CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 mars 2024, n° 23/02770
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Europe et Communication (SARL), Ascagne (Selas), Mars (Selarl)
Défendeur :
Enez Sun (SAS), ML Conseils (Selarl), Barault - Maigrot (SCP), Altikon (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Bohée, Mme Marcade
Avocats :
Me Lesenechal, Me Legrand, Me Bellichach, Me Hovnanian, Me Millet, Me Bayi
Vu le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- pris acte du désistement d'instance de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Icade Promotion,
- débouté les défendeurs de leur demande d'annulation des constats diligentés les 31 janvier et 2 février 2012 dans les locaux des sociétés Enez Sun et de K-Pub,
- dit que le détournement de clientèle opéré par M. [E] et les sociétés Enez Sun et K-Pub a été accompagné de manœuvres déloyales avec l'utilisation de documents appartenant à la demanderesse,
- débouté la société Europe et Communication de ses demandes de condamnation des sociétés Danhest Home, Altikon et de M. [W] pour collaboration aux agissements de concurrence déloyale de M. [E] et des sociétés Enez Sun et K-Pub,
- débouté la société Europe et Communication de l'ensemble de ses demandes concernant les mesures d'interdiction de toute activité dans les bureaux de vente réutilisables, de destruction de ces bureaux, de condamnation à un préjudice moral et à des dommages et intérêts au titre de la marge perdue, de condamnation des sociétés K-Pub, Altikon ainsi que de MM. [E] et [W] pour investissements détournés et enfin de publication du jugement à intervenir,
- condamné in solidum M. [E] et la société Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la société Europe et Communication pour détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales,
- fixé à la même somme la créance de la société Europe et Communication au passif de la société K-Pub,
- condamné la société Europe et Communication à verser à la société Enez Sun, ainsi qu'à M. [E] la somme de 25 000 euros pour dénigrement,
- débouté les sociétés K-Pub et Danhest Home de leur demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné in solidum aux dépens les sociétés Europe et Communication, Enez Sun et K-Pub ainsi que M. [E], dont ceux à recouvrer par le greffe,
Vu l'appel interjeté le 21 octobre 2016 par la société Europe et communication,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 2) en date du 13 mars 2020 qui a :
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité personnelle de M. [E], débouté la société Europe et Communication de ses demandes au titre de la perte de marge et du préjudice moral, fixé à 200 000 euros le montant du préjudice en réparation des actes de concurrence déloyale et condamné la société Europe et Communication pour dénigrement,
- débouté la société Europe et Communication de toutes ses demandes à l'encontre de M. [E],
- condamné la société Enez Sun à payer à la société Europe et Communication la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale,
- fixé la créance de la société Europe et Communication au passif de la société K-Pub en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale à la somme de 60 000 euros,
- débouté M. [E] et la société Enez Sun de leurs demandes sur le fondement de la concurrence déloyale par dénigrement,
- rejeté toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
- condamné la société Enez Sun aux dépens d'appel et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamnée à payer à la société Europe et Communication la somme de 10 000 euros sur ce fondement, et a rejeté toutes les autres demandes formées à ce titre.
