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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 février 2024, n° 21/08312

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

INRR Bourgogne (Sasu)

Défendeur :

Epalia (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Remy, Me Jeannez, Me Etevenard, Me Duverne-Hanachowicz

T. com. Paris, 15e ch., du 6 avr. 2021, …

6 avril 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Allo Palettes (désormais dénommée INRR Bourgogne), qui dispose d'une plateforme à [Localité 4] et qui appartient au groupe Enviris, a pour activité la récupération, le recyclage, l'achat, la vente, la réparation, la fabrication de produits et matériels d'emballage et plus particulièrement de palettes.

La société Epalia a pour activité la récupération, le recyclage et la réparation de palettes.

La société Epalia a conclu avec la société Terreal, spécialisée dans la production de produits en terre cuite, un contrat de tri et de réparation de palettes recyclables à effet du 1er juillet 2017. Le cahier des charges de la société Terreal imposait que ces prestations soient effectuées sur des plateformes situées à proximité de ses usines.

La société Epalia a sous-traité certaines de ces prestations aux sociétés du groupe Enviris : les sociétés [Localité 5] Services Palettes, [Localité 5] Emballages et Allo Palettes.

Un contrat de sous-traitance a ainsi été conclu à compter du 1er juillet 2017 entre la société Epalia et la société Allo Palettes pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 septembre 2018, la société Allo Palettes s'est plainte auprès de la société Epalia d'une baisse importante des palettes confiées au mois d'août 2018 et d'un volume de palettes confiées depuis le mois de janvier 2018 insuffisant par rapport au volume annuel fixé au contrat et l'a mise en demeure d'exécuter ses obligations contractuelles.

Par courrier en réponse non daté, la société Epalia a contesté ces griefs en soulignant que le contrat les liant ne prévoyait aucun engagement de volume et en invoquant l'exécution défaillante du contrat par sa cocontractante.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 7 novembre 2018, la société Allo Palettes a pris acte de la résiliation unilatérale et abusive du contrat par la société Epalia à compter du 1er août 2018 et l'a mise en demeure de lui payer une somme de 196.328 euros en réparation du préjudice subi.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 18 décembre 2018, la société Epalia a contesté l'arrêt des relations depuis le mois d'août 2018, relevé l'absence d'engagement de volumes dans le contrat et déploré son exécution défaillante par sa cocontractante.

Par acte du 17 décembre 2018, la société Allo Palettes a assigné la société Epalia devant le tribunal de commerce de Paris en réparation des préjudices résultant de la rupture abusive des relations commerciales.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 février 2019, la société Epalia a pris acte de la résiliation unilatérale du contrat par la société Allo Palettes résultant de sa demande de reprise du stock de palettes laissé sur sa plateforme formulée le 30 janvier 2019.

Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société Epalia de sa demande de jonction des affaires 2018070157,20180159 et 201870154,

- Débouté la société Allo Palettes de toutes ses demandes,

- Condamné la société Allo Palettes à verser à la société Epalia la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Epalia du surplus de sa demande à ce titre,

- Rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires au jugement et en a débouté respectivement les parties,

- Condamné la société Allo Palettes aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Par déclaration du 29 avril 2021, la société INRR Bourgogne, anciennement dénommée Allo Palettes, a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Allo Palettes de toutes ses demandes,

- condamné la société Allo Palettes à verser à la société Epalia la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté comme inopérantes ou mal fondées toutes conclusions plus amples ou contraires au jugement et en a débouté respectivement les parties,

- Condamné la société Allo Palettes aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2023, la société INRR Bourgogne, anciennement dénommée Allo Palettes, demande, au visa des articles 1101, 1103, 1104, 1170, 1171 et 1231-1 et suivants du code civil, de l'article L. 442-6 2° du code de commerce et des articles 695, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 6 avril 2021 (RG 2018070157) ;

Statuant à nouveau,

- Juger que la société Epalia a rompu unilatéralement le contrat de sous-traitance en date du 1er août 2018 de par son inexécution contractuelle,

- Dire que la clause limitative de responsabilité quant au volume de livraisons de palettes au profit de la société Epalia est non-écrite,

En conséquence,

- Dire que le contrat de sous-traitance a été rompu à l'initiative de la société Epalia en date du 1er août 2018,

- Juger que la rupture des relations commerciales en date du 1er août 2018 entre la société Epalia et les filiales de la société Enviris et donc la société Allo Palettes, devenue la société INRR Bourgogne, est abusive,

A titre principal,

- Condamner la société Epalia à payer la somme de 196.328 euros à la société INRR Bourgogne au titre du préjudice financier lié à la perte d'exploitation, outre intérêts à échoir à compter du 7 novembre 2018,

- Condamner la société Epalia à payer la somme de 5.000 euros à la société INRR Bourgogne au titre du préjudice d'image ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la société Epalia à payer la somme de 50.445,14 euros à la société INRR Bourgogne, au titre du préjudice financier lié à la marge brute au regard du chiffre d'affaires, outre intérêts à échoir à compter du 7 novembre 2018 ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Epalia de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner la société Epalia à payer la somme de 10.000 euros à la société INRR Bourgogne au titre des frais irrépétibles outre sa condamnation aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la société Epalia demande, au visa des articles 1103, 1231-1 et 1353 du code civil, de l'article L. 442-1 du code de commerce, de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 avril 2021 en toutes ses dispositions,

- Débouter la société INRR Bourgogne, anciennement dénommée Allo Palettes, de l'ensemble de ses demandes,

Et y ajoutant,

- Condamner la société INRR Bourgogne, anciennement dénommée Allo Palettes, à payer la somme de 10.000 euros à la société Epalia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société INRR Bourgogne, anciennement dénommée Allo Palettes, aux entiers dépens de l'instance.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2023.

A l'audience du 15 novembre 2023, la société INRR Bourgogne a été invitée à produire en délibéré ses documents comptables pour justifier la marge brute de 97% alléguée et les parties ont été autorisées à adresser à la cour des notes sur le calcul de la marge brute au regard des documents comptables produits.

Le 22 décembre 2023, la société INRR Bourgogne a versé aux débats son bilan et son compte de résultat pour l'exercice 2017/2018 ainsi qu'une note en délibéré. Cette note précise que la marge brute de 97% résultait des comptes annuels 2016 et du fait que pour l'exécution du marché Epalia, elle a eu recours à de la sous-traitance. Pour tenir compte des éléments comptables de 2017/2018 et du coût de la sous-traitance, elle estime la marge brute réalisée à 41%.

Dans une note en délibéré du 18 janvier 2024, la société Epalia conteste les calculs opérés dès lors qu'ils font état d'une marge brute et non d'une marge sur coûts variables. En outre, elle constate que les documents comptables produits font état de coûts de main d'œuvre directe qui n'ont pas été compris dans le calcul de la marge effectué par la société INRR Bourgogne.

Par une note du 29 janvier 2024, la société INRR Bourgogne répond que pour exécuter les nouveaux marchés comme celui confié par la société Epalia, elle recourt à de la sous-traitance de sorte que le coût de sa main d'œuvre propre ne doit pas être pris en compte. Elle estime à 20% la marge sur coûts variables.

MOTIFS

Sur la rupture abusive du contrat

La société INRR Bourgogne revendique l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Epalia. Elle lui reproche d'avoir cessé de l'approvisionner en palettes à traiter à compter du 1er août 2018 et de ne pas avoir respecté le volume de 120.000 palettes par an prévu au contrat. Elle fait valoir que ce volume était un élément déterminant de son consentement au contrat dès lors qu'elle avait établi les tarifs pratiqués en fonction de ce volume. Elle affirme qu'entre janvier et août 2018, seulement 24.428 palettes lui ont été livrées par la société Epalia, ce qui représente 20% du volume annuel prévu. Elle considère que la disposition du contrat prévoyant que "ce volume estimatif de palette ne constitue en aucune façon un engagement" doit être réputée non écrite sur le fondement des articles 1170 et 1171 du code civil et de l'article L. 442-6 2° du code de commerce. Elle ajoute qu'aucun manquement grave justifiant la résiliation du contrat à ses torts ne peut lui être reproché.

