Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-14.173
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SCP Guérin-Gougeon, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 mars 2021), la société civile immobilière du Château d'eau, ayant pour associés les sociétés Midi foncier et Financière [N], a confié une mission complète de maîtrise d'oeuvre à la société Atelier d'architecture Diana et la réalisation des travaux à M. [Y] pour le lot gros oeuvre. Par une lettre du 2 décembre 2011, la société du Château d'eau a résilié le contrat de M. [Y].
2. Soutenant que la société du Château d'eau restait lui devoir une certaine somme au titre de ce contrat, M. [Y] l'a assignée en paiement, ainsi que les sociétés Midi foncier et Financière [N], en leur qualité d'associés.
3. La société du Château d'eau a été, à la suite de sa dissolution, mise en liquidation amiable, M. [M] étant désigné en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de limiter le montant de la condamnation à paiement de la société du Château d'eau à une certaine somme, alors :
« 1°/ que les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; que, pour évaluer les préjudices respectifs de la SCI du Château d'eau et de M. [Y], la cour d'appel a estimé qu'il y avait lieu de déduire du montant du marché dix factures de travaux confiés par la SCI du Château d'eau à des tiers à hauteur de 278 003,27 euros ; qu'en se livrant ainsi à une appréciation globale forfaitaire du préjudice subi par la SCI du Château d'eau, sans vérifier au cas par cas si les factures de travaux qu'elle invoquait correspondaient à des reprises de désordres en lien avec l'intervention de M. [Y], la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, pour fixer à 278 003,27 euros le montant des sommes à déduire du montant du marché, la cour d'appel a retenu que les travaux de reprise des désordres ou inachèvements, tels que figurant sur le décompte général définitif avec détail des dix facturations nominatives correspondant à des tierces entreprises, ne sont pas spécifiquement critiquées par M. [Y] ; qu'en faisant ainsi peser sur M. [Y] la charge de prouver que les travaux confiés par la SCI du Château d'eau à des tiers ne correspondaient pas à la reprise de ses malfaçons, quand il appartenait au maître d'ouvrage d'établir son préjudice, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'expert, dont les conclusions n'étaient pas contestées par M. [Y], avait, sur pièces, validé le montant des travaux de reprise et d'achèvement décompté par le maître d'oeuvre dans le décompte général définitif, à hauteur de 278 003,27 euros HT. Elle a relevé, par motifs propres, que les travaux de reprise des désordres ou inachèvements, tels que figurant sur ce décompte, avec détail des dix facturations nominatives correspondant à des tierces entreprises, n'avait pas fait l'objet de remarques particulières de la part de l'expert judiciaire et n'étaient pas spécifiquement critiquées par M. M' [H]. Elle a retenu que si les pièces produites ne permettaient pas de connaître les circonstances exactes de l'intervention de l'entreprise Thabet correspondant à la première facture d'un montant de 76 514,83 euros, celle-ci était en lien avec les retards et malfaçons commises par M. [Y] pendant le chantier. Elle a ajouté que ce dernier ne justifiait pas avoir émis de contestation à réception de l'état d'acompte de juillet 2011 visé par le maître d'oeuvre le 26 juillet 2011 réduisant d'autant le marché initial.
7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société du Château d'eau, a pu, sans inverser la charge de la preuve, fixer le montant de celui-ci à la somme de 278 003,27 euros HT, avant déduction des règlements et des pénalités de retard.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur ce moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses conclusions d'appel, M. [Y] faisait valoir qu'il avait toujours contesté avoir signé le planning d'exécution des travaux et avait d'ailleurs déposé plainte le 3 décembre 2013 ; qu'en se bornant à relever, pour fixer à la somme de 34 086 euros TTC le montant des pénalités de retard dues par M. [Y] à la SCI du Château d'eau, que le planning d'exécution des travaux, prévoyant l'exécution du lot gros oeuvre sur une durée de 5 mois et 4 jours, était signé par M. [Y] et revêtu du cachet de son entreprise, sans répondre à ce moyen opérant de l'appelant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui, estimant que M. [Y] avait apposé son cachet et sa signature sur le planning versé aux débats, ont implicitement mais nécessairement répondu aux écritures prétendument délaissées.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés Midi foncier et Financière [N], alors « que si les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés, débiteurs solidaires du passif social envers les tiers, qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale, dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation amiable, le recours direct des créanciers contre les associés est néanmoins recevable ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la SCI du Château d'eau, aujourd'hui dissoute, est soumise à une procédure de liquidation amiable ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter les demandes de M. [Y] formées contre les associées de la SCI du Château d'eau, qu'il n'établissait nullement que le patrimoine social de cette société était insuffisant pour le désintéresser, ce que la procédure de liquidation amiable le dispensait de faire, la cour d'appel a violé l'article 1858 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de l'article 1858 du code civil que lorsqu'une société est mise en liquidation amiable, les créanciers ne peuvent agir contre les associés que s'ils établissent que le patrimoine social est insuffisant pour les désintéresser.
13. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.