Vu les pourvois en cassation contre cet arrêt formés, d'une part par la société Europe et Communication (P 20-20.404), et d'autre part par la société Enez Sun et M. [E] (P 20-20.538),
Vu l'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique), qui, après jonction des pourvois n° S 20-20.404 et N 20620.538 a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Enez Sun à payer à la société Europe et Communication les sommes de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Europe et communication à l'encontre de M. [E], l'arrêt rendu le 13 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,
- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée,
- dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. [E] et la société Enez Sun,
- condamné la société Enez Sun, agissant tant à titre personnel que venant aux droits de la société K-Pub, et M. [E] aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,
Vu la déclaration de saisine de la présente cour de la société Europe et Communication en date du 31 janvier 2023,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023 par la société Europe et Communication, demanderesse à la saisine, qui demande à la cour :
Statuant dans les limites de la cassation partielle, de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 septembre 2016 en ce qu'il a :
- débouté la société Europe et Communication de ses demandes concernant les mesures d'interdiction de toute activité dans les bureaux de vente réutilisables, de destruction de ces bureaux, de condamnation à un préjudice moral et à des dommages intérêts au titre de la marge perdue, de condamnation de [C] [E] pour investissements détournés et de publication du jugement à intervenir,
- condamné in solidum [C] [E] et la société Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la SARL Europe et Communication,
- débouté la société Europe et Communication de toute demande autre, contraire ou plus ample,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Europe et Communication aux dépens,
Et statuant à nouveau :
- juger la société Europe et Communication recevable et bien fondée en ses demandes,
- donner acte à la société Europe et Communication de ce que la SELAS Ascagne et la SELARL Mars ès qualités ont renoncé à toute demande à son encontre,
- juger sans objet la demande de mise hors de cause de la SELAS,
Ascagne et de SELARL Mars ès qualités,
- donner acte à la société Europe et Communication de ce que la SELAS Ascagne, la SELARL Mars et la SELARL ML Conseils ès qualités ont renoncé à leurs demandes d'annulation des constats des 31 janvier et 2 février 2012,
- donner acte à la société Europe et Communication de ce que la SELARL ML Conseils, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Enez Sun, a renoncé à ses demandes à l'encontre de la société Europe et Communication au titre d'un prétendu dénigrement,
- juger [C] [E], la société Enez Sun et la SELARL ML Conseil ès-qualités irrecevables, et subsidiairement mal fondés, en leurs demandes visant à voir juger que les sociétés K-Pub et Enez Sun n'ont pas commis de faute de concurrence déloyale par utilisation d'informations confidentielles ayant entraîné un détournement de clientèle de la société Europe et Communication ; les en débouter,
- juger que la société Enez Sun a commis et commet depuis 2008 des actes de détournement de secrets d'affaires et de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Europe et Communication,
- juger que [C] [E], en détournant au profit des sociétés K-Pub et Enez Sun qu'il a constituées, les informations confidentielles relatives à l'activité de son ancien employeur, a engagé sa responsabilité personnelle de gérant à l'égard de la société Europe et Communication,
- fixer à la somme de 200 000 euros la créance de dommages intérêts de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun, au titre de son préjudice moral,
- condamner [C] [E] à verser à la société Europe et Communication la somme de 200 000 euros à titre de dommages intérêts, au titre de son préjudice moral,
- fixer à la somme de 1 174 491 euros la créance de dommages intérêts de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun, au titre de son préjudice économique,
- condamner [C] [E] à verser à la société Europe et Communication la somme de 1 174 491 euros à titre de dommages intérêts, au titre de son préjudice économique,
- fixer à la somme de 350 000 euros, la créance de dommages intérêts de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun, au titre du détournement de ses investissements,
- condamner [C] [E] à verser à la société Europe et Communication la somme de 350 000 euros à titre de dommages intérêts, au titre du détournement de ses investissements,
- interdire, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à [C] [E] directement ou par personne interposée, d'importer, fabriquer, détenir, vendre, offrir à la vente, proposer à la location ou louer des bureaux de vente autoportés réutilisables reproduisant les dimensions de ceux de la société Europe et Communication et/ou de reproduire le modèle économique mis au point par cette société pour la commercialisation de ses produits,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou périodiques au choix de la société Europe et Communication et aux frais avancés de [C] [E], dans la limite de 5 000 euros HT par insertion,
- fixer à la somme de 130 000 euros la créance de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixer la créance de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun, au titre des dépens et des frais et honoraires d'huissier par elle exposés à l'occasion des opérations de constat des 7 et 29 décembre 2009, 14 et 26 janvier, 12 avril et 26 octobre 2010, 10 février 2011, 31 janvier et 2 février 2012, 23 décembre 2016, 22 juillet 2017 et 12 septembre 2019,
- juger que les créances de la société Europe et Communication lui seront réglées en un unique dividende, une fois admises définitivement, en exécution du plan arrêté le 12 avril 2016, et qu'elle participera à titre provisionnel aux répartitions faites au profit des créanciers de la société Enez Sun, avant l'admission définitive de sa créance, par application de l'article L. 626-21 3°) du code de commerce,
- débouter la SELARL ML Conseils prise en la personne de Me [O] [R] ès qualités, la société Enez Sun et [C] [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum la SELARL ML Conseils prise en la personne de Me [O] [R] ès qualités et [C] [E] à verser à la société Europe et Communication la somme de 150 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner encore in solidum à rembourser à la société Europe et Communication les débours, frais et honoraires d'huissier par elle exposés à l'occasion des opérations de constat des 7 et 29 décembre 2009, 14 et 26 janvier, 12 avril et 26 octobre 2010, 10 février 2011, 31 janvier et 2 février 2012, 23 décembre 2016, 22 juillet 2017 et 12 septembre 2019,
- les condamner enfin in solidum en tous les dépens dont distraction qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023 par M. [E] et la société Enez Sun, défendeurs à la saisine, qui demandent à la cour de :
Dans les limites de l'arrêt de cassation partielle en date du 7 septembre 2022,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de paris du 12 septembre 2016 en ce qu'il a :
- débouté la société Europe & Communication de l'ensemble de ses demandes concernant les mesures d'interdiction de toute activité dans les bureaux de vente réutilisables, de destruction de ces bureaux, de condamnation à un préjudice moral et à des dommages intérêts au titre de la marge perdue, de condamnation de M. [E] pour investissements détournés, et enfin de publication du jugement à intervenir,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a :
- dit que le détournement de clientèle opéré par M. [E] et les sociétés Enez Sun et K-Pub a été accompagné de manœuvres déloyales avec l'utilisation de documents appartenant à la demanderesse,
- condamné in solidum M. [E] et les sociétés Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la SARL Europe et Communication pour détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC (code de procédure civile),
Statuant à nouveau,
- juger que seuls certains chefs de l'arrêt et du jugement critiqué sont atteints par la cassation partielle,
- juger qu'aucun acte de concurrence déloyale ni aucun acte parasitaire ne peut être reproché ni à la société Enez Sun ni à M. [E] en sa qualité de gérant, en l'absence de savoir-faire/modèle économique original/secret d'affaires/informations confidentielles, de détournement d'investissements, de débauchage massif de salariés, de montage de sociétés, ou encore de prix de dumping, comme cela a été jugé de manière définitive et irrévocable en l'absence de cassation partielle sur ces motifs,
- juger que l'ensemble des demandes de la société Europe et Communication atteintes par la cassation partielle sont non fondées,
En conséquence,
- déclarer irrecevables toutes demandes de la société Europe et Communication non atteintes par la cassation partielle, à savoir notamment :
- déclarer irrecevables les demandes de fixation des créances aux montants de 1 174 491 euros au titre du préjudice économique et de 200 000 euros au titre du préjudice moral à l'encontre de la société Enez Sun,
- déclarer irrecevables les demandes de la société Europe et Communication relatives au détournement de ses investissements à l'encontre de la société Enez Sun et de M. [E],
- déclarer irrecevables les demandes de la société Europe et Communication relatives à l'interdiction sous astreinte à l'encontre de M. [E],
- déclarer irrecevables les demandes de la société Europe et Communication relatives à la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de M. [E],
- déclarer irrecevables les demandes de la société Europe et Communication relatives aux débours, frais et honoraires d'huissier à l'occasion des opérations de constat,
- débouter la société Europe et Communication de ses autres demandes,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait établis les actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Enez Sun,
- fixer le montant de la créance éventuelle dans la limite définie par le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 12 septembre 2016,
En tout état de cause,
- condamner la société Europe et Communication au paiement de 200 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Europe et Communication aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 5 décembre 2023 par la SELAS Ascagne prise en la personne de Me [Y] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K-Pub, la société Mars prise en la personne de Me [A] ès qualités de mandataire judiciaire de la société K-Pub, la société ML Conseil prise en la personne de Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Enez Sun, qui demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Europe et Communication de l'ensemble de ses demandes concernant les mesures d'interdiction de toute activité dans les bureaux de vente réutilisables, de destruction de ces bureaux, de condamnation à un préjudice moral et à des dommages intérêts au titre de la marge perdue, de condamnation des sociétés K-Pub, Altikon ainsi que de MM. [E] et [W] pour investissement détournés, et enfin de publication du jugement à intervenir,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le détournement de clientèle opéré par M. [E] et les sociétés Enez Sun et K-Pub a été accompagné de manœuvres déloyales avec l'utilisation de documents appartenant à la demanderesse,
- condamné in solidum M. [E] et la société Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la SARL Europe et Communication pour détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales,
Statuant à nouveau,
- juger hors de cause la SELAS Ascagne, prise en la personne de Me [Y] au titre du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 12 avril 2016 ayant mis un terme à ses fonctions d'administrateur judiciaire de la société Enez Sun,
- juger hors de cause la SELARL Mars, prise en la personne de Me [A] au titre du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 12 avril 2016 ayant mis un terme à ses fonctions de mandataire judiciaire de la société K-Pub,
- juger que la société Europe et Communication ne démontre pas que la société Enez Sun a réalisé des actes de concurrence déloyale, parasitaire et illicite et de détournement de savoir-faire à son préjudice,
- juger que les demandes d'Europe et Communication relatives au détournement de ses investissements sont irrecevables, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 mars 2020 étant devenu définitif à ce titre,
En conséquence,
- rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes formées par la société Europe et Communication à l'encontre de la société Enez Sun,
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Europe et Communication y compris celles dirigées directement contre la SELARL ML Conseils relatives aux débours, frais et honoraires d'huissiers et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter les demandes de la société Europe et Communication tendant à voir interdire la commercialisation des bureaux de vente temporaire par la société Enez Sun en ce que cette demande est manifestement excessive et incompatible avec les dispositions de l'article 1382 du code civil et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie,
- rejeter les demandes de la société Europe et Communication tendant à obtenir la destruction des bureaux de vente temporaire commercialisés par la société Enez Sun en ce que cette demande est manifestement excessive et incompatible avec les dispositions de l'article 1382 du Code civil et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie,
- dire et juger que les demandes d'indemnisation globales et non individualisées formées par la société Europe et Communication sont incompatibles avec les dispositions de l'article 1382 du code civil,
- donner acte à la SELARL ML Conseil, représentée par Me [R], de ce qu'il s'en rapporte à justice sur les plus amples demandes des parties à la présente instance,
- condamner la société Europe et Communication à verser la SELARL ML Conseil, représentée par Me [R], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Enez Sun, une somme de 20 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,
Vu l'ordonnance de clôture du 7 décembre 2023 ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Europe et Communication, créée en décembre 2004, a pour activité la conception, la réalisation et la commercialisation de bureaux de vente destinés à la promotion immobilière, et que son dirigeant M. [I] est titulaire d'un brevet français relatif à un « bungalow transportable » déposé le 23 décembre 2008.
Elle a embauché le 5 septembre 2005 en qualité de directeur commercial M. [E], qui avait une expérience d'attaché commercial pendant 15 ans au sein de la société Pic 92, société concurrente dans le marché des bureaux de vente immobiliers. M. [E] a démissionné de la société Europe et Communication le 27 novembre 2007.
Il a créé le 28 février 2008 la société Enez Sun, laquelle exerce une activité concurrente de bureaux de vente et services associés pour l'immobilier, en partenariat avec les sociétés Danhest Home et K-Pub, cette dernière collaborant avec la société Altikon, société de droit roumain dont M. [P] [W] est le gérant. La société Enez Sun a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 19 août 2014 par le tribunal de commerce de Versailles ayant donné lieu à une déclaration de créance de la société Europe et Communication le 9 septembre 2014 pour un montant de 3 324 028 euros.
Par jugement du même tribunal du 12 avril 2016 un plan de sauvegarde de la société Enez Sun a été arrêté. La liquidation judiciaire de la société Danhest Home a été prononcée le 20 janvier 2015 par le tribunal de commerce de Reims.
La société K-Pub a été placée en redressement judiciaire le 16 février 2016 par jugement du tribunal de commerce de Versailles. La société Europe et Communication a déclaré sa créance à la procédure le 22 février 2016 pour un montant de 2 691 412 euros.
Indiquant soupçonner M. [E] de détournement d'informations confidentielles et de clients, la société Europe et Communication l'a poursuivi devant le conseil des prud'hommes de Poissy, qui par jugement du 19 février 2013, a dit qu'il a commis des actes déloyaux en violation de son contrat de travail, l'a condamné à une provision de 150 000 euros de dommages et intérêts et a désigné un expert chargé de chiffrer le préjudice subi par la société Europe et Communication entre fin février 2007 et fin février 2008, lequel a rendu son rapport le 21 novembre 2014.
Par jugement en date du 30 décembre 2014, le conseil des prud'hommes de Poissy a notamment condamné M. [E] à verser à la société Europe et Communication la somme de 431 928 euros comprenant 271 158 euros de dommages intérêts et 160 770 euros de remboursement de frais, outre la publication du jugement dans trois journaux professionnels.
Indiquant que les sociétés Enez Sun, K-Pub, Danhest Home, Altikon ainsi que MM. [E] et [W] et la société de promotion immobilière Icade Promotion ont commis des actes de concurrence déloyale par détournement d'informations confidentielles et de clients ainsi que par débauchage de son personnel et sous-traitance illicite, la société Europe et Communication a saisi le tribunal de commerce de Paris selon quatre assignations qui ont été jointes.
