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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 février 2024, n° 21/00870

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Etudéquipe (SAS)

Défendeur :

Conimast International (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent

Avocats :

Me Wilhelm, Me de La Taille

T. com. Auxerre, du 19 oct. 2020, n° 201…

19 octobre 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société Etudequipe a pour activité la commercialisation de mobilier urbain et d'éclairage public.

La société Conimast International a pour activité la conception et la fabrication de matériel d'éclairage et de mobilier urbain.

Le 1er octobre 1996, les sociétés Etudequipe et Conimast International ont conclu un contrat d'agence commerciale aux termes duquel la société Conimast International a confié à la société Etudequipe la commercialisation, en son nom et pour son compte, de poteaux d'éclairage public dans la région Île-de-France et dans le département de l'[Localité 6].

La société Etudequipe a mis fin au contrat de collaboration commerciale par courrier du 15 juin 2018. La société Conimast International a pris acte de la cessation du partenariat par courrier du 29 juin 2018.

Par courrier du 7 mars 2019, la société Conimast International a mis en demeure la société Etudequipe de mettre un terme à ses relations avec la société Valmont, au motif que ce nouveau partenariat contrevenait à la clause de non concurrence à laquelle elle était assujettie.

Par acte du 14 mai 2019, la société Etudequipe a attrait la société Conimast International devant le tribunal de commerce en indemnisation de la rupture du contrat d'agence commerciale et de son trouble commercial.

Par acte du 6 juin 2019, la société Conimast International a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d'Auxerre aux fins de condamnation de la société Etudequipe à cesser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, toute relation avec la société Valmont pour violation de sa clause de non-concurrence. Cette demande a été rejetée par le juge des référés après avoir relevé qu'une instance au fond avait été introduite par la société Etudequipe devant le même tribunal.

Par jugement du 19 octobre 2020, le tribunal de commerce d'Auxerre a :

- Débouté la société Etudequipe de sa demande de voir condamner la société Conimast International au paiement d'une indemnité pour rupture du contrat d'agent commercial ;

- Dit irrecevable la demande reconventionnelle de la société Conimast International visant la clause de non-concurrence post contractuelle ;

- Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société Etudequipe aux entiers dépens de l'instance ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros en ce compris le coût de l'assignation.

Par déclaration du 8 janvier 2021 la société Etudequipe a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Débouté la société Etudequipe de sa demande de voir condamner la société Conimast International au paiement d'une indemnité pour rupture du contrat d'agent commercial ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Etudequipe aux entiers dépens de l'instance ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros en ce compris le coût de l'assignation ;

- Omis de statuer sur la demande de la société Etudequipe tendant à la condamnation de la société Conimast International à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice commercial.

Par ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2021, la société Etudequipe demande, au visa des articles 1134, 1153-1 et 1154 anciens du code civil, 1240 nouveau du code civil et de la loi n°91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la société Etudequipe ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Auxerre du 19 octobre 2020 et, statuant à nouveau :

- Juger que la société Conimast International a modifié unilatéralement le taux de commission de la société Etudequipe ;

En conséquence,

- Juger que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la société Conimast International ;

- Condamner la société Conimast International à payer à la société Etudequipe la somme de 274 319 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit à compter du 14 mai 2019, avec capitalisation, à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ;

- Condamner la société Conimast International à payer à la société Etudequipe la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice commercial et moral ;

Sur l'appel incident de la société Conimast International :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Auxerre du 19 octobre 2020 en ce qu'il a déclaré les demandes reconventionnelles de la société Conimast International visant la clause de non-concurrence irrecevables ;

A titre subsidiaire :

- Juger que la clause de non-concurrence prévue par le contrat d'agent commercial du 1er octobre 1996 est nulle ;

En tout état de cause :

- Débouter la société Conimast International de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamner la société Conimast International à payer à la société Etudequipe la somme de 20 000 euros, à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Conimast International aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2021, la société Conimast International demande, au visa des articles L 134-13 du code de commerce, 64 et 70 du code de procédure civile, 1103, 1104, 1231-1 et 1231-2 du code civil, de :

