CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 21 février 2024, n° 21/05246
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sofibor (SAS)
Défendeur :
Epta France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Thevenin-Scott, Mme Pelier-Tetreau
Avocats :
Me Allerit, Me Hontas, Me Meynard
EXPOSE DU LITIGE
Au cours des années 2011-2012, la SAS SOFIBOR a entrepris des travaux de rénovation de l'ensemble commercial au sein duquel elle exploite un hypermarché sous l'enseigne E. LECLERC.
A cette fin, elle s'est adjoint les services d'un bureau d'études techniques fluides (CEPI BET) dont la mission portait notamment sur les installations de froid alimentaire, les études thermiques y afférentes et l'élaboration des conditions du marché soumis aux entreprises.
La SAS SOFIBOR a accepté, le 22 janvier 2014, le devis DT 147/13 V 7 de la SA BONNET NEVE (devenue EPTA) d'un montant de 415 000 euros HT pour la mise en place de l'ensemble des vitrines réfrigérées fermées du site. Le 12 février 2014, les parties ont conclu un avenant à la commande précitée, afin que les meubles AERIA implantés sur le repère 13 soient également équipés de portes double vitrage.
Les travaux ont eu lieu entre le 22 mai et le 22 juillet 2014, ont été intégralement réglés et ont été réceptionnés les 7 et 8 août 2014 avec réserves.
Le 8 août 2014, la SAS EPTA était mise en demeure d'intervenir pour lever les réserves.
De nouvelles difficultés sont apparues, et le 18 mars 2015, la SAS SOFIBOR mettait de nouveau en demeure la SAS EPTA afin qu'elle intervienne, notamment, pour régler différents problèmes techniques.
Le 28 janvier puis le 26 février 2016, la SAS SOFIBOR alertait de nouveau la SAS EPTA sur les difficultés rencontrées et notamment sur le fait que les vitrines AERIA présentaient un problème d'usure des roulements des portes.
Le 24 mai 2016, la SAS EPTA informait la SAS SOFIBOR qu'elle allait remplacer toutes les portes incurvées initialement livrées par des portes droites.
L'intervention s'est déroulée entre le 29 août et le 2 septembre 2016, mais les difficultés ont persisté.
Le 15 octobre 2016, la SAS SOFIBOR adressait une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception à la SAS EPTA, conduisant à une intervention le 17 octobre 2016, puis en décembre 2016, et en janvier 2017.
La levée des réserves était signée le 24 janvier 2017.
Toutefois, à compter de mars 2017, de nombreuses et nouvelles défaillances dans le fonctionnement des vitrines fermées apparaissait.
Afin d'y remédier, la SAS EPTA commandait de nouveaux matériaux et proposait une pose pour le 11 septembre 2017. Le procès-verbal de réception de ces nouveaux travaux était signé avec réserves en raison d'une livraison partielle des pièces.
Le 15 décembre 2017, de nouvelles interventions étaient rendues nécessaires, lesquelles ont une nouvelle fois donné lieu à un procès-verbal de réception avec réserves.
C'est dans ce contexte que la SAS SOFIBOR a assigné la SAS EPTA devant le tribunal de commerce de PARIS par acte du 18 janvier 2019.
Par jugement en date du 18 février 2021, le tribunal de commerce de PARIS a :
Débouté la SAS SOFIBOR de sa demande au titre d'une action dolosive de la part d'EPTA,
Débouté la SAS SOFIBOR de sa demande d'indemnisation des préjudices immatériels et matériels,
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamné la SAS SOFIBOR à payer à la SAS EPTA FRANCE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, la déboutant pour le surplus,
Condamné la SAS SOFIBOR aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.
Par déclaration au greffe en date du 17 mars 2021, la société SOFIBOR a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 novembre 2021 la société SOFIBOR demande à la cour de :
Vu les articles 1116 et 1382 et subsidiairement 1147 du Code Civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce,
Recevoir la société SOFIBOR en son appel et le déclarer bien fondé.
Y faisant droit,
Infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,
- JUGER que l'action de la SAS SOFIBOR est recevable et bien fondée.
- JUGER que la SAS SOFIBOR est fondée à se prévaloir des conséquences des aveux de la SAS EPTA qui figurent dans les conclusions déposées par la SAS EPTA en première instance et dans ses conclusions d'appel.
- JUGER la SAS EPTA irrecevable et mal fondée en ses demandes et en son appel incident portant sur certaines dispositions du jugement entrepris et la débouter de l'ensemble de ses demandes.
A TITRE PRINCIPAL : SUR LE DOL
- JUGER que la SAS EPTA a délibérément trompé la SAS SOFIBOR en lui vendant des produits qui étaient des prototypes qu'elle savait et qui se sont avérés non adaptés à la demande de la SAS SOFIBOR,
- JUGER que la SAS SOFIBOR a été induite en erreur sur les qualités essentielles des produits commandés.
- JUGER que la SAS SOFIBOR a vu son consentement vicié de ce fait,
- JUGER que les conditions de l'action en nullité pour dol sont réunies,
- JUGER que la responsabilité de la SAS EPTA est engagée et qu'elle sera condamnée à réparer l'ensemble des préjudices subis par la SAS SOFIBOR.
En conséquence,
- Juger les demandes de la SAS EPTA irrecevables et mal fondées et la débouter de l'ensemble de celles-ci.
- PRONONCER la nullité du contrat de vente conclu le 22 janvier 2014,
- CONDAMNER la SAS EPTA à restituer à la SAS SOFIBOR la somme de 359.048 € HT au titre des factures d'achat des vitrines litigieuses.
- CONDAMNER la SAS EPTA à enlever et à reprendre les vitrines défectueuses litigieuses énoncées dans les présentes conclusions et ce à l'issue d'un délai de 120 jours ouvrables à compter de la décision au fond à intervenir.
- JUGER que la SAS SOFIBOR a subi un préjudice en lien avec la nullité du contrat,
- CONDAMNER la SAS EPTA à régler à la SAS SOFIBOR la somme de 357.933 € HT au titre de la perte de chiffre d'affaires,
- CONDAMNER la SAS EPTA à verser à la SAS SOFIBOR la somme de 20.000 € au titre du préjudice d'image.
SUBSIDIAIREMENT : SUR LA RESPONSABILITE CIVILE DE LA SAS EPTA
- Juger les demandes de la SAS EPTA irrecevables et mal fondées et la débouter de l'ensemble de celles-ci.
- JUGER que la SAS EPTA a tenu un comportement fautif à l'égard de la SAS SOFIBOR de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle.
- JUGER que la responsabilité de la SAS EPTA est engagée et qu'elle sera condamnée à réparer l'ensemble des préjudices subis par la SAS SOFIBOR.
- JUGER que la SAS SOFIBOR a subi un préjudice en lien avec la nullité du contrat,
- JUGER inapplicable, privé d'effet et non écrit l'article 7 des conditions générales de vente de la SAS EPTA.
En conséquence,
- CONDAMNER la SAS EPTA à régler à la SAS SOFIBOR la somme de 359.048 € HT au titre de son préjudice matériel lié notamment au remplacement des vitrines.
- CONDAMNER la SAS EPTA à régler à la SAS SOFIBOR la somme de 357.933 € HT au titre de la perte de chiffre d'affaires,
- CONDAMNER la SAS EPTA à verser à la SAS SOFIBOR la somme de 20.000 € au titre du préjudice d'image.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Juger les demandes de la SAS EPTA irrecevables et mal fondées et la débouter de l'ensemble de celles-ci.
- JUGER que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de l'assignation sur le fondement de l'article 1153 du Code Civil, (dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce),
- JUGER qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil (dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce), un an à compter de cette date.
- CONDAMNER la SAS EPTA à verser à la SAS SOFIBOR la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- CONDAMNER la SAS EPTA aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution.
- Débouter la SAS EPTA de sa demande de voir la SAS SOFIBOR condamnée au paiement de la somme de 15.000 € en application de l'article 700 CPC en sus de l'indemnité de 3.000 euros allouée par le tribunal et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Eric ALLERIT, membre de la SELARL TAZE-BERNARD ALLERIT, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 août 2021, la SAS EPTA demande à la cour de :
Vu l'ancien article 1116 du Code civil,
Vu les articles 1641 et 1648 du Code civil,
Vu les anciens articles 1134 et 1147 du Code civil,
Vu les conditions générales de vente de la société EPTA,
- ACCUEILLIR la société EPTA FRANCE SAS en ses conclusions d'intimée formant un appel incident portant sur certaines dispositions et l'en déclarer recevable et bien fondée,
A titre principal,
- CONSTATER l'absence de tout aveu judiciaire,
- JUGER que la société EPTA FRANCE SAS n'a commis aucune manœuvre de nature dolosive dans le but de tromper son cocontractant,
- En toute hypothèse, CONSTATER que le litige est circonscrit aux seules portes des vitrines AERIA, remplacées en septembre 2016,
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en nullité et indemnitaire formée par la société SOFIBOR au titre d'un prétendu dol et l'a déboutée de ses demandes de restitution du prix et d'indemnisation de ses préjudices immatériels formées à titre principal,
- CONDAMNER la société SOFIBOR au paiement de la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en sus de l'indemnité allouée par le Tribunal à hauteur de 3 000 euros.
- CONDAMNER la société SOFIBOR aux dépens en ce compris ceux exposés en appel,
A titre subsidiaire,
- JUGER que l'action tendant à voir juger de l'impropriété des armoires AERIA à leur destination ne peut être exercée que sur le fondement de la garantie des vices cachés,
En conséquence,
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli la société SOFIBOR en son action en responsabilité contractuelle,
- Statuant à nouveau JUGER l'action indemnitaire formée par la société SOFIBOR prescrite,
- REJETER de plus fort toutes demandes formées par la société SOFIBOR,
- Plus subsidiairement, CONSTATER l'absence de caractérisation d'une faute de la part de la société EPTA FRANCE SAS et INFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SOFIBOR, dont les demandes seront purement et simplement écartées,
- CONDAMNER la société SOFIBOR au paiement de la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en sus de l'indemnité allouée par le Tribunal à hauteur de 3 000 euros.
- CONDAMNER la société SOFIBOR aux dépens en ce compris ceux exposés en appel,
En toute hypothèse,
- JUGER que les conditions générales de vente de la société SOFIBOR s'appliquent et que l'article 7 de ces conditions générales de vente est opposable,
- JUGER qu'il n'existe pas de préjudice matériel réparable au vu du remplacement des portes des équipements litigieux auquel la société EPTA FRANCE SAS a procédé à titre gracieux,
En conséquence,
- CONFIRMER en ce qu'il a débouté la société SOFIBOR de ses demandes d'indemnisation des préjudices matériels et immatériels au titre de l'action en responsabilité contractuelle formée,
- A défaut DIRE ET JUGER que le préjudice n'est pas établi,
- CONDAMNER la société SOFIBOR au paiement de la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en sus de l'indemnité allouée par le Tribunal à hauteur de 3 000 euros.
- CONDAMNER la société SOFIBOR aux dépens en ce compris ceux exposés en appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023. Le dossier a été appelé à l'audience de plaidoiries du 17 mai 2023 et mis en délibéré.
Motivation
MOTIVATION
Sur la nullité du contrat pour dol
La société SOFIBOR demande à la cour de considérer que la société EPTA France SAS a avoué judiciairement lui avoir sciemment dissimulé que les vitrines livrées étaient des prototypes en indiquant successivement dans ses conclusions que les vitrines fournies étaient des équipements de série, puis qu'en réalité les portes étaient en phase prototype.
Elle affirme que le fait pour la société EPTA France SAS de lui avoir caché l'état de prototype des vitrines avec portes et le fait qu'au moment de la remise du devis, le service développement R&D n'avait pas achevé leur mise au point est constitutif d'un dol. Elle ajoute qu'à aucun moment elle n'a été informée par la société EPTA France SAS, contrairement à e que celle-ci prétend, le devis initial et l'avenant faisant uniquement mention de vitrines avec portes sans aucune référence à leur nature de prototype.
La société EPTA France SAS conteste l'existence d'un dol. Elle indique que les portes ayant posé difficulté ne concernent qu'une partie de la commande (vitrines AERIA et Lion Club) pour lesquelles la société SOFIBOR souhaitait des portes coulissantes. Elle affirme avoir avisé la société SOFIBOR de la fabrication des portes par un sous-traitant, et ne conteste pas les difficultés rencontrées mais en attribue la responsabilité à la société SOFIBOR qui ne lui a jamais permis de vérifier l'usage et l'entretien des portes.
En tout état de cause, elle indique qu'il n'existe plus aucune difficulté depuis 2018, et que l'annulation du contrat n'est pas justifiée, aucun dol n'étant au surplus établi.
Elle conteste l'existence d'aveux judiciaires.
Le tribunal de commerce a débouté la société SOFIBOR de sa demande de nullité pour dol considérant qu'il n'y avait eu ni dissimulation ni intention de tromper de la part de la société EPTA France SAS.
Réponse de la cour :
A titre liminaire, il convient de préciser qu'il sera fait application, en tant que de besoin, des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que le contrat litigieux est antérieur à cette entrée en vigueur.
En application de l'article 1356 du code civil l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; ne peut être divisé contre lui, et ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit.
Il ressort, par ailleurs, de l'article 1116 du code civil que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.
En l'espèce, il ne peut être considéré que le fait que la société EPTA France SAS indique dans ses conclusions que les vitrines litigieuses étaient des « équipements de série » soit constitutif de l'aveu que les vitrines seraient toutes équipées de portes, sans adaptation nécessaire, alors que c'est précisément ce point qui fait l'objet du litige né entre les parties et qui est vivement contesté par la société EPTA France SAS.
Sur l'existence de manœuvres dolosives de la part de la société EPTA France SAS ayant trompé le consentement de la société SOFIBOR, il ne ressort d'aucune des pièces produites que la société EPTA France SAS aient affirmé vendre à la société SOFIBOR des vitrines AERIA munies de porte, alors qu'au contraire il ressort du devis du 22 janvier 2014 qu'il est passé commande de vitrines AERIA et de portes AERIA séparées. Il s'en déduit que la société SOFIBOR échoue à démontrer une quelconque intention dolosive de la part de son vendeur, et le jugement l'ayant déboutée de son action en nullité du contrat sera confirmé.
Sur la responsabilité contractuelle de la société EPTA France SAS
La société SOFIBOR, à titre subsidiaire, sollicite la condamnation de la société EPTA France SAS à l'indemniser de ses préjudices matériel, immatériel et d'image sur le fondement de sa responsabilité contractuelle pour ne pas lavoir informée sur l'usage d'un nouveau produit que constituaient les portes AERIA et sur les risques qu'il présentait. Elle précise ne pas agir sur le fondement de la garantie des vices cachés et considère que la société EPTA France SAS, en prétendant le contraire, dénature les fondements juridiques de ses demandes.
La société EPTA France SAS argue que dans la mesure où le contrat l'ayant liée à la société SOFIBOR est un contrat de vente, et que cette dernière invoque l'impropriété de la chose à sa destination, il en résulte que l'action ne peut être fondée que sur la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du code civil, et elle devait agir dans un délai deux ans à compter de la connaissance du vice conformément aux dispositions de l'article 1648 du code civil.
La société EPTA France SAS indique que les portes litigieuses ont été remplacées en septembre 2016 ; que le défaut prétendu des portes a été dénoncé par la société SOFIBOR par une mise en demeure du 17 octobre 2016, marquant la date de la connaissance du vice. Or, l'assignation est intervenue le 19 janvier 2019, soit plus de deux ans après. Si l'action de la société SOFIBOR devait être déclarée recevable, elle demande que le jugement ayant rejeté ses demandes indemnitaires soit confirmé.
Le jugement a considéré que la société EPTA France SAS avait engagé sa responsabilité contractuelle pour ne pas avoir avisé la société SOFIBOR que les portes des vitrines AERIA étaient un produit nouveau présentant un risque potentiel ; mais a écarté toute indemnisation au titre du préjudice immatériel en raison des conditions générales acceptées par la société SOFIBOR, indiquant que les portes ne pouvaient être considérées comme un élément substantiel du contrat. Enfin, il a rejeté les demandes au titre du préjudice matériel au motif que les portes avaient été changées en septembre 2016 et qu'il n'était pas établi que les nouvelles ne donnaient pas satisfaction. Le tribunal ne répond pas sur la prescription au titre de la garantie des vices cachés.
Réponse de la cour :
L'article 1134 code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En application de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En application de l'article 1147 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, les parties ne contestent pas que le contrat conclu entre elle est un contrat de vente. La société EPTA France SAS était tenue à une obligation de conseil vis-à-vis de la société SOFIBOR et, à ce titre, alors qu'il est établi par les pièces produites qu'elle était parfaitement informée des attentes et besoins de son acheteur, aurait dû l'alerter, d'une part de la nature de prototype des portes des vitrines AERIA, et d'autre part, sur le risque pris de ce fait dès lors que leur efficacité n'avait pas été éprouvée au préalable. Si la société SOFIBOR démontre avoir informée la société EPTA France SAS de ses attentes, notamment en lui adressant un cahier des charges très précis, la société EPTA France SAS échoue à prouver qu'elle a rempli son obligation d'information et de conseil. Le jugement ayant retenu la responsabilité contractuelle de la société EPTA France SAS sera donc confirmé.
