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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 1 février 2024, n° 21/01771

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Tando (Sté), Brice Robert Participations (SAS), Orny Holding (SA), Tandem Developpement Service (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Jullien, Mme Le Gall

Avocats :

Me Delaire, Me Baufume, Me Guerci-Michel, Me Aguiraud, Me Gontier

T. com. Lyon, du 17 nov. 2020, n° 2019j1…

17 novembre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Tandem Développement Service, dont le nom commercial est Easylife, a été créée en 2007 par M. [Y] [L], M. [P] [F] et la société GP Conseils dans le but d'exploiter une activité de conciergerie d'entreprise. Elle était présidée par M. [L], regroupait plusieurs associés dont M. [F], la SAS Brice Robert Participations, la société civile Tando et la SA Orny Développement Service (associés majoritaires) et elle était pourvue d'un comité de surveillance.

M. [F] était le directeur général.

Par courrier du 29 mai 2019, les associés majoritaires ont demandé à M. [L], en sa qualité de président, de convoquer une assemblée générale des associés au plus tard du le 4 juin 2019. Ils envisageaient la révocation de M. [L].

Par courrier du 5 juin 2019 et en l'absence de convocation d'assemblée générale par M. [L], les actionnaires majoritaires ont convoqué une assemblée générale pour le 13 juin 2019. L'ordre du jour prévoyait notamment une proposition de révocation du président de la société.

Par acte du 11 juin 2019, M. [L] a assigné les associés majoritaires en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir l'ajournement de l'assemblée générale prévue le 13 juin 2019 au motif que la convocation était irrégulière. Par ordonnance du 12 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ajournement de l'assemblée générale.

Par courrier du 14 juin 2019, les associés majoritaires ont réitéré leur demande de convocation d'une assemblée générale auprès de M. [L]. Une assemblée générale a finalement été convoquée le 16 septembre 2019 puis reportée au 14 octobre 2019.

L'assemblée générale s'est tenue le 14 octobre 2019 en présence d'un huissier de justice et la révocation de M. [L] avec effet immédiat a été votée. La société Brice Robert Participations a été nommée comme nouveau président de la société Easylife.

Des différends sont apparus entre M. [L] et les associés majoritaires au sujet de la restitution de son matériel professionnel et du rachat de ses actions.

Par acte du 6 décembre 2019, M. [L] a assigné les sociétés Tando, Brice Robert Participations, Orny Holding, Tandem Développement Service ainsi que Mme [H] et M. [F] devant le tribunal de commerce de Lyon afin de voir juger abusive et vexatoire sa révocation et d'obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 17 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit que la révocation de M. [L] est conforme aux statuts de la société Tandem Développement Service,

- dit que cette révocation n'est ni abusive ni vexatoire,

- débouté M. [L] de ses demandes de condamnations concernant :

la somme de 336.000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive et vexatoire au titre de son préjudice matériel et financier,

la somme de 200.000 euros au titre de son préjudice moral né de la révocation abusive et vexatoire des actionnaires majoritaires,

la somme de 270.025 euros au titre de son préjudice né de la perte de chance de souscrire et valoriser des BSPCE,

- dit que M. [F], en décidant de nuire à la réputation et à l'honorabilité professionnelle de M. [L], a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle,

- condamné M. [F] à payer à M. [L] la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en a déboutés respectivement,

- condamné M. [F] à payer à M. [L] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans caution,

- condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.

M. [L] a interjeté appel par acte du 10 mars 2023.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 juin 2022 fondées sur l'article 1240 du code civil, M. [L] demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a :

dit que sa révocation est conforme aux statuts de la société Tandem Développement Service,

dit que cette révocation n'est ni abusive ni vexatoire,

l'a débouté de ses demandes de condamnations concernant :

la somme de 336.000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive et vexatoire au titre de son préjudice matériel et financier,

la somme 200.000 euros au titre de son préjudice moral né de la révocation abusive et vexatoire des actionnaires majoritaires,

la somme de 270.025 euros au titre de son préjudice né de la perte de chance de souscrire et valoriser des BSPCE,

condamné M. [F] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, alors qu'il avait formé une demande de condamnation fixée à 200.000 euros,

statuant de nouveau :

- juger abusive et vexatoire la procédure de sa révocation décidée par les actionnaires majoritaires et par la société Easylife,

- condamner en conséquence in solidum l'ensemble des intimés, en ce compris la société Easylife, à lui verser la somme de 336.000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive et vexatoire au titre de son préjudice matériel et financier,

- juger que les actionnaires majoritaires lui ont causé un préjudice moral, distinct de son préjudice financier,

- condamner en conséquence in solidum les intimés, à l'exception de la société Easylife, à lui verser la somme de 200.000 euros au titre de son préjudice moral né de la révocation abusive et vexatoire,

- juger qu'en s'abstenant volontairement de toute communication sur la stratégie de développement et la gouvernance de l'entreprise, les actionnaires majoritaires l'ont privé de sa chance de souscrire et de valoriser des BSPCE,