- Déclarer la société Etudequipe mal fondée en son appel ;

- Confirmer le jugement rendu le 19 octobre 2020 par le tribunal de commerce d'Auxerre en ce qu'il a débouté la société Etudequipe de sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture du contrat d'agent commercial, avec toutes conséquences de droit ;

- Débouter la société Etudequipe de toutes ses demandes ;

- L'infirmer en ce qu'il a dit irrecevable la demande de la société Conimast International fondée sur la clause de non-concurrence prévue par le contrat d'agent commercial du 1er octobre 1996 et l'a déboutée de celle qu'elle formulait par ailleurs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

- Déclarer recevable la demande reconventionnelle formée par la société Conimast International,

- La déclarer bien fondée,

En conséquence :

- Condamner la société Etudequipe à, dans les quarante-huit heures du prononcé de l'arrêt à intervenir, cesser immédiatement toute relation avec la société Valmont, d'une manière générale en cessant d'assurer sa représentation et en ne se présentant plus au nom de cette dernière, spécialement en faisant en sorte que le nom d'Etudequipe disparaisse de tous les documents commerciaux de cette dernière, en ce compris du site internet de cette dernière, le tout à charge d'en justifier auprès de la concluante et ce sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard laquelle courra jusqu'à ce que le nécessaire ait été intégralement fait ;

- Condamner la société Etudequipe à payer à la société Conimast International la somme de 736 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui a été causé par cette violation des stipulations contractuelles ;

- Condamner aussi la société Etudequipe à payer à la société Conimast International la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de son réseau ;

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans un quotidien de chacun des neuf départements concernés (à savoir l'[Localité 6], les [Localité 5], [Localité 7], la [Localité 8], la [Localité 9], le [Localité 12], les [Localité 13], le [Localité 11] et l'[Localité 3]), aux frais avancés de la société Conimast International mais en jugeant que c'est la société Etudequipe qui devra en supporter le coût définitif.

- En conséquence, arrêter le texte de l'insertion à faire paraître, la taille des caractères ainsi que la police et fixer le coût que ne devra pas excéder chacune des neuf parutions.

- Condamner encore la société Etudequipe à payer à la société Conimast International la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner enfin la société Etudequipe en tous les dépens, d'instance et d'appel, jugeant que dans ceux-ci sera inclus le coût, d'une part du procès-verbal de constat du 15 février 2019 du ministère de Maître [Z] (huissier de justice associé à [Localité 2]) qui aura été reconnu utile à la solution du litige, d'autre part de chacune des annonces qui auront été publiées en exécution de l'arrêt et ce sur présentation des factures des journaux qui auront été choisis.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 septembre 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial :

L'article L134-13 du code du commerce dispose que la réparation prévue à l'article L 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Contrairement aux affirmations de la société Conimast International, le contrat d'agent commercial étant conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la mise en demeure préalable "de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable", prévue par l'article1226 du code civil, ne s'applique pas en l'espèce. La gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls, dès lors que la faute revêt un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture.

La société Conimast International soutient que la rupture du partenariat est intervenue du seul fait de l'agent commercial qui ne peut prétendre à des indemnités. La société Etudequipe soutient au contraire que la rupture du contrat est imputable à la société Conimast International, qui lui a imposé unilatéralement une baisse de son taux de commissionnement à compter du 1er avril 2017.

La convention de partenariat du 1er octobre 1996 prévoyait en son article 10 :

"10.1 En contrepartie des services rendus, les commissions dues à l'agent seront de 7 % sur le prix des marchandises vendues au prix apparus sur le barème en vigueur au moment de la prise de commande, et de 10 % pour les produits spécifiques qui seront vendus au minimum 6 % plus chers que le prix barème indiqué par le commettant.

10.2 Le pourcentage ci-dessus stipulé sera calculé sur les montants hors taxes, déduction faite du coût de l'emballage et des frais de transport forfaitisés d'un commun accord à l0 %.

Toutefois, si les circonstances économiques conduisaient à une augmentation notable des coûts de transport, ce forfait serait révisé.

Il en serait de même si la livraison d'une commande générait des frais inhabituels, d'emballage ou de transport.

10.3 Si l'agent décide de consentir au client une remise par rapport au barème en vigueur, il devra préalablement solliciter l'accord du mandant et en ce cas, le montant de la commission sera déterminé d'un commun accord entre les signataires.

Cependant, s'il advenait que l'agent ait été contraint, compte tenu de circonstances particulières, à consentir une remise sans avoir le temps ou la possibilité d'obtenir l'autorisation du mandant et que ce dernier accepte néanmoins la commande, la remise consentie s'imputerait, à due concurrence, sur la commission exigible."

Un avenant n°1 a été conclu le 1er octobre 1996 modifiant les taux pour la période du 1er octobre 1996 au 1er septembre 1997.

Un avenant n°2 conclu le 4 mars 1999 stipule que les commissions dues à l'agent seront de 7 % pour les produits vendus au prix indiqués sur le barème en vigueur et pour lesquels la remise accordée dépasse 5%, et de 10 % pour les produits vendus au prix indiqué sur le barème pour lesquels la remise accordée ne dépasse pas 5%.

Un avenant n°3 a été conclu le 15 septembre 1999 pour "élargir le champ d'application des commissions déterminées dans l'article 10 du contrat signé par les parties le 1er octobre 1996". Il stipule que dans le cadre des ventes faites directement par le mandant auprès des intégrateurs tels que les fabricants de lanternes, l'agent percevra une commission d'un taux de 2,5% lorsque la livraison est assurée par le mandant sur le secteur de l'agent. Cette commission n'est pas due lorsque la livraison est prévue aux ateliers ou aux dépôts de l'intégrateur ou chez les sous-traitants de celui-ci, ou lorsque l'agent est mandaté par l'intégrateur concerné pour la commercialisation de ses produits.

Une "note d'information" de la société Conimast International en date du 18 juin 2008, présentait une nouvelle grille des commissions avec 3 taux de 5, 7 et 10%, qui varient en fonction de la quantité vendue et de la remise accordée au client, complétée par une note interne du 1er octobre 2008, prévoyant des taux de commissions variant entre 10 et 12% en fonction de la remise accordée, et au-delà de 12% en l'absence de toute remise commerciale.

La société Etudequipe fait valoir que la société Conimast International l'a informée verbalement d'une baisse des taux de commissionnement au cours d'une réunion le 31 mars 2017 et qu'à compter du 1er avril 2017, la baisse a été effective malgré son désaccord.

L'examen des tableaux récapitulatifs des commissions de la société Conimast International pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 démontre qu'une modification du calcul des commissions versées à la société Etudequipe est intervenue à compter du mois d'avril 2017.

D'une part, à compter de cette date, plus aucun marché ne se voit affecté un taux de commission de 10 et 12%, alors que c'était systématiquement le cas pour les 3 premiers mois de l'année 2017, pour l'ensemble des mois des années 2016 (à l'exception du mois de novembre) et 2015.

Si la société Conimast International soutient que ces données doivent être contextualisées, dans la mesure où l'agent commercial a la liberté de prendre une affaire "hors barème", c'est-à-dire de concéder à un client une remise très importante en réduisant, voire en supprimant sa commission, le caractère systématique de l'éviction des commissions supérieures à 10% contrevient à cette explication.

D'autre part, apparaît chaque mois une ligne "surplus des commissions", avec une retenue, par le mandant, de 50% de la somme. La société Conimast International ne livre pas d'explication sur cet écrêtage.