La cour constate, enfin, que la société SOFIBOR ne fonde pas ses demandes sur la garantie des vices cachés, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la prescription éventuelle de celle-ci.
Sur les préjudices
La société SOFIBOR sollicite la condamnation de la société EPTA France SAS à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
- 359.048 euros HT au titre du préjudice matériel
- 357.933 euros HT au titre de la perte de chiffre d'affaires,
- 20.000 euros au titre du préjudice d'image.
Elle conteste l'application de l'article 7 des conditions générales limitant la responsabilité de la société EPTA France SAS au motif que cette clause doit être considérée comme étant inapplicable et réputée non écrite dès lors que le manquement de la société EPTA France SAS porte sur un élément substantiel du contrat et qu'une telle stipulation est contraire à l'économie générale de cette opération commerciale.
Enfin, elle affirme que les désordres se sont poursuivis au-delà de septembre 2016.
La société EPTA France SAS sollicite la confirmation du jugement ayant retenu l'application de l'article 7 et considéré qu'il n'existait aucun préjudice matériel dès lors que les portes des vitrines avaient été remplacées et que la société SOFIBOR ne démontrait pas la persistance des désordres.
Réponse de la cour :
Le principe de réparation intégrale qui implique que cette réparation ne doit entraîner ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime, oblige à placer celui qui a subi un dommage dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu, ce qui a pour conséquence de prendre en considération, outre les préjudices matériels, les préjudices consécutifs, à savoir les dommages immatériels.
Il s'ensuit que seul le préjudice direct et certain est susceptible d'être pris en compte. Il ne pourra être fait droit aux demandes qu'à la condition que soit rapportée la preuve de la réalité du préjudice, ainsi que du lien de causalité direct.
La clause limitative de responsabilité est réputée non écrites lorsqu'elle porte sur l'obligation essentielle du contrat et contredit la portée de l'engagement pris.
En l'espèce, l'article 7 des conditions générales de la société EPTA France SAS (anciennement BONNET NEVE) est ainsi rédigé :
« 7.1 En aucun cas, la réparation de tous dommages au titre de la responsabilité reconnue de BONNET NEVE ne pourra excéder le montant H.T des sommes perçues au titre de la commande.
7.2 En aucun cas, BONNET NEVE ne pourra être tenu responsable pour tous préjudices immatériels causés à l'acheteur. L'acheteur renonce à recours contre BONNET NEVE pour obtenir réparation des conséquences pécuniaires de tous préjudices immatériels causés à des tiers et indemnisera BONNET NEVE de toutes réclamations des tiers pour tous préjudices immatériels ».
Cette clause qui se limite à exclure les préjudices immatériels n'a pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle de la société EPTA France SAS de livrer les biens achetés, et c'est donc à juste titre que le jugement en a fait application. En conséquence, il sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société SOFIBOR formées au titre de ses pertes de chiffre d'affaire et de son préjudice d'image qui constituent des préjudices immatériels.
S'agissant du préjudice matériel, la cour constate que les dysfonctionnements se sont poursuivis après le changement des portes en septembre 2016, ce qui est établi par un procès-verbal de constat d'huissier en date du 18 septembre 2018 corroboré par plusieurs courriers de consommateurs se plaignant de difficultés courant 2017 et 2018. En revanche, la société SOFIBOR ne produit aucune pièce permettant à la cour d'évaluer son préjudice exact, se contentant de solliciter à titre de dommages-intérêts les sommes engagées pour l'acquisition de 31 vitrines de modèle AERIA, GAZELLE, LION CLUB et CAYMAN, alors que les pièces démontrent que les difficultés n'ont porté que sur les vitrines AERIA, et qu'en outre elle n'établit pas avoir dû procéder à un changement intégral de vitrines ou à des réparations complémentaires ne produisant ni devis, ni factures en ce sens. Dès lors le jugement l'ayant déboutée de ses demandes au titre du préjudice matériel sera confirmé.
Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et çà l'article 700 du code de procédure civile.
La société SOFIBOR succombant en appel sera condamnée au dépens et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 6 000 euros au profit de la société EPTA France SAS.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 février 2021 par le tribunal de commerce de Paris,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société SOFIBOR aux dépens d'appel ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société SOFIBOR à payer à la société EPTA France SAS la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.