Par jugement en date du 16 décembre 2013, le tribunal de commerce de Paris, considérant que l'instance était relative à des actes de concurrence déloyale connexes au brevet dont est titulaire le dirigeant de la société Europe et Communication, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris. Par arrêt du 3 juillet 2014, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et renvoyé le litige devant le tribunal de commerce de Paris, le pourvoi formé à l'encontre dudit arrêt ayant été rejeté par la Cour de cassation selon décision du 16 février 2016.
C'est dans ces circonstances qu'ont été rendus le jugement du 12 septembre 2016, l'arrêt du 13 mars 2020 et l'arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2022.
Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi après cassation partielle
La cour de cassation a, par arrêt du 7 septembre 2022, cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu le 13 mars 2020 par la cour d'appel de Paris :
au visa des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce
- en ce qu'il condamne la société Enez Sun à payer à la société Europe et communication les sommes de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon les énonciations de l'arrêt :
17. Après avoir relevé que la société Enez Sun avait fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 19 août 2014 par le tribunal de commerce de Versailles, ayant donné lieu à une déclaration de créance de la société Europe et communication le 9 septembre 2014, et que par jugement du même tribunal du 12 avril 2016, un plan de sauvegarde avait été arrêté à l'égard de la société Enez Sun, la cour d'appel a condamné cette dernière à payer à la société Europe et communication la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale, outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
18. En statuant ainsi, alors que la créance indemnitaire de la société Europe et communication était née antérieurement au jugement d'ouverture et que la décision arrêtant le plan de sauvegarde ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu'elle devait se borner à fixer le montant de la créance sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
au visa des articles 1382 devenu 1240 du code civil et L. 223-22 du code de commerce
- en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Europe et communication à l'encontre de M. [E].
Selon les énonciations de l'arrêt :
21. Pour rejeter les demandes de la société Europe et communication à l'encontre de M. [E], l'arrêt retient que la responsabilité de ce dernier ne peut pas être retenue au titre des faits allégués postérieurs à son départ de la société Europe et communication, cependant qu'il n'est pas justifié à compter de 2008 d'actes détachables de ses fonctions, incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant de la société Enez Sun, de nature à engager sa responsabilité personnelle, ni de détournement à son profit.
22. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [E] était à l'origine du détournement déloyal d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Europe et communication dont il était antérieurement salarié, et que ce détournement avait été opéré au profit de la société Enez Sun, qu'il avait créée en février 2008 à la suite de son départ de la société Europe et communication, faisant ainsi ressortir la commission intentionnelle d'une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de fonctions sociales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
S'agissant du premier chef de cassation partielle, il résulte de la lecture de l'arrêt de la Cour de cassation et des moyens qui y sont annexés que :
- le troisième moyen du pourvoi N. 20-20.538 de la société Enez Sun, présenté comme subsidiaire, n'était fondé que sur la violation par la cour d'appel des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, la demanderesse au pourvoi faisant grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Europe et communication la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale, outre une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors que l'action tendant au paiement de la créance déclarée au passif de la société Enez Sun par la société Europe et communication, en application du principe de l'interruption des poursuites, ne pouvait tendre qu'à la constatation éventuelle de son existence et à la fixation, le cas échéant, de son montant (« cependant que cette somme ne pouvait qu'être fixée au passif de la société Enez Sun »).
- la société Europe et communication n'a contesté que la recevabilité de ce troisième moyen du pourvoi N. 20-20.538 de la société Enez Sun tandis que son deuxième moyen du pourvoi S 20-20.404 faisant grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société Enez Sun à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale et de l'avoir déboutée du surplus de ses demandes d'indemnisation, relatives notamment à la marge perdue à partir de l'année 2010, au détournement d'investissements, à la fausse sous-traitance et au débauchage de salariés, a été rejeté en application de l'article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, par une décision non spécialement motivée.
- le cinquième moyen de cassation de la société Europe et Communication faisant grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que, sous astreinte, il soit fait interdiction notamment à la société Enez Sun de procéder à la vente des modèles de bureaux de vente litigieux et qu'il leur soit fait injonction de retirer du marché et de détruire ces modèles de bureaux, a pareillement été rejeté en application de article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, par une décision non spécialement motivée.
En conséquence, la présente cour de renvoi n'est saisie que des prétentions qui ont fait l'objet d'une cassation partielle et d'une annulation par la Cour de cassation conformément aux articles 624 et 625 du code de procédure civile.
Les questions relatives à l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société Enez Sun, le quantum du préjudice subi par la société Europe et Communication et l'étendue des mesures d'interdiction prononcées à l'encontre de la société Enez Sun n'ont pas été atteintes par la cassation et sont donc définitivement jugées, de sorte que la cour de renvoi n'en est pas saisie, la présente cour restant saisie de la seule question de la fixation au passif de la société Enez Sun de la créance de la société Europe et Communication.
S'agissant du second chef de cassation partielle, il appartient à la cour de renvoi de statuer sur la responsabilité de M. [E] qui est recherchée par la société Europe et Communication et sur les demandes qui en dépendent nécessairement, dont la demande d'interdiction formée à son encontre.
Sur les demandes de mise hors de cause
Aux termes du dispositif de leurs dernières écritures, la SELAS Ascagne, prise en la personne de Me [Y] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K-Pub sollicite sa mise hors de cause en qualité d'administrateur judiciaire de la société Enez Sun (sic) tandis que la SELARL Mars, prise en la personne de Me [A] ès qualité de mandataire judiciaire de la société K-Pub sollicite également sa mise hors de cause dès lors que son mandat a pris fin.
Il résulte des éléments du débat que la mission de Me [Y] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Enez Sun a pris fin à la suite du jugement du 12 avril 2016 du tribunal de commerce de Versailles ayant arrêté le plan de sauvegarde de ladite société Enez Sun, maintenu Me [R] aux fonctions de mandataire judiciaire et l'ayant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan de ladite société. Par ailleurs, les mandats de Me [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K-Pub et de Me [A], ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société ont pris fin suite à l'opération de fusion-absorption par la société Enez Sun de la société K-Pub intervenue le 30 juin 2017, la société K-Pub ayant été dissoute et radiée du RCS le 19 octobre suivant.
Pour autant, Me [Y] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Enez Sun n'est pas partie à la procédure et n'est pas représentée par l'administrateur judiciaire de la société K-Pub dont les fonctions ont au demeurant cessé. Me [A], ès qualités de mandataire judiciaire de la société K-Pub qui a conclu n'est pas visé par la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 31 janvier 2023 de la société Europe et Communication.
Les demandes de hors de cause sont donc sans objet.
La SELAS Ascagne et la SELARL Mars ès qualités respective d'administrateur judiciaire de la société K-Pub et de mandataire judiciaire de la société K-Pub sont désormais dépourvues de qualité à agir au nom de ladite société pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que le détournement de clientèle opéré par M. [E] et la société K-Pub a été accompagné de manœuvres déloyales avec l'utilisation de documents appartenant à la demanderesse, ce qui n'est pas contesté par Me [R] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Enez Sun qui indique dans ses écritures ; que seules ses demandes sont maintenues dans le cadre de la présente procédure.
A toutes fins, il sera ajouté que l'arrêt de cette cour du 13 mars 2020 n'a pas été atteint par la cassation en ce qu'il a fixé à 60 000 euros la créance de la société Europe et Communication au passif de la société K Pub, le 2ème moyen du pourvoi de la société Enez Sun ayant été rejeté.
Sur les demandes de « donner acte ».
Il n'y a pas lieu de donner à la société Europe Communication les actes requis qui ne sont pas constitutifs de droits.
Sur la fixation au passif de la société Enez Sun de la créance de la société Europe et Communication.
Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Selon L. 622-22 du même code, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l'espèce, la société Enez Sun a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 19 août 2014 par le tribunal de commerce de Versailles, ayant donné lieu à une déclaration de créance de la société Europe et communication le 9 septembre 2014 pour un montant total de 3 324 028 euros dont 130 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 25 000 euros au titre des frais de publication judiciaire HT. Par jugement du même tribunal en date du 12 avril 2016, un plan de sauvegarde a été arrêté à l'égard de la société Enez Sun.
La créance indemnitaire de la société Europe et communication étant née antérieurement au jugement d'ouverture alors que la décision arrêtant le plan de sauvegarde ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles, il y a lieu de fixer le montant de la créance de la société Europe et Communication au passif de la société Enez Sun à la somme de 300 000 euros.
Sur la responsabilité délictuelle de M. [E], dirigeant de la société Enez Sun
Aux termes de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il résulte de l'article L. 223-22 du code de commerce que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qu'il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
En l'espèce, la société Europe et Communication poursuit la responsabilité personnelle de M. [E] à son égard pour avoir détourné des informations confidentielles au profit de la société Enez Sun, constituée en vue de les exploiter illicitement et de détourner sa propre clientèle. Elle explique que le détournement par M. [E] d'informations relatives à la conception et à la fabrication de ses bungalows transportables et d'une partie de sa clientèle, dont ont bénéficié les sociétés K-Pub et Enez Sun, fonde la condamnation prononcée à leur encontre par la cour d'appel dans son arrêt du 13 mars 2020.
Les défendeurs à la saisine, reprenant manifestement leurs moyens développés dans leurs écritures avant cassation, concluent à l'absence d'acte de concurrence déloyale ou de parasitisme commis au préjudice de la société Europe et Communication en l'absence de savoir-faire / modèle économique original/secret d'affaires/informations confidentielles, de détournement d'investissements, de débauchage massif de salariés, de montage de sociétés, ou encore de prix de dumping et font valoir, s'agissant en particulier de M. [E] et en substance que le détournement de clientèle invoqué à son encontre en sa qualité de gérant n'est pas démontré, aucune faute séparable de ses fonctions incompatible avec ses fonctions de gérant n'ayant été commise, enfin que les demandes d'interdiction formée à son encontre sont infondées et en tout état de cause disproportionnées.
Il a été dit que la société Enez Sun a été créé en février 2008 par M. [E] à la suite de son départ de la société Europe et Communication, a définitivement été reconnue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Europe et Communication. En conséquence les développements de la société Enez Sun et de M. [E] consacrés à cette question sont inopérants devant la cour de renvoi qui n'en est pas saisie.
Il résulte des jugements du conseil des prud'hommes des 19 février 2013 et 30 décembre 2014 devenu définitif, que M. [E], employé en qualité de directeur commercial , a été condamné pour des actes déloyaux caractérisés notamment par le détournement en 2007 d'informations relatives à la conception et à la fabrication des bungalows transportables de la société Europe et Communication et d'une partie de sa clientèle en violation de l'engagement de confidentialité résultant de son contrat de travail.
Il a été également établi que ce détournement d'informations et de clientèle s'est opéré au profit des sociétés K-Pub et Enez Sun, cette dernière ayant été créée par M. [E] en février 2008 à la suite de son départ de la société Europe et Communication, laquelle s'est ainsi appropriée par des moyens déloyaux les informations confidentielles relatives à l'activité de son concurrent, lui permettant de faire des économies de frais d'études et de recherches, et de prospection de clientèles, ainsi qu'il résulte notamment de la remise à l'huissier de justice lors des opérations de constat du 31 janvier 2012 dans les locaux de la société K-Pub, d'un plan d'un bureau de vente réalisé par la société Europe et Communication ainsi que de factures à l'entête de cette dernière adressées à la société Icade Promotion, et du rapport d'expertise judiciaire du 21 novembre 2014 démontrant que des clients de la société Europe et Communication (Atemi, Geoxia, Icade, logindi, Nexity, Oswald et Windsor) ont ensuite contracté avec la société Enez Sun qui a ainsi réalisé avec lesdits clients un chiffre d'affaires en 2008 de 563 358 euros.
M. [E] est en conséquence à l'origine du détournement déloyal d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Europe et communication dont il était antérieurement salarié, ce détournement ayant été opéré au profit de la société Enez Sun qu'il a créée en février 2008 à la suite de son départ de la société Europe et Communication.
Il en résulte ainsi la commission intentionnelle d'une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, de sorte qu'il engage sa responsabilité à ce titre à l'égard de la société Europe et Communication, étant ajouté que sa condamnation par le conseil de Prudhommes de Poissy l'a été en relation avec les fonctions salariales qu'il exerçait au sein de la société Europe et Communication avant sa démission de cette société.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur la réparation du préjudice,
Il sera fait droit en tant que de besoin à la mesure d'interdiction qui est sollicitée à l'encontre de M. [E] dans les termes ci-après définis au dispositif du présent arrêt, cette mesure ne pouvant concerner que M. [E] compte tenu, ainsi qu'il a été ci-avant exposé, du rejet par la Cour de cassation du cinquième moyen de cassation de la société Europe et Communication tendant à ce que, sous astreinte, il soit fait interdiction à la société Enez Sun de procéder à la vente des modèles de bureaux de vente litigieux.
Le préjudice subi par la société Europe et Communication du fait des agissements de la société Enez Sun a été définitivement fixé à la somme de 300 000 euros correspondant, au vu du rapport d'expertise judiciaire de Mme [M] désignée par le conseil de Prud'hommes de Poissy, à une perte de marge de 290 000 euros, ainsi qu'à un préjudice moral évalué à la somme de 10 0000 euros.
La faute retenue à l'encontre de M. [E] consistant à avoir détourné des informations relatives à la conception et à la fabrication des bungalows transportables et d'une partie de la clientèle, dont a bénéficié notamment la société Enez Sun, qui fonde la condamnation prononcée à l'encontre de cette société comme l'indique la société Europe et Communication elle-même, a occasionné à cette dernière un préjudice qui se confond avec celui dont la société Enez Sun a été déclarée responsable et qui a été évalué à la somme de 300 000 euros comprenant un préjudice moral du fait de l'atteinte portée à son image auprès des clients, évalué à 10 000 euros.
Infirmant le jugement de ce chef, M. [E] sera donc condamné au paiement de la somme de 300 000 euros qui répare l'entier préjudice subi par la société Europe et Communication, le surplus des demandes pécuniaires formées à son encontre étant rejeté. Entre la société Enez Sun et M. [E], la répartition se fera par moitié.
Enfin il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication judiciaire dès lors que le préjudice de la société Europe et Communication est intégralement réparé.
Sur les autres demandes,
Le sens du présent arrêt commande d'infirmer le jugement en ce qu'il condamné in solidum aux dépens les sociétés Europe et Communication et Enez Sun.
La créance de la société Europe et Communication au titre des dépens de première instance et d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé et des frais irrépétibles évalués à 10 000 euros sera fixée au passif de la société Enez Sun, sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur la demande relative aux frais et honoraires d'huissier exposés par la société Europe et Communication à l'occasion des opérations de constat des 7 et 29 décembre 2009, 14 et 26 janvier, 12 avril et 26 octobre 2010, 10 février 2011, 31 janvier et 2 février 2012, 23 décembre 2016, 22 juillet 2017 et 12 septembre 2019 non atteinte par la cassation.
M. [E] sera condamné aux dépens d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé et à payer à la société Europe et Communication la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes de remboursement de frais irrépétibles de la société Europe et Communication et les demandes des autres parties au même titre seront rejetés.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de la saisine sur renvoi après cassation partielle, et y ajoutant,
Confirme le jugement rendu le 12 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a condamné in solidum M. [E] et la société Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la SARL Europe et Communication pour détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales, rejeté la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral contre M. [E], débouté la société Europe et Communication de l'ensemble de ses demandes concernant les mesures d'interdiction, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum aux dépens les sociétés Europe et Communication et Enez Sun.
Déclare sans objet les demandes tendant à voir mettre hors de cause la SELAS Ascagne, prise en la personne de Me [Y], au titre du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 12 avril 2016 ayant mis un terme à ses fonctions d'administrateur judiciaire de la société Enez Sun et la SELARL Mars, prise en la personne de Me [A], au titre du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 12 avril 2016 ayant mis un terme à ses fonctions de mandataire judiciaire de la société K-Pub.
Dit n'y avoir lieu à donner à la société Europe et Communications les actes requis.
Déclare irrecevables les demandes de la SELAS Ascagne, prise en la personne de Me [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K-Pub et de la SELARL Mars, prise en la personne de Me [A], ès qualités de mandataire judiciaire de la société K-Pub.
Dit qu'en détournant de façon déloyale des informations confidentielles relatives à l'activité de la société Europe et communication au profit de la société Enez Sun à la suite de son départ de la société Europe et Communication, M. [E] a commis une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales.
Interdit en tant que de besoin à M. [E] la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt et pour une période de six mois.
Dit que le préjudice de la société Europe et Communication s'élève à la somme totale de 300 000 euros.
En conséquence,
Condamne M. [E] à payer à la société Europe et Communication la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale.
Fixe la créance de la société Europe et Communication au passif de la société Enez Sun à la même somme de 300 000 euros au titre du détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales commis au préjudice de la société Europe et Communication.
Fixe au passif de la société Enez Sun les dépens de première instance et d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [E] aux dépens d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et, vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Europe et Communication la somme de 10 000 euros sur ce fondement.
Dit qu'entre la société Enez Sun et M. [E] la répartition se fera par moitié.
Rejette toutes autres demandes des parties plus amples ou contraires.