIMOINE à verser à la société HOLDING DROUOT SPORT une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société DROUOT PATRIMOINE aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société DROUOT PATRIMOINE à verser à la société HOLDING DROUOT SPORT une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.