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Décisions

CA Riom, ch. com., 28 février 2024, n° 22/00580

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Generali Iard (SA)

Défendeur :

Allianz Benelux NV (Sté), Aig Europe (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi

Avocats :

Me Lacquit, Me Zanati, Me Gutton Perrin, Me Schillings, Me Rahon, Me Salesses

T. com. Clermont-Fd, du 3 févr. 2022, n°…

3 février 2022

Exposé des faits et de la procédure :

Suivant un acte sous seing privé du 27 octobre 2009 modifié par un avenant du 15 avril 2010, la SARL de [Localité 8] a confié à la société Free Power la réalisation et l'installation d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque sur des bâtiments situés à [Localité 8], commune de [Localité 9], pour un coût de 1 133 975,44 euros hors taxe.

Les travaux ont été réalisés, avec la pose de panneaux ou modules photovoltaïques de la marque Scheuten, et ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve, le 2 novembre 2010.

Par lettre du 13 août 2012, la société Free Power a informé la SARL de [Localité 8] d'incidents survenus sur d'autres installations comportant des panneaux équipés de modules de marque Scheuten, et du fait que, selon l'expert de la société d'assurance de ce fabricant, les désordres étaient dus à ces modules et aux boîtiers de jonction, de marque Alrack type Solexus. Elle lui recommandait d'arrêter l'installation afin d'éviter tout sinistre.

La SARL de [Localité 8] a obtenu, du juge des référés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, le prononcé d'une mesure d'expertise, suivant ordonnance du 22 mars 2013.

Le 12 décembre 2013, la société Free Power a été placée sous sauvegarde de justice ; la SARL de [Localité 8] a fait assigner cette société, ainsi que les organes de la procédure de sauvegarde, devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, en lui demandant de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et subsidiairement de fixer sa créance à la somme de 640 787,31 euros, au passif de la société Free Power. Celle-ci, et les organes de la procédure de sauvegarde, ont fait assigner en intervention forcée, le 1er juin 2015, la SA Generali (la SA Generali), assureur de la société Free Power, pour qu'elle soit condamnée à garantir cette dernière des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

L'expert judiciaire, M. [J] [B], a établi son rapport le 23 juillet 2015.

Par de nouveaux actes introductifs d'instance délivrés en décembre 2015 et en janvier 2016, la SA Generali a fait assigner en garantie devant le tribunal de commerce les sociétés Scheuten Solar Holding BV, Scheuten Solar Systems BV, Scheuten Solar France, AIG Europe Limited (assureur des sociétés Scheuten fabricantes des panneaux), Alrack BV (fabricant des boîtiers de connexion), M. [R] [O] ès qualités de curator de Scheuten Solar Holding BV, et la société Allianz Benelux assureur de la société Alrack BV.

Au cours de l'instance, les sociétés de [Localité 8] et Generali se sont rapprochées et ont conclu un protocole d'accord transactionnel, en exécution duquel la SARL de [Localité 8] a donné le 29 novembre 2017 à la SA Generali une quittance subrogative pour la somme de 254 020,94 euros hors taxe, et s'est désistée de toutes ses demandes.

L'instance s'est poursuivie entre la SA Generali et les autres parties.

Suivant jugement du 3 février 2022, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a statué dans les termes suivants :

- dit les sociétés Scheuten Solar Holdings BV, Scheuten Solar Systems BV, Scheuten Solar France et Alrack responsables solidairement des sinistres survenus, et tenues de réparer le préjudice de la SARL de [Localité 8], ayant donné quittance subrogatoire à la SA Generali ;

- fixé au passif de ces mêmes sociétés la créance de la SA Generali à la somme de 254 020,94 euros, au titre de la quittance subrogatoire ;

- dit que les conditions et exclusions de la police AIG Europe sont applicables et mobilisables ;

- dit que le délai légal de trois ans de la garantie définie en clause C 9 de la police AIG Europe a commencé à courir le 21 décembre 2012, et que la SARL de Lurol a interrompu ce délai à la date de son assignation du 20 janvier 2015, dans le délai légal de trois ans ;

- dit que les dispositions contractuelles de la police AIG Europe limitent le montant de la garantie à 5 000 000 euros, et que celles de la police Allianz Benelux NV prévoient un plafond de garantie de 1 250 000 euros par sinistre, avec un maximum de 2 500 000 euros par année d'assurance ;

- dit que le sinistre Scheuten constitue un sinistre sériel, et que la loi néerlandaise est applicable aux polices d'assurance AIG Europe et Allianz Benelux BV ;

- condamne solidairement les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux BV à payer à la SA Generali la somme de 252 770,94 euros hors taxe au titre de la quittance subrogatoire, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 ;

- prononce le sursis à tout paiement par les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux BV à la SA Generali, pour les condamnations en principal, dans l'attente de la fixation définitive des réclamations des victimes et des demandeurs en garantie, afin de pouvoir fixer définitivement les montants dus, sur la base du prorata pour les sinistres sériels ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- rejette le surplus des demandes ;

- condamne solidairement les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux BV à payer à la SA Generali une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Par déclaration reçue le 17 mars 2022, la SA Generali a interjeté appel des dispositions du jugement lui faisant grief. La société Allianz Benelux BV a elle-même interjeté appel le 1er avril 2022, et les deux instances d'appel ont été jointes suivant ordonnance du magistrat chargé de la mise en état, le 11 avril 2022.

Moyens et prétentions des parties :

La SA Generali demande à la cour d'infirmer le jugement, en ce qu'il a dit que les conditions et exclusions de la police AIG Europe étaient applicables et mobilisables, et que les dispositions contractuelles de la police AIG Europe limitaient le montant de la garantie à 5 000 000 euros. Elle demande d'une part à la cour, que les limites de garantie applicables à cette police soient fixées à 25 000 000 euros par événement, et à 50 000 000 euros par année d'assurance, et d'autre part d'infirmer le jugement, en ce qu'il a dit que les limitations et exclusions de la police Allianz Benelux étaient mobilisables.

La société appelante fait valoir que les sociétés Scheuten et Alrack sont l'une et l'autre responsables de la qualité défectueuse des produits qu'elles ont livrés : les boîtiers de connexion fabriqués par la société Alrack, et intégrés par la société Scheuten, se sont révélés inadaptés à leur destination, provoquant un risque d'échauffement et d'incendie des panneaux ; ces deux sociétés sont responsables in solidum des conséquences dommageables de ces défauts, conformément aux articles 1245 et suivants du code civil, ou aux dispositions du même code relatives à la garantie des vices cachés, ou encore aux règles de la responsabilité contractuelle.

La SA Generali conteste d'autre part l'application des conditions et limitations de garantie opposées par les assureurs des sociétés responsables. Elle invoque l'article L. 112-2 du code des assurances par l'effet duquel, pour être opposables à l'assuré ou aux tiers, les conditions de la garantie souscrite doivent avoir été portées à la connaissance de l'assuré, au moment de l'adhésion ou antérieurement au sinistre, et elle expose que les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux ne rapportent pas la preuve d'une telle information, donnée en temps voulu à leur assuré respectif. Elle soulève à titre subsidiaire l'inopposabilité de ces mêmes conditions et limitations, au motif de leur absence de caractère apparent, formel et limité. Plus subsidiairement, si la cour devait appliquer le plafond de garantie figurant dans la police AIG Europe, la SA Generali demande que ce plafond de 25 000 000 euros s'applique pour chaque événement comme prévu au contrat, donc pour chaque installation défectueuse considérée séparément, et non pas pour l'ensemble des installations, s'agissant d'un sinistre sériel. Elle conteste la décision de sursis à paiement prononcé par le tribunal, ce sursis étant indéterminé dans sa durée, et purement potestatif puisque son terme dépend du bon vouloir des sociétés condamnées à garantie.

La société Allianz Benelux, formant appel incident, conclut en premier chef au défaut d'intérêt à agir de la SA Generali, au motif que celle-ci ne justifie pas d'une subrogation régulièrement intervenue dans les droits de la SARL de [Localité 8], faute de produire un contrat d'assurance régulièrement signé, et le justificatif de paiement d'une indemnité fait à cette société. A titre subsidiaire, la société Allianz Benelux conclut au rejet sur le fond des demandes de la SA Generali, en faisant valoir, entre autres, que la responsabilité de son assurée la société Alrack n'est pas établie : cette société n'a agi que pour le compte de la société Scheuten Solar, et sous l'étroit contrôle de celle-ci, en fabriquant des boîtiers qui devaient être intégrés aux installations, et dont la société Scheuten Solar lui avait donné les plans, de sorte qu'elle n'avait aucune autonomie dans la réalisation de ses travaux, et que seule la société donneur d'ordre encourt la responsabilité résultant d'une erreur de conception. La société Allianz Benelux conteste d'autre part sa garantie, au motif que le sinistre en cause, qui implique le remplacement de l'installation, ne relève pas du champ d'application du contrat d'assurance conclu entre elle-même et la société Alrack.

À titre plus subsidiaire, la société Allianz Benelux demande à la cour de faire application de la loi néerlandaise qui prévoit en cas de sinistres sériels une distribution au prorata, et une suspension des paiements ; elle conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

La société AIG conteste elle aussi, en premier chef, l'intérêt à agir de la SA Generali. À titre subsidiaire, elle conclut au débouté de cette société, aux motifs que la responsabilité de son assurée la société Scheuten n'est encourue ni sur le fondement de la garantie des vices cachés (article 1641 du code civil), faute de contrat de vente entre cette société et la société de [Localité 8], ni sur celui des articles 1245 et suivants du même code (responsabilité des produits défectueux), en l'absence de dommage causé à d'autres biens que le produit défectueux lui-même. La société AIG soutient d'ailleurs que le litige, en ce qui concerne la police d'assurance, est soumis à la loi néerlandaise, loi du pays de la résidence ou du siège du vendeur, la société Scheuten Solar BV. À titre plus subsidiaire, elle invoque les limitations et conditions prévues dans le contrat d'assurance, qui d'une part excluent de la garantie les frais de montage et d'installation de panneaux photovoltaïques, alors que ces frais constituent le préjudice indemnisé par la SA Generali à son assurée la société de [Localité 8], et qui d'autre part limitent la garantie aux frais exposés dans les deux années de livraison des biens, limite dépassée dans le cas particulier.

La société AIG demande enfin s'il y a lieu la garantie de la société Allianz, assureur de la société Alrack, fabricante des boîtiers défectueux.

M. [L] et M. [O] ne se sont pas fait représenter devant la cour.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties représentées, à leurs dernières conclusions déposées les 11, 16 et 17 octobre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.

Motivation

Motifs de la décision :

I - Sur l'intérêt à agir de la SA Generali :

Les sociétés intimées contestent l'intérêt à l'action de la SA Generali, aux motifs que celle-ci ne justifie pas d'une garantie d'assurance régulièrement souscrite (elle produit les conditions générales et les conditions particulières non signées), et ne prouve pas non plus la réalité d'un paiement opéré à la société de [Localité 8] en réparation du sinistre en cause.

Selon l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse.

La SA Generali produit en copie la « Quittance subrogative légale et conventionnelle » signée le 29 novembre 2017 par le gérant de la SARL de [Localité 8] M. [J] [C], et par laquelle cette société reconnaissait avoir reçu, de la SA Generali assureur de la société Free Power, la somme de 254 020,94 euros, au titre d'une part du coût des travaux de réparation de l'installation, d'autre part d'une quote-part des frais d'expertise acquittée par la société de [Localité 8] ; celle-ci, suivant la même quittance, reconnaissait recevoir le même jour un chèque n°5134641 tiré sur le Crédit Agricole pour la somme de 254 020,94 euros, en donnait quittance à la SA Generali, et subrogeait expressément cette dernière « dans ses droits et actions à l'encontre de tous tiers responsables et de leurs assureurs, notamment par application de l'article 1346-1 du code civil ».

