Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-19.460
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Farrenq-Nési
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
SCP Didier et Pinet, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ghestin
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Kugel immobilière et à Mme [U] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [L].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 18 mars 2021), le 31 mars 2008, la société civile immobilière [Adresse 1] (la SCI) a vendu à la société de droit luxembourgeois Kugel immobilière (la société Kugel immobilière) une grange à démolir, l'acte de vente faisant état d'un permis de construire deux immeubles sur le terrain, accordé par arrêté municipal du 29 septembre 2004.
3. Etait annexé à cet acte un certificat du 3 décembre 2007 délivré par le maire de la commune attestant de la non-caducité de ce permis de construire.
4. Par décision du 29 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg, sur requête d'un voisin, a annulé la décision du maire de la commune d'[Localité 5] du 16 septembre 2008 ayant refusé de constater la péremption de ce permis de construire.
5. Soutenant qu'elle avait été empêchée de mener à bien son projet du fait, notamment, d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, la société Kugel immobilière a assigné la SCI en paiement de diverses sommes en remboursement de frais et à titre de dommages-intérêts.
6. La SCI a appelé en garantie son notaire, M. [L], intervenu à l'acte de vente.
7. La société Kugel immobilière ayant été déclarée en faillite, Mme [U] est intervenue à la procédure en qualité de curateur de la faillite.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. La société Kugel immobilière et Mme [U], ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que le vendeur est tenu de délivrer la chose qu'il vend et il manque à son obligation de délivrance dès lors qu'il est constaté que la chose qui a été livrée à l'acquéreur n'est pas conforme à ce qui avait été convenu ; qu'en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n'avait pas manqué à son obligation de délivrance, que lors de la délivrance du terrain à la société Kugel, le maire avait délivré une attestation de non-caducité du permis de construire et que le recours ayant eu pour effet de constater la caducité dudit permis n'avait été introduit que postérieurement à la vente, cependant que ces motifs ne pouvaient exclure le manquement du vendeur à son obligation de délivrance dès lors qu'elle avait constaté que la SCI [Adresse 1] s'était expressément engagée sur l'absence de caducité du permis de construire et que la caducité ultérieurement prononcée ayant un effet rétroactif, la SCI [Adresse 1] n'avait pas mis la société Kugel en possession d'un permis de construire valable, comme elle s'y était engagée, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, 1603 et 1604 du code civil ;
2°/ que le vendeur est tenu de délivrer la chose qu'il vend et il manque à son obligation de délivrance dès lors qu'il est constaté que la chose qui a été livrée à l'acquéreur n'est pas conforme à ce qui avait été convenu ; qu'en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n'avait pas manqué à son obligation de délivrance, que la caducité du permis de construire, révélée postérieurement à la vente, devait s'analyser comme un vice caché entachant la constructibilité du terrain, cependant qu'elle avait constaté que la SCI [Adresse 1] s'était expressément engagée sur l'absence de caducité de permis de construire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles les articles 1134, 1147, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, 1603, 1604 et 1641 du code civil ;
3°/ que le vice caché est un vice inhérent à la chose vendue ; qu'en relevant, pour juger que la SCI [Adresse 1] n'avait pas manqué à son obligation de délivrance, que la caducité du permis de construire, révélée postérieurement à la vente, devait s'analyser comme un vice caché entachant la constructibilité du terrain, cependant que la caducité du permis de construire, alors qu'il n'était pas contesté que le terrain était constructible, n'était pas un vice inhérent au terrain vendu par la SCI [Adresse 1], la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;
4°/ que le vendeur est tenu de délivrer la chose qu'il vend et il manque à son obligation de délivrance dès lors qu'il est constaté que la chose qui a été livrée à l'acquéreur n'est pas conforme à ce qui avait été convenu, peu important que le défaut de conformité n'en affecte par l'usage ; qu'en relevant par motif présumé adopté du jugement, pour juger que la SCI [Adresse 1] n'avait pas manqué à son obligation de délivrance, qu'un permis de construire de régularisation avait été délivré le 31 octobre 2012, cependant que cette circonstance était impropre à exclure la responsabilité du vendeur dès lors qu'elle avait constaté que la SCI [Adresse 1] s'était expressément engagée sur l'absence de caducité de permis de construire et que la caducité ultérieurement prononcée ayant un effet rétroactif, la SCI [Adresse 1] n'avait pas mis la société Kugel Immobilière en possession d'un permis de construire valable, comme elle s'y était engagée, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, 1603 et 1604 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la conformité du bien vendu et livré aux spécifications contractuelles s'apprécie au moment de la délivrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriété.
10. Elle a relevé qu'il résultait des termes de l'acte de vente et des documents annexés l'absence de recours contre le permis de construire et ses transferts successifs, ainsi que son absence de caducité au jour de la signature de l'acte authentique de vente, établie par un certificat du maire du 3 décembre 2007.
11. Elle en a déduit à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au vice caché et à la délivrance d'un permis de régularisation, que peu importait l'effet rétroactif de la caducité, dès lors que celle-ci résultait d'un jugement rendu sur une demande postérieure à la vente.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE le pourvoi.