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Décisions

Cass. com., 6 mars 2024, n° 22-23.647

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Schmidt

Avocats :

SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Yves et Blaise Capron

Poitiers, du 13 sept. 2022

13 septembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 septembre 2022), les sociétés Joyaux perles gemmes, [O] [I] et MH Distribution, détenues intégralement par la société Fleur de sel participations ayant pour représentant légal et associé majoritaire M. [N], ont obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation qui a abouti à la signature, le 10 septembre 2015, d'un protocole d'accord avec leurs différents partenaires bancaires, dont la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée (la banque).

2. Ce protocole d'accord, homologué par un jugement du 7 octobre 2015, prévoyait l'octroi d'un prêt de consolidation par chaque établissement ainsi que le maintien ou la réitération des garanties préexistantes des concours consolidés.

3. Le 1er mars 2016, la banque a consenti à la société Joyaux perles gemmes un prêt de consolidation de 303 000 euros garanti par le cautionnement solidaire de M. [N] et par une hypothèque sur deux biens lui appartenant.

4. Les 13 juillet et 7 septembre 2016, la société Joyaux perles gemmes a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires.

5. Le 2 juin 2020, reprochant à la banque de ne pas avoir respecté les termes du protocole de conciliation relatifs au délai dans lequel le prêt devait être consenti et au différé de remboursement d'un an qu'il devait prévoir, M. [N] l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte ; qu'en retenant que M. [N] ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation dans des conditions méconnaissant ses engagements contractuels dans le protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N], quand celles-ci étaient inapplicables à l'action en responsabilité de M. [N] fondée sur une réduction abusive du concours de la banque caractérisant la violation, par celle-ci, de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :

7. Les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait ou leur diminution, peut donner lieu à l'application de ce texte.

8. Pour rejeter les demandes de M. [N], l'arrêt retient que ce dernier ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation avec plus de trois mois de retard, avec une durée d'amortissement de 37 mois et sans période de différé d'amortissement de douze mois en méconnaissance des engagements contractuels du protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N].

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [N] ne reprochait pas à la banque de lui avoir consenti un concours mais d'avoir tardé à le lui octroyer et de ne pas avoir consenti le différé d'amortissement d'un an auquel elle s'était engagée en signant le protocole de conciliation, ce dont il résultait que la responsabilité de la banque était recherchée pour avoir retardé et diminué son concours, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement déféré, il rejette la demande de dommages et intérêts de M. [N] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.