- condamner en conséquence in solidum les intimés, à l'exception de la société Easylife, à lui verser la somme de 270.025 euros au titre de son préjudice né de la perte de chance de souscrire et valoriser les BSPCE,

- confirmer que le comportement de M. [F] ayant porté atteinte à son honorabilité professionnelle et à sa réputation, constitue une faute civile engageant sa responsabilité personnelle,

- condamner en conséquence M. [F] à lui verser la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner in solidum l'ensemble des intimés à lui verser la somme de 40.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les intimés à l'ensemble des dépens d'instance,

- rejeter toutes demandes, fins et prétentions contraires des intimés.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 février 2022, M. [F] et les sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny Holding demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la révocation de M. [L] n'est ni abusive, ni vexatoire et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes à ce titre,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le comportement de M. [F] est constitutif d'une faute civile engageant sa responsabilité personnelle et l'a condamné à verser à M. [L] 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 10.000 euros à titre d'article 700 du code de procédure civile,

en toute hypothèse,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses prétentions à leur encontre et des demandes de condamnations formées à leur encontre par M. [L] sur quelque fondement que ce soit,

- condamner M. [L] à leur allouer la somme de 10.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner M. [L] aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 avril 2022 fondées sur l'article 1240 du code civil, la société Tandem Developpement Service demande à la cour de :

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

dit que la révocation de M. [L] est conforme à ses statuts et que cette révocation n'est ni abusive, ni vexatoire,

débouté M. [L] de ses demandes de condamnations concernant :

la somme de 336.000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive et vexatoire au titre de son préjudice matériel et financier,

la somme de 200.000 euros au titre de son préjudice moral né de la révocation abusive et vexatoire des actionnaires majoritaires,

la somme de 270.025 euros au titre de son préjudice né de la perte de chance de souscrire et valoriser des BSPCE,

à titre subsidiairement, ramener à de beaucoup plus justes proportions le montant des dommages-intérêts qui pourraient être alloués à M. [L] par la cour et à la hauteur du seul préjudice moral subi sans excéder ses capacités financières,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre des sociétés Tando, Orny Holding, Brice Robert Participation et de M. [F] de la demande de condamnation in solidum formée à leur encontre par M. [L] sur quelque fondement que ce soit,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de condamnation à son égard au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et,

- infirmer le jugement en condamnant M. [L] à lui régler la somme de 40.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 juillet 2022, les débats étant fixés au 29 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la révocation de M. [L]

M. [L] fait valoir que :

- la société Easylife, animée par des actionnaires majoritaires, a planifié puis décidé de le révoquer dans des conditions abusives et brutales alors qu'il avait reçu de façon répétée des assurances de confirmation dans ses fonctions sociales dans un temps voisin de sa révocation,

- les interrogations éventuelles de certains associés n'ont jamais été portées à sa connaissance, sa révocation s'est faite dans la précipitation, sans urgence, évitant tout débat de fond et solution amiable, la méthode vexatoire a trouvé son prolongement dans la réitération de la sommation faite de convoquer une assemblée générale pour sa propre révocation, alors qu'un mandataire ad hoc aurait pu être nommé,

- les actionnaires majoritaires ont refusé de participer au comité de surveillance qu'il avait convoqué sous des motifs fallacieux ; la société Tando a ensuite convoqué un comité de surveillance selon un ordre du jour portant sur l'évolution de la gouvernance de la société ; les actionnaires majoritaires ont ensuite refusé de s'exprimer sur le sujet ; enfin, il a convoqué un nouveau comité de surveillance, auquel les actionnaires majoritaires se sont abstenus de se déplacer ; l'objectif de ces manoeuvres vexatoires était d'escamoter toute discussion sur la stratégie future de l'entreprise,

- la société Brice Robert Participations a été désignée comme nouveau président avant même sa révocation, tel qu'attesté par le projet de texte de résolution joint à la convocation irrégulière du 5 juin 2019, la nouvelle présidente désignée pour le remplacer n'a pas fait état de projets stratégiques, alors qu'il lui avait été reproché l'absence de projets concrets pour le redressement de l'entreprise, et qu'il avait exposé et justifié l'ensemble de ses choix stratégiques ; la différence de traitement entre ancien et nouveau président est vexatoire,

- le débat contradictoire qui a eu lieu au cours de l'assemblée générale était fictif puisque le projet de remplacement du président était déjà acté par les actionnaires majoritaires ; qui ont poursuivi leur seul intérêt en violation de l'intérêt social,

- M. [M], actionnaire historique, a souhaité une médiation entre les actionnaires et l'appelant ; les actionnaires majoritaires ont sans bienveillance refusé, faisant valoir qu'une médiation n'aurait pas de sens puisqu'aucune décision de révocation n'avait été prise,

- sa messagerie électronique a été placée sous surveillance lorsqu'il était en arrêt maladie pour une opération chirurgicale sans lui avoir demandé son accord ; M. [F] avait alors accès aux informations confidentielles pendant une matinée, ce qui n'était pas nécessaire car ce dernier aurait pu continuer à accéder à cette messagerie à distance depuis son domicile ; les recommandations de la CNIL concernant les salariés sont inapplicables en l'absence de lien de subordination ; la justification de cette surveillance est fallacieuse et le procédé vexatoire,

- il a été privé de son numéro de téléphone personnel par la société Brice Robert Participations dès le lendemain de sa révocation alors qu'il avait pourtant usage de ce numéro personnel avant la création de la société Easylife ; cette manoeuvre est abusive ; la ligne téléphonique lui a été restituée par la société Easylife 18 mois plus tard,

- le vrai objectif de sa révocation était la poursuite d'un montage fiscal contre lequel il était opposé.

M. [F] et les sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny Holding soutiennent que :

- selon les statuts, la révocation était possible à tout moment, sans motivation ni indemnité et elle est intervenue dans le respect de la procédure statutaire,

- leur demande de convocation de l'assemblée majoritaire a été accueillie par l'appelant avec un délai de 3 mois, confisquant ainsi le calendrier ; ils ont contesté ce calendrier mais l'appelant a encore repoussé la date invoquant un problème de santé,

- l'assemblée générale du 14 octobre 2019 s'est tenue en présence d'un huissier de justice ; après trois heures de débat, les associés ont voté la révocation et ont nommé la société Brice Robert Participations présidente,

-les assurances de confirmation dans ses fonctions sont indifférentes sur la révocation ; au contraire, l'appelant faisait preuve de défiance vis à vis des actionnaires, préparait et évoquait sa sortie, puis changeait d'avis ; l'adoption du procès-verbal du comité de surveillance du 10 décembre 2018, pré-rédigé par l'appelant, n'empêchait pas les associés de remettre en cause leur confiance 5 mois plus tard et de le révoquer 10 mois plus tard,

- il n'était pas vexatoire pour le président de déclencher lui-même le processus de révocation, puisque c'est la procédure prévue par les statuts ; les intimés avaient demandé la désignation d'un mandataire ad hoc lors de l'audience du 12 juin 2019 mais le président du tribunal de commerce a omis de statuer sur cette question ; c'est dans ces conditions que les intimés ont dû réitérer auprès de l'appelant leur demande de convocation d'une assemblée générale,

- concernant la prétendue précipitation, l'appelant a pu s'exprimer à plusieurs reprises pendant des mois, et les intimés ont répondu à plusieurs reprises ; l'obligation de loyauté pesant sur la société Easylife et ses associés a été respectée,

- l'examen de la révocation du président ne figurait pas dans les missions du comité de surveillance ; les associés majoritaires, tous membres du comité de surveillance à l'exception de M. [F], n'ont jamais refusé de participer à ses réunions entre l'initiation de la procédure de révocation et la décision de révocation elle-même, lorsqu'elles portaient sur des points relevant de ses missions,

- le successeur de l'appelant n'était pas désigné avant la révocation, mais sa désignation ne pouvant pas être différée, il était nécessaire de présenter aux associés le candidat éventuel ; la présidente n'a été désignée qu'après la révocation de l'appelant,

- ni les statuts ni la loi n'exigent que le candidat au poste de président présente son programme préalablement à la révocation du président en poste,

- la procédure de révocation n'était soumise à aucun préalable de médiation,

- l'intervention de M. [M], qui est de la famille de l'appelant, a été l'intermédiaire de ce dernier pour retarder sa révocation et monnayer son départ,

- l'accès à la messagerie professionnelle de l'appelant a été très limité dans le temps ; il s'agissait d'un accès conjoint avec l'appelant qui a conservé le sien ; cet accès était nécessaire durant son arrêt maladie pour la continuité du développement commercial du groupe ; aucune intention de nuire ou volonté vexatoire à ce sujet,

- concernant la ligne téléphonique, un délai a été accordé à l'appelant pour conserver son ordinateur, sa tablette, son téléphone et sa voiture professionnelle ; c'est la société TDS Support qui est titulaire de la ligne téléphonique et la société Easylife peut en disposer librement ; la suspension rapide du numéro était nécessaire pour assurer le suivi des clients, gérer l'hostilité manifeste de l'appelant ; l'appelant a pu conserver l'historique de ses appels, ses contacts, SMS et MMS ; le tribunal de commerce de Lyon puis l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 17 novembre 2020 ont débouté l'appelant de sa demande d'interdiction à la société Easylife d'utiliser le numéro de téléphone mobile professionnel.