Au moyen de cette quittance subrogative, la SA Generali rapporte la preuve du paiement qu'elle a effectué à la SARL de [Localité 8] à hauteur de la somme susdite, et de la subrogation que lui a expressément consentie cette société, en sa qualité de créancière d'une indemnité à l'encontre des tiers responsables des dommages qu'elle a subis. La société appelante établit ainsi une subrogation conventionnelle régulière, conforme à l'article 1346-1 du code civil.

Par ailleurs, la SA Generali se prévaut d'une subrogation légale dans les droits de son assurée la société Free Power. Elle rappelle avoir été condamnée antérieurement à la transaction à l'égard de son assuré à la garantir au titre de sa garantie décennale dans des litiges similaires.

La société AIG lui oppose le principe de l'estoppel. Elle le fait à mauvais escient car la SA Generali ne conteste pas l'existence de la garantie de la société AIG mais l'opposabilité des limites et exclusions contenues dans la police d'assurance liant la société AIG à son assuré. S'agissant de la SA Generali, cette dernière n'oppose aucune exclusion de garantie à son assuré puisqu'elle a indemnisé la société de [Localité 8] au titre d'une garantie légale obligatoire.

L'article L. 121-12 du code des assurances précise que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. La subrogation légale intervient au profit de l'assureur lorsque l'indemnité a été versée en application des garanties souscrites, sans distinguer si cet assureur a payé de sa propre initiative, en vertu d'une transaction, ou en exécution d'une décision de justice.

Il n'est pas contestable que l'indemnité versée à la société de [Localité 8] l'a été en application des garanties souscrites par la société Free Power que la SA Generali verse aux débats. Il s'ensuit que la SA Generali est bien fondée à se prévaloir d'une subrogation légale dans les droits de son assurée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la SA Generali justifie de son intérêt à agir et le jugement sera confirmé sur ce point.

II-Sur la responsabilité des sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack :

II-1 Sur la responsabilité des produits défectueux :

A -Sur la loi applicable :

Aux termes de l'article 1386-1(ancien code civil) applicable au litige (devenu l'article 1245 du code civil) le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

La SA Generali, subrogée dans les droits de la société de [Localité 8] et dans les droits de la société Free Power, est recevable à exercer une action subrogatoire sur le fondement de l'article susvisé.

S'agissant d'une action de nature délictuelle, il convient de faire application des dispositions du règlement N°864/2007 du 11 juillet 2007 dit « Rome II » applicables aux obligations non contractuelles et dans les situations comprenant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. En application de l'article 4 dudit règlement et au vu du lieu du dommage (le territoire français), il sera fait application de la loi française.

B - Sur le bien-fondé de la demande :

Les dispositions de l'article 1386-1 du code civil (ancien) applicables à l'espèce, instaurent une responsabilité de plein droit à la charge des producteurs ; elles s'appliquent à la réparation de dommages résultant d'atteintes à la personne, et à celle de dommages supérieurs à un montant fixé par décret, qui résultent d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même (article 1386-2 ancien du code civil).

Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble ; un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre (articles 1386-2 à 1386-4 anciens du code civil). Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant du produit, ou le fabricant d'une partie composante ; en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables (articles 1386-6 et -8 anciens).

La société Allianz Benelux et la société AIG font valoir que la garantie des produits défectueux n'a pas pour objet de réparer un risque de dommage à un bien autre que le produit défectueux lui-même et qui n'est jamais survenu mais uniquement la réparation du dommage qui s'est réalisé. La société AIG souligne que l'indemnité versée à la société de [Localité 8] porte sur le remplacement des panneaux.

Il ressort du rapport d'expertise que la société Free Power a installé le dispositif en litige sur la toiture de trois bâtiments d'exploitation de la société de [Localité 8] ; les modules photovoltaïques ont été fixés sur des structures composées de rails en aluminium disposés horizontalement, et fixés eux-mêmes sur les panneaux de la couverture (« bacs acier »). M. [B] a constaté que, sur les 313 modules photovoltaïques qu'il a examinés, certains présentaient des traces d'échauffement : 41 en stade 1, 28 en stade 2, 12 en stade 3 (brûlures), et 3 en stade 4 (départs de feu). Il a considéré que l'on pouvait extrapoler ces résultats à l'ensemble des 1 184 modules que comportait l'installation (pages 22 à 30 du rapport). L'expert a précisé que la presque totalité des modules étaient équipés de boîtiers de jonction de marque Solexus, que les modules étaient tous de marque Scheuten, modèle Multisol P6-54, que les risques d'incendie associés à de tels modules sont connus depuis juillet 2012, les installations qui les utilisent présentant un risque de feu lié à un défaut de certains boîtiers de jonction de type Solexus, qui peuvent s'enflammer pendant la production de courant. Il a ajouté que l'installation de la société de [Localité 8] présentait un risque d'incendie lorsqu'elle était équipée des modules de marque Scheuten, que les modules ont été remplacés désormais, qu'il est impossible d'affirmer avec certitude qu'un incendie se serait produit, mais que le risque était bel et bien présent (page 49 du rapport de M. [B]).

Ainsi, les énonciations de l'expert, fondées sur ses propres constatations (avec des indices d'échauffement sur de nombreux modules), sur des analyses techniques opérées par des laboratoires, et sur de nombreux sinistres précédents provoqués par des modules de même marque et de même modèle, laissent apparaître que les panneaux photovoltaïques Scheuten équipés des boîtiers de jonction Solexus n'offrent pas la sécurité à laquelle le maître de l'ouvrage pouvait légitimement s'attendre, puisqu'ils comportent un risque d'incendie majeur pour les panneaux eux-mêmes mais aussi pour la toiture et le contenu des bâtiments qui risquent d'être incendiés.

La SA Generali décrit et démontre l'existence d'un risque d'incendie mais elle sollicite la mise en œuvre d'une garantie (celle des produits défectueux) qui ne couvre pas le dommage au produit défectueux lui-même et sollicite le remboursement du coût des panneaux de remplacement.

En conséquence, la responsabilité des produits défectueux ne s'appliquant pas à la réparation de dommages autres que le produit lui-même et la réclamation de la SA Generali ne correspondant pas à autre chose qu'au remplacement des panneaux livrés et leurs composants (les boîtiers Solexus intégrés aux panneaux), l'action de la SA Generali sur le fondement des produits défectueux ne peut prospérer.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Scheuten et Alrack sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux.

II-2 Sur la responsabilité au titre des vices-cachés :

Le régime de la responsabilité des produits défectueux n'étant pas exclusif des autres régimes de responsabilité, la SA Generali fonde également son action sur la garantie des vices cachés.

La société AIG rappelle que le contrat conclu avec la société installatrice est un contrat qui relève d'une chaîne européenne de contrat entre des sociétés de droit français et néerlandais.

La SA Generali bénéficie d'une subrogation légale qui lui permet d'agir sur le fondement d'une responsabilité contractuelle (les vices cachés) contre les sociétés Scheuten et Alrack. Il convient en conséquence, au regard de la nature de la responsabilité engagée, de vérifier quelle est la loi applicable.

La loi applicable au contrat de vente est celle :

- du contrat ;

- à défaut et en application de l'article 4-1 a) du règlement CE 593/2008 du 17 juin2008 dit Rome I, la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

Il est indiqué sur la facture d'achat des modules auprès de la société Scheuten Solar Systems BV produite par la SA Generali que le contrat de vente est, suivant les conditions générales annexées à la facture, régi par le droit néerlandais.

La SA Generali se prévaut du caractère d'ordre public de l'article 1641 du code civil. Il lui appartient d'établir qu'il s'agit d'une règle de police permettant de déroger au droit applicable, étant rappelé que l'exception en droit international privé n'est pas l'ordre public interne, dès lors qu'une telle assimilation conduirait à considérer que toute loi étrangère qui contrevient à une règle impérative française devrait être rejetée.

Sont considérées comme des lois de police, les règles et principes qui fondent la société française, les principes et règles assurant la sauvegarde de certaines politiques législatives, et les principes des droits naturels.

En conséquence, et dès lors que les dispositions de l'article 1641 auxquelles il est possible de déroger conventionnellement (article 1643 du code civil), ne sont pas d'ordre public international français, le droit néerlandais s'applique et la SA Generali n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société Scheuten et Alrack à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le jugement sera infirmé sur ce point.

S'agissant de la société Alrack, il convient pour les mêmes raisons de domiciliation de faire application de la loi néerlandaise quant à l'action dont bénéficie la SA Generali subrogée dans les droits de la société Free Power.

Par ailleurs, la SARL de [Localité 8] en tant que maître de l'ouvrage, jouit comme la société Free Power des droits et action attachés à la chose. L'action qu'elle pouvait engager contre la société Alrack et dans laquelle la SA Generali est subrogée est de nature contractuelle et obéit donc aux règles susvisées. Il s'ensuit que l'action de la SA Generali ne peut aboutir à l'égard de la société Alrack sur le fondement des vices cachés.

II-3 Sur la responsabilité contractuelle ou quasi- délictuelle :

La SA Generali entend rechercher en tout état de cause la responsabilité des sociétés Scheuten et Alrack sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle.

A - Sur la loi applicable :

La SA Generali bénéficie d'une subrogation légale et d'une subrogation conventionnelle, et partant d'une action en responsabilité contractuelle et d'une action en responsabilité délictuelle à l'encontre des sociétés Scheuten et Alrack, dès lors que la société Scheuten était dans l'obligation de livrer un objet conforme et exempt de vice et que le tiers au contrat (la SARL de [Localité 8] à l'encontre des sociétés Scheuten et Alrack) est fondé à agir sur le fondement d'une action délictuelle en raison des manquements dans l'exécution du contrat, dès lors que ces manquements lui ont occasionné un dommage.

Les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux n'ont formulé aucune observation pour contester le bienfondé de cette action.

S'agissant de l'action délictuelle de la SARL de [Localité 8] dans les droits de laquelle la SA Generali est conventionnellement subrogée, il convient de faire application du règlement de Rome II (article 4) qui fixe comme principe général le fait que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

Le dommage étant survenu en France la loi applicable à l'action délictuelle exercée est la loi française.

S'agissant de l'action contractuelle de la société Free Power dans les droits de laquelle la SA Generali est légalement subrogée, il convient de faire application de la loi du contrat, soit de la loi néerlandaise (CF §II-2-A-1).

Cependant, à défaut pour les sociétés Allianz Benelux en AIG de produire à la cour le droit néerlandais applicable et de justifier qu'aux termes du contrat comme aux termes de la loi du contrat, le vendeur ne serait pas tenu des mêmes obligations que celles posées par la loi française, la cour fera application des obligations fixées par celle-ci à la charge du vendeur.

B - Sur la responsabilité des sociétés Scheuten et Alrack :

Le co-contractant est tenu d'une obligation de résultat de livrer un produit conforme, exempt de vice et répondant à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Par ailleurs, le tiers à un contrat est en droit d'invoquer un manquement contractuel au soutien d'une action délictuelle.

En l'espèce, et par renvoi aux constatations techniques susvisées, il est établi que les modules Scheuten livrés à la société Free Power intégrant les boîtiers Solexus ont pour origine une un défaut dans la conception et la réalisation des boîtiers de connexion montés en sous-face des panneaux Scheuten.

Ces défauts ont été clairement établis par l'expertise de M. [B].

Il s'ensuit que la société Scheuten et la société Alrack sont responsables sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, tant à l'égard de la société de [Localité 8] que de la société Free Power des désordres constatés sur l'installation de la société de [Localité 8].

Elles sont tenues in solidum à la réparation du préjudice subi par cette dernière société.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a, au regard du fondement retenu, fait état d'une responsabilité solidaire et non in solidum. Il sera confirmé en ce qu'il a fixé au passif des sociétés Scheuten Soler Holdings BV, Scheuten Solar Systems BV, Scheuten Solar France, et Alrack BV, sa créance à la somme de 254 020,94 euros, au titre de la quittance subrogative établie entre la SARL de [Localité 8] et la SA Generali.

