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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 4 mars 2024, n° 22/01478

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, M. Gettler

Avocats :

Me Bardet, Me Gaucher-Piola

T. com. Bordeaux, du 10 mars 2022, n° 20…

10 mars 2022

EXPOSE DU LITIGE :

Le 15 septembre 2019, M. [V] [H], en qualité de mandataire, a conclu un contrat d'agent commercial immobilier avec la société [Adresse 5] Immobilier (ci-après l'agence immobilière), exerçant une activité d'agence immobilière dans le quartier du [Adresse 5] à [Localité 3] (33). Le contrat comportait une clause de non-concurrence.

Le 14 septembre 2020, la société [Adresse 5] Immobilier a notifié à M. [H] la rupture immédiate de son contrat d'agent commercial au motif que celui-ci avait commis diverses fautes et notamment consenti sans son accord une baisse importante de sa commission dans la vente [E].

Puis par courrier du 8 décembre 2020, elle l'a mis en demeure de respecter la clause de non-concurrence insérée dans son contrat, affirmant avoir constaté qu'il travaillait pour le compte d'une agence située dans le périmètre de la clause, l'agence Codlwell Banker à [Localité 3].

Par acte du 31 mars 2021, M. [H] a saisi au fond le tribunal de commerce de Bordeaux afin de solliciter le paiement du solde de ses commissions impayées et de la somme de 162'000 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive de son contrat d'agent commercial.

Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a:

- condamné la société [Adresse 5] Immobilier à verser la somme de 25 750 euros à Monsieur [H] au titre des commissions dues,

- débouté Monsieur [H] de sa demande de commissions au titre du droit de suite sur le dossier [X],

- débouté Monsieur [H] de sa demande de condamnation de la société [Adresse 5] Immobilier à la somme de 23 750 euros en réparation d'un prétendu préjudice lié à la perte de chance de facturer sa commission sur la vente [X],

- