CA Bordeaux, 1re ch. civ., 5 mars 2024, n° 21/04163
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Quatris (SARL)
Défendeur :
France Fluides (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Heras de Pedro, M. Breard
Avocats :
Me Menard, Me Poirson, Me Taillard, Me Tricoire
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La Sarl France Fluides, créée le 13 juillet 1991, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits et matériels d'entretien et de nettoyage professionnel, et notamment d'anti-nuisibles, de produits de traitements des espaces verts et piscines, et également de produits d'entretien et de nettoyage d'armes.
La Sarl Quatris est une société du Groupe Sabe Industrie qui développe, fabrique et commercialise des produits d'entretien et de nettoyage à destination de nombreux secteurs d'activités professionnels et grand public et notamment des produits et de nettoyage des armes.
Les deux sociétés étaient des filiales du groupe DALTA. Le 9 mai 2012, le groupe DALTA a cédé l'intégralité de ses parts sociales dans la société France Fluides à Monsieur [N] [Z] , qui en est l'actuel gérant, tandis que la Sarl Quatris est restée une filiale de ce groupe, gérée par M. [F] [K], qui occupe également des fonctions de dirigeant du Groupe DALTA.
La Sarl Quatris a déposé le 20 mars 2017 la marque verbale française ARMENET n° 4347666, en classes 1, 2, 3 et 4, marque publiée le 14 avril 2017 au BOPI 2017-15 et enregistrée le 13 juillet 2017 au BOPI 2017-28.
La société Quatris est également titulaire des droits d'exploitation sur la dénomination ARMENET au titre du site internet www.armenet-sk.fr, qu'elle exploite dans le cadre de son activité, et qui est une plate-forme e-commerce permettant la commande des produits de la gamme ARMENET directement depuis ce site.
Le 9 août 2018, la société France Fluides a déposé la marque ARMENET sous le n° 4475492 en classes 1, 2 et 4.
La société Quatris a formé opposition à l'enregistrement de cette marque le 13 septembre 2018.
Par acte du 25 février 2019, la société France Fluides a fait assigner la société Quatris devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en vue de faire constater, sur le fondement des articles L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil et L.121-2 du code de la consommation, le caractère frauduleux du dépôt de marque, ainsi que des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire connexes commis à son préjudice et obtenir réparation.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré bien fondée l'action en revendication de la Sarl France Fluides à l'encontre de la marque ARMENET n° 4347366 déposée en fraude à ses droits par la société Quatris le 20 mars 2017,
- ordonné le transfert au profit de la Sarl France Fluides de la marque ARMENET n° 4347366 déposée le 20 mars 2017,
- dit que le jugement lorsqu'il sera définitif, sera transmis, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription au Registre National des Marques,
- rejeté la demande de transfert des noms de domaine,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 264.479,70 euros au titre de la réparation du préjudice matériel résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 15.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- interdit à la Sarl Quatris de faire usage, dans tous les actes de la vie professionnelle, sous quelque forme que ce soit, du signe ARMENET ainsi que toute poursuite de commercialisation des produits ARMENET,
- ordonné à la Sarl Quatris de procéder au rappel du circuit commercial des produits de la gamme ARMENET de la société Quatris et des produits "ARME NOIRE" reproduisant le conditionnement des produits "CANON NOIR" sous une astreinte de 500 euros par jour passé un délai de 3 mois après la signification de cette décision, et ce durant 60 jours.
- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée,
- ordonné la publication dans deux journaux ou revues français, au choix de la société demanderesse, de l'insertion suivante extraite du jugement :
« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE :
Par jugement en date du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de BORDEAUX a jugé que la société QUATRIS a déposé la marque ARMENET en fraude aux droits de la société FRANCE FLUIDES, a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et l'a condamnée à indemniser la société FRANCE FLUIDES en réparation des préjudices subis de ce fait. » ,
- condamné la Sarl Quatris, à rembourser à la Sarl France Fluides le coût de ces deux publications qui ne pourra excéder un plafond global hors taxes de 6.000 €,
- rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Quatris aux dépens de l'instance,
- ordonné l' exécution provisoire du jugement,
- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.
La société Quatris a relevé appel de ce jugement par déclaration du 19 juillet 2021, en ce qu'il a :
- déclaré bien fondée l'action en revendication de la Sarl France Fluides à l'encontre de la marque ARMENET n° 4347366 déposée en fraude à ses droits par la société Quatris le 20 mars 2017,
- ordonné le transfert au profit de la Sarl France Fluides de la marque ARMENET n° 4347366 déposée le 20 mars 2017,
- dit que le jugement lorsqu'il sera définitif, sera transmis, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription au Registre National des Marques,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 264.479,7 euros au titre de la réparation du préjudice matériel résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 15.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- interdit à la Sarl Quatris de faire usage, dans tous les actes de la vie professionnelle, sous quelque forme que ce soit, du signe ARMENET ainsi que toute poursuite de commercialisation des produits ARMENET,
- ordonné à la Sarl Quatris de procéder au rappel du circuit commercial des produits de la gamme ARMENET de la société Quatris et des produits "ARME NOIRE" reproduisant le conditionnement des produits "CANON NOIR" sous une astreinte de 500 euros par jour passé un délai de 3 mois après la signification de cette décision, et ce durant 60 jours.
- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée,
- ordonné la publication dans deux journaux ou revues français, au choix de la société demanderesse,
- condamné la Sarl Quatris, à rembourser à la société France Fluides le coût de ces deux publications qui ne pourra excéder un plafond global hors taxes de 6.000 euros,
- rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles,
- condamné la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Quatris aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par ordonnance du 7 octobre 2021, la Première Présidente de la cour d'appel de Bordeaux a notamment rejeté la demande de la société Quatris aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement.
La société Quatris, dans ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2023, demande à la cour de :
- juger l'appel recevable ;
Réformer le jugement entrepris ;
- déclarer irrecevables et rejeter la pièce adverse n° 54 en ce qu'elle constitue une violation du secret des affaires et un détournement de procédure et la pièce adverse n° 50 (l'attestation de M. [I] qui a communiqué ladite pièce) ;
- débouter la société France Fluides de ses demandes de première instance et d'appel;
- ordonner la production sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir :
o De tous documents et informations détenus par la société France Fluides, aux titres des années 2013 à 2020, relatifs aux quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et aux prix obtenus des produits commercialisés sous la dénomination ARMENET (lingettes) objet du procès mais aussi et dans la mesure où le préjudice évoqué par la société France Fluides prend en compte, à tort, l'intégralité des activités de la société France Fluides, celles sous les dénominations CANON, APE et de la gamme commerciale ARMENET, et à cet effet plus précisément :
o Les comptes sociaux de la société France Fluides, et plus précisément les bilans et comptes de résultats détaillés, les grands livres et journaux aux fins d'une analyse analytique par marques et produits,
o Par produits et par marques, les états des ventes avec produits offerts,
o Les états des achats et des approvisionnements ce par produits et par marque,
o Les états des stocks, par produits et par marques,
o Les répartitions par clients et fournisseurs par produits et par marques,
- juger que l'astreinte sera liquidée par le juge qui l'aura ordonnée ;
- juger la société France Fluides coupable de dénigrement et d'actes de
concurrence déloyale ;
- condamner la société France Fluides au remboursement de l'intégralité des sommes versées par la société Quatris au titre de la condamnation de la décision de première instance, de la décision du juge de l'exécution du 9 novembre 2023 et au titre du rappel des produits, soit la somme de 360 070,52 euros ;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme 362.739,81 euros au titre de la contrefaçon ;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi par la société Quatris au titre de la concurrence déloyale;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme de 50.000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral ;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme de 3.145,20 euros en remboursement des frais de publication ;
- condamner la société France Fluides au paiement de la somme de 87.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt d'appel à intervenir ;
- ordonner la publication de l'arrêt d'appel à intervenir.
La société France Fluides , dans ses dernières conclusions déposées le 5 janvier 2024 demande à la cour de :
Confirmer le jugement du 29 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il : DECLARE bien fondée l'action en revendication de la Sarl France Fluides à l'encontre de la marque ARMENET n° 4347366 déposée en fraude à ses droits par la société Quatris le 20 mars 2017, ORDONNE le transfert au profit de la Sarl France Fluides de la marque ARMENET n° 4347366 déposée le 20 mars 2017, DIT que le présent jugement lorsqu'il sera définitif, sera transmis, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription au Registre National des Marques, CONDAMNE la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 264.479,7 euros au titre de la réparation du préjudice matériel résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire, CONDAMNE la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 15.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire, INTERDIT à la Sarl Quatris de faire usage, dans tous les actes de la vie professionnelle, sous quelque forme que ce soit, du signe ARMENET ainsi que toute poursuite de commercialisation des produits ARMENET, ORDONNE à la Sarl Quatris de procéder au rappel du circuit commercial des produits de la gamme ARMENET de la société Quatris et des produits "ARME NOIRE" reproduisant le conditionnement des produits "CANON NOIR" sous une astreinte de 500 euros par jour passé un délai de 3 mois après la signification de cette décision, et ce durant 60 jours. DIT n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée, ORDONNE la publication dans deux journaux ou revues français, au choix de la société demanderesse, de l'insertion suivante extraite du présent jugement : « COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE : Par jugement en date du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de BORDEAUX a jugé que la société Quatris a déposé la marque ARMENET en fraude aux droits de la société France Fluides, a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et l'a condamnée à indemniser la société France Fluides en réparation des préjudices subis de ce fait. », CONDAMNE la Sarl Quatris, à rembourser à la Sarl France Fluides le coût de ces deux publications qui ne pourra excéder un plafond global hors taxes de 6.000 €, REJETTE l'ensemble des demandes reconventionnelles, CONDAMNE la Sarl Quatris à payer à la Sarl France Fluides la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la Sarl Quatris aux dépens de l'instance, ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.
- déclarer la société France Fluides recevable et bien fondée dans son appel incident ;
Réformer ledit jugement en ce qu'il a rejeté la demande de transfert des noms de domaine, et rejeté les autres demandes de la société France Fluides ;
- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles en appel de la société Quatris formées au titre de sa demande reconventionnelle en parasitisme à l'encontre de la société France Fluides ;
- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles en appel de la société Quatris formées au titre de sa demande de nullité de la demande de marque ARMENET n° 4475492 déposée par la société France Fluides le 9 août 2018 ;
Et statuant à nouveau,
- condamner la société Quatris à payer à la société France Fluides la somme de :
o 131.676,38 € au titre du gain manqué résultant de la reproduction servile du conditionnement de son produit CANON NOIR, du risque de confusion ainsi créé, et de la captation illicite des clients EUROP ARM, UNIFRANCE SA et [S] SPORT entre 2013 et 2016 ;
o 24.384,60 € au titre du gain manqué résultant de la reproduction servile du conditionnement de son produit CANON NOIR, du risque de confusion ainsi créé, et de la captation illicite des clients UNIFRANCESA et [S] SPORT entre 2017 et 2019 ;
o 246.351,70 € au titre de l'exploitation déloyale et frauduleuse du signe ARMENET entre 2017 et 2023, et pour les trois clients détournés EUROP ARM, UNIFRANCE SA et [S] Sarl ;
o au titre des gains manqués et pertes subies résultant de la perte de trois distributeurs historiques DUCATILLON, EDILOISIR/TERRES & EAUX et BRICODEAL SOLUTIONS sur la période comprise entre 2018 et 2023 :
* 261.606,12€ au titre des gains manqués entre 2018 et 2023 résultant de la perte de son distributeur historique Ducatillon ;
* 233.536,32€ au titre des gains manqués entre 2018 et 2023 résultant de la perte de son distributeur historique Bricodeal ;
* 106.492,02€ au titre des gains manqués entre 2018 et 2023 résultant de la perte de son distributeur historique Ediloisirs/Terres&Eaux ;
o 443.566,37 €, au titre des gains manqués résultant de la commercialisation de la reproduction servile du conditionnement des produits APE de la société France Fluides par l'intermédiaire de la société Protecta à tout le moins entre 2018 et 2021 ;
o 27.220,01 € au titre des pertes subies dont les dépenses que la société France Fluides a été contrainte d'engager pour corriger les effets néfastes des actes perpétrés par la société Quatris ;
o 150.000 € en réparation de son préjudice moral résultant des actes frauduleux, déloyaux et parasitaires commis par la société Quatris ;
o 194.426,35 € au titre de la restitution des fruits indûment perçus par la société Quatris correspondant à la marge brute totale réalisée entre 2017 et 2021 résultant de l'exploitation illicite de la marque fraudée Armenet, assortie des intérêts de retard correspondant au taux d'intérêt légal à compter du jour de la demande en justice ; et Subsidiairement à la somme de 140.259,97 €, pour le cas où la Cour retenait un calcul sur la base du taux de marge sur coût variable, assortie des intérêts de retard correspondant au taux d'intérêt légal à compter du jour de la demande en justice ;
o 30.098,70 € au titre de la restitution des fruits indûment perçus par la société Quatris correspondant à la marge brute totale réalisée entre 2022 et 2023, résultant de l'exploitation de la marque Armenet déposée en fraude des droits de la société France Fluides, assortie des intérêts de retard correspondant au taux d'intérêt légal à compter du jour de la demande en justice ; et Subsidiairement à la somme de 23.143,94 €, pour le cas où la Cour retenait un calcul sur la base du taux de marge sur coût variable, assortie des intérêts de retard correspondant au taux d'intérêt légal à compter de la demande en justice ;
- ordonner sous une astreinte majorée de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :
o Le transfert des noms de domaines , et , réservés en contrariété avec les dispositions de l'article L. 45-2 du Code des codes et communications électroniques, Et A titre subsidiaire, la suppression et radiation des noms de domaines , et ;
o La cessation et l'interdiction d'usage de tout signe identique ou similaire à ARMENET, à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, ainsi que de toute poursuite de commercialisation des produits ARMENET par la société Quatris ;
o Le rappel du circuit commercial des produits de la gamme ARMENET de la société Quatris, des produits ARME NOIRE reproduisant le conditionnement des produits CANON NOIR, et des produits PROTECTA REPELLENT reproduisant le conditionnement des produits APE de la société France Fluides ;
o La cessation et l'interdiction d'usage de tout signe identique ou similaire à EXTERNET, à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, ainsi que toute poursuite de commercialisation de produits EXTERNET par la société Quatris.
o La publication aux frais exclusifs de la société Quatris du dispositif intégral de la décision à intervenir sur les pages d'accueil des sites internet https://www.smart-kem.com/ et https://www.armaestria.fr/ pendant une période de trois mois à compter de la première mise en ligne et ce, dans un délai de 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, selon les modalités suivantes :
La publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d'accueil du site internet accessible à l'adresse internet susvisée, de façon visible, et en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée et en police de caractère de type Arial 14, droit, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 2010 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNIQUE JUDICIAIRE » en lettres capitales et en police de caractère de type Arial 16.
