CA Paris, Pôle 6 ch. 12, 2 juin 2023, n° 21/00326
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
CPAM du Val de Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carbonaro
Conseillers :
M. Revelles, M. Buffet
Avocats :
Me Me Ferchaux-Lallement, Me Devaux, Me Janin, Me Taboure
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [B] [H] est décédé le 21 juillet 2015 à 19 h30 après avoir été victime à sa prise de poste d'un début de malaise et avoir été transporté à l'Hôpital [9] à [Localité 6] ; qu'un certificat médical initial a été rédigé le 21 juillet 2015 par le Professeur [X] [Z] du service réanimation cardio-vasculaire de l'Hôpital [9] qui a diagnostiqué un « arrêt cardio respiratoire compliquant un syndrome coronarien aigu » et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 21 juillet 2015 ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne a refusé la prise en charge de cet événement au titre de la législation sur les risques professionnels au motif de l'absence d'imputabilité de la lésion au sinistre ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, Mme [T] [H] a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil et a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine du décès de son mari.
Le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Créteil, devenu le tribunal judiciaire de Créteil le 1er janvier 2020.
Par jugement du 28 octobre 2020, le tribunal a :
- rejeté la demande présentée par Mme [T] [H], tant en son nom propre qu'au nom des ayants droit de Feu [B] [H] tendant à voir reconnaître le caractère d'accident du travail à l'événement survenu le 21 juillet 2015 ;
- dit que la demande présentée par Mme [T] [H], tant en son nom propre qu'au nom des ayants droit de Feu [B] [H], tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de Feu [B] [H] dans la survenance de l'événement du 21 juillet 2015 est sans objet ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
Le tribunal a retenu que l'absence de maladie cardiovasculaire en 2009 ne permet pas d'exclure la survenance ultérieure d'un état pathologique cardio-vasculaire. Le malaise est survenu en effet six années après cet examen. Il a ajouté que si Feu [B] [H], devenu président de la commission médicale d'établissement de l'Hôpital [10], a pu éprouver des difficultés et du sans aucun doute travailler davantage pour assurer le cumul de ses deux fonctions, aucun élément ne permet d'établir que ce cumul de fonctions ait pu jouer un rôle dans l'accident ou même dans une dégradation de son état de santé. Il n'apparaît pas non plus que l'employeur ait imposé à la victime cette seconde fonction. Les déclarations de [M] [O], qui présente le parcours professionnel de Feu [B] [H] et la passion que celui-ci éprouvait pour son métier, ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque particulier dans les conditions de travail de la victime ni même que l'employeur ait pu avoir conscience d'un risque éventuel. Il a retenu l'existence d'une premier compte-rendu d'hospitalisation du 23 juillet 2015 mentionnant dans la rubrique relative aux « antécédents médicaux », l'existence d'une « Hypertension artérielle » et dans la rubrique « Traitement habituel » la prise de « bêtabloquant ». Ce compte rendu indique dans la rubrique intitulée « Histoire de la maladie » que le patient présente le 21 juillet 2015 une dyspnée d'effort brutale lors de la montée d'une pente , puis il s 'écroule à l'arrivée sur son lieu de travail à 09h20. Le tribunal a constaté que la première version du compte rendu d'hospitalisation détaille précisément les antécédents médicaux et les circonstances du malaise survenu à la suite d'un essoufflement, également appelé dyspnée, ressenti lors de la montée d'une pente, avant d'arriver sur le lieu de travail. Il en a conclu que la première version du compte-rendu d'hospitalisation fait donc bien mention d'un état pathologique existant antérieurement au malaise. Il a retenu ce certificat au regard des mentions portées sur le certificat initial, réalisé de façon exhaustive et rigoureuse dans l'intérêt même de la réussite de l'orientation des soins à dispenser au patient. Il a retenu l'absence d'éléments objectifs susceptibles de démontrer que le décès de Feu [B] [H] est imputable au travail.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 1er décembre 2020 à Mme [T] [H] qui en a interjeté appel en son nom et en celui ce ses enfants par déclaration formée par voie électronique le 17 décembre 2020.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, Mme [T] [H], agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants mineurs [J] [H] et [E] [H] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Créteil le 28 octobre 2020, en ce qu'il a :
- rejeté la demande tendant à voir reconnaitre le caractère d'accident du travail à l'événement survenu le 21 juillet 2015 ;
- dit que la demande présentée tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de Feu [B] [H] dans la survenance de l'événement du 21 juillet 2015 est sans objet ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens ;
statuant a nouveau,
- recevoir l'intégralité de ses demandes, moyens et prétentions ;
- juger que le décès de [B] [H] est imputable au Travail et résulte d'un accident à caractère professionnel ;
- juger que [B] [H] a été victime d'un accident du travail ;
- juger que la législation sur les accidents du Travail est applicable ;
- juger que Mme [T] [H] et les ayants droits de [B] [H], [J] et [E] [H] doivent bénéficier des prestations afférentes conformément aux dispositions des articles L. 434-7 et suivants du code de la sécurité sociale ;
- ordonner à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne de liquider les rentes et de verser les sommes dues aux ayants droits, Mme [T] [H], [J] [H] et [E] [H] et la condamner à liquider l'ensemble des sommes dues aux ayants droits, en suite de l'accident imputable au travail de [B] [H] ;
en conséquence,
- dire que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne liquidera les rentes de chacun des ayants droits et servira aux ayants droits, les prestations afférentes conformément aux dispositions des articles L. 434-7 du Code de la Sécurité Sociale et suivants ;
- juger que l'Association Hôpital [10], en sa qualité d'employeur, a commis une faute inexcusable ;
- juger que Mme [T] [H], agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants mineurs [J] [H] et [E] [H] est fondée à prétendre à une majoration des indemnités qui leur sont dues en application de l'article L. 452-1 et suivants ;
- juger que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne liquidera et versera à Mme [T] [H], [J] [H] et [E] [H] une rente complémentaire majorée en application de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale et servira aux ayants droits les prestations afférentes ;
- fixer le préjudice moral de Mme [T] [H], [J] [H] et [E] [H], à hauteur de 15 000 euros, chacun ;
- condamner solidairement la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne et l'Association Hôpital [10] à régler à Mme [T] [H], [J] [H] et [E] [H], la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;
- dire et juger que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne fera l'avance de toutes les sommes dues et pourra se retourner contre l'employeur conformément aux dispositions des articles L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
- dire que lesdites condamnations seront assorties des intérêts légaux et anatocisme conformément aux articles 1231-6 et 1243-2 du Code Civil, à compter de la demande, les intérêts étant majorés de 5 points dans les conditions de l'article L. 313-3 du Code Monétaire et Financier ;
- condamner solidairement l'Association Hôpital [10] et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance, et subsidiairement l'Association Hôpital [10] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la première instance ;
- condamner solidairement l'Association Hôpital [10] et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel et subsidiairement l'Association Hôpital [10] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel ;
- condamner solidairement l'Association Hôpital [10] et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne aux entiers dépens et subsidiairement l'Association Hôpital [10] aux entiers dépens.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, l'Association Hôpital [10] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Créteil du 28 octobre 2020 ;
- débouter les ayants-droits du Docteur [H] de l'intégralité de leurs demandes ;
à titre subsidiaire :
sur le caractère non professionnel du sinistre du 21 juillet 2015 ;
- confirmer la décision de refus de prise en charge du 28 septembre 2015 ;
- débouter les ayants-droits du Docteur [H] de l'intégralité de leurs demandes ;
à titre très subsidiaire : sur la faute inexcusable :
- juger que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas rapportées ;
- débouter les ayants-droits du Docteur [H] de l'intégralité de leurs demandes ;
à titre infiniment subsidiaire : sur l'indemnisation ;
- juger que le principe et le quantum des demandes indemnitaires ne sont pas rapportés ;
- débouter les ayants-droits du Docteur [H] de l'intégralité de leurs demandes ;
en tout état de cause,
- juger que la majoration de la rente ne pourra être effectuée que dans le strict respect des dispositions de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;
- rejeter le recours subrogatoire qui serait sollicité par la Caisse primaire à son encontre de compte tenu de la décision définitive de refus de prise en charge intervenue le 28 septembre 2015.
Par conclusions écrites visées complétées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne demande à la cour de :
- dire que c'est à bon droit qu'elle a refusé à Mme [T] [H] de reconnaître un caractère professionnel au malaise dont a été victime son conjoint le 21 juillet 2015 et à la suite duquel, il est décédé ;
- débouter les ayants-droit de [B] [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- à titre subsidiaire ordonner une expertise médicale ;
- déclarer sans objet la demande de reconnaissance de la faute inexcusable sollicitée par les ayants droit de [B] [H] ;
en tout état de cause,
- condamner l'hôpital [10] à l'ensemble des conséquences financières liées à une éventuelle reconnaissance de sa faute inexcusable.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 23 mars 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
Motivation
SUR CE,
Sur l'existence d'un accident du travail
Mme [T] [H], agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants mineurs [J] [H] et [E] [H] expose que si un salarié décède au travail à la suite d'un malaise, pour détruire la présomption d'imputabilité, il ne suffira pas à la Caisse ou à l'employeur de faire valoir que les fonctions occupées par le salarié ne l'exposaient à aucun risque particulier, que ses conditions de travail étaient normales et qu'il ne présentait pas de stress particulier dû à son emploi ou encore qu'aucune anomalie quelconque n'a été retenue le jour du décès ; qu'il convient de démontrer que le travail est totalement étranger au décès ; que , le fait que la victime ait éventuellement pu présenter un état pathologique antérieur étant indifférent, la dolorisation ou l'aggravation d'un tel état, survenue à l'occasion du travail constituant un accident du travail ; que l'événement, à savoir le malaise de [B] [H], a une date certaine, puisqu'il est établi qu'il a eu lieu le matin du 21 juillet 2015 ; qu'il s'agit donc d'un événement précis survenu soudainement au cours du travail, puisque la victime s'est effondrée dans son bureau alors qu'il était en service et accueillait un médecin pour étudier le dossier médical d'un malade ; que cet événement a engendré une lésion corporelle, à savoir un arrêt cardio-respiratoire, apparu concomitamment au malaise, fait accidentel ; que cet événement est lié au travail, en ce sens qu'il a eu lieu sur le temps du travail et sur le lieu du travail et alors que [B] [H] était sous l'autorité de son employeur puisqu'il était à son poste de travail ; qu'à suivre l'argumentation de l'employeur, les dépendances, aires de stationnement, et toutes voies d'accès à l'intérieur de l'enceinte de l'entreprise sont en tout état de cause considérées comme des lieux de travail ; que ni la Caisse, ni l'employeur ne rapportent la preuve que le décès de [B] [H] résulte d'une cause totalement étrangère au travail et la seule mention d'antécédents d'hypertension, dans un compte rendu d'hospitalisation, au demeurant contesté et contestable, ne serait suffire à emporter la conviction de la Cour ; que les intimées ne produisent aucun élément sur la cause de l'infarctus et ne précise nullement quelle pourrait être la cause de celui-ci ; que, par ailleurs, ils n'apportent aucun élément de nature à identifier une cause certaine totalement étrangère au travail ; quand bien même [B] [H] aurait été traité pour de l'hypertension, ces conditions de travail auraient clairement favorisé ce prétendu état pathologique et ne peuvent être considérées comme totalement étrangères à son décès ; qu'il ne fait aucun doute que [B] [H] était surmené professionnellement et que le stress professionnel dont il était victime est en lien direct avec son décès.
L'Association Hôpital [10] réplique que le 21 juillet 2015, le Docteur [H] est décédé des suites d'un malaise lors de son arrivée à l'Hôpital, malaise faisant suite à l'effort accompli avant d'arriver au sein de l'Hôpital, ainsi que l'enquête le révélait et ce qui a été indiqué dans les comptes-rendus d'hospitalisation outre qu'il était suivi pour une pathologie cardiaque ; que les conditions de travail du Docteur [H] étaient tout à fait normales le jour de l'incident et les jours précédents et que ce dernier n'a fait part d'aucun événement ni difficulté particulière dans son travail qui aurait pu entraîner un malaise ; qu'il est également fait référence à un état pathologie préexistant ; que le certificat médical établi le 21 juillet 2015 mentionne un arrêt cardio respiratoire compliquant un syndrome coronarien aigu, attestant ainsi de l'existence d'un état antérieur, à savoir une pathologie cardiovasculaire ; que l'enquête a révélé que son salarié était traité pour hypertension ; que le caractère non professionnel de ce sinistre, à savoir un malaise déclenché par un effort réalisé avant l'arrivée dans l'enceinte de l'Hôpital, et manifestement initié avant le début du travail, est donc incontestable.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne expose que son médecin conseil n'a pas trouvé de lien entre la lésion dont est décédé [B] [H] et les conditions de travail ; que le compte-rendu d'hospitalisation produit au soutien de la demande de reconnaissance de l'accident du travail mentionne un état pathologique préexistant de même que par le compte-rendu du service réanimation de l'employeur ; que le travail n'a joué aucun rôle ; qu'à tout le moins, il existe une contestation d'ordre médical qui commande l'organisation d'une mesure d'expertise.
Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n°132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).
Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).
En l'espèce, le certificat initial déposé au soutien de la déclaration d'accident du travail mentionne un arrêt cardiorespiratoire compliquant un syndrome coronarien aigu. La déclaration d'accident du travail établie le 22 juillet 2015, sur le témoignage dudit médecin, précise que le défunt accueillait un médecin externe à son bureau, qu'il a senti un début de malaise et a demandé de l'aide. L'enquête administrative précise ainsi que le malaise cardiaque est survenu alors que l'assuré recevait un médecin afin d'aborder le dossier médical d'un patient.
La preuve est donc rapportée de l'existence d'un événement survenu au temps et au lieu de travail ayant occasionné une lésion. Il appartient donc à la Caisse et à l'employeur de détruire la présomption ainsi rapportée en démontrant l'existence d'un état pathologique antérieur ayant évolué pour son propre compte ou d'une cause étrangère ; que cette cause doit nécessairement être d'origine médicale en l'absence d'état préexistant, que le travail soit ou non une cause de stress professionnel (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-19.160).
Deux comptes-rendus d'hospitalisation ont été communiqués par le Centre Hospitalier [9]. Le premier, celui qui a été communiqué à la caisse par les ayants-droits, fait état d'antécédents d'hypertension artérielle et d'un traitement par bêtabloquant, mentions disparues dans le second. Le premier précise que le défunt avait présenté une dyspnée d'effort brutale lors de la montrée d'une pente, avant de s'écrouler sur son lieu de travail. Il est incomplet faute de préciser l'heure du décès et, dans les conclusions les estimations du No flow et du Low flow.
Toutefois, le compte-rendu du service de réanimation médico-chirurgicale de l'employeur précise que le défunt présentait des antécédents d'hypertension artérielle traitée par du Propanolol LP 160 à raison d'une fois par jour. L'historique de la maladie précise que le défunt, après un effort d'intensité modérée, s'est plaint d'une dyspnée et a fait un malaise lors d'un entretien.
Il apparaît donc que les données du premier compte-rendu d'hospitalisation sont issues des données du dossier médical détenu par l'employeur. La plainte relative à l'existence d'une dyspnée ne peut donc être attestée que par le témoin, lui-même médecin. L'existence de traitements médicaux antérieurs, si elle est contestée par l'appelante, est établie par l'employeur, sachant que le défunt était son propre médecin traitant.
Les comptes-rendus d'hospitalisation de l'hôpital [9] concordent tous deux à mentionner l'importante sténose de l'artère coronaire droite sur les 2/3 de sa longueur et une sténose intermédiaire du tronc commun.
La preuve est donc rapportée de l'existence d'un état antérieur.
Le médecin conseil de la caisse estime qu'il a évolué pour son propre compte, sans qu'en l'état, ne soit déposé un argumentaire médical complet.
Il existe donc une contestation d'ordre médical qui doit être tranchée, dès lors qu'est posée la question de l'évolution pour son propre compte d'un état antérieur, sans incidence des conditions de travail et de la dyspnée d'effort, ou, dans le sens contraire, de la dolorisation de cet état antérieur du fait des conditions de travail ou de la dyspnée d'effort.
Une mesure d'expertise judiciaire sera donc ordonnée.
Il sera sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et les dépens seront réservés.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de Mme [T] [H], agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants mineurs [J] [H] et [E] [H] ;
Avant dire droit,
ORDONNE une expertise confiée au :
Docteur [K] [V],
demeurant [Adresse 5]
Tél : [XXXXXXXX01]
Avec pour mission, parties présentes ou dûment convoquées :
1°) d'entendre les parties, leurs conseils présents ou appelés,
2°) de se faire remettre tous documents utiles,
3°) de décrire l'état de santé de [B] [H] antérieurement à son accident du travail et notamment l'état physiologique de son coeur ;
4°) de dire si l'infarctus dont il a été victime est la résultante d'un état antérieur ayant évolué pour son propre compte, c'est à dire, sans incidence des conditions de travail et de la dyspnée d'effort constatée à un moment immédiatement antérieur à l'accident ;
5°) de communiquer ses conclusions aux parties dans un pré-rapport, leur impartir un délai pour présenter leurs observations, y répondre point par point dans un rapport définitif, et remettre son rapport au greffe et aux parties avant le 2 décembre 2023 ;
DIT que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne devra consigner à la régie de la cour avant le 2 juillet 2023 une provision de 1.000 Euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et qu'à défaut la désignation de l'expert sera caduque ;
SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;
RÉSERVE les dépens ;
ORDONNE le renvoi à l'audience 6-12 du :
Vendredi 2 février 2024 à 13h30,
Salle HUOT-FORTIN, 1H09, Escalier H, Secteur Pôle Social,
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation.