Livv
Décisions

Cass. com., 6 mars 2024, n° 22-23.993

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vaissette

Rapporteur :

Mme Coricon

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Reims, du 11 oct. 2022

11 octobre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 octobre 2022), un jugement du 1er décembre 2015 a mis la société Schanus en redressement judiciaire et a désigné la société [S] [B] en qualité de mandataire judiciaire. Un jugement du 6 juin 2017 a adopté un plan de redressement. Ce plan a été résolu par un jugement du 13 juillet 2021, et la société Schanus a été mise en liquidation judiciaire. La société [S] [B] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

2. Le 3 août 2021, la société Banque du bâtiment et des travaux publics (la banque BTP) a déclaré des créances à titre privilégié, sur le fondement de l'article L. 622-17 du code de commerce, que M. [B], ès qualités, a contestées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société [S] [B], ès qualités, fait grief à l'arrêt d'admettre au passif de la procédure collective les créances déclarées par la banque BTP pour un montant total de 62 061,06 euros, ce à titre privilégié, alors « que seules les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation sont, lorsqu'elles ne sont pas payées à leur échéance, payées par priorité avant toutes les autres créances ; que ne sont pas éligibles à ce privilège les créances nées postérieurement au jugement homologuant le plan de redressement de l'entreprise, qui met fin à la période d'observation ; qu'il appert des constatations mêmes de l'arrêt que les créances dont la Banque du BTP sollicitait l'admission au passif étaient nées de la cession, opérée le 7 juillet 2021, de créances professionnelles correspondant à des factures émises en juin 2021 et d'un cautionnement bancaire conclu le 18 juin 2021 (en réalité 2018) ce dont il s'inférait que ces créances étaient nées postérieurement au jugement du 6 juin 2017, ayant arrêté le plan de continuation de la société Schanus et antérieurement au jugement du 13 juillet 2021, ayant prononcé la liquidation judiciaire de cette même société, ensuite de la résolution du plan ; qu'en considérant néanmoins qu'elles devaient être admises au passif privilégié, au seul motif qu'elles étaient nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et qu'elles étaient potentiellement utiles à la poursuite de l'activité de la société Schanus, cependant que ces créances n'étaient pas nées pendant la période d'observation, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-17, I et II, du code de commerce :

4. Selon ce texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation bénéficient d'un privilège sur les autres créances, sauf exceptions limitativement énumérées. Il en résulte que les créances nées après l'adoption d'un plan de redressement, qui met fin à la période d'observation, ne peuvent bénéficier de ce privilège lorsqu'elles sont déclarées et admises à la nouvelle procédure collective ouverte après la résolution du plan.

5. Pour ordonner l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la société Schanus des créances déclarées par la banque BTP à titre privilégié au titre d'une cession de créances professionnelles intervenue le 7 juillet 2021 par la société débitrice à la banque et au titre d'un cautionnement délivré le 18 juin 2021 (lire 2018), l'arrêt retient que ces créances sont postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective et que, par leur nature, elles ont eu une utilité potentielle sur la poursuite d'activité de la société Schanus.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que ces créances étaient nées après le jugement adoptant le plan de redressement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet à titre privilégié les créances déclarées par la banque BTP au passif de la procédure collective de la société Schanus, l'arrêt rendu le 11 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.