La société Epalia réplique qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle. Elle explique qu'elle n'était soumise à aucun engagement de volume annuel et que le volume inscrit au contrat était estimatif. Elle considère que le contrat lui permettait donc de ne confier, certains mois, aucune palette à sa sous-traitante ou de ne lui confier qu'un volume fluctuant selon les périodes en fonction des propres commandes de son donneur d'ordres. Elle affirme que les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil et de l'article L. 442-6 2° du code de commerce ne sont pas applicables au litige. Elle fait en outre valoir que les relations se sont poursuivies postérieurement au mois d'août 2018. En tout état de cause, elle invoque l'exécution défectueuse de ses obligations par la société INRR Bourgogne. Elle affirme en outre que c'est cette dernière qui a définitivement rompu le contrat le 30 janvier 2019 en lui demandant de venir rechercher les palettes stockées sur son site.

L'article 1217 du code civil prévoit que :

"La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter."

L'article 1224 du même code dispose que :

"La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice."

Les parties s'opposent sur la portée des clauses du contrat. La société Epalia considère qu'en vertu du contrat, elle n'était tenue d'aucune obligation de livraison et pouvait ne livrer aucune palette pendant plusieurs mois ou livrer chaque mois un volume fluctuant. La société INRR Bourgogne affirme que le volume estimé de 120.000 palettes par an constituait un élément déterminant de son consentement et que la société Epalia ne peut s'en affranchir en considérant n'être tenue d'aucune obligation sur ce point.

Le contrat litigieux prévoit en son article 1er - Objet du contrat- que :

"Le présent contrat (') a pour objet de fixer les conditions et modalités selon lesquelles le sous-traitant triera, réparera ou mettra au rebus les palettes directement mises à disposition par Terreal et ce dans le cadre et le respect des prestations légales et réglementaires, du contrat ainsi que du contrat principal dont les stipulations et notamment le cahier des charges figurent en annexe 1.

Le contrat concerne un volume d'environ 120.000 palettes par an.

(')".

L'article 4 - Prestations du sous-traitant indique que :

"4.1 Conformément au cahier des charges, la mission du Sous-Traitant sous sa responsabilité exclusive, comprend notamment :

-traitement des palettes (tri, réparation, mise au rebut, ') pour un volume annuel prévisionnel estimé d'environ 120.000 palettes et ce à l'issue de la montée en charge des palettes recyclables dans le réseau du client. Epalia déclare que ce volume estimatif de palettes ne constitue en aucune façon un engagement de sa part ce que le sous-traitant accepte expressément.

(')".

En l'espèce, le contrat avait pour objet principal le tri, la réparation ou la mise au rebut par la société INRR Bourgogne des palettes livrées par la société Terreal, donneur d'ordres de la société Epalia, en contrepartie du versement par cette dernière d'une rémunération forfaitaire valable pour 3 ans de 0,40 euros HT par palette triée et de 2,40 euros HT par palette réparée.

Si les parties ont prévu que le contrat porterait sur un volume d'environ 120.000 palettes par an, la société Epalia a néanmoins indiqué que ce volume était estimatif et ne constituait pas un engagement de sa part.

Selon l'article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

Contrairement à ce qu'affirme la société INRR Bourgogne, la clause prévoyant que "ce volume estimatif de palette ne constitue en aucune façon un engagement" ne vide pas l'obligation essentielle de la société Epalia de toute substance.

En effet, si la société Epalia ne s'est pas engagée sur la livraison d'un volume défini de palettes à la société INRR Bourgogne, la clause litigieuse ne signifie pas qu'elle pouvait s'affranchir de livrer des palettes certains mois ou un volume annuel très éloigné de celui mentionné. En effet, en portant une indication de volume annuel au contrat, la société Epalia s'est engagée à s'en approcher.

En conséquence, il n'y a pas lieu de réputer non écrite ladite clause.

