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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 28 février 2024, n° 23/00635

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sequoia Factory (SAS)

Défendeur :

Sequoia Emballages (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Masson-Bessou, Mme Drahi

Avocats :

Me Louis, Me Stouls, Me Guerinot

TJ de Lyon, du 3 janv. 2023

3 janvier 2023

La SAS Sequoïa Emballages dont le siège se trouve à [Localité 4] (69) immatriculée le 18 novembre 2011 indique avoir une activité de fabrication, restauration, conditionnement et emballage à base de bois, et notamment de palettes.

La SAS Sequoïa Factory dont le siège se trouve à [Localité 3], immatriculée le 21 juillet 2020, a pour activité déclarée la réalisation de toutes prestations de services de nature intellectuelle : gestion études en faveur des sociétés entreprises sur les plans administratifs, juridique, informatique, comptable, technique, commercial, financier, trésorerie de marketing, réalisation de prestations d'assistance en sélection d'approvisionnement, la vente et la distribution de produits imprimés, et notamment de supports de communication Eco responsable sur Internet, puis la production de services informatiques.

Par lettre du 5 octobre 2021, le conseil de la SAS Sequoïa Emballages mettait en demeure la SAS Sequoïa Factory de modifier sa dénomination sociale ainsi que son logo, sa cliente exploitant une société dont l'activité était similaire à la sienne, à savoir la fabrication d'emballages en bois dans le département du Rhône et indiquant par ailleurs que sa cliente avait effectué le 17 novembre 2019 un dépôt de marque semi-figurative mettant en évidence le terme 'séquoïa' avec la présence d'un arbre dans la lettre O.

Par lettre en réponse du 25 octobre 2021, le conseil de la SAS Sequoïa Factory contestait toute concurrence, les produits de la SAS Sequoïa Factory étant des présentoirs pour PLV (publicité sur les lieux de vente) en magasin, supports de communication sans ressemblance pouvant contribuer à un risque de concurrence et de confusion.

Sequoïa Factory s'adressait à des magasins où sociétés ayant des points de vente visités par des acheteurs potentiels pouvant être sensibilisés par la PLV.

Le conseil de Sequoïa Factory ajoutait que le terme séquoia était un nom commun ne pouvant avoir un effet distinctif susceptible d'appropriation sauf combiné avec d'autres éléments. Il n'y avait pas d'imitation de la marque invoquée par les sigles utilisés par la SAS Sequoïa Emballages. Il ne pouvait pas y avoir de risque de confusion.

Il s'en suivait d'autres échanges entre les conseils des deux sociétés.

Par acte du 13 octobre 2022, la SAS Sequoïa Emballages a fait assigner la SAS Sequoïa Factory en référé.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon, a :

Déclaré recevable la société Sequoïa Emballages en ses demandes ;

Dit qu'en utilisant le signe semi-figuratif ' Sequoïa Factory pour des présentoirs en bois identiques à ceux visés au dépôt de la marque Sequoïa Emballages Palettes & Caisserie n° 4599570, la société Sequoïa Factory a vraisemblablement porté atteinte à la dite marque ;

Fait interdiction à la société Sequoïa Factory de faire usage du signe semi-figuratif ' Sequoïa Factory et de faire la promotion pour des présentoirs en bois, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Condamné la société Sequoïa Factory à payer à la société Sequoïa Emballages la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice relatif à l'atteinte vraisemblable à la marque Sequoïa Emballages Palettes & Caisserie n° 4599570 ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamné la société Sequoïa Factory à payer à la société Sequoïa Emballages la somme 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société Sequoïa Factory aux dépens de la présente instance ;

Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à l'encontre de la société Sequoïa Factory par la présente ordonnance, les frais retenus par le commissaire de justice seront supportés par la société Sequoïa Factory ;

Rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit.

Le premier juge a retenu en substance que :

la SAS Sequoïa Emballages qui se prévalait d'une marque semi-figurative Sequoïa Emballages Palettes & Caisseries, était recevable en son action ;

La communication réalisée par la SAS Sequoïa Factory ne permettait pas de conclure à l'existence d'une contrefaçon véritable, la contrefaçon commandant de se concentrer sur la reproduction ou l'imitation d'un signe pour des produits, et des services identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement de la marque ;

l'usage du signe semi-figuratif Sequoïa Factory n'était pas démontré s'agissant des sacs (enveloppe, pochette) en matière textile pour l'emballage ;

concernant la vente par la SAS Sequoïa Factory de présentoirs de comptoirs en bois, la forte proximité des produits conjugués à la similitude des signes et en particulier la reprise de leurs éléments distinctifs dominants, rendent vraisemblable le risque de confusion et partant, l'atteinte portée aux droits de la société SAS Sequoïa Emballages ;

la vraisemblance de l'atteinte au droit exclusif de la SAS Sequoïa Emballages justifiait de lui allouer une somme provisionnelle ;

la demande d'interdiction devait être limitée au regard du périmètre de l'atteinte ayant été considérée comme vraisemblable.

