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Décisions

CA Riom, ch. com., 28 février 2024, n° 23/01237

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi

Avocats :

Me Saby, Me Roussel-Simonin

Juge commissaire de Clermont-Ferrand, du…

16 mai 2023

Madame [J] [C] exerçait en qualité d'artisan, une activité de travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre du bâtiment pour laquelle elle a été immatriculée au Registre des Métiers.

Le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre par jugement du 27 novembre 2015.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire aux termes d'un jugement du 16 décembre 2016. La SELARL Mandatum a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 17 janvier 2017, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes (ci-après BPAURA) a déclaré sa créance comme suit :

-une créance chirographaire échue de 36.698,82 euros,

-une créance privilégiée échue de 112.371,42 euros.

Par ordonnance du 29 juillet 2019, le juge-commissaire a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses contestations et prononcé l'admission de la créance de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes au passif de la liquidation judiciaire pour une somme de 111.090 euros à titre privilégié, outre intérêts de retard de 4,15 % sur le capital du 16 décembre 2016 et jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt n° 08623202 en date du 7 octobre 2011.

Mme [C] est propriétaire d'un bien immobilier situé à [Adresse 1], figurant au cadastre de ladite commune sous la relation CD N°[Cadastre 5] pour une contenance de 2a 40ca sur lequel la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes bénéficie d'une inscription de privilège de prêteur de deniers, publiée et enregistrée le 15 novembre 2011 à la conservation des hypothèques de [Localité 3], volume 2011 V 3965, et d'une hypothèque conventionnelle publiée et enregistrée le 15 novembre 2011 à la Conservation des Hypothèques de [Localité 3], REF : 2011 V 3966.

Au visa de l'article L. 643-2 du code de commerce, la banque a déposé une requête devant le juge commissaire aux fins de se voir autoriser à faire valoir son droit de poursuite individuelle à l'encontre de Mme [C]. Le juge-commissaire a fait droit à cette demande par ordonnance du 16 mai 2023.

Mme [C] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 27 juillet 2023.

Suivant conclusions notifiées le 30 septembre 2023, elle demande à la cour :

-de constater l'illégalité de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre ;

-de réformer la décision critiquée et de débouter la BPAURA de sa demande ;

-de statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle reproche à Me [U] son manque de diligence et affirme ne pas s'être opposée aux demandes de ce dernier.

Suivant conclusions notifiées le 9 octobre 2023, la BPAURA demande à la cour de :

-confirmer purement et simplement l'ordonnance rendue par le juge commissaire en date du 16 mai 2023 ;

-débouter Mme [C] de ses demandes plus amples ou contraires ;

-condamner Mme [C] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la même aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'en application des dispositions de l'article L. 643-2 du code de commerce, à défaut pour le liquidateur de procéder à la réalisation des actifs dans le délai de 3 mois prévu par la loi, le créancier titulaire d'une hypothèque, est en droit d'exercer son droit de poursuite individuelle sur ce fondement après avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023.

MOTIFS :

A titre liminaire, sur la remise en cause de la légalité de la liquidation judiciaire

Pour faire obstacle à la demande de la BPAURA Mme [C] soulève l'illégalité de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre.

L'article 122 du code de procédure civile prévoit que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen tendant à déclarer son adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée ».

L'article 480 du code de procédure civile dispose « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ».

L'autorité de la chose jugée interdit aux parties de porter en justice une affaire déjà jugée, sous réserve qu'il s'agisse de la même demande, entre les mêmes parties, portant sur le même objet et soutenue par la même cause, comme prévu par l'article 1355 du code civil.

Par voie de conséquence, elle implique que les éléments tranchés dans les motifs d'un précédent jugement s'imposent au juge statuant dans une affaire ultérieure.

En l'espèce, Mme [C] tente de remettre en cause la décision de liquidation judiciaire alors que par un jugement du 16 décembre 2016, confirmé par un arrêt du 31 mai 2017, en l'absence de réquisitions du ministère public autorisant une poursuite exceptionnelle de la période d'observation, le tribunal tenant compte de l'absence de communication de pièces comptables, sociales et fiscales de la débitrice ainsi que de la constitution d'un nouveau passif pendant la période d'observation, a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Les décisions ainsi rendues sont dotées de l'autorité de la chose jugée et de la force de la chose jugée, qui doit se comprendre comme l'efficacité attachée à une décision n'étant plus susceptible d'un recours suspensif d'exécution.

Il apparaît qu'aucun pourvoi en cassation n'a été formé dans le délai légal à la suite de l'arrêt de la cour d'appel du 31 mai 2017, rendant ainsi la décision irrévocable.

Par conséquent, Mme [C] est irrecevable à invoquer la prétendue illégalité de la procédure de liquidation judiciaire pour contester la décision du juge commissaire.

En second lieu, Mme [C] prétend que ce n'est que par une ordonnance du 29 juillet 2019 que la créance de la BPAURA a été admise au passif de la liquidation judiciaire dont elle fait l'objet, ce qui rendrait la demande de la BPAURA irrecevable car tardive. Elle remet ainsi en cause l'admission de la créance de la BPAURA.

Or, sur ce point également, une ordonnance du 29 juillet 2019 rendu par le juge-commissaire a admis la créance de la BPAURA au passif de la liquidation judiciaire de Mme [C] pour une somme de 11.090 euros à titre privilégié, outre intérêts de retard de 4,15 % sur le capital du 16 décembre 2016 et jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt n° 08623202 en date du 7 octobre 2011.

Il convient de considérer, que dans le cadre de cette procédure, aucun recours n'a été intenté à l'encontre de la décision du juge-commissaire. En conséquence, l'ordonnance rendue par le juge-commissaire ayant admis la créance est dotée de l'autorité de la chose jugée ainsi que de la force de la chose jugée, rendant impossible la remise en cause de cette décision et donc la contestation de l'admission de la créance.

L'autorité de la chose jugée se conçoit comme une fin de non-recevoir.

Il apparaît donc que les demandes présentées par Mme [C] sont irrecevables.

Au fond, sur le droit de poursuite individuelle de la banque en application de l'article L. 643-2 du code de commerce

La BPAURA expose qu'elle est bien fondée à exercer son droit de poursuite individuelle sur le bien grevé d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle puisque le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation du bien grevé dans le délai de trois mois. Elle sollicite sa mise en vente aux enchères amiables.

L'article L. 643-2 du code de commerce dispose que « les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire.

[']

En cas de vente d'immeubles, les dispositions des premier, troisième et cinquième alinéa de l'article L. 642-18 sont applicables. Lorsqu'une procédure de saisie immobilière a été engagée avant le jugement d'ouverture, le créancier titulaire d'une hypothèque est dispensé, lors de la reprise des poursuites individuelles, des actes et formalités effectués avant ce jugement ».

L'article L. 642-18 du code de commerce prévoit en son premier alinéa que « les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles L. 322-5 à L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des articles L. 322-6 et L. 322-9, sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du présent code. Le juge-commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente ».

L'alinéa 3 du même article dispose que « le juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable, les articles L. 322-7, L. 322-8 à L. 322-11 et L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution sont applicables, sous la réserve prévue au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère ».

Enfin, l'alinéa 5 du même article prévoit que « le liquidateur répartit le produit des ventes et règle l'ordre entre les créanciers, sous réserve des contestations qui sont portées devant le juge de l'exécution ».

En l'espèce, il convient de relever que :

-la BPAURA est titulaire d'un privilège de prêteur de deniers, publié et enregistré le 15 novembre 2011 à la conservation des hypothèques de [Localité 3] ainsi qu'une hypothèque conventionnelle publiée et enregistrée le 15 novembre 2011 à la conservation des hypothèques de [Localité 3] sur un bien immobilier dépendant de la procédure de liquidation judiciaire de Mme [C], sis [Adresse 1] à [Localité 3].

-la BPAURA a déclaré sa créance le 17 janvier 2017, qui a été admise par ordonnance du 29 juillet 2019 du juge-commissaire pour une somme de 111.090 euros à titre privilégié outre intérêts de retard de 4,15% sur le capital du 16 décembre 2016, et jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt n° 08623202 en date du 7 octobre 2011,

-la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de Mme [C] a été convertie en liquidation judiciaire par jugement 16 décembre 2016,

-le liquidateur judiciaire n'a pas procédé à la liquidation des biens grevés dans un délai de trois mois, à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire.

Au vu de ces différents éléments, il apparaît que les conditions pour que le créancier privilégié puisse exercer son droit de poursuite individuelle sont remplies.

Il n'existe aucune raison propre à l'empêcher de réaliser son droit de poursuite individuelle sur le bien grevé.

Les allégations de l'appelante relatives au prétendu défaut de diligence du liquidateur quant à l'inventaire des biens ou encore leur estimation ne sont pas de nature à faire échec à la procédure engagée par la BPAURA.

Il n'existe ainsi aucun obstacle juridique à la demande de cette dernière, de sorte que la décision ne pourra qu'être confirmée en toutes ses dispositions.

Par conséquent, l'ordonnance du juge-commissaire est confirmée et il est fait droit à la requête de la BPAURA.

Sur les autres demandes

Mme [C] succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BPAURA ses frais de défense. Mme [C] sera condamnée à lui verser la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande de Mme [C] tendant à voir de constater l'illégalité de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre ;

Confirme l'ordonnance critiquée ;

Condamne Mme [J] [C] à verser à la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [C] aux dépens, et dit qu'il sera fait application des règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.