Il sera en outre rappelé que l'article 1171 du code civil ne s'applique pas aux contrats qui relèvent de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce. Or le présent litige opposant deux commerçants, les dispositions de l'article 442-6 I 2° du code de commerce relatif au déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sont applicables. Néanmoins il ressort de ce qui précède que la clause litigieuse ne peut pas être à l'origine d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il n'est pas discuté qu'entre janvier et août 2018, la société Epalia a livré seulement 24.428 palettes, ce qui représente 20% du volume annuel estimé.

Pour justifier cette différence entre le volume projeté et le volume réalisé, la société Epalia se contente d'expliquer que n'ayant aucune obligation de livrer un volume déterminé, elle était libre de ne confier aucune palette à sa sous-traitante ou de ne lui confier qu'un volume fluctuant selon les périodes en fonction des propres commandes de son donneur d'ordres. Ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, la société Epalia s'est engagée à livrer des palettes à la société INRR Bourgogne et si le volume annuel de 120.000 palettes porté au contrat était indicatif, elle ne pouvait cependant s'affranchir de son obligation de livraison en confiant à sa cocontractante un volume de palettes annuel très éloigné de celui mentionné. Or il ressort des pièces versées aux débats que la société Epalia a livré au total 32.934 palettes en 2018 (24.428 jusqu'au mois d'août 2018 + 7.809 palettes au mois de septembre 2018 + 697 palettes au mois d'octobre 2018), ce qui représente 27,4% du volume estimatif mentionné au contrat.

La société Epalia prétend que son donneur d'ordres, compte tenu des graves inexécutions imputables à la société INRR Bourgogne dans le traitement des palettes, aurait souhaité que les palettes soient traitées directement par ses soins à compter de juillet 2018. Toutefois elle ne produit aucun justificatif de la volonté émise par la société Terreal ni ne justifie des manquements contractuels invoqués. En effet, il y a lieu de relever que les trois lettres recommandées adressées à la société INRR Bourgogne faisant état de quelques manquements mineurs par rapport au nombre de palettes traitées sont datées des 16 et 19 octobre 2018 et 22 novembre 2018 de sorte qu'ils sont largement postérieurs au début de l'année 2018 et ne peuvent pas expliquer la baisse de volume de palettes confiées.

Dans ces conditions, le manquement de la société Epalia à son obligation de livrer des palettes à la société INRR Bourgogne est caractérisé et justifie la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il ne peut pas être soutenu par la société Epalia que la société INRR Bourgogne serait à l'origine de la résiliation le 30 janvier 2019 en raison de sa demande de reprise du stock de palettes présent sur son site. En effet, s'il résulte des pièces versées aux débats que le contrat ne s'est pas totalement interrompu le 1er août 2018 puisque la société INRR Bourgogne a encore émis quelques factures de montants modiques pour des prestations jusqu'au mois de janvier 2019, il ne peut pas en être déduit que la société INRR Bourgogne a renoncé à se prévaloir de l'inexécution contractuelle tenant au non-respect de l'obligation de livraison. En effet, il résulte des courriers échangés entre les parties que la société Epalia considérait que le contrat n'avait pas été valablement résolu et a ainsi continué à livrer sporadiquement à la société INRR Bourgogne quelques palettes jusqu'au mois d'octobre 2019. Le fait que la société INRR Bourgogne ait trié ces palettes et ait effectué des réparations jusqu'au mois de janvier 2019 ne peut faire présumer de sa renonciation à se prévaloir de l'inexécution contractuelle de la société Epalia d'autant plus qu'elle avait engagé une action en justice sur ce fondement le 17 décembre 2018.

La société INRR Bourgogne demande de dire que le contrat a été rompu à l'initiative de la société Epalia à compter du 1er août 2018. Toutefois, eu égard aux éléments précités et au fait que des prestations de réparation ont eu lieu jusqu'à la fin du mois de janvier 2019, il convient de constater la résiliation du contrat aux torts de la société Epalia à compter du 31 janvier 2019. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les préjudices

Sur le préjudice financier

La société INRR Bourgogne se prévaut d'un préjudice financier d'un montant de 196.328 euros correspondant à la perte de marge brute, qu'elle estime à 97%, sur 23 mois, soit du 1er aout 2018 au 1er juillet 2020, sur la base du tri de 120.000 palettes et de la réparation de 24.000 palettes. Subsidiairement, elle estime son préjudice financier à une somme de 50.445,14 euros en se fondant sur la perte de marge brute calculée au regard de son chiffre d'affaires entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018, soit 27.133,10 euros.

La société Epalia affirme que la société INRR Bourgogne ne peut revendiquer une marge de 97% compte tenu de la nature de l'activité consistant en de la manutention. Elle ajoute qu'en l'absence d'obligation d'atteindre un volume de 120.000 palettes, la société INRR Bourgogne ne peut réclamer une indemnisation sur cette base.

L'article 1212 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

"Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.

Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat."

En cas de résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée, l'auteur n'a pas à verser le prix forfaitairement convenu pour l'exécution entière du contrat, mais des dommages et intérêts dont le montant est souverainement déterminé par le juge du fond.

En l'espèce, le préjudice résultant de l'inexécution contractuelle et de la rupture anticipée et fautive du contrat peut être évalué en considération de la perte de la marge brute entre la date de cessation anticipée du contrat et le terme prévu du contrat et du chiffre d'affaires réalisé par la société INRR Bourgogne.

Par ailleurs, en l'absence d'obligation d'atteindre le volume annuel de 120.000 palettes et compte tenu de la demande subsidiaire de la société INRR Bourgogne, la perte de marge subie sera appréciée au regard du chiffre d'affaires réalisé pendant la période d'exécution du contrat.

La société INRR Bourgogne revendique un taux de marge de 97%. Pour justifier de ce taux, elle produit une attestation d'un expert-comptable qui se contente d'affirmer que la marge brute pour la prestation de réparation de palettes est de l'ordre de 97% sans expliquer ce calcul.

Or il ressort des éléments comptables produits aux débats que la marge brute de la société INRR Bourgogne doit être estimée à 41%.

Il résulte du journal des ventes produit aux débats que la société INRR Bourgogne a réalisé un chiffre d'affaires de 22.931 euros HT entre les mois de janvier et juillet 2018, soit un chiffre d'affaires mensuel moyen de 3.275 euros HT. Or entre les mois d'août 2018 et janvier 2019, elle n'a réalisé un chiffre d'affaires que de 12.562 euros HT, soit un chiffre d'affaires mensuel moyen de 2.093 euros HT. Il convient ainsi d'estimer la perte de marge subie pour cette période à 2.909 euros [(3.275 - 2.093) x6 mois x 41%].

En outre, la marge mensuelle moyenne perdue du fait de la rupture du contrat litigieux doit être estimée à 1.343 euros (3.275 euros x 41%). Or le terme du contrat étant fixé au 1er juillet 2020, il restait à courir une durée de 17 mois au moment de la rupture du contrat, le 31 janvier 2019. La perte de marge subie par la société INRR Bourgogne du fait de la résiliation anticipée du contrat imputable à la société Epalia doit donc être estimée à 22.831 euros (1.343 euros x 17 mois).

Le jugement entrepris sera infirmé et la société Epalia sera condamnée à payer à la société INRR Bourgogne une somme de 25.740 euros (22.831 euros + 2.909 euros) en réparation du préjudice financier subi.

S'agissant d'une créance indemnitaire et compte tenu de l'infirmation du jugement de première instance, les intérêts au taux légal courront à compter du 6 avril 2021, date de la décision de première instance, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

Sur le préjudice d'image

La société INRR Bourgogne se prévaut d'un préjudice d'image sans apporter aucun élément le justifiant. Sa demande de ce chef sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Epalia succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. La société Epalia supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée à payer à la société INRR Bourgogne une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement ;

Constate la résolution du contrat de sous-traitance du 1er juillet 2017 aux torts de la société Epalia à compter du 31 janvier 2019 ;

Condamne la société Epalia à payer à la société INRR Bourgogne une somme de 25.740 euros en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2021 ;

Rejette la demande d'indemnisation de la société INRR Bourgogne au titre du préjudice d'image ;

Condamne la société Epalia à payer à la société INRR Bourgogne une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Epalia sur ce fondement ;

Condamne la société Epalia aux dépens de première instance et d'appel.