D'après l'analyse du commissaire aux comptes de la société Etudequipe établie le 31 mars 2021, l'évolution du taux des commissions de la société Etudequipe entre 2015 et 20017 est la suivante :

Basse commission

Commission Etudequipe

Taux

2015

2 176 136 euros

144 659 euros

6,64 %

2016

2 254 062 euros

129 660 euros

5,75 %

2017

2 287 109 euros

119 482 euros

5,22 %

D'après l'analyse du commissaire aux comptes de la société Conimast International établie le 23 mai 2019, l'évolution du taux des commissions de la société Etudequipe entre 2015 et 2018 (6 mois) est la suivante :

Basse commission

Commission Etudequipe

Taux

2015

2 181 665 euros

144 798 euros

6,6 %

2016

2 254 062 euros

129 660 euros

5,8 %

2017

2 203 095 euros

119 484 euros

5,4 %

2018 (6 mois)

956 749 euros

56 036 euros

5,9 %

Ces deux rapports confirment une dynamique à la baisse du taux de commissionnement entre 2015 et 2017 étant entendu que le taux moyen sur l'année 2018 est moins significatif puisqu'il ne concerne que les six premiers mois de l'année.

La société Conimast International admet avoir appliqué à compter du 1er avril 2017 un nouveau système de remise, dont elle s'abstient d'en expliciter les modalités.

Elle verse aux débats un document intitulé "exemple comparé de calcul de commissions" avec le "système de remise appliqué à partir du 1er avril 2017" (pièce n°17) sur le produit" mât Conica 20060), qui compare le système de commissionnement actuel et celui antérieur à avril 2017, et dont elle déduit que le nouveau dispositif ne serait pas défavorable à l'agent.

La variation du taux de commissionnement de l'agent commercial ne peut cependant s'apprécier sur la base d'un seul produit du catalogue du mandant. D'autre part, ce document atteste d'une évolution substantielle du système de commissionnement, puisque la société Conimast International décrit le système antérieur comme appliquant des taux de commission de 5, 7 ou 10% selon la remise consentie au client, alors que le nouveau système est pourvu d'un taux de commission unique, à 5%, avec un prélèvement à son profit par moitié (50/50) du surplus.

Il est donc établi que la société Conimast International a, au 1er avril 2017, procédé à une diminution du taux de commissionnement, en fixant un taux unique à 5%, alors que la tarification antérieure prévoyait des taux de 5, 7 et 10%.

Le fait que la société Etudequipe ait produit des factures conformes aux tableaux récapitulatifs des commissions de la société Conimast International ne démontre pas son adhésion à la nouvelle tarification, puisque ces factures ne sont que la traduction des commissions consenties mensuellement par la société Conimast International à son égard. La poursuite de la relation commerciale des parties pendant plusieurs mois et l'absence de motifs invoqués dans la lettre de résiliation n'apportent pas la preuve d'une acceptation tacite.

Les nouvelles modalités de commissionnement proposées modifiaient de façon substantielle les conditions économiques de la relation commerciale conclue avec le mandant. Il est établi que la rupture du contrat par la société Etudequipe est intervenu au vu du nouveau taux de fixation des commissions, moins favorable pour elle, et qu'elle n'a pas agréé.

En conséquence, le jugement doit être réformé et il convient de dire que la résiliation du contrat commercial, formalisée le 15 juin 2018 par la société Etudequipe, est justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Sur le paiement d'une indemnité de rupture en réparation du préjudice de la société Etudequipe :

L'article L134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

La cessation du contrat étant justifiée par des circonstances imputables à la société Conimast International, la société Etudequipe a droit à une indemnité compensatrice en application de l'articles susvisé.

Cette indemnité est destinée à réparer le manque à gagner consécutif à la rupture, durant la période nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalente.

En l'espèce, les relations contractuelles entre les sociétés Etudéquipe et Conimast International étaient anciennes puisqu'elles ont duré 22 ans.

D'après une attestation de son commissaire aux comptes, les commissions perçues par la société Etudequipe au cours des années ayant précédé la rupture du contrat d'agent commercial s'élevaient à 144 659 euros en 2015, 129 660 euros en 2016 et 119 482 euros en 2017.

Au regard de ces éléments, il convient d'allouer à la société Etudéquipe, par voie d'infirmation, une indemnité de 262 534 euros correspondant à la moyenne des commissions perçues en 2015, 2016 et 2017, sur 24 mois. Cette somme portera, conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit le 14 mai 2019.

Les intérêts échus, pour au moins une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter de la demande formée le 5 octobre 2021.

Sur le préjudice commercial et moral subi par la société Etudequipe :

La société Etudequipe soutient que la société Conimast International a tenté de nuire à sa réputation et sa crédibilité auprès de ses partenaires commerciaux et qu'il en résulte un préjudice.

Est versé aux débats un courrier adressé le 14 février 2019 par le conseil de la société Conimast International à la société Valmont, la mettant en demeure de cesser toutes relations commerciales avec la société Etudequipe.

Toutefois, la société Etudequipe ne verse aux débats aucune pièce justifiant qu'il en est résulté pour elle un préjudice commercial et financier, ni ne justifie de répercussions morales liées à l'envoi de cette lettre. Sa demande sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Conimast International :

L'article 64 du code de procédure civile dispose que "constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire."

Aux termes de l'article 70 du même code, "les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant."

Les demandes de la société Conimast Internationale fondées sur la clause de non-concurrence prévue par le contrat d'agent commercial du 1er octobre 1996 se rattachent aux prétentions originaires de la société Etudequipe dans la mesure où elles se rapportent au contrat objet du litige, et aux conséquences de sa rupture.

Elles seront en conséquence déclarées recevables. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la clause de non-concurrence prévue par le contrat d'agent commercial du 1er octobre 1996 et ses conséquences :

L'article 14 de la loi n°91-593 du 25 juin 1991, désormais codifié à l'article L134-14 du code de commerce, dispose que :

"Le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.

Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat.

La clause de non-concurrence n'est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d'un contrat.".

L'article 8 du contrat du 1er octobre 1996 stipule que "pendant toute la durée du contrat, et, ensuite, un an après qu'il ait pris fin y compris donc si la rupture intervient au cours de la période d'essai, quelle que soit la cause de cette rupture, l'agent s'interdit de représenter ou, d'une manière générale d'œuvrer sur son secteur, directement ou indirectement, à titre individuel ou sous la forme sociale, en tant que commerçant, salarié ou profession libérale, personnellement ou par l'intermédiaire de son conjoint, son concubin, ses descendants ou ascendants, pour tout produit concurrent des produits visés au présent contrat."

Toute clause de non-concurrence qui n'est pas proportionnée, c'est-à-dire qui n'est pas justifiée par les intérêts légitimes à protéger, compte tenu de l'objet du contrat, ou qui, n'étant pas suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, porte une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation.

La clause litigieuse est précise quant à sa durée ("un an"), le secteur géographique ("sur son secteur") et les marchandises concernées ("tout produit concurrent des produits visés au présent contrat", l'article 1.1 dudit contrat visant les "poteaux d'éclairage public"). Le fait qu'elle fasse référence à une période d'essai alors que le contrat n'en stipule pas ou que tous les "poteaux d'éclairage public" référencés par la société Conimast International ne soient pas commercialisés par l'agent n'affectent pas sa validité. Enfin, le fait qu'elle vise également les descendants ou ascendants de l'agent ne constitue pas un défaut de proportionnalité compte tenu des intérêts économiques à protéger.

La société Etudequipe sera en conséquence déboutée de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence.

Le fait qu'une faute contractuelle ait été relevée à l'encontre de la société Conimast International ne dispense pas l'agent commercial de respecter la clause de non-concurrence, celle-ci s'appliquant selon les dispositions prévues au contrat "quelle que soit la cause de cette rupture".

Il incombe au mandant de rapporter la preuve d'une violation de la clause de non-concurrence prévue par le contrat.

La société Conimast International verse aux débats un constat d'huissier du 15 février 2019 démontrant que la société Etudequipe est, sur les départements 60-75-77-78-91-92-93-94-95, le distributeur de la société Valmont, qui propose "un savoir-faire de conception et de réalisation de supports dans 4 domaines d'activité : "éclairage, mobilité, télécom, utility"."