- ordonner la publication par extraits de la décision à intervenir au sein de deux journaux ou revues françaises au choix de la société France Fluides et aux frais exclusivement avancés par la société Quatris ;
En tout état de cause,
- débouter la société Quatris de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Quatris à payer à la société France Fluides la somme de 30.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;
- condamner la société Quatris aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 23 janvier 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des pièces n° 50 et 54 de la société France Fluides :
La société Quatris demande de déclarer irrecevable la pièce n° 54 qui constituerait une pièce comptable de la société Quatris, saisie par voie d'huissier et couverte par le secret des affaires et l'attestation de M. [I] qui aurait divulgué la dite pièce à France Fluides pourtant obtenue par voie d'huissier sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dans le cadre d'une action exercée par la société Vulcanet dont il était le dirigeant contre les sociétés Dalta et Quatris, en toute déloyauté et par détournement de procédure.
Il résulte des éléments versés aux débats et notamment de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Montauban en date du 22 février 2029 que dans le cadre d'une procédure opposant la société Vulcanet représentée par M. [W] [I] aux sociétés Dalta et Quatris, la première s'est vue autorisée à procéder à la saisie de documents confidentiels permettant de mettre en évidence chez ces sociétés la fabrication et la commercialisation de produits concurrents et que, dans ce cadre, M. [I], agissant pour la société Vulcanet, a été amené à saisir des éléments de comptabilité de la société Quatris et notamment la pièce n° 50 versée aux débats par la société France Fluides qui correspond aux chiffres d'affaires des sociétés Armenet Quatris 2017/2018. Or, la société France Fluides ne conteste pas être entrée en possession de cette pièce par l'intermédiaire de M. [I] de sorte qu'obtenue par un détournement de procédure alors qu'il s'agit d'un document susceptible d'être frappé du secret des affaires, elle est irrecevable.
En revanche, l'attestation de M. [W] [I], qui ne fait aucune référence à la production de cette pièce mais qui indique en substance que M. [K] ne pouvait ignorer, en sa qualité de responsable des opérations, que la cession de la société France Fluides intégrait le produit ARMENET, n'encourt aucune irrecevabilité dès lors qu'elle n'est pas arguée de faux par ailleurs, appartenant à la cour d'en apprécier la valeur probante.
Seule la pièce n° 50 est en conséquence déclarée irrecevable.
Sur le fond :
Le litige qui oppose les sociétés France Fluides et Quatris, toutes deux anciennes filiales du groupe Dalta, exerçant dans le même domaine d'activité de la fabrication et de la commercialisation de produits et matériels d'entretien et de nettoyage professionnel, notamment des produits d'entretien et de nettoyage d'armes, a pour cadre la convention de cession des 1 500 parts de la société France Fluides en date du 9 mai 2012 conclue entre la société Dalta, représentée par M. [W] [I] et M. [N] [Z], laquelle mentionne expressément :
- en son article 10.10 : Droits de propriétés intellectuelles :
La société a la libre disposition de tous les droits de propriété intellectuelle, notamment droits de la marque, noms de domaines, brevets, dessins et modèles, droit de propriété littéraire et artistique requis pour l'exercice de son activité, soit pour être propriétaire, soit au travers d'une licence,
Concernant les marques visées ci-après utilisées par la société dans le cadre de son activité, le cédant déclare autoriser le cessionnaire à en continuer l'exploitation et à les déposer pour le compte de la société :
[...]
CANON ARMENET
[...]'
La société France Fluides reproche à la société Quatris d'avoir déposé la marque verbale ARMENET en classes 1,2,3 et 4, le 20 mars 2017, dans l'unique souci de faire obstacle à ses droits sur la marque sachant qu'elle exploitait la marque depuis 1999, y compris en 2017 , date du dépôt de la marque.
La société Quatris conteste toute intention malveillante observant que la convention de cession ne conférait aucun droit à la société France Fluides sur la marque ARMENET et qu'au terme de l'article 5-3 de la convention, elle disposait en tout état de cause d'un délai de 3 ans pour déposer la marque ce qu'elle n'a pas fait, en sorte que la marque était redevenue disponible et, qu'ayant elle-même déposé la marque en 2017, après avoir fait une recherche d'antériorité négative, elle s'estime au contraire victime d'actes de dénigrement et de concurrence déloyale. Elle conteste en tout état de cause l'usage antérieur de la marque par France Fluides, lequel ne serait pas établi.
I - Sur les demandes de la société France Fluides :
A) l'action en revendication de la marque ARMENET :
Après avoir retenu que l'action en revendication de marque de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle n'exigeait pas la preuve de droits antérieurs sur le signe litigieux mais celle d'un intérêt sciemment méconnu par le déposant, le tribunal a fait droit à l'action en revendication de marque intentée par la société France Fluides à l'encontre de la société Quatris en retirant des éléments versés aux débats la preuve que la société France Fluides justifie d'un usage préexistant de la marque ARMENET concernant des produits pour nettoyer les armes depuis les années 2000, ce que la société Quatris, ancienne société soeur de France Fluides et qui avait elle-même commercialisé des produits de la marque France Fluides ne pouvait ignorer, de sorte que, dans ce contexte, le dépôt de la marque ARMENET pour désigner des produits identiques à ceux commercialisés par France Fluides ne pouvait que relever d'une intention malveillante.
La société Quatris conteste cette analyse remettant notamment en cause tous droits antérieurs de propriété de la société France Fluides alors que la convention de cession du 10 septembre 2012 ne lui a conféré aucun droit sur la marque ARMENET mais uniquement CANON ARMENET, que ses droits étaient de toutes façons limités par la convention à trois ans à compter de la signature de l'acte de sorte qu'ils avaient expiré au 10 mars 2015 et qu'elle était alors légitime à penser qu'il n'existait plus en 2017 aucun obstacle au dépôt du signe ARMENET que la société France Fluides n'exploitait plus depuis 2009. De même, elle soutient qu'il ne peut être caractérisé à son encontre aucune mauvaise foi, alors que la vente des produits d'entretien d'armes ARMENET n'a toujours correspondu pour la société France Fluides qu'à une part dérisoire de son chiffre d'affaires, ayant au contraire toujours réalisé, du temps où les deux sociétés faisaient partie du groupe Sabe près de 70 % de son chiffre d'affaires avec la commercialisation de ces produits au contraire de ce que la société France Fluides affirme sans la moindre preuve.
Selon l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. »
Ainsi que l'ont justement rappelé les premiers juges, l'action en revendication ne nécessite pas, pour aboutir, que soit établie l'existence de droits antérieurs sur le signe mais celle d'intérêts sciemment méconnus par le déposant.
Et il est admis que la mauvaise foi du déposant s'apprécie au regard de la légitimité du but poursuivi et qu'est constitué de mauvaise foi le déposant qui n'agit que dans le souci de priver un concurrent de l'exploitation du signe déposé.
Il n'est ainsi effectivement pas nécessaire que le signe ait été exploité au moment de son dépôt mais une telle exploitation participe nécessairement de l'intérêt du revendiquant pour le signe. Par ailleurs, si l'intérêt pour le signe ou l'usage du signe doit être antérieur, il ne peut s'agir que d'un intérêt existant au jour du dépôt.
Il s'agit ici d'apprécier uniquement si, en déposant la marque verbale ARMENET pour des produits en classe 1,2, 3 et 4, le 20 mars 2017, pour commercialiser des produits de nettoyage d'armes, la société Quatris a agi en fraude des droits de la société France Fluides, la privant de tous droits sur un signe indispensable à son activité, dès lors qu'effectivement, c'est à bon droit que la société Quatris observe qu'il ne ressort pas de la convention de cession en litige que la société France Fluides se soit vu céder des droits de propriété intellectuelle sur la marque ARMENET mais uniquement, notamment, sur la marque CANON ARMENET, en sorte qu'il ne peut être reproché aux premiers juges qui se sont déterminés uniquement en considération de la démonstration d'un usage antérieur de la marque par la société France Fluides de n'avoir tenu aucun compte de la dite convention.
En effet, il importe peu que la convention ait conféré des droits sur la marque CANON ARMENET et non pas ARMENET et que ces droits n'aient été conférés le cas échéant que pour trois ans si la société France Fluides est en capacité de démontrer un intérêt antérieur pour le signe ARMENET et notamment, qu'elle commercialisait des produits nettoyant d'armes de la marque ARMENET depuis 1999, ainsi qu'elle le soutient en sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a statué en ce sens.
Au rang des preuves de cette commercialisation par France Fluides de produits nettoyant pour les armes sous la marque litigieuse, le tribunal a retenu la commercialisation par plusieurs catalogues de produits nettoyant pour armes ARMENET, sans association du terme CANON, comme les catalogues Ducatillon pour les années 2006/2007 et Ediloisirs 2006/2007 et 2008/2009, alors que la société Quatris aurait elle-même vendu des produits ARMENET provenant de la société France Fluides entre 2010/2012, peu important selon le tribunal que la société France Fluides n'ait le cas échéant pas commercialisé ces produits au moment du dépôt de la marque en 2017.
La société France Fluides y ajoute la commercialisation de produits ARMENET par le biais du catalogue Unifrance en 2004/2005 mais il n'est pas établi que les produits nettoyant ARMENET commercialisés par Unifrance selon ce catalogue provenaient de France Fluides dès lors que, contrairement à ce que prétend la société France Fluides, il est versé en pièce 51 une facture émise par la société Quatris en décembre 2005 à l'encontre de la société Unifrance, la société France Fluides ne produisant elle-même aucune facture attestant que les produits ARMENET commercialisés par le biais de ce catalogue provenaient de France Fluides.
Mais surtout, il est notable qu'en dehors d'extraits de catalogues, la société France Fluides ne verse aux débats aucune facturation postérieure à 2009 de produits nettoyant ARMENET et qu'au-delà de cette date, l'intérêt de la société France Fluides pour le signe ARMENET ne résulterait que :
- d'un extrait de l'annuaire Français Cynégétique 2012/2013 selon lequel il apparaît notamment que la marque CANON ARMENET y est indiquée comme fabriquée par France Fluides à l'exception toutefois de la marque ARMENET,
- de deux extraits des éditions 2016/2017 BricoScopie et JardiScopie des guides du jardin et du bricolage mentionnant, en présentation du catalogue, le nom de la société France Fluides comme faisant partie de leurs fournisseurs, nom associé notamment à la marque ARMENET, mais à l'exception de toute preuve que des produits ARMENET provenant de France Fluides figuraient encore effectivement dans l'offre de vente de ce catalogue 2016/2017, ou de toute facturation contemporaine émanant de France Fluides, ce qui n'apparaît dès lors pas suffisant à établir que la société France Fluides continuait effectivement à cette date, antérieure ou concomitante du dépôt de la marque, à distribuer auprès de cette jardinerie et de ce magasin de bricolage des produits nettoyant de la marque ARMENET.
En tout état de cause, il ne ressort d'aucun de ces éléments que la société Quatris ait été informée qu'en 2016/2017 la société France Fluides aurait commercialisé des produits nettoyant de la marque ARMENET auprès de ces deux établissements, dont il n'est pas allégué qu'ils faisaient partie des clients de la société Quatris.
Il ne saurait davantage être retenu comme établi que, pour les années 2010/2012, la société Quatris commercialisait elle-même des produits ARMENET provenant de France Fluides, comme ressortant notamment de ce qu'elle aurait été destinataire en 2011 des tarifs 2012 de la société France Fluides alors que la pièce n° 43 versée aux débats par la société Quatris à laquelle la société France Fluides se réfère à ce propos ne laisse apparaître aucun produit de la marque ARMENET mais uniquement CANON ARMENET.
La société France Fluides observe encore que pour les années 2006 à 2012, la société Quatris avait pour client la société Europarm. Or, elle verse aux débats une attestation de cette société, établie en novembre 2022, qui indique par l'intermédiaire de son gérant, avoir été cliente notamment de produits ARMENET fournis par France Fluides "depuis plus de vingt ans", sans autre précision de date, et avoir traité courant 2012 avec Quatris, sans toutefois qu'il résulte de cette attestation, au contraire de ce que prétend la société France Fluides, que le témoin avait conscience qu'il ne s'agissait pas de produits Quatris qui n'était qu'un simple revendeur des produits de la concluante (ses conclusions page 30), le témoin indiquant au contraire avoir négocié des tarifs en prenant les produits de 'la marque ARMENET de chez Quatris.
Pas davantage, les attestations très imprécises de M. [O] (pièce 47) qui, s'il indique en 2019 commercialiser des produits ARMENET distribués par France Fluides depuis 2003, dont il est très satisfait, indique également 'aujourd'hui, avec l'arrivée de nouveaux produits de marque ARMENET identique à France Fluides, le consommateur croit à une remise sur le marché de produits qu'il avait l'habitude d'utiliser', attestation qui ne permet pas de dater avec précision l'arrivée de "nouveaux produits ARMENET" sur le marché actuel, ni en conséquence la disparition du marché de la marque ARMENET distribuée par France Fluides, ou celle de M. [V] (pièce 48), président fondateur de la société Ediloisir, qui ne fait référence qu'à des lingettes de marque ARMENET, sans mention du distributeur, ne sont de nature à attester de l'usage antérieur de la marque ARMENET par France Fluides, pour la commercialisation de produits d'entretien et de nettoyage des armes, à tous le moins dans les cinq ans ayant précédé le dépôt de la marque litigieuse.
Quant à l'attestation de M. [I], ancien dirigeant et associé de la société France Fluides, si elle mentionne que lorsqu'il a vendu la société à M. [Z], celle- ci avait dans son catalogue des produits de la marque ARMENET, d'une part elle ne précise pas quels produits de la marque et d'autre part, elle n'explique pas pourquoi les droits de propriété intellectuelle sur cette marque n'ont pourtant pas été cédés à cette occasion et il est ainsi surprenant que ce témoin affirme que M. [K] (Quatris) ne pouvait ignorer que la cession intégrait le produit ARMENET puisqu'il était responsable des opérations alors que, précisément, il ne ressort pas de l'acte de cession en litige que la marque ARMENET y ait été cédée. Il ne peut donc en être retiré que la marque ARMENET était toujours indispensable à la société France Fluides après la cession de ses parts.