II-4 Sur la demande de partage de responsabilité et le recours en garantie formé par la société Allianz Benelux :

La société Allianz Benelux demande à la cour d'opérer un partage de responsabilité entre les sociétés Scheuten et Alrack. Elle décrit son assuré, la société Alrack, comme une simple exécutante et cite les propos de M. [X] expert judiciaire qui rappelle que le boîtier Solexus est intégré au panneau Scheuten qui prend la responsabilité du produit manufacturé comprenant le verre, les cellules, le boîtier, le cadre, les connecteurs en tant qu'intégrateur de ces composants. Cet expert considère que la responsabilité de l'ensemblier (Scheuten) est plus importante que celle d'Alrack dans sa position de fabricant contraint par son donneur d'ordre.

La société Allianz Benelux évoque l'absence d'autonomie de la société Alrack, simple exécutant dans la conception des boîtiers imposée par la société Scheuten Solar, travaillant sur la base de plans remis par cette société et à partir de directives reçues de cette dernière, étant rappelé que ces boîtiers n'étaient pas en vente libre sur le marché mais seulement montés à l'arrière des modules photovoltaïques de Scheuten Solar.

Le contrat de collaboration conclu entre les sociétés Scheuten Solar Technology GMBH et Alrack BV (pièces n°11 de la société AIG) prévoit cependant que, si la société Alrack devait produire des appareils de jonction « en étroite collaboration avec Scheuten » et sur la base d'une documentation fournie par celle-ci, en revanche la société Alrack déclarait en préambule détenir elle-même « le savoir-faire nécessaire à la conception, à l'ingénierie, et à la production » du système de jonction Solexus, et les deux parties convenaient que la société Alrack avait pour mission d'assurer « la conception, la construction et la production du système à titre exclusif » (article 2.1 du contrat). La société Alrack avait de plus la faculté de recueillir le concours de tiers de son choix (article 2.3), et de leur déléguer le pouvoir de passer des commandes (article 2.4).

Ces stipulations révèlent que la société Alrack, bien que sa mission fût soumise au contrôle et à l'accord de la société Scheuten (qui se réservait le droit d'agréer les tiers), disposait dans l'accomplissement de ses obligations d'une autonomie véritable, caractérisée par son savoir-faire propre, qui lui permettait de concevoir et de fabriquer les boîtiers en cause, ainsi qu'elle l'a fait conformément à son engagement contractuel : elle était donc le producteur d'une partie composante au sens des articles susdits, la société Scheuten étant pour sa part le producteur ayant réalisé l'incorporation aux panneaux.

Aux termes du contrat, la société Alrack était chargée de la conception du boîtier dans lequel elle devait intégrer le système 8 points breveté par Scheuten Solar. Les dispositions contractuelles (article 4.1 à 4.7 et article 7.1) attribuent à la société Alrack la conception du boîtier dans lequel elle devait intégrer le système 8 points breveté de Scheuten Les deux sociétés ont donc travaillé en étroite collaboration et en toute hypothèse il incombait à la société Alrack, en sa qualité d'entreprise spécialisée, d'attirer l'attention du donneur d'ordres sur les risques techniques que comportaient ses instructions éventuelles.

En outre, ainsi que cela a déjà été jugé (pièce 74 AIG), la conception du raccordement ne se confond pas avec celle du boîtier Solexus lui-même, et notamment le choix, la nature et l'assemblage des composants et plus particulièrement les broches de sorties vers les câbles qui permettent le raccordement du panneau vers la série des panneaux voisins. Selon les experts, c'est la languette de sortie positive du circuit imprimé situé dans le boîtier et son raccordement à la broche du câble qui sont le siège de réchauffement anormal. La société Alrack ne peut donc être considérée comme une simple exécutante dans la fabrication des boîtiers défectueux.

Ainsi et dans leurs rapports entre elles, les sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack, se répartiront la responsabilité des dommages subis comme suit :

-société Scheuten : 30%

-société Alrack : 70%.

III-1 Sur l'action directe et la loi applicable :

Il convient de distinguer entre :

- la détermination de la loi applicable à la possibilité d'une action directe de la SA Generali (A)

Et,

- le régime de l'assurance (la loi pouvant gouverner le régime juridique de l'action directe) (B).

A- La loi applicable à la possibilité d'une action directe :

Il résulte de l'article 11 §2 du règlement Bruxelles I que la possibilité de l'action directe est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi.

Suivant les principes régissant le conflit de lois en matière d'action directe de la partie lésée contre l'assureur du responsable, « l'action directe est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale, soit par la loi du contrat d'assurance, de sorte que, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l'assureur et l'assuré, dispositions à laquelle la question de l'action directe est étrangère. »

Aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances, la personne lésée dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Le régime de l'action directe dépend du rapport liant les parties qui détermine la qualification de l'obligation.

Le règlement de Rome II (article 4) fixe comme principe général : le fait que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit, et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

Aux termes de l'article 18 de ce règlement, « la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit. »

En l'espèce :

* il n'existe pas de contrat entre la société de [Localité 8], personne lésée, et les sociétés Scheuten et Alrack ;

* l'action directe exercée par la SA Generali subrogée dans les droits de la société de [Localité 8] est de nature délictuelle ;

* l'article L. 124-3 du code des assurances permet au tiers lésé d'agir directement à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ;

* l'assureur qui bénéficie de la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances peut agir contre un tiers.

Il sera donc fait sur ce point application de la loi française (loi du lieu de survenance du dommage) qui permet à la SA Generali d'exercer une action directe contre les sociétés d'assurance intimées.

B ' La loi applicable au régime de l'assurance :

Si, en application de l'article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ("Rome II"), en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle, déterminée conformément à l'article 4 du règlement, ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi de ce contrat, notamment en ce qui concerne les exceptions opposables par l'assureur. (Cass. Civ. 1ère, 18 décembre 2019, pourvois n° 18-18.709, 18-14.827).

En l'espèce, les contrats d'assurances Allianz Benelux et AIG Europe sont soumis au droit néerlandais en application des dispositions des articles 9 et 14 des contrats souscrits.

III-2 Sur les exceptions de garanties :

La SA Generali prétend voir écarter les exceptions et limitations de garanties qui lui sont opposées.

La société AIG Europe soutient pour sa part que la SA Generali n'est pas recevable à soulever l'inopposabilité des limitations de garanties puisqu'elle est tiers au contrat et n'a pas la qualité d'assuré.

Cependant, l'assureur qui bénéficie de la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances peut agir contre un tiers. Il a été jugé que la SA Generali était subrogée dans les droits de son assuré la société Free Power qui est tiers au contrat d'assurance souscrit entre Scheuten et AIG Europe.

Le tiers lésé qui exerce l'action directe peut contester la validité d'une exception de garantie opposée à l'assureur même en l'absence de contestation de l'assuré (Cass. Civ . III, 4 mars 2021, pourvoi n°19-23.033). Cet attendu de portée générale permet de considérer que si le tiers lésé est recevable à contester la validité d'une exception de garantie, il est a fortiori recevable à contester l'opposabilité d'une telle exception. La SA Generali est donc recevable à soulever l'inopposabilité des limitations de garanties.

La SA Generali rappelle que l'article L. 181-3 du code des assurances dispose que les articles L. 181-1 et -2 du même code (relatifs à la loi applicable aux contrats d'assurance) ne peuvent faire obstacle aux dispositions d'ordre public de la loi française applicable, quelle que soit la loi régissant le contrat. Dès lors, si la loi applicable au contrat est la loi néerlandaise, elle ne pourra faire obstacle aux dispositions d'ordre public de la loi française.

Au visa de l'article L. 112-2 du code des assurances, elle soutient que les exclusions et limitations de garantie des contrats AIG et Allianz lui sont inopposables puisqu'il n'est pas établi que les souscripteurs en ont eu connaissance avant le sinistre.

Les parties s'opposent donc sur le point de savoir si les dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances sont d'ordre public, puisque seules les règles d'ordre public font obstacles à la loi néerlandaise.

Cet article dispose :

« L'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat.

Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré. Les documents remis au preneur d'assurance précisent la loi qui est applicable au contrat si celle-ci n'est pas la loi française, les modalités d'examen des réclamations qu'il peut formuler au sujet du contrat, y compris, le cas échéant, l'existence d'une instance chargée en particulier de cet examen, sans préjudice pour lui d'intenter une action en justice, ainsi que l'adresse du siège social et, le cas échéant, de la succursale qui se propose d'accorder la couverture. Avant la conclusion d'un contrat comportant des garanties de responsabilité, l'assureur remet à l'assuré une fiche d'information, dont le modèle est fixé par arrêté, décrivant le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par le fait dommageable, le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par la réclamation, ainsi que les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents.

Un décret en Conseil d'Etat définit les moyens de constater la remise effective des documents mentionnés à l'alinéa précédent. Il détermine, en outre, les dérogations justifiées par la nature du contrat ou les circonstances de sa souscription.

La proposition d'assurance n'engage ni l'assuré, ni l'assureur ; seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque.

Est considérée comme acceptée la proposition, faite par lettre recommandée, de prolonger ou de modifier un contrat ou de remettre en vigueur un contrat suspendu, si l'assureur ne refuse pas cette proposition dans les dix jours après qu'elle lui est parvenue.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux assurances sur la vie. »

L'article R. 112-3 du code des assurances le complète, en prévoyant que le souscripteur atteste par écrit de la date de remise des documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 112-2 et de leur bonne réception.

Aux termes d'un arrêt du 29 janvier 2020, la Cour de cassation a désigné comme étant d'ordre public les dispositions des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances en ces termes « en matière d'assurance de dommages non obligatoire, les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances sont applicables, quelle que soit la loi régissant le contrat ».

Elle ne s'est pas prononcée sur les dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances.

Au regard de l'appréciation restrictive de la jurisprudence de la validité des clauses d'exclusion stipulées dans les contrats d'assurance, et de l'importance attachée à l'information de l'assuré sur l'étendue de sa protection, les dispositions de l'article susvisé peuvent être considérées comme appartenant à l'ordre public interne et ce d'autant que l'article L. 111-2 du code des assurances dispose que : « ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres Ier, II, III et IV du présent livre, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues au dernier alinéa du I et au II de l'article L. 111-10 et dans les articles L. 112-1, L. 112-5, L. 112-6, L. 113-10, L. 121-5 à L. 121-8, L. 121-12, L. 121-14, L. 122-1, L. 122-2, L. 122-6, L. 124-1, L. 124-2, L. 127-6, L. 132-1, L. 132-10, L. 132-15 et L. 132-19 ».

Ainsi, selon l'article L. 111-2, les dispositions des quatre premiers titres du livre I du code des assurances se subdivisent en deux catégories : tandis que certaines d'entre elles «ne peuvent être modifiées par convention », et sont donc d'ordre public, d'autres « donnent aux parties une simple faculté », et sont en conséquence supplétives de volonté.

Le législateur a pris le parti non pas d'énumérer les règles d'ordre public, mais d'énoncer limitativement les règles supplétives de volonté, faisant ainsi, pour une meilleure protection de l'assuré, de la liberté contractuelle l'exception. L'article L. 112-2 du code des assurances fait partie du livre Ier chapitre Ier et n'est pas mentionné comme étant une disposition supplétive de volonté, ce qui permet encore d'affirmer qu'il fait partie des dispositions d'ordre public interne. Toutefois, ainsi que le soulignent les intimées, le présent litige s'inscrit dans une chaîne de contrat internationale. Il ne suffit donc pas de savoir si l'article L. 112-2 relève des dispositions de l'ordre public interne français, il convient de déterminer s'il relève de l'ordre public international français.

La SA Generali ne démontre pas en quoi ces dispositions relèvent du droit public international français. En outre, la cour observe que l'article L. 112-2 du code des assurances est un article très formaliste, fixant très précisément et par renvoi à un arrêté, les diligences à la charge de l'assureur. Or, il ne peut être exigé de deux sociétés de droit néerlandais (les sociétés Scheuten Solard Holding BV et AIG Europe) parties au contrat d'assurance ayant opté pour le droit néerlandais qu'elles appliquent lors de la conclusion du contrat des règles de forme prévues lors de la conclusion du contrat des règles de forme définies par la loi et le règlement français. Une telle exigence porterait atteinte aux règles de conflit.

A défaut d'établir que l'article L. 112-2 du code des assurances constitue une règle d'ordre public, et puisque le litige est soumis à la loi néerlandaise, il ne sera pas fait application de cet article.

A titre surabondant, la cour observe que la société Scheuten a eu connaissance des conditions générales et particulières de la police d'assurance avant la signature du contrat.

Cette preuve est établie par les conclusions déposées dans le cadre d'une instance similaire (pièce 20) aux termes desquelles M. [O], liquidateur judiciaire des sociétés Scheuten a indiqué :

« La compagnie d'assurance AIG Europe Limited est l'assureur responsabilité civile de la société Scheuten Solar Holding BV en vertu d'un contrat souscrit le 28 octobre 2008.

Si ce contrat stipule expressément en son article 14 que le droit néerlandais s'applique à ce contrat, la portée territoriale de la couverture de la police d'assurance est mondiale.

Au regard des dispositions contractuelles liant AIG Europe Limited à Scheuten, le montant de la garantie est limité à la somme de 5.000.000 euros.

La société AIG Europe Limited est donc tenu de garantir le préjudice de Mme [K] s'il est établi qu'il a été causé par les panneaux photovoltaïques de la marque Scheuten ».

La décision du tribunal sera confirmée en ce qu'il a jugé que les garanties de la société AIG Europe étaient applicables et mobilisables.

L'examen des clauses opposables à la SA Generali, impose de rappeler le fondement de sa demande.

Cette dernière précise qu'elle ne recherche pas la garantie des dommages aux panneaux photovoltaïques, mais la garantie au titre des dommages pouvant être subis par le bâtiment sur lequel ils sont installés et du risque d'incendie et d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Elle entend mobiliser la garantie responsabilité générale (Garantie A) et souligne que le tribunal a fait application du volet B de la police « responsabilité produit étendue ».

La SA Generali vise les articles 3.1 et 3.2.3.3 de la garantie A « responsabilité générale ». L'article 3 traite de la portée de la couverture qui s'étend à :

- « La responsabilité de l'assuré pour un préjudice de tiers en rapport avec des activités relevant de la qualité assurée telle que mentionné dans la police, sous réserve que ledit préjudice soit constitué pendant la durée de l'assurance. On tiendra compte des conditions générales. » (article 3.1 « responsabilité »)

- « Frais exposés en vue de prévenir ou limiter un préjudice. Les frais exposés en vue de prévenir ou de limiter un préjudice tels que définis à l'article 1.7 dont les dommages aux biens également en jeu ». (article 3.2.3.3 )

L'article 1.7.1 précise quels sont les « frais exposés en vue de prévenir ou de limiter un préjudice » (1.7). Sont considérés comme tels les frais supplémentaires afférents à des mesures plus ou moins spéciales prises par un assuré ou en son nom et qui ont été proposées de façon raisonnable, tant relativement à leur portée que relativement à la nécessité correspondante, afin de prévenir ou de limiter le danger imminent de préjudice et qui n'auraient pas été prises si le danger imminent de préjudice ne s'était pas concrétisé.

Sont exclus de la catégorie des « frais exposés en vue de prévenir ou de limiter un préjudice » les frais qui ont été exclus de la couverture à un autre endroit de la police. Sont ainsi exclus aux termes de l'article 4.4.2 les dommages et les frais en lien avec le remplacement, la correction, la réparation ou le rappel des biens livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité, sauf à ce que les frais de rappel puissent être considérés comme des frais au sens visé de l'article 1.7.

La société AIG affirme que le coût de remplacement des panneaux ne correspond pas à des frais exposés en vue de prévenir ou limiter un préjudice.

Il apparaît en effet que la police ne couvre pas le risque d'entreprise et partant le remplacement du matériel défectueux, mais uniquement les frais en lien avec ce remplacement, frais supplémentaires afférents à des mesures plus ou moins spéciales ('). Cette analyse est confortée par les dispositions de la clause C9 qui sont des dispositions « produit élargi » s'étendant au produit défectueux mais qui ne couvrent que les frais de montage, d'installation et de rappel à l'exclusion des frais de remplacement des produits eux-mêmes.

Ainsi l'action engagée à titre principale sur le volet A de la police doit être rejetée.

A titre subsidiaire, la SA Generali entend mobiliser le volet B de la garantie « Responsabilité produit étendue ' conformément à la clause C9. » Celle-ci s'applique par dérogation partielle aux dispositions de l'article 4.4.2 des conditions générales. Elle couvre la responsabilité de l'assuré au titre des frais exposés par des tiers en conséquence de produit défectueux livrés par l'assuré consistant en : frais de montage et d'installation et frais de rappel.

L'article 7 de la clause C9 stipule que l'assurance ne couvre aucune responsabilité pour les frais exposés au titre « des produits devant être à nouveau livrés eux-mêmes, ce qui inclut (..) un remplacement en tout ou partie. » Cette clause ne nécessite aucune interprétation et se suffit à elle-même.

En outre la société AIG oppose à la SA Generali l'article C 9 § 5 des conditions particulières, qui limite à une période de deux ans, à compter de la livraison de produits défectueux par l'assuré, les frais de renouvellement ou de remplacement des matériaux détériorés.

Pour échapper aux exclusions qui lui sont opposées, la SA Generali invoque la nullité des clauses d'exclusion et objecte que cette clause ne respecte pas les termes de l'article L112-4 du code des assurances applicable à l'espèce puisque d'ordre public. Elle ajoute que les clauses de limitation et d'exclusion de garantie qui lui sont opposées ne sont en outre ni formelles ni limitées au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances.

Conformément aux éléments de motivation précédemment développés, il résulte des dispositions de l'article L. 111-2 du code des assurances ainsi que de la jurisprudence (cassation 29 janvier 2020) que les dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances sont d'ordre public et donc opposables à la société AIG. Aux termes de cet article : « (') Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. »

Toutefois, la clause C9§5 limitant dans le temps la garantie due par la société AIG doit recevoir application : elle ne constitue pas une nullité, déchéance ou exclusion qui devrait être mentionnée en caractères très apparents selon les dispositions d'ordre public de l'article L 112-4 du code des assurances. Elle est d'ailleurs formelle et limitée conformément à l'article L 113-1 du même code, qui est lui aussi d'ordre public. Cette clause, qui participe de la définition de la garantie et reste soumise au droit néerlandais est opposable à la SA Generali. Elle ne stipule pas un délai de prescription puisqu'elle n'a pas pour objet d'encadrer l'action mais précise l'étendue de la garantie qui s'applique.

Il ressort du rapport d'expertise de M. [B], en page 8, que les panneaux ou modules d'origine ont été posés, sur les toits des bâtiments en cause, au plus tard le 2 novembre 2010 date de la réception, et que les travaux de dépose et de remplacement de ces panneaux ont été réalisés entre le 21 janvier et le 11 mars 2014, dates des deux constats d'huissier que la société maître de l'ouvrage a fait établir, avant et après ces travaux de reprise (page 55 du rapport [B]). Il en résulte que les frais consécutifs au sinistre ont été exposés plus de deux années après la livraison des produits défectueux, et qu'en vertu de la clause susdite, la société AIG est fondée à refuser sa garantie à la SA Generali.

L'action formée par la SA Generali contre la société AIG sera rejetée.

III-2-2 Sur la garantie de la société Allianz Benelux :

Il est incontesté entre les sociétés Generali IARD et Allianz Benelux que cette dernière était l'assureur responsabilité de la société Alrack, en vertu d'un contrat d'assurance dont la société Allianz Benelux produit les conditions générales en pièce n°18-1.

Il est renvoyé aux éléments de motivation supra sur :

-la responsabilité de la société Alrack

-l'application du droit néerlandais au contrat.

La SA Generali précise qu'elle entend mobiliser la garantie de la société Allianz Benelux au titre des articles 2.1.1 « mesures de sauvegarde » et sollicite la condamnation de la société Allianz Benelux sur le fondement de l'article 2.4.1 de la police à savoir les coûts des mesures de sauvegarde. Elle ajoute que la garantie n'est pas recherchée pour les dommages aux boîtiers mais ceux subis par les panneaux.

L'article 2.4.1 de la police inclut dans les indemnisations supplémentaires, les coûts de mesures de sauvegarde décrits à l'article 1.11, qui porte sur les « coûts des mesures de sauvegarde » et stipule que « Les coûts de mesures prises par ou au nom du souscripteur ou d'un assuré et lesquelles s'imposent raisonnablement pour éviter tout risque de dommage imminent dont - s'il s'était produit- l'assuré serait responsable et lequel serait couvert par l'assurance, ou pour limiter ce dommage. Est également entendu par les coûts de mesure, le dommage aux biens utilisés pour prendre les mesures visées ici ».

En l'espèce, la clause dont il est demandé l'application ne trouve pas à s'appliquer dès lors que les travaux de remplacement des modules ou panneaux réalisés pour un coût de 254 020,94 euros ne constituent pas de simples mesures de sauvegarde, telles que l'aurait été la dépose des panneaux défectueux, mais de véritables travaux de reprise des désordres, visant non seulement à protéger les bâtiments contre le risque d'incendie, mais aussi à mettre l'installation en état de fonctionner : ces travaux ne relèvent donc pas de l'article 1.11 invoqué par la SA Generali, article qui au surplus limite les mesures de sauvegarde indemnisables à celles prises par un assuré ou par un souscripteur, ou en son nom, alors que les travaux en cause n'ont pas été accomplis par l'assuré de la société Allianz Benelux, la société Alrack, mais à la diligence du maître de l'ouvrage, la société de [Localité 8].

En conséquence, la garantie mobilisée n'étant pas applicable, et les moyens développés sur les causes d'exclusion de garantie étant par suite sans objet, il convient de débouter la SA Generali des demandes formulées à l'encontre de la société Allianz Benelux.

IV- Sur les autres demandes :

La SA Generali succombant dans la présente procédure sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et de greffe.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, Me Rahon, avocat, pourra recouvrer directement les frais dont il aurait fait l'avance sans percevoir de provision.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement la société AIG Europe SA avec la société Allianz Benelux NV à verser à la SA Generali la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société AIG et de la société Allianz Benelux les frais exposés pour leur défense. Eu égard au nombre de dossiers plaidés à la même audience pour lesquels les arguments de droit et de faits développés sont extrêmement similaires, la SA Generali sera condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à verser à la société AIG Europe la somme de 4.000 euros et à la société Allianz Benelux la somme de 4.000 euros.

Dispositif

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré les sociétés Scheuten Solar Holding BV, Scheuten Solar Systems BV, Scheuten Solar France, et Alrack BV responsables des sinistres, et tenues à la réparation du préjudice subi par la SARL de [Localité 8], qui lui a donné quittance subrogative ;

* fixé au passif de ces mêmes sociétés la créance de la SA Generali à la somme de 254 020,94 euros, au titre de la quittance subrogative ;

* jugé que les conditions et exclusions de la police AIG Europe sont applicables et mobilisables ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes présentées par la SA Generali sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux et de la garantie des vices cachés ;

Déclare les sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack responsables, in solidum, des dommages subis par la SARL de [Localité 8] ;

Dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack, se répartiront la responsabilité des dommages subis comme suit :

-société Scheuten : 30%

-société Alrack : 70% ;

Déclare la SA Generali recevable à agir directement à l'encontre des société AIG Europe et Allianz Benelux ;

Déboute la SA Generali de l'action directe dirigée contre la société AIG Europe ;

Déboute la SA Generali de l'action directe dirigée contre la société Allianz Benelux ;

Condamne la SA Generali à verser la somme de 4.000 euros à la société AIG Europe au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SA Generali à verser la somme de 4.000 euros à la société Allianz Benelux au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SA Generali aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et de greffe ;

Dit, qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Me Rahon, avocat, pourra recouvrer directement les frais dont il aurait fait l'avance sans percevoir de provision.