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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 29 février 2024, n° 23/03734

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Aliance (SCI)

Défendeur :

Stag (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Afonso-Fernandes, Me Regnier, Cabinet Friedmann&associés

TJ Versailles, du 25 mai 2023, n° 23/004…

25 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 15 décembre 2010, la SCI Stag a donné à bail commercial à la SCI Aliance un local professionnel situé [Adresse 5] à [Localité 4] (Yvelines), moyennant un loyer annuel de 60 000 euros HT, hors charges, payable mensuellement et d'avance, avec possibilité de sous-location.

Par avenant du 19 septembre 2019, les parties ont actualisé la liste des sous-locataires autorisés par le bailleur.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par jugement rendu le 15 novembre 2019, le tribunal judiciaire d'Evreux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Aliance.

Le 11 octobre 2021, un jugement de clôture de la procédure de redressement judiciaire a été prononcé.

Le 23 janvier 2023, un commandement de payer la somme de 59 003 euros, visant la clause résolutoire insérée dans le bail, a été notifié à la société Aliance.

Le commandement de payer est resté infructueux.

Par acte d'huissier de justice délivré le 17 mars 2023, la société Stag a fait assigner en référé la société Aliance aux fins d'obtenir principalement :

- le constat de l'acquisition de la clause résolutoire,

- l'expulsion du locataire ainsi que toutes les personnes se trouvant dans les lieux de son chef, à l'exception des sous-locataires agréés par le bailleur, si besoin avec le concours de la force publique, et le transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur,

- la condamnation du locataire au paiement de la somme de provisionnelle de 50 003 euros au titre des loyers et charges arriérés, avec intérêts de retard au taux légal, à compter du 23 janvier 2023, date du commandement de payer, et avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- la condamnation du locataire au paiement, à titre de provision, d'une indemnité d'occupation égale au montant conventionnel du loyer et charges, jusqu'à la complète libération des locaux,

- la condamnation du locataire au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens comprenant le coût du commandement de payer.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 25 mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 15 décembre 2010 et la résiliation de ce bail à la date du 23 février 2023,

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Aliance et celle de tous occupants de son chef, à l'exception des sous-locataires agréés par le bailleur, des locaux loués situés [Adresse 5] à [Localité 4],

- ordonné que les meubles se trouvant sur place soient déposés dans un lieu choisi par le bailleur aux frais, risques et péril du locataire, conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné la société Aliance à payer à la société Stag à titre de provision, une indemnité d'occupation d'un montant mensuel égal au montant du loyer conventionnel révisé, charges et taxes en sus, TVA incluse, à compter du 23 février 2023 et jusqu'à complète libération des lieux,

- condamné la société Aliance à payer à la société Stag la somme provisionnelle de 50 003 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 13 décembre 2022, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné la société Aliance à payer à la société Stag la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Aliance au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer.

Par déclaration reçue au greffe le 9 juin 2023, la société Aliance a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 juillet 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Aliance demande à la cour, au visa des articles L. 145-41, L. 143-2 du code de commerce et L. 1343-5 du code civil, de :

'- recevoir la société Aliance en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- dire et juger qu'elle pourra se libérer de sa dette d'un montant de 50 003 euros représentant les loyers et charges impayés à ce jour en 6 mensualités égales, le premier versement devant intervenir dans les 15 jours de la signification de l'arrêt,

- dire et juger que les versements intervenus s'imputeront sur le capital de la somme faisant l'objet de l'octroi de délais,

- dire et juger que les effets de la clause résolutoire seront suspendus pendant la durée des délais ainsi accordés,

- dire et juger qu'en cas de respect des délais accordés, les effets de la clause résolutoire visés dans le commandement de payer en date du 23 janvier 2023 seront anéantis,

- laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles et les dépens qu'elles ont exposés.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Stag demande à la cour, au visa de l'article L. 145-41 du code de commerce, de :

'- confirmer l'ordonnance dont appel en l'intégralité de ses dispositions ;

- condamner la sci Aliance à payer à sci Stag, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Aliance sollicite de la cour l'octroi de délais de paiement pendant 6 mois afin de s'acquitter de sa dette, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire pendant ces délais.

Elle indique avoir dû laisser des impayés à hauteur de la condamnation de première instance du fait de travaux coûteux engagés et de la défaillance de sous-locataires, certains d'entre eux ayant par ailleurs cessé leur activité du fait de la crise liée au Covid-19.

Elle précise avoir cependant repris le paiement du loyer à bonne date depuis le début de l'année 2023 et être en mesure dans les prochains mois de régler l'intégralité des sommes dues à son bailleur.

La société Stag, bailleresse intimée, s'oppose aux demandes de la société Aliance.

Elle fait d'abord valoir que l'appelante ne communique aucun élément comptable permettant de considérer qu'elle aura la capacité d'assurer le paiement de sa dette dans les conditions qu'elle propose.

Elle fait ensuite observer qu'un des deux associés de la société Aliance, la société [Adresse 6], qui a le même gérant que l'appelante en la personne de M. [R] [X], a été placé en liquidation judiciaire selon jugement du 7 octobre 2019, et que par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé à l'encontre de M. [X] une interdiction de gérer dans les termes de l'article L. 653-8 du code de commerce, de sorte que son gérant se retrouve sous le coup de cette interdiction.

Elle relève par ailleurs que la dette locative ne cesse de s'aggraver, s'élevant à la somme de 89 633 euros au 4 novembre 2023.

Enfin, elle pointe des incohérences dans les pièces produites par l'appelante s'agissant des mentions figurant dans une facture d'une sous-locataire ainsi que dans un justificatif de paiement.

Sur ce,

A titre liminaire il sera observé que bien qu'ayant visé tous les chefs de l'ordonnance attaquée dans sa déclaration d'appel, l'appelante n'en sollicite pas l'infirmation dans le dispositif de ses conclusions, de sorte qu'il convient d'ores et déjà de confirmer l'ordonnance entreprise dans son intégralité.

L'article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce dispose que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le premier alinéa de l'article 1343-5 visé dispose quant à lui que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Il résulte du décompte actualisé au 4 novembre 2023 produit par la bailleresse et non critiqué en son contenu par la locataire que depuis l'ordonnance dont appel, la dette a augmenté pour s'établir à cette date à la somme de 89 633 euros.

Par ailleurs, l'appelante ne verse aucun élément qui justifierait de sa situation, et qui notamment démontrerait qu'elle serait en mesure d'assumer un remboursement échelonné sur 6 mois de la provision accordée au bailleur sur l'arriéré de loyers impayés en plus de la charge du loyer courant.

Enfin, elle ne conteste pas que M. [R] [X], son gérant, fait l'objet d'une interdiction de gérer depuis le 4 octobre 2022 pour une durée de 10 ans (pièce intimée n° 13), de sorte qu'il est impossible dans ces conditions de lui accorder un quelconque délai de grâce et partant, de suspendre les effets de la clause résolutoire.

Ses demandes seront rejetées.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société Aliance devra supporter les dépens d'appel, qui ne comprendront pas le coût du commandement de payer, celui-ci ayant été inclus dans les dépens de première instance.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Stag la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance du 25 mai 2023,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la société Aliance aux fins de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

Condamne la société Aliance à verser à la société Stag la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Dit que la société Aliance supportera les dépens d'appel,

Rejette tout autre demande.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.