Par déclaration enregistrée le 27 janvier 2023,la SAS Sequoïa Factory a interjeté appel total de l'ordonnance.

Par avis du greffe et ordonnance de la présidente de la chambre en date du 20 février 2023, les plaidoiries ont été fixées au 7 novembre 2023 avec clôture le même jour.

Par conclusions d'appelant régularisées le 20 mars 2023, la SAS Sequoïa Factory, demande à la cour :

Vu notamment les articles L. 716-4-6, L. 713-2, L. 716-1, L. 716-3 du Code de la

Propriété Intellectuelle.

INFIRMER l'ordonnance de référés du tribunal judiciaire de Lyon du 3 janvier 2023, en ce qu'elle a jugé en ces termes :

« Déclarons recevable la société Sequoïa Emballages en ses demandes ;

Disons qu'en utilisant le signe semi-figuratif "Sequoïa Factory" pour des présentoirs en bois identiques à ceux visés au dépôt de la marque Sequoïa Emballages Palettes & Caisserie n° 4599570, la société Sequoïa Factory a vraisemblablement porté atteinte à la dite marque ;

Faisons interdiction à la société Sequoïa Factory de faire usage du signe semi-figuratif "Sequoïa Factory" et de faire la promotion pour des présentoirs en bois, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

Disons n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Condamnons la société Sequoïa Factory à payer à la société Sequoïa Emballages la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice relatif à l'atteinte vraisemblable à la marque Sequoïa Emballages Palettes & Caisserie n° 4599570 ;

Déboutons les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamnons la société Sequoïa Factory à payer à la société Sequoïa Emballages la somme 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamnons la société Sequoïa Factory aux dépens de la présente instance ;

Disons qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à l'encontre de la société Sequoïa Factory par la présente ordonnance, les frais retenus par le commissaire de justice seront supportés par la société Sequoïa Factory ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit. »

Et, statuant à nouveau,

DEBOUTER la société Sequoïa Emballages de l'intégralité des demandes formées à l'encontre de la société Sequoïa Factory, en l'absence de risque de confusion entre la marque invoquée par la société Sequoïa Emballages et les signes utilisés par la société Sequoïa Factory d'une part, et en l'absence de risque de confusion entre la marque invoquée par la société Sequoïa Emballages et les produits commercialisés par la société Sequoïa Factory d'autre part ;

CONDAMNER la société Sequoïa Emballages à payer à la société Sequoïa Factory la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ordonnance du 11 octobre 2023, la présidente de la chambre a, au visa de l'article 905-2 alinéa 2 du Code de procédure civile, prononcé d'office l'irrecevabilité des conclusions d'intimée de la SAS Sequoïa Emballages déposées le 22 mai 2023 et dit que la présente ordonnance pourra être déférée à la cour par simple requête dans les 15 jours à compter de sa date.

Aucun recours n'a été interjeté.

Par soit-transmis en date du 19 décembre 2023, le greffe a, comme d'usage, réclamé aux conseils des parties leurs conclusions et dossiers avant l'audience de plaidoirie. C'est par erreur que compte tenu de l'irrecevabilité prononcée, le dossier de l'intimé a été réclamé.

MOTIFS

La cour rappelle au préalable que les conclusions de la société Sequoïa Emballages ayant été déclarées irrecevables, celle-ci est considérée comme au regard de l'article 954, alinéa 6, s'étant appropriée les motifs de la décision attaquée.

Il résulte de l'article 472 du Code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

La cour d'appel doit alors, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Sur la contrefaçon :

L'Article L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la Juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon (')

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits, ou

qu'une telle atteinte est imminente (') ».

Selon l'article L. 716-1, « L'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits

de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3

et L. 713-4 ».

Selon l'article L. 713-2 « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».

Selon la décision attaquée, les demandes de la SAS Sequoïa Emballages portent sur la marque française n° 4599570 déposée par la société Peinetti Séquoïa Palettes SAS le 17 novembre 2019. Le premier juge a retenu que cette société justifiait d'une immatriculation depuis le 18 novembre 2011 et expliquait avoir changé de dénomination sociale, justifiant ainsi être propriétaire de la marque.

Si l'appelante discute la recevabilité des demandes de la société Séquoïa Emballages pour défaut d'intérêt à agir au titre d'une marque déposée par la société Peinetti Séquoïa Palettes SAS, le dispositif des conclusions ne le mentionne pas. La cour n'est donc pas saisie d'une fin de non-recevoir.

La marque 'SÉQUOÏA EMBALLAGES, PALETTES & CAISSERIE ' n° 4599570 est une marque semi-figurative déposée pour les produits et services des classes :

19 : Matériaux de construction non métallique ;... bois façonnés) ;

22 : Cordes... ; matières de rembourrage (à l'exception du caoutchouc ou des matières plastiques),(..) sacs (enveloppes, pochettes) en matière textile pour l'emballage ;

39 : Transport ; emballages et entreposage de marchandises.