Dès lors, les éléments versés aux débats par la société France Fluides, en l'absence notamment de factures postérieures à 2009, ne permettent pas d'affirmer contrairement à ce qu'elle affirme, que la société France Fluides a continué à distribuer des produits de la marque ARMENET postérieurement à cette date, ce qui est en parfaite congruence avec la convention de cession de 2012 ne mentionnant aucune cession de droits de propriété intellectuelle sur la dite marque, en sorte qu'il n'est pas davantage établi qu'en déposant la marque ARMENET, pour des produits équivalents, la société Quatris ait entendu faire obstacle aux intérêts de la société France Fluides sur un signe qu'elle n'utilisait plus depuis plus de 7 années et la priver ainsi d'un signe indispensable à son activité.
Il ne peut en conséquence être prétendu par la société France Fluides que la société Quatris savait ou aurait dû savoir qu'elle utilisait un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires, prêtant à confusion avec le signe par elle déposé.
La société France Fluide fait encore valoir que le choix du signe ARMENET ne serait pas fortuit et révélerait au contraire toute la malignité de la société Quatris visant à s'attacher la réputation dont jouissent les produits nettoyant de la marque ARMENET comme provenant de longue date de la société France Fluides pour faire obstacle à ses droits sur une marque ancienne qu'elle a développé et particulièrement connue des milieux spécialisés mais elle ne peut faire référence à une atteinte à une marque de renommée qui n'aurait pas été déposée en tant que marque.
De l'ensemble il ressort qu'il ne peut être reproché à la société Quatris un choix qui ne relèverait pas du hasard mais traduirait au contraire sa volonté 'd'exploiter de manière parasitaire la renommée des produits éponymes (ARMENET) historiques de la société France Fluides et de tirer avantage de ceux-ci'.
Le jugement entrepris qui a ordonné le transfert de la marque au profit de la société France Fluides et qui a retenu un acte de concurrence déloyale ou parasitaire commis par la société Quatris pour avoir commercialisé des produits d'entretien d'armes sous le signe ARMENET, créant ainsi un risque de confusion avec les produits ARMENET commercialisés par la société France Fluides est en conséquence infirmé de ces chefs ainsi qu'en toutes ses dispositions y afférentes, ayant accordé indemnisation à la société France Fluides de son préjudice matériel et moral.
B) Sur la demande de transfert des noms de domaine "armenet.fr", "armenet.com" ou "armenet-sk.fr" :
La société France Fluides forme appel incident du jugement qui l'a déboutée de sa demande de transfert de noms de domaine "armenet.com", "armenet.fr" ou "armenet-sk.fr" réservés en fraude de ses droits, se prévalant des dispositions de l'article L. 45-2 du code des postes et des télécommunications électroniques.
S'il est admis que la réservation frauduleuse d'un nom de domaine en justifie le transfert au titulaire légitime, il ne saurait au vu de ce qui précède dont il ne ressort pas que la société Quatris a frauduleusement déposé la marque ARMENET, être évincé que la société Quatris a réservé, de mauvaise foi et sans intérêt légitime, les noms de domaines susvisés correspondant à la marque par elle déposée.
Le jugement qui a débouté la société France Fluides de sa demande de transfert de noms de domaine réservés est en conséquence confirmé.
C) Sur les actes de concurrence déloyale ou parasitaire dans l'emploi du signe ARMENET, le choix du signe ARME NOIRE et la commercialisation du répulsif REPELLENT :
Le tribunal a retenu à l'encontre de la société Quatris un acte de concurrence déloyale pour avoir commercialisé des produits d'entretien d'armes sous le signe ARMENET alors qu'elle savait pertinemment que la société France Fluides utilisait ce même signe pour commercialiser des produits identiques, pour avoir aussi reproduit pour commercialiser d'autres produits, en l'occurrence la gamme de produits ARME NOIRE, le conditionnement de produits identiques commercialisés sous le signe CANON NOIR par la société France Fluides mais qu'au contraire s'agissant de la gamme de produits répulsifs REPELLENT qui imitent sa gamme APE, il n'était pas établi, quand bien même des similitudes de présentation entre les produits étaient établies, l'antériorité de la commercialisation par la société France Fluides de cette gamme de produits répulsifs.
Il a en effet retenu que l'utilisation du signe ARMENET et l'imitation du conditionnement des produits CANON NOIR constituait des actes de concurrence déloyale ou parasitaire.
S'agissant de l'emploi du signe ARMENET, dès lors qu'il a été écarté que la société France Fluides employait ce même signe pour commercialiser ses produits, il ne saurait y avoir d'acte de concurrence déloyale et parasitaire, le jugement étant infirmé en ce qu'il en a autrement décidé.
La société Quatris conteste également le jugement qui a retenu un acte de concurrence déloyale dans la commercialisation du produit ARME NOIRE faisant valoir qu'elle commercialisait déjà antérieurement à 2012 un produit CANON NOIR mais que suite à la cession de parts de 2012, elle a continué la commercialisation auprès de ses clients historiques en rebaptisant le produit ARME NOIRE pour le distinguer du produit distribué par France Fluides, ce dont elle a informé ses clients, et qu'en tout état de cause il n'existe pas de risque de confusion entre les deux signes.
Or, ce faisant, la société Quatris convient qu'elle a commercialisé le produit ARME NOIRE, identique à celui commercialisé par France Fluides sous la gamme CANON NOIR, à compter de 2013, alors que la société France Fluides commercialisait déjà le produit CANON NOIR.
Le tribunal a par ailleurs justement retenu les ressemblances d'ensemble entre les deux packaging utilisés pour des produits identiques portant, en dehors des termes purement descriptifs comme "BRONZAGE DES ACIERS A FROID" ou "BRONZAGE A FROID", sur des conditionnements de forme et taille identique, la taille et la couleur blanche des mentions manuscrites dans un encadré noir, la couleur blanche du contenant et du bouchon, l'étiquette entourée d'un même liseré vert, même si la photographie d'une arme dans les deux cas n'est que descriptive et n'apporte aucun élément de confusion supplémentaire. Or, la société Quatris ne prétend pas qu'elle faisait usage de ce packaging antérieurement à la société France Fluides. Dès lors, l'emploi du signe ARME NOIRE, pour désigner un produit identique et vendu dans un emballage présentant une similitude d'ensemble à celui commercialisé par France Fluides sous le signe CANON NOIR, quand bien même les termes CANON ou ARME pour désigner des produits nettoyant d'armes ne sont que purement descriptifs et quand bien même un client aurait attesté qu'il n'y avait eu aucune confusion, est de nature à créer un risque de confusion.
Le tribunal en a justement déduit un acte de concurrence déloyale commis au détriment de la société France Fluides caractérisé par l'imitation par la société Quatris du conditionnement des produits de nettoyant pour armes CANON NOIR commercialisés par France Fluides de nature à créer un risque de confusion, le fait que la société Quatris ait cessé la commercialisation de ce produit pour le remplacer par un nouveau produit appelé "BLACK METAL" n'étant pas de nature à faire disparaître sa responsabilité, mais à limiter le cas échéant l'ampleur du préjudice de la société France Fluides.
Le jugement qui a retenu à l'encontre de la société Quatris un acte de concurrence déloyale dans la commercialisation du produit ARME NOIRE est en conséquence confirmé ainsi qu'en ce qu'il a ordonné sous astreinte à la société Quatris du rappel du circuit commercial des seuls produits de la gamme ARME NOIRE reproduisant le conditionnement du produit CANON NOIR.
Au contraire, si le tribunal a relevé que la société Quatris avait dans sa gamme de produits répulsifs repris la photographie des mêmes chats et chiens que la société France Fluides dans sa gamme de produits APE, il avait écarté tout acte de concurrence déloyale ou parasitaire à ce titre à défaut pour la société France Fluides de justifier d'une antériorité sur les packagings par rapport à Quatris.
La société France Fluides qui observe que ces produits sont conditionnés par Quatris dans le même format que ses propres produits contestent une absence d'antériorité sur le packaging et en veut pour preuve une facture d'une agence de communication en date du 10 décembre 2008 relative à des packaging (sa pièce n° 164), alors que la société Quatris ne produit s'agissant de la commercialisation de ses produits répulsifs aucune pièce antérieure à cette date.
Cependant il est reproché à la société Quatris d'avoir commercialisé ses produits dans un format équivalent qui apparaît pourtant un format habituellement pratiqué en matière de produits répulsifs sans être caractéristique et d'y avoir apposé une photographie de chat et chien identique à celle figurant sur ses propres produits répulsifs de la gamme APE, ce alors que la reproduction de ces animaux sur un packaging de répulsif pour chats et chiens ne présente aucun caractère déterminant en faveur d'un risque de confusion.
Mais surtout, l'antériorité de l'usage de cette "photographie" par la société France Fluides à l'appui d'une telle demande indemnitaire n'est pas établie par la production d'une unique facture de son agence de communication du 10 décembre 2008, qui ne joint pas les différentes "créations" de packaging qui y sont facturées, sans description précise.
Et il en va de même de la commercialisation du produit REPELLENT PROTECTA car si la société Protecta a attesté en octobre 2023 (sa pièce n° 80),être cliente de la société Quatris depuis 17 ans, soit depuis 2007 jusqu'à aujourd'hui, sans que cette attestation soit accompagnée d'éléments objectifs et précis attestant la réalité de cette situation depuis 2007, la société France Fluides elle-même ne justifie pas de l'antériorité de ce packaging, dans la forme actuellement litigieuse, par la même facture du 10 décembre 2008.
L'antériorité de l'usage des packagings, dans leur forme en litige n'étant pas établie, le jugement qui a écarté tout acte de concurrence déloyale ou parasitaire relativement aux produits de la gamme APE de chez France Fluides est en conséquence confirmé.
D) Sur le préjudice :
Seul est retenu à l'encontre de la société Quatris un acte de concurrence déloyale ou parasitaire relativement à la commercialisation dès 2013 d'un produit nettoyant d'arme sous le signe ARME NOIRE.
Ce faisant, il est reproché par la société France Fluides à la société Quatris d'avoir détourné trois clients historiques de la société France Fluides à savoir les sociétés [S] SARL, UNIFRANCE SA et EUROP ARM, ce que conteste la société Quatris qui fait valoir que ces clients n'étaient pas ceux de France Fluides au moment de la cession de 2012.
Le tribunal a retenu à bon droit qu'était établi qu'entre 2013 et 2016 la société Quatris a effectivement vendu 6 210 pièces de son produit ARME NOIRE (250 ml) à ses principaux clients alors que la société France Fluides commercialisait un produit identique.
Il a ainsi retenu pour ce seul produit un préjudice d'un montant de 38 470 euros constitué par une captation de clientèle qu'il a calculée à partir du chiffre d'affaires manqué par rapport aux ventes réalisées par Quatris à hauteur de 144 382,50 euros HT (soit 6210 pièces vendues entre 2013 et 2016 au prix unitaire de 23,25 euros), auquel il a appliqué un taux de marge brute de France Fluides de 53,29 % et a retenu que s'il n'était pas établi que les clients de Quatris seraient tous nécessairement allés vers la société France Fluide en l'absence de concurrence déloyale, il pouvait être retenu un taux de perte de chance de 50 % et un préjudice de 38 740 euros.
La société Quatris, qui ne conteste pas la commercialisation de ces produits ARME NOIRE auprès de ses trois clients, [S] SARL, UNIFRANCE SA et EUROP ARM, conteste l'évaluation de ce préjudice. Elle soutient au principal que le tribunal a mésestimé le nombre de pièces vendues qui serait de 8 430 de 2013 à 2019 pour avoir arrêté ses calculs à l'année 2016, de sorte qu' elle conteste le prix unitaire de 23,25 euros annoncé par France Fluides qui en outre serait un prix public. Elle conteste l'application d'un taux de marge brute alors qu'en matière de préjudice économique celui-ci devrait être calculé sur la base d'une marge sur coûts variables, qui ressortirait à 36 % sur la période 2015/2018 au lieu de 53,29 %. Appliquant une même décote de 50 % liée à l'incertitude sur la capacité de France Fluides à vendre les produits qui ont été vendus par Quatris, soit de 50 %, elle estime le préjudice à la somme de 17 647 euros.
La société France Fluides fait au contraire valoir qu'elle commercialisait le produit CANON NOIR au prix de 27,90 euros TTC et 23,25 euros HT en 2016, ainsi qu'il ressort du catalogue Ducatillon. Elle ne peut cependant se prévaloir du prix de revente public par Ducatillon pour évaluer son manque à gagner en sorte que la décote de 50 % que propose d'appliquer la société Quatris ainsi que le préconise son expert pour connaître le prix pratiqué par France Fluides auprès de ses distributeurs, qui n'est pas utilement contredit, sera retenu, soit un prix unitaire de 11,63 euros. En effet, le fait que la société France Fluides commercialise 'actuellement' le produit CANON NOIR directement en ligne sur son site NOZAMA (sa pièce n° 157 d'ailleurs non datée) est sans incidence sur un préjudice acquis entre 2013 et 2016.
Il sera relevé que la société France Fluides calcule son préjudice sur une base, non contestée, de 6 210 pièces vendues entre 2013 et 2016, de sorte que le chiffre d'affaires réalisé est de 72 222,30 euros.
Cependant, la société Quatris fait valoir à bon droit que le préjudice économique doit se calculer par référence à une marge sur coûts variables qui auraient été engagés pour l'obtention du chiffre d'affaires revendiqué, le préjudice étant égal à la perte de CA diminuée de ces coûts que la société France Fluides n'a pas eu à supporter, marge qu'elle chiffre par référence au rapport de son expert-comptable soumis à la contradiction des parties dans le cadre des présents débats qui retient au vu de l'absence d'éléments comptables et financiers produits par France Fluides avant 2014 et après 2018, un taux de marge sur coût variable de 36 % du CA, sans être utilement contredite sur ce point par la société France Fluides.
La société France Fluides fait valoir que la société Quatris aurait ainsi capté de manière déloyale trois de ses principaux clients, la captation serait totale et son préjudice intégralement consommé, sans qu'il y ait lieu de lui appliquer une quelconque décote.
Or, s'il s'agit de produits équivalents et spécifiques, distribués selon les mêmes canaux, il convient de relever que la société France Fluides n'établit pas que les clients [S] SPORTS et UNIFRANCE SA étaient les siens, de sorte que le tribunal a justement considéré que du fait de la confusion créée les ventes réalisées par la société Quatris n'ont échappé que dans une proportion de 50 % à la société France Fluides de sorte que son préjudice s'agissant de la concurrence déloyale sur le produit CANON NOIR est fixé à la somme de 13 000,01 euros entre 2013 et 2016 (72 222,20 x 36 % x 50 %).
La société Quatris qui calcule le préjudice sur une base de 8 430 produits convient subsidiairement de la vente de 2 220 produits supplémentaires ARME NOIRE entre 2017 et 2019 de sorte que, calculé de la même manière, son préjudice ressort à la somme de 4 647,35 euros.
Au total, le préjudice résultant de la concurrence déloyale quant au produit CANON NOIR s'élève à la somme de 17 647,36 euros au paiement de laquelle la société Quatris sera condamnée par infirmation du jugement entrepris, sans qu'il y ait lieu de faire injonction à la société France Fluides de produire des pièces comptables.
En effet, pour le surplus, le remplacement du produit ARME NOIR par un produit ARMENET exploité selon la société France Fluides par suite d'un dépôt frauduleux de marque ne saurait avoir généré un préjudice indemnisable dès lors que la cour a écarté le dépôt frauduleux, de même qu'il n'est pas établi que le déréférencement des produits France Fluides auprès de clients historiques résulte de manoeuvres déloyales de la part de la société Quatris, ce qui ne saurait résulter de la concomitance entre la fin des relations contractuelles entre France Fluides et ses clients et le fait que ces mêmes clients soient devenus clients de la société Quatris, alors qu'au surplus pour certains de ces clients comme la société EUROPARM il est établi qu'elle était cliente de la société Quatris en 2014 et n'est devenue cliente de FRANCE FLUIDES que postérieurement en 2015.
Enfin, le tribunal qui avait retenu un dépôt de marque frauduleux ainsi qu'une concurrence déloyale dans la vente du produit ARME NOIRE a fixé le préjudice moral de la société France Fluides à la somme de 15 000 euros pour avoir été privée de l'exploitation paisible et ancienne de son signe ARMENET et, du fait du dépôt de cette marque et de l'imitation du conditionnement de certains produits, d'une vulgarisation de son signe ARMENET et de ses produits CANON NOIR.
La société France Fluides réclame une somme de 150 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour les conséquences du dépôt frauduleux de la marque et les actes de concurrence déloyale concernant tant les produits CANON NOIR que APE.
Ce faisant, elle ne distingue pas entre le préjudice moral résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET, sur lequel elle insiste essentiellement et celui subi du fait de l'imitation de son conditionnement pour la commercialisation de certains produits, concluant qu'elle a souffert 'du fait du dépôt frauduleux de la marque et de l'imitation du conditionnement de certains produits'.
De même, elle ne justifie pas davantage qu'en première instance d'une atteinte à son image écoresponsable qui n'est nullement documentée.
La société France Fluides ne saurait se prévaloir également pour justifier du montant de son préjudice de l'attitude de la société Quatris qui n'aurait nullement tenu compte et donné suite à ses nombreuses mises en garde et réclamations qu'elle qualifie pour l'essentiel à tort de légitimes.
Au vu du préjudice matériel retenu du fait de la seule concurrence déloyale ou parasitaire reprochée à la société Quatris relativement au conditionnement du produit ARME NOIRE qui donne une ampleur du préjudice moral de la société France Fluides et en l'absence de tout élément comme notamment d'étude de marché ou d'opinion de sa clientèle ou autres, permettant de chiffrer un tel préjudice, celui-ci sera fixé à la somme de 3 000 euros. Le jugement qui a alloué à la société France Fluides une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral est en conséquence infirmé.
E ) Sur les autres demandes de la société France Fluides :
En l'absence de toute dépôt frauduleux de la marque ARMENET, la demande en restitution de fruits ne saurait davantage prospérer, ce dont la société France Fluides sera déboutée.
De même, s'agissant des produits de la gamme CANON NOIR, dont il n'est pas établi qu'ils soient encore commercialisés, il n'est pas justifié de faire droit à la demande de la société France Fluides de prononcer une nouvelle astreinte.
Pas davantage il ne saurait être fait droit à la demande de la société France Fluides de publication du dispositif de la décision en lien avec le transfert de la marque ARMENET sur deux autres sites internet de la société Quatris, alors que la cour a infirmé le jugement en ce qu'il a retenu un dépôt frauduleux de la marque ARMENET.
III - Sur les demandes reconventionnelles de la société Quadris :
A) Au titre de la contrefaçon :
Le tribunal ayant retenu un dépôt frauduleux de la marque ARMENET en fraude des intérêts de la société France Fluides a nécessairement débouté la société Quatris de ses demandes dirigées contre France Fluides en contrefaçon visant son dépôt ultérieur de la marque ARMENET. Elle rappelle que le seul dépôt d'une marque contrefaisante constitue en soi une contrefaçon et qu'elle dispose d'éléments de preuves de la commercialisation par la société France Fluide de produits identiques aux siens sous la marque ARMENET dès 2018 comme :
- un message du 4 décembre 2018 de Mme [Z], fille de l'actuel dirigeant de France Fluides adressant à son listing client un mail général comportant la nouvelle grille tarifaire brute des produits ARMENET,
- une communication de M. [Z] 11 mai 2020 à ce même listing client de présentation du nouveau bloc Marque Armenet comportant 16 références sur lequel il sollicite l'avis de ses clients.
- la présentation de sa gamme à sa clientèle en septembre 2020;
Cependant, ainsi que l'observe justement la société France Fluides, la société Quatris avait pourtant écrit dans ses conclusions récapitulatives n° 2 (page 28) du 11 février 2022, qu'aucune preuve de commercialisation par la société France Fluides des produits ARMENET avant le dépôt de sa marque mais également après celle-ci n'était établie en ces termes catégoriques :
« La société QUATRIS démontre en revanche que la société FRANCE FLUIDES, par les archives de son site internet sur la période antérieure à la cession et même après, ne commercialisait aucun produit ARMENET et ne faisait aucune communication marketing en lien avec un quelconque produit ou gamme ARMENET (Pièce n° 34).
Cela est si vrai que l'on constate aujourd'hui sur le site internet de la société FRANCE FLUIDES distinctement deux marques : une marque CANON et une marque ARMENET et que tous les produits de la gamme ARMENET sont tous présentés comme des produits « nouveaux » de 2020 !
Encore mieux, la Cour constatera que les produits de la gamme ARMENET ne sont toujours pas (à la date des écritures) commercialisés sur le site marchand de FRANCE FLUIDES et que la société FRANCE FLUIDES ne donne aucun élément probant de preuve de commercialisation de tels produits dans le cadre de cette procédure. (Pièce n° 62)
Si l'on tend de suivre la logique de FRANCE FLUIDES, cela signifierait qu'elle exploiterait deux marques pour commercialiser les mêmes produits de nettoyage pour les armes !
La Cour notera également que la nouvelle gamme ARMENET de FRANCE FLUIDES ne donne pas de noms à ses produits, ils sont visés par leur simple fonction (Bronzage à froid, nourrissant d'arme, nettoyant d'arme). Cela n'a pas de sens commercialement pour une entreprise d'avoir deux marques pour représenter une même activité...
La Cour l'aura compris : cette gamme ARMENET de FRANCE FLUIDES n'a jamais existé et encore aujourd'hui ne semble toujours pas être commercialisée ».
La cour observe d'ailleurs que s'agissant des quelques éléments versés aux débats par la société Quatris pour tenter désormais de démontrer une commercialisation depuis 2018 de produits de la gamme ARMENET, il n'est toujours donné aucun nom à ces produits, que le message de présentation aux clients du nouveau bloc Marque ARMENET est ponctué par une interrogation, que le constat d'huissier du 20 septembre 2020 qui a mis en évidence que la société Quatris affiche le signe ARMENET sur son site internet est antérieur aux conclusions susvisées qui n'en tiraient à l'évidence pas comme conséquence la preuve d'une utilisation du signe ARMENET dans la vie des affaires puisque la société Quatris écrivait au contraire, malgré ce constat d'huissier dressé à son initiative, qu' il n'existait encore à ce jour aucune preuve de commercialisation des produits ARMENET (par France Fluides).
Et si le seul dépôt d'une marque contrefaisante constitue en soi un acte de contrefaçon, il n'est pas établi que le dépôt de la marque ARMENET dans les circonstances de la cause où la société France Fluides reprochait, certes à tort, à la société Quatris l'usage d'un signe sur lequel elle estimait avoir des droits, mais également des actes de concurrence déloyale partiellement fondés, ait engendré un préjudice pour la société Quatris alors qu' en outre, il n'est pas établi l'utilisation du signe par la société France Fluides dans la vie des affaires.
La société Quatris est en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Par ailleurs, la cour n'est pas saisie de la demande de la société Quatris de prononcer la nullité de la marque ARMENET , ni de ses demandes d'interdiction sous astreinte à l'encontre de la société France Fluides de fabriquer, offrir à la vente, mettre dans le commerce, commercialiser et détenir aux fins précisées des produits d'entretien et de nettoyant pour les sous la dénomination ARMENET, sous astreinte de 500 euros par jour de retard avec réserve du contentieux de l'astreinte alors qu'aucune de ces demandes ne sont reprises au dispositif de ses dernières conclusions qui seul saisit la cour de demandes.
B ) Au titre de la concurrence déloyale :
La société Quatris agit sur ce fondement, faisant état d'actes de dénigrement et de parasitisme, demandes dont elle a été déboutée à défaut de justifier d'actes comportant un dénigrement à son encontre et alors qu'avait été retenu à son encontre un dépôt frauduleux du signe ARMENET
S'agissant du dénigrement, il est justement rappelé par la société Quatris que 'la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, quand bien même elle serait exacte.
Si c'est de manière pertinente que le tribunal a écarté comme constitutif d'un acte de dénigrement le message électronique de M. [Z] adressé à son client Ducatillon le 25 juin 2019 selon lequel il soutenait que « la société France Fluides restait propriétaire de la marque ARMENET », ce qui visait à rassurer son propre client et ne suffit pas à lire, implicitement, que M. [Z] qui ne parlait effectivement pas de la société Quatris indiquait à son client que la société Quatris s'était rendue coupable d'un dépôt frauduleux, en revanche le tribunal a justement retenu que le mail du 27 octobre 2017 qui constitue une mise en garde adressée par France Fluides à l'un de ses clients imputant des faits de recel ou de contrefaçon à la société Quatris et faisant état d'une réclamation "via les fraudes" alors que la dénonciation auprès de sa clientèle d'une réclamation pour des faits n'ayant donné lieu à aucune décision de justice, constitue un fait de dénigrement, de même que le fait pour M. [Z] d'avoir informé le client DUCATILLON ou [S] SPORT qu'une décision de justice serait prise en septembre ou qu'une action en justice était entreprise à l'encontre de la société Quatris quant à la marque dont la société France Fluides se disait propriétaire, constitue un acte de dénigrement.
Ce dénigrement qui nuit à l'image de marque de la société Quatris est en soi constitutif d'un préjudice moral qu'en l'absence de plus amples éléments la cour évalue à la somme de 5 000 euros. Le jugement qui a débouté la société Quatris de sa demande de dommages et intérêts à ce titre est en conséquence infirmé.
S'agissant de la demande au titre du parasitisme, en l'absence d'utilisation de la marque ARMENET dans la vie des affaires, il ne peut être retenu que la société France Fluides s'est placée dans le sillage de la société Quatris pour commercialiser, sans bourse délier, des produits similaires à ceux commercialisés par Quatris sous la marque.
Il sera ajouté au jugement entrepris le débouté de la demande reconventionnelle de société Quatris de ce chef.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive :
L'usage d'une voie de droit ne dégénère en abus que lorsqu'il en est fait usage dans le seul souci de nuire ou lorsque la procédure est introduite avec une légèreté blâmable ce qui ne ressort pas de la seule succombance alors que la société France Fluides avait obtenu gain de cause pour l'essentiel en première instance.
Le jugement qui a débouté la société Quatris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est en conséquence confirmé.
Enfin, il n'appartient pas à la cour de prononcer une condamnation à remboursement des sommes mises à la charge des parties du fait de l'infirmation de la décision dont appel
Il est confirmé également en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance mais au vu de l'issue du présent recours, les parties conserveront la charge des dépens par elles exposés à l'occasion du présent recours et seront respectivement déboutées de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevable la pièce n° 54 versée aux débats par la société France Fluides.
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 50.
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- retenu un dépôt frauduleux de la marque ARMENET par la société Quatris, ordonné le transfert de la marque ARMENET au profit de la société France Fluides, enjoint, sous astreinte, à la société Quatris de cesser tout usage ou commercialisation de la marque et pris les mesures de publicité légale,
- condamné la société Quatris à payer à la société France Fluides une somme de 264 479,70 euros au titre de la réparation du préjudice matériel résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné la société Quatris à payer à la société France Fluides une somme de 15 000,00 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant du dépôt frauduleux de la marque ARMENET et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- débouté la société Quatris de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre du dénigrement,
Statuant à nouveau des chefs réformés :
Déboute la société France Fluides de toutes ses demandes au titre du dépôt frauduleux du signe ARMENET par la société Quatris.
Dit n'y avoir lieu en conséquence à transfert de la marque ARMENET au profit de la société France Fluides.
Déboute la société France Fluides de toutes ses demandes au titre d'une concurrence déloyale et parasitaire visant les produits ARMENET.
Condamne la société Quatris à payer à la société France Fluides une somme de 17 647,36 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral résultant de faits de concurrence déloyale relativement au produit CANON NOIR.
Constate que la cour n'est pas saisie de la demande de constater la nullité de la marque ARMENET déposée par la société France Fluides pour contrefaçon, ni des demandes en découlant.
Condamne la société France Fluides à payer à la société Quatris la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour dénigrement.
Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions non contraires au présent arrêt et y ajoutant :
Rejette toute autre demande plus ample des parties.
Déboute les parties de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les parties conservent la charge des dépens par elles exposés à l'occasion du présent recours.