La société Tandem Developpement Service réplique que :

- la procédure de révocation de l'appelant n'a été ni brutale, ni vexatoire, mais régulière dans le respect de l'obligation de loyauté alors que la révocation de l'appelant pouvait être décidée à tout moment et sans juste motif,

- l'appelant lui-même avait accepté sa libre révocabilité à tout moment et sans motivation nécessaire et il n'avait pas reçu d'assurances, le passé des relations entre les associés étant indifférent quant à la révocation,

- les statuts imposaient que la révocation soit prononcée par l'assemblée générale des associés et que la demande de convocation d'une telle assemblée générale soit adressée par le président de la société ou à celui-ci ; une demande de convocation par un mandataire désigné en justice ne pouvait être faite qu'en cas de carence du président, ce qui a été confirmé par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 12 juin 2019,

- pendant les 5 mois de procédure menant à la révocation, l'appelant a eu une parfaite connaissance des sujets précis sur lesquels il était invité à s'expliquer ; il s'est ainsi expliqué pendant 3 heures lors de l'assemblée générale du 14 octobre 2019,

- les modalités de mise en oeuvre des conséquences de la révocation n'ont pas été vexatoires, notamment concernant la restitution du matériel professionnel ; elles n'ont pas porté atteinte à l'honneur ou à la réputation de l'appelant, ne faisant l'objet d'aucune publicité de la part de l'intimée ou de ses associés, si ce n'est les formalités au registre du commerce et des sociétés,

- il n'y a pas d'exigence préalable de discussion de la révocation éventuelle du président par le comité de surveillance ; l'examen de la révocation ne figurait pas dans les missions de ce dernier,

- la société Brice Robert Participation n'était pas désignée comme présidente avant la révocation de l'appelant ; le projet de texte des résolutions a été établi par l'appelant lui-même qui l'a communiqué préalablement à l'assemblée générale ; dans ce projet, la mention du candidat potentiel ne préjuge pas d'une planification d'avance,

- la nouvelle présidente n'était pas tenue de présenter ses projets pour l'avenir, préalablement à sa nomination et à la révocation de l'appelant,

- il est faux d'affirmer que le véritable motif de sa révocation était un montage fiscal,

- la procédure de révocation n'était pas soumise à une médiation préalable,

- l'auteur de la proposition de médiation est la société GP Conseil, dont le gérant est l'oncle de l'épouse de M. [L] ; le refus de la proposition n'était en rien vexatoire,

- l'accès à la messagerie professionnelle de l'appelant le 11 septembre 2019 était parfaitement justifié, sans intention vexatoire ou de nuire ; l'accès était d'une durée très limitée et simultané avec celui de l'appelant ; en tout état de cause, cet accès est sans lien avec la procédure de révocation engagée,

- la ligne téléphonique est la propriété de la société TDS Support qui en avait la libre disposition ; l'usage personnel de cette ligne professionnelle n'est qu'accessoire ; la suspension de la ligne était nécessaire pour protéger les intérêts de la société et prévenir les difficultés avec les clients, l'appelant ayant démontré qu'aucune transmission paisible des dossiers ne pouvait être assurée, ; la suspension permettait également à l'huissier d'intervenir et préserver la vie privée de l'appelant s'il l'avait souhaité.

Sur ce,

En droit, aucune disposition légale ne se rapporte à la révocation d'un dirigeant de SAS de sorte qu'il convient de se reporter aux statuts pour connaître les conditions dans lesquelles ce dirigeant peut être relevé de ses fonctions.

Il résulte des statuts que :

- l'article 16.1 se rapportant au président stipule que 'la cessation des fonctions de président pour quelque cause que ce soit ne donne lieu à aucune indemnité de quelque nature que ce soit sous réserve de conventions particulières qui pourront être conclues entre la société et son président (...) La révocation du président s'effectue par décision collective des associés statuant en la forme ordinaire ou par une décision de l'associé unique. Elle n'a pas à être motivée et peut intervenir à tout moment...' .

La révocation d'un dirigeant peut ainsi intervenir à tout moment et ne revêt un caractère abusif que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à sa réputation et à son honneur ou si elle a été décidée brutalement et sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice de cette révocation.

Ainsi, il n'appartient pas à la cour d'apprécier la pertinence des griefs formulés contre le dirigeant et le bien fondé du vote de révocation mais uniquement les circonstances de la révocation pour déterminer si elle a été abusive et si elle a causé un préjudice indemnisable.

Il est d'ores et déjà relevé de manière liminaire que M. [L] fait constamment l'amalgame dans ses conclusions entre les circonstances de la révocation et les motifs de celle-ci qui sont indifférents au regard des statuts.

Ainsi, la pièce 7-3 constitué de courriels datés de décembre 2018 dans le cadre de la signature d'un pacte d'associés n'établit nullement que des assurances données à M. [L] par divers salariés rendraient la révocation abusive, ni qu'il aurait reçu une garantie de maintien dans ses fonctions, étant rappelé que cette révocation pouvant intervenir en tout état de cause à tout moment sans justes motifs. Par ailleurs, cette demande de convocation est intervenue dans un contexte où M. [L] lui-même (pièce 43 intimés) avait exprimé récemment le choix de se désengager de son rôle de président de sorte que la demande de convocation d'une assemblée générale en vue d'une révocation est intervenue dans un contexte troublé par les hésitations du dirigeant lui même et non de manière brutale dans un contexte sans nuages.

Les tergiversations sur la tenue et la participation à un comité de surveillance ne sont pas de nature non plus à rendre irrégulières la révocation qui répond aux conditions des statuts.

Il résulte ensuite des productions que si M. [L] a dans un premier temps obtenu l'ajournement d'une assemblée générale convoquée de manière trop rapide, la procédure suivie ensuite et ayant abouti à sa révocation lui a permis de bénéficier d'un délai de trois mois qu'il a lui-même fixé (porté à quatre mois pour raisons médicales) pour préparer l'assemblée générale devant statuer sur sa révocation de sorte que cette révocation n'a pas été décidée de manière précipitée mais au bout d'un délai largement suffisant pour qu'il puisse présenter des arguments. Il est d'ailleurs relevé que M. [L] a pu remettre en vue de cette assemblée un premier 'rapport du président présenté à l'assemblée générale ordinaire en date du 16 septembre 2019" ; par ailleurs, il avait eu connaissance des sujets sur lesquels il était invité à s'expliquer.

Il apparaît ainsi que M. [L] a maîtrisé le calendrier de la convocation de l'assemblée et a disposé largement de tout le temps nécessaire pour exprimer son point de vue par écrit avant l'assemblée litigieuse.

Il résulte également du procès-verbal de l'assemblée générale que M. [L] a pu longuement exprimer son point de vue, ce qui a été constaté par procès-verbal d'huissier et le fait qu'une médiation n'ait pas été souhaitée par la majorité des associés ne caractérise pas une révocation vexatoire.

Ainsi que justement relevé par les intimés, il était nécessaire de présenter aux associés le candidat éventuel de sorte qu'il ne peut être reproché aux intimés d'avoir porté à la connaissance de tous une candidature de remplacement à M. [L] dont la révocation était demandée et la présidente n'a été désignée qu'après la révocation de l'appelant, ce qui est tout à fait régulier ; par ailleurs, ni les statuts ni la loi n'exigent que le candidat au poste de président présente son programme préalablement à la révocation du président en poste de sorte que ce motif est inopérant.

L'obligation de loyauté des associés a donc été respectée dans le processus de révocation.

S'agissant de l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc pour procéder aux convocations, force est de constater que M. [L] qui avait seul le pouvoir de convoquer l'assemblée générale de sorte que les associés étaient tenus de s'adresser à nouveau à lui, que lui-même n'a pas sollicité une telle désignation comme il l'aurait pu le faire mais a manifestement préféré lui-même le délai conséquent de convocation, que par ailleurs, les associés avaient bien présenté une telle demande de désignation mais que le juge des référés, tout en estimant la convocation par les associés irrégulière, n'a pas répondu à cette prétention.

M. [L] ne rapporte par ailleurs aucune preuve concrète de ce qu'il a été porté atteinte à son honneur et à sa réputation puisqu'il n'est justifié d'aucune publicité ou communication externe quant à la révocation de l'appelant par les intimés.

Les modalités de reprise de ses moyens de travail sont la conséquence de la révocation et ne concernent pas celle-ci. Quant à l'utilisation ponctuelle de son téléphone pendant son absence, cet événement ne concerne pas plus la révocation mais est dû à son absence ponctuelle pendant un arrêt maladie et aux nécessités de la continuation de l'activité de la société.

Enfin, les autres arguments de M. [L] concernent en fait les motifs de la révocation qu'il conteste mais ils ne sont pas recevables eu égard aux statuts et ne peuvent caractériser une révocation abusive donnant droit à l'octroi de dommages intérêts.

Il découle de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que la révocation de M. [L] était conforme aux statuts et ne revêtait pas un caractère vexatoire.

Sur la responsabilité personnelle de M. [F]

M. [L] fait valoir que :

- les actionnaires majoritaires ont confirmé leur intention de lui nuire en engageant leur responsabilité personnelle et M. [F] aurait dû observer une certaine retenue dans le litige entre actionnaires en tant que directeur des opérations,

- son rôle de président a été nié par M. [F], lequel a refusé de donner lecture du discours du concluant à l'ensemble des collaborateurs au cours de la convention d'entreprise du mois d'août 2019, profitant de sa maladie pour le laisser paraître démissionnaire,

- M. [F] a suspendu l'accès de l'appelant à sa messagerie électronique en changeant son mot de passe pendant une durée de 5 heures, en sus de surveiller ladite messagerie,

- il a fait l'objet de dénigrement de la part de M. [F] dans les relations entre actionnaires pour porter atteinte à son image et lui imputer les difficultés de l'entreprise, dans la communication avec le personnel, ce dernier évoquant notamment sa fatigue ou des inquiétudes des actionnaires, afin de nuire et d'atteindre à sa réputation,

- la société Brice Robert Participations a supprimé son numéro de téléphone privé, et l'a affecté à M. [F] ; en l'absence de comportement frauduleux reproché au concluant, rien ne justifiait la suppression de son numéro.

M. [F] et les sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny Holding répliquent que :

- M. [F] et l'appelant avaient les mêmes pouvoirs de sorte que le premier n'a pas pu tenter de s'approprier ceux du second et M. [F] s'est largement impliqué pour pallier 'l'essoufflement' de l'appelant durant 2 ans et demie,

- lors de la convention qu'il avait organisée, M. [F] n'a pas donné lecture du discours de l'appelant reçu tardivement et par risque de redondance avec le sien qu'il a adapté pour prendre en compte celui de l'appelant,

- l'accès à la messagerie professionnelle de l'appelant a été très limité dans le temps ; il s'agissait d'un accès conjoint avec l'appelant qui a conservé le sien ; cet accès était nécessaire durant son arrêt maladie pour la continuité du développement commercial du groupe ; aucune intention de nuire à ce sujet ou négation du rôle du président ; ce moyen de l'appelant est redondant,

- les deux correspondances invoquées par l'appelant viennent en réponse à ses propres écrits incriminant directement M. [F],

- la lettre de M. [F] aux associés était légitime et ne comportait ni dénigrement, ni discrédit, ni n'entachait la réputation ou critiquait l'appelant,

- le mail de M. [F] aux salariés est une réponse contrainte à la tentative de déstabilisation de la part du président et visait à informer et rassurer les collaborateurs et rétablir les choses ; le mail ne comporte ni dénigrement, ni discrédit, ni n'entache la réputation ou critique l'appelant ; le mail de Mme [G] du 9 octobre témoigne de cette situation fustigeant l'agressivité de l'appelant ;

- les correspondances de l'appelant à l'encontre de M. [F] et diffusées publiquement aux collaborateurs de la société afin de le discréditer sont vindicatives et virulentes,

- depuis plus d'un an, l'appelant préparait et évoquait très régulièrement son souhait de sortir de la société en cessant ses fonctions et en cédant ses actions, de sorte qu'aucune volonté de nuire de M. [F] n'est caractérisée,

- concernant la ligne téléphonique qui aurait été supprimée par la société Brice Robert Participations, l'argumentation est redondante ; le titulaire de cette ligne professionnelle est la société TDS Support ; la reprise de la ligne par cette dernière après la révocation était justifiée et légitime,

- ni la société, ni les associés n'ont fait de publicité ou communication externe quant à la révocation de l'appelant,

- à l'inverse, l'appelant a fait preuve d'un comportement malveillant concomitamment et postérieurement à sa révocation, notamment en adoptant une attitude vindicative continue à ce jour et en accordant une rupture conventionnelle dissimulée favorable à son épouse ; il a ensuite de sa révocation fait preuve de mauvaise volonté délibérée dans la restitution de son matériel.

La société Tandem Developpement Service fait valoir que :

- l'appelant ne justifie pas de l'existence d'une faute personnelle précise séparable des fonctions, intentionnelle, d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales du dirigeant ou des prérogatives attachées à la qualité d'associé, ni même d'une intention de nuire ; M. [F] et lui avaient les mêmes pouvoirs de sorte qu'il n'y a pas eu d'appropriation,

- l'appelant n'était pas impliqué dans l'organisation et l'animation de la convention annuelle des collaborateurs du groupe depuis des années de sorte qu'il n'y a pas eu de négation du rôle du président par M. [F],

- concernant l'accès simultané à la messagerie de l'appelant, et non sa suspension, M. [F] en avait le pouvoir ; il ne caractérise ni faute personnelle, ni intention de nuire,

- aucun dénigrement ou volonté de nuire à la réputation et à l'honorabilité professionnelle de l'appelant de la part de M. [F] n'a existé, ni face aux associés, ni face aux collaborateurs de l'entreprise ; l'intimé n'a fait que fournir des réponses à l'appelant qui cherchait à prendre les salariés à témoin, et n'a d'ailleurs divulgué aucune information,

- la suspension de la ligne téléphonique professionnelle a était réalisée régulièrement, sous contrôle d'un huissier de justice pour préserver la vie privée de l'appelant ; elle ne caractérise ni volonté malveillante des associés majoritaires, ni intention de nuire.

Sur ce,

Il résulte des productions :

- que M. [L] disposait d'une ligne téléphonique portable souscrite préalablement à la création de la société et dont l'abonnement a été pris en charge par cette société à compté de sa création,

- qu'il a été demandé à M. [L] par courrier du 15 octobre 2019 de remettre sans délais l'ensemble des documents et informations en sa possession concernant les activités, notamment mais pas exclusivement, de nature commerciale et relations humaines de la société pour permettre une transition prompte et efficace, ainsi que la carte bancaire, de la société, les justificatifs des dépenses de cette carte, les clefs des bureaux et du garage de la société,

- que M. [L] était autorisé à conserver le téléphone portable, l'ordinateur portable, l'Ipad, et la voiture de société jusqu'au 30 octobre et il lui était laissé le temps nécessaire pour reprendre ses affaires, que l'accès à la ligne téléphonique de la société TDS suport utilisé par l'appelant pour ses fonctions professionnelles et l'accès à la messagerie professionnelle ont été suspendus,

- que par procès-verbal des 14 et 20 novembre 2019, l'huissier de justice mandaté par la société a constaté avoir effacé des supports informatiques de la société, les données personnelles de M. [L] et lui avoir remis une clé USB contenant ces données,

- que M. [L] a contesté cette demande, qu'il a diligenté une action en référé pour se faire attribuer le numéro téléphonique professionnel qu'il utilisait en faisant valoir qu'il était personnel et obtenir le tri de ses e-mails et documents personnels,

- que le véhicule, l'ordinateur portable et le téléphone ont été restitués le 4 décembre 2019 après demandes diverses notamment par une sommation d'huissier, que l'Ipad n'a été restitué que suite à une ordonnance de référé du 14 janvier 2020,

- que par arrêt du 10 novembre 2020, la cour d'appel de Lyon a principalement jugé irrecevable la demande de M. [L] en restitution de la ligne téléphonique, débouté M. [L] de sa dmande de nullité des constats d'huissier, dit que c'est à bon droit que le juge des référés a désigné le président de la chambre départementale des huissiers aux fins de procéder au tri des messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de M. [L] de ceux à caractère personnel, et de remettre à ce dernier sur un support exploitable les données identifiées comme sa propriété, opérations à réaliser dans les locaux de la société.

Il est rappelé que la perte immédiate d'accès du dirigeant à son adresse électronique, son serveur, la demande de restitution sans délai du véhicule, l'interruption de la ligne téléphonique sont inhérents à la cessation des fonctions.

La société a dans ce cadre laissé un délai suffisant à M. [L] pour y procéder mais M. [L] qui n'a pas admis sa révocation n'a pas spontanément répondu aux demandes de restitutions et a fait obstacle prolongé à certaines d'où la procédure rappelée supra. Au regard de son propre comportement fautif, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice né du comportement abusif de ses adversaires dans la reprise de ses moyens de travail.

De même, M. [L] procède par affirmations sur un certain nombre de reproches (omission de la lecture d'un discours, comportement dénigrant imputé à ses adversaires) alors qu'il n'était lui même guère amène dans ses propres correspondances.

Il n'est pas par ailleurs démontré que l'accès partiel et très temporaire à sa messagerie pendant un arrêt de travail répondait à un autre motif que des impératifs de bonne marche de la société et lui aurait porté préjudice.

Par contre, ainsi que justement retenu par le tribunal de commerce, le courriel du 8 octobre 2019 adressé par M. [F] à divers correspondants manque de retenue et se révèle particulièrement indélicat en ce qu'il fait état de manière circulaire des problèmes personnels de M. [L] et de ses problèmes de santé, ce qui est inadapté.

Ce courrier est effectivement préjudiciable à M. [L] en ce qu'il révèle des éléments qui lui sont personnels et doit donner lieu à indemnisation.

Sur les préjudices allégués par M. [L]

M. [L] fait valoir que :

- la responsabilité collective des actionnaires est engagée, ainsi que la responsabilité personnelle de M. [F],

- il a subi un préjudice financier de sa révocation vexatoire et abusive ; son activité sur le réseau Linkedin ne caractérise pas un 'rebond professionnel' ; il a été placé, sans indemnité de départ ni chômage, dans une situation financière délicate ; le rebond a été rendu impossible par le caractère vexatoire de la révocation et la perte de sa ligne téléphonique ; compte tenu de sa qualité de fondateur de la société, de son ancienneté, de son niveau de rémunération et de son âge, il doit obtenir une indemnité de 3 ans de rémunération brute,

- il a subi un préjudice moral des circonstances de sa révocation vexatoire ; il a souffert de problèmes de santé physique et psychologique attestés par un médecin et attribué à ces circonstances, d'un arrêt de travail qualifié d'accident du travail ; il a subi un trouble familial puisque son épouse, directrice des ressources humaines de la société, a dû être placée en arrêt maladie,

- il a subi un préjudice né de l'atteinte à son honorabilité et sa réputation professionnelle par M. [F], et un préjudice moral subséquent de 200.000 euros, lequel ne se confond pas avec le préjudice moral susvisé,

- il a enfin subi un préjudice de perte de chance de détenir et valoriser des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise représentant 12% du capital de la société, les actionnaires majoritaires faisant tout pour l'empêcher d'avoir une vision sur l'avenir de la société malgré des demandes répétées de sa part ; ce préjudice est évalué à 270.025 euros qui doit être réparé par les actionnaires majoritaires.

M. [F] et les sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny Holding répliquent que :

- l'appelant doit être débouté en raison de la parfaite régularité de sa révocation et de l'absence de faute civile des associés,

- la perte de chance de conserver les fonctions pendant plusieurs années, la relation antérieure ayant existé entre le dirigeant révoqué et la société, ou les conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé notamment sur ses revenus ne sont pas pris en compte par la jurisprudence pour la détermination des dommages et intérêts en cas de révocation vexatoire,

- les statuts de la société ne prévoient pas d'indemnité pour le président révoqué,

- l'appelant a refusé deux propositions de rachat de ses actions, de sorte qu'il est seul responsable de sa situation financière,

- le préjudice financier n'est pas justifié,

- concernant le préjudice moral, la révocation pouvant avoir lieu à tout moment, la question d'un vrai motif est indifférente, en plus d'être infondée,

- l'appelant est responsable du calendrier de sa révocation ; il a lui-même placé son épouse dans cette situation,

- sur les problèmes de santé physique et psychologique, les pièces produites pour la première fois en cause d'appel sont très postérieures à la révocation et il n'y a pas eu de harcèlement,

- la demande relative à l'atteinte à l'honorabilité par M. [F] est exorbitante ; l'accès à sa messagerie était nécessaire et bref ; le dénigrement n'est pas caractérisé ; la reprise de la ligne téléphonique était justifié ; M. [F] n'a commis aucune faute personnelle ou détachable ; c'est l'appelant lui-même qui a créé la situation tendue et non discrète ; aucun préjudice n'a à être réparé sur ce fondement,

- concernant le préjudice de perte de chance des BSPCE, ce n'est pas à cause des intimés que l'appelant ne les a pas souscrits ; il a de plus refusé deux propositions de rachat par des fonds d'investissement les valorisant à un million d'euros, de sorte qu'il ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice à ce titre.

La société Tandem Developpement Service réplique que :

- les dommages et intérêts en cas de révocation abusive réparent le préjudice subi du fait des circonstances ayant entouré la révocation, et non du fait de la perte des fonctions et la demande de 3 ans de rémunération brute est contraire aux statuts et à la jurisprudence,

- l'appelant a reçu deux propositions à durée limitée de fonds d'investissements valorisant ses BSPCE plus d'1 million d'euros, qu'il a refusées alors qu'il disposait des informations nécessaires ; ce choix fait obstacle à toute réparation d'un préjudice à ce titre tant pour le préjudice financier que pour la perte de chance ; en outre, le calcul de la différence entre le prix de souscription et les dernières acquisitions est inexact,

- concernant le prétendu préjudice moral, les circonstances ayant entouré la révocation de l'appelant ont été compliquées par le seul fait de ce dernier qui a confisqué le calendrier dans son intérêt personnel ; la procédure était régulière et l'obligation de loyauté de l'intimée a été respectée ; la prétendue brutalité n'est pas caractérisée,

- l'arrêt de travail de l'appelant a été rédigé par lui-même après son départ alors qu'il n'en avait pas le pouvoir afin de se constituer une preuve ; elle l'a ensuite contesté mais la CPAM a maintenu la qualification d'accident de travail ; par une décision en date du 11 février 2022, la commission de recours amiable a déclaré inopposable à l'intimée la décision de prise en charge du prétendu accident professionnel ; l'existence du préjudice moral n'est pas caractérisée et il ne peut être imputé aux intimés,

- concernant l'atteinte à l'honorabilité et à la réputation professionnelle imputé à M. [F], aucune pièce produite par l'appelant ne caractérise le préjudice ; l'appelant est seul responsable de la tension issue du retard de la révocation et de la publicité de la situation ; aucune déloyauté, intention de nuire ou volonté d'humiliation de la part de M. [F] n'est caractérisée.

Sur ce,

Au regard de la révocation régulière de M. [L], et nonobstant l'arrêt de travail dont il a justifié, ce dernier ne peut prétendre à des dommages intérêts au titre de cette révocation, qu'il s'agisse de l'indemnisation d'un préjudice moral ou d'un préjudice financier.

Il est d'ailleurs rappelé que seul peut donner lieu à réparation le caractère vexatoire de la révocation et non une perte de chance ou de rémunération alors que les statuts de la société ne prévoient aucune indemnité de quelque nature que ce soit au bénéfice du président en cas de cessation de ses fonctions de sorte que M. [L] ne pouvait en tout état de cause rien réclamer au titre d'un préjudice matériel et financier né de sa révocation.

S'agissant du préjudice né de la perte de chance de souscrire et valoriser les BSPCE, M. [L] qui a refusé des propositions à ce titre ne caractérise aucun préjudice indemnisable découlant du comportement fautif de ses adversaires, ne procédant que par affirmations.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de dommages intérêts de M. [L] hormis la demande de dommages intérêts présentée à l'encontre de M. [F].

Cependant la somme de 200.000 euros sollicitée par M. [L] en réparation de son préjudice est totalement démesurée et celle accordée par le tribunal de commerce à hauteur de 20.000 euros est manifestement excessive. Le préjudice subi par M. [L] est plus justement évalué à 5.000 euros.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef et dans ce sens.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [L] qui succombe au principal sur la quasi intégralité de ses prétentions a la charge des dépens d'appel, les dépens de première instance étant cependant confirmés mais pas la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui est rejetée.

M. [L] versera à la société Tandem Développement la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il versera de même à chacune des sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la demande de M. [F] sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [P] [F] à payer à M. [Y] [L] la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts et la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [P] [F] à payer à M. [Y] [L] la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts.

Déboute M. [Y] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [P] [F].

Déboute M. [P] [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [L].

Condamne M. [Y] [L] à payer à chacune des sociétés Tando, Brice Robert Participations et Orny Holding, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la société Tandem Développement Service la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [Y] [L] aux dépens d'appel.