CA Bordeaux, 4e ch. com., 23 octobre 2023, n° 21/04345
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Sud-Ouest Poids Lourds Négoce (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Goumilloux, Mme Masson
Avocats :
Me Dubreuil, Me Germain
EXPOSE DU LITIGE
La société Sopln est un concessionnaire de poids lourds d'occasion. Il a pour client M.[R], agent de travaux publics demeurant en Irak, à qui il a livré 14 véhicules.
Par ordonnance du 23 avril 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a débouté M. [R] de sa demande tendant à obtenir la livraison de quatre véhicules supplémentaires qu'il affirmait avoir commandés et payés.
Par acte d'huissier de justice du 27 février 2019, M. [R] a assigné la société Sud-Ouest Poids Lourds Négoce devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir la remise de ces quatre véhicules sous astreinte et le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 18 juin 2021, le tribunal a :
- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [R] à régler à la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [R] aux entiers dépens.
En substance, le tribunal a jugé que M. [R] n'apportait ni la preuve de la commande des quatre véhicules, ni la preuve du versement de la somme de 65 000 euros en liquide au défendeur.
Par déclaration du 26 juillet 2021, M. [R] a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 26 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [R], demande à la cour de :
- vu les articles 1582 et 1583 du code civil,
- vu les dispositions de l'article 1104 (anciennement 1134) du même code,
- vu les dispositions de l'article 152-1, 460-4 et 465 du code des douanes
- vu les dispositions de l'article 11 de la Convention internationale de vienne,
- vu les pièces produites,
- réformer la décision attaquée en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau,
- le recevoir en ses demandes,
- constater l'existence d'une relation contractuelle à exécution successive établie entre les parties,
- à titre principal,
- constater le paiement du lot des véhicules sur la base des factures pro-forma qui lui ont été adressées,
- constater qu'il a payé la somme de 286 000 euros pour le lot de 18 véhicules soit 221 000 par virement et 65 000 euros en espèces,
- en conséquence,
- ordonner, sans délais, la remise des véhicules manquant à savoir : quatre (4) véhicules, de marque Mercedes-Benz, dont l'immatriculation est la suivante :
- [Immatriculation 4]
- [Immatriculation 5]
- [Immatriculation 6]
- [Immatriculation 3]
- dire et juger que ces véhicules devront être restitués sous astreinte de 500 euros par jour et par camion à compter de la signification de la décision à intervenir,
- condamner la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce paiement de la somme de 36 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison de la dépréciation des véhicules injustement retenus,
- à titre subsidiaire,
- condamner la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce à lui restituer la somme de 11 000 euros qu'elle ne conteste pas avoir perçue en trop pour la fourniture des seuls 14 camions livrés facturés sur la base de 210 000 euros et non des 221 000 euros perçus,
- condamner la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce y compris les frais de significations et d'exécution de la présente décision.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 25 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Sud-Ouest Poids Lourds Negoce, demande à la cour de :
- vu l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige,
- vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
- vu l'absence de preuve d'un quelconque accord entre les parties sur une cession des véhicules litigieux,
- vu l'absence de preuve d'un quelconque règlement effectué par M. [R],
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 22 juin 2021,
- rejeter en conséquence l'intégralité des demandes, fins et prétentions de M. [R],
- condamner M. [R] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 août 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du 04 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
Motivation
MOTIFS
1- Aux termes de l'article L. 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
2- L'appelant soutient avoir commandé 18 véhicules pour un montant global de 286 000 euros à la société intimée qu'il affirme avoir réglés, à la demande du vendeur, par virements à hauteur de 221 000 euros et en espèces remises à M. [U], représentant de la société Sopln à hauteur de 65 000 euros, ce dont il justifie par la production de diverses pièces (Cerfa de la douane, attestations, 'pièce portant mention manuscrite). Il produit également aux débats les factures proforma relatives à ces quatre véhicules vendus 18 000 euros l'unité et réglés selon lui par un virement de 72 000 euros du 20 novembre 2018. Il affirme que l'intimé a unilatéralement décidé d'augmenter le prix de chaque véhicule à 29 000 euros, ce qu'il a refusé, conduisant le vendeur à refuser à son tour de lui livrer les camions malgré le paiement de leur prix initial de vente. Il met enfin en avant le fait que le vendeur reconnait avoir reçu des paiements par virements à hauteur de 221 000 euros alors qu'il n'a facturé que 210 000 euros pour les 14 camions livrés ce qui démontre bien selon l'existence de véhicules supplémentaires.
3- L'intimée rétorque qu'elle a vendu entre le 17 septembre et le 20 décembre 2018 14 poids lourds à M. [R] pour un montant de 210 000 euros qui a été réglé par 7 virements pour un total de 220 902 euros,le compte fournisseur de M.[R] présentant un solde de 10 902 euros à restituer. Elle explique que les factures prorata, qui ne comportent aucun mention d'accord du client, ne valent pas preuve de la commande alléguée de quatre camions supplémentaires. Elle conteste formellement avoir reçu la somme de 65 000 euros en espèces. Elle réfute l'authenticité de la 'feuille volante' produite qui porterait une mention manuscrite de M. [U] et fait valoir que les trois attestations produites aux débats ont été rédigées manifestement par le même rédacteur. Elle rappelle que les paiements en espèce au-delà de 1000 euros sont interdits.
Sur ce:
4- L'appelant produit aux débats les factures proforma des quatre véhicules litigieux proposés à un prix de 18 000 euros chacun. Comme le soutient l'intimée, une facture proforma qui n'a pas été acceptée par le client n'établit pas la formation du contrat de vente.
5- Il produit ensuite aux débats :
- trois formulaires des douanes de déclaration d'argent liquide à hauteur de 56 200 euros le 15 janvier 2019, de 82350 euros à une date non précisée mais portant un tampon des autorités du 29 octobre 2018 et de 50 200 euros le 20 novembre 2018,
- trois attestations émanant de trois personnes différentes mais avec des écritures extrêmement similaires attestant de la remise en espèces de 65 000 euros à M. [U] à une date non précisée pour '12 Mercedes Astros',
- une feuille portant des annotations manuscrites et portant la mention 57 000 euros en espèces non datée et non signée.
6- Ces pièces, même prises ensemble, et compte tenu de l'imprécision des attestations quant aux circonstances précises de remise des fonds et de leur affectation, ne permettent pas d'établir le paiement en espèces allégué par l'appelant.
7- Dès lors, le seul fait que le compte client de M.[R] auprès de la société Sud Ouest Poids Lourds Négoce présente un solde positif ne permet d'établir ni la réalité de la commande ni du paiement allégué, les sommes virées, et notamment le virement de 72 000 euros dont il est fait état, ayant été affectées par l'intimée au paiement des véhicules facturés et livrées.
8- La décision de première instance sera ainsi intégralement confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. [R].
9- La société Sud Ouest Poids Lourds Négoce ne conteste pas que le compte fournisseur de M. [R] présente un solde en faveur de celui-ci de 10 902 euros. Sa demande de restitution de cette somme, dont la recevabilité n'est pas contestée, sera accueillie.
10- La société Sud Ouest Poids Lourds Négoce sera ainsi condamnée à verser la somme de 10 902 euros à [Y] [R].
11- Ce dernier qui succombe à titre principal en son appel sera condamné aux dépens d'appel.
12- Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision rendue le 18 juin 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux,
y ajoutant,
Condamne la société Sud-Ouest Poids Lourds Négoce à verser la somme de 10 902 euros à [Y] [R],
Condamne [Y] [R] aux dépens,
Déboute les parties de leur demande d'indemnité de procédure.