La marque est constituée :

d'éléments verbaux : les termes « Sequoïa », « Emballages », « palettes et caisserie » ;

d'éléments figuratifs : un arbre dans le O du terme « Sequoïa ».

Le logo de la société Séquoïa Factory comporte la présence d'une feuille dans la lettre O du mot « Sequoïa ».

La société Séquoïa Factory soutient que ni la reproduction du nom séquoïa repris par 679 entreprises dans leur dénomination et 390 marques, ni la présence d'un arbre ou d'une feuille au sein de la lettre 'O' du logo ne suffit à démontrer l'existence d'un risque de confusion qui s'apprécie par rapport à la ressemblance globale des signes.

Elle fait valoir vendre des supports de communication, des PLV, des petits sachets avec effigie de l'entreprise etc. tandis que que la société Séquoia Emballages vend des palettes, caisses, et des grands sacs pour le transport.

Sur le caractère vraisemblable de l'atteinte portée aux droits de la société Séquoïa Emballages ou d'une atteinte imminent :

En son assignation, Séquoïa Emballages n'a pas limité sa demande à des produits ou services spécifiques mais a uniquement évoqué les matières d'emballage (rembourrage) autres qu'en caoutchouc ou en matière plastique, les sacs (enveloppe, pochette) en matière textile pour l'emballage, les matériaux de construction non métalliques et le bois façonné.

Même si la société Sequoïa Factory indique vendre à ses clients des vecteurs de communication en imprimant leur logo sur des sacs écologiques, ces produits constituent des sacs en matière textile au sens de la classe 22.

Le premier juge a retenu que si Séquoïa Factory commercialisait sur son site internet des sacs en coton et toile de jute personnalisables, les images ne montraient pas le signe litigieux.

La cour ne dispose pas d'éléments remettant en cause ce constat.

Elle relève qu'effectivement si Séquoïa Factory vend des sacs en matière textile dont des modèles sont reproduits dans ses conclusions, il n'est pas démontré de l'apposition du signe litigieux sur ces produits.

Sequoïa Factory soutient ensuite proposer à ses clients des présentoirs en bois permettant de mettre en avant ses produits, sans similarité avec les caisses en bois fabriquées par Sequoïa Emballages pour sécuriser les biens et produits de ses clients lors de leur transport.

Le premier juge a retenu que la société Séquoïa Factory utilisait le signe litigieux pour faire la promotion de ses présentoirs en bois, lesquels étaient fortement similaires au bois façonné sans constituer une matière d'emballage. Sa seule constitution en bois ne suffisait à retenir une similitude entre les produits. L'atteinte n'était pas plus vraisemblable concernant les matériaux de constructions non métalliques.

Concernant les présentoirs en bois, dont certains exemplaires sont reproduits dans la lettre du 18 janvier 2023 à la suite de l'ordonnance de référé, ainsi que dans les conclusions de l'appelante, leur similarité avec du bois façonné, par ailleurs contestée n'est pas établie.

La cour rappelle que la société Séquoïa Emballage a invoqué la vente de caisses en bois.

De surcroit Séquoïa Factory soutient que le signe semi-figuratif n'est pas apposé sur les présentoirs proposés à la vente sur son site internet et que ce signe n'y figure qu'en sur-impression.

Pour autant, sans donc relever la vente par Séquoïa Factory de produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque était enregistrée, le premier juge a retenu l'atteinte aux droits de Séquoïa Emballage du fait de la similarité des signes.

Or nonobstant la condition d'un risque de confusion, l'atteinte n'est susceptible d'exister que par cumul de l'utilisation d'un signe identique ou similaire à la marque utilisée et de produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.

Ce cumul n'est démontré ni pour les sacs ni pour les présentoirs en bois. Aucun autre produit n'est évoqué dans le débat.

La cour ne peut qu'infirmer la décision attaquée ayant retenu une atteinte vraisemblable à la marque n°4599570 par utilisation du signe semi-figuratif pour les présentoirs en bois identiques à ceux visés au dépôt de la marque Séquoïa emballages Palettes & Caisserie.

En conséquence aucune interdiction ne peut être faite à la société Séquoïa Factory au titre de la promotion des présentoirs en bois.

L'allocation d'une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice doit également être infirmée.

Sur les mesures accessoires :

La cour infirme sur les dépens la décision attaquée et condamne la société Séquoïa Emballages qui succombe au paiement des dépens de première instance et d'appel

Sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ne peut qu'être rejetée.

En équité elle est condamnée à payer à la société Séquoïa Factory la somme de 3 000 euros sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision attaquée,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes de la SAS Séquoïa Emballages,

Condamne la SAS Séquoïa Emballages aux dépens,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Séquoïa Emballages aux dépens à hauteur d'appel,

Condamne la SAS Séquoïa Emballages à payer à la SAS Séquoïa Factory la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.