La société Etudequipe verse aux débats l'attestation du dirigeant de la Semaf, aménageur urbain, qui affirme que les produits de la société Valmont se distinguent de ceux commercialisés par la société Conimast International par leur matière (bois, aluminium) ou par leur originalité (colonnes lumineuses). Il n'en demeure pas moins que le secteur d'activité est identique à celui précédemment occupé par la société Etudequipe avec la société Conimast International et qu'il s'agit de produits concurrents, des poteaux d'éclairage public.

Il en résulte que la société Etudequipe n'a pas respecté la clause de non concurrence post contractuelle.

Sur le préjudice allégué par la société Conimast International au titre de la perte du chiffre d'affaire :

La société Conimast International considère que son préjudice s'élève à la somme de 736 000 euros, selon le rapport établi par M. [O], expert-comptable, le 15 juillet 2019.

M. [O] précise : "selon l'attestation établie le 25/06/2019 par KPMG sur le calcul du taux de marge brute de la société Conimast International au 31/12/2018, et la perte annuelle du chiffre d'affaires et de marge suite à cette rupture, le taux de marge brute est de 46,8% et le chiffre d'affaires perdu est de 1 385 062 euros."

"Le taux de marge brute défini est celui calculé en prenant en compte selon la liasse fiscale au 31/01/2018 les éléments suivants : total des produits d'exploitation moins les achats de matières moins la variation des stocks des MP moins les autres achats et charges externes auquel il est retranché les frais de transport sur les ventes, soit une marge brute de 14 750K€ et un taux de marge de 46,8%. Ces chiffres correspondent bien à la liasse fiscale 2018 de la société Conimast International."

"Le chiffre d'affaires perdu par la société Conimast International suite à cette rupture de contrat calculé en fonction de la variation des ventes entre 2017/2018 d'Etudequipe en tenant compte des ventes qui ont été compensées par le nouvel agent Urbalux en 2018/2019, soit une perte de chiffre d'affaires sur 12 mois glissant de - 1 385 062 euros".

Il en conclut pour sa part que le taux de marge brute s'élève à 65,37%.

Toutefois, si le "chiffre d'affaires perdu" de - 1 385 062 euros figure bien dans l'attestation du cabinet KPMG du 25 juin 2019, en revanche, ce chiffre n'émane pas d'un expert-comptable, mais résulte d'une annexe comprenant plusieurs tableaux élaborés par la société Conimast International elle-même, intitulée "Calcul estimatif de perte de marge sur base de données issues de la facturation et des données issues de la liasse fiscale au 31/12/2018". La société Conimast y compare le chiffre d'affaires réalisé en 2018 par la société Etudequipe avec celui d'une société Urbalux, présentée comme étant son nouvel agent commercial. Le cabinet KPMG, commissaire aux comptes de la société Conimast, atteste ne pas avoir d'observations à formuler sur la concordance des informations issues des données comptables figurant dans ce document avec la comptabilité de l'exercice clos le 31 décembre 2018. En revanche, il précise : "il ne nous appartient pas de nous prononcer sur la méthode de calcul retenue de la marge ni sur les données issues de la facturation".

Or, les chiffres mentionnés par la société Conimast International sont contradictoires, puisque dans l'un de ces tableaux, la société Etudequipe aurait réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 1 063 578 euros, et dans le tableau suivant, il est mentionné un chiffre d'affaires de 626 453 euros.

Les données comptables ayant servi à l'établissement de ces tableaux ne sont pas toutes fournies.

La société Conimast International ne donne aucune information sur la conclusion d'un contrat d'agence commerciale, en remplacement de la société Etudequipe, en 2018 (date, secteur d'activité, produits).

Il n'est pas permis de vérifier si le périmètre d'intervention de cet agent est identique à celui occupé précédemment par la société Etudequipe, et aucune pièce comptable n'est versée aux débats se rapportant au chiffre d'affaires réalisé avec la société Urbalux.

La société Conimast International ne rapporte pas la preuve que la baisse alléguée de son chiffre d'affaires soit imputable à la violation de la clause de non-concurrence par la société Etudequipe. Sa demande sera rejetée.

Sur le préjudice allégué par la société Conimast International au titre de la désorganisation de son réseau commercial :

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution.

La société Conimast International sollicite la condamnation de la société Etudéquipe à lui verser la somme de 50 000 euros, exposant avoir été confrontée à la désorganisation de son réseau commercial du fait de la concurrence de son ancien agent, particulièrement bien implanté sur le secteur de l'Ile-de-France.

La société Etudequipe fait valoir que la société Conimast International ne rapporte pas la preuve de son préjudice, qu'elle a rapidement recruté un nouvel agent commercial de sorte qu'elle n'a subi aucune désorganisation.

Elle verse aux débats une attestation de l'un de ses anciens clients (maire de la ville de [Localité 4]) qui affirme ne pas avoir changé de fournisseur après son départ.

Il est établi que la société Etudequipe n'a pas respecté la clause de non-concurrence durant la majeure partie de la période d'interdiction, puisque, si le procès-verbal de constat d'huissier est en date du 15 février 2019, il induit la conclusion d'un contrat d'agence commerciale avec la société Valmont antérieure. Elle ne justifie pas avoir cessé ses agissements malgré la mise en demeure du 7 mars 2019.

La société Conimast International a ainsi été privée de son droit de ne pas subir la concurrence de son ancien partenaire commercial, dont l'ancrage sur le secteur était ancien et sa connaissance de la clientèle étendue.

Il en est résulté nécessairement un trouble commercial pour la société Conimast International qu'il convient d'indemniser à hauteur de 50 000 euros.

La société Etudequipe sera condamnée, par voie d'infirmation, au paiement de cette somme.

Sur la demande de la société Conimast International de condamner la société Etudequipe à cesser toute relation avec la société Valmont et la publication de l'arrêt dans un quotidien des départements de l'[Localité 6], des [Localité 5], de [Localité 7], de la [Localité 10], de la [Localité 9], du [Localité 12], des [Localité 13], du [Localité 11] et de l'[Localité 3] :

La clause de non-concurrence à laquelle était astreinte la société Etudequipe était limitée à un an après la rupture du contrat, elle a donc pris fin le 15 juin 2019. La société Etudequipe n'étant plus soumise à cette obligation, il convient de débouter la société Conimast International de sa demande tendant à la voir cesser toute relation avec la société Valmont.

La société Conimast International ne motive pas sa demande tendant à ordonner la publication de l'arrêt, qui sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Etudequipe aux dépens.

Chacune des parties succombant partiellement, elles supporteront, chacune pour moitié, les dépens d'instance et d'appel.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la cessation du contrat d'agent commercial est imputable à la société Conimast International ;

Condamne la société Conimast International à payer à la société Etudequipe la somme de 262 534 euros au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2019 ;

Ordonne que les intérêts échus, pour au moins une année entière, soit capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 5 octobre 2021 ;

Rejette la demande de la société Etudequipe de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et commercial ;

Déclare recevables les demandes de la société Conimast International en condamnation de la société Etudequipe à cesser, sous astreinte, toute relation avec la société Valmont, à lui verser les sommes de 736 000 euros et 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et à ordonner la publication du présent arrêt ;

Rejette la demande de la société Conimast International de condamnation de la société Etudequipe à lui verser la somme de 736 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte d'un chiffre d'affaires ;

Condamne la société Etudequipe à verser à la société Conimast International la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la désorganisation de son réseau commercial ;

Rejette les demandes de la société Conimast International de condamnation de la société Etudequipe à cesser toute relation avec la société Valmont et de publication de l'arrêt dans un quotidien des départements de l'[Localité 6], des [Localité 5], de [Localité 7], de la [Localité 10], de la [Localité 9], du [Localité 12], des [Localité 13], du [Localité 11] et de l'[Localité 3] ;

Fait masse des dépens d'instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour moitié par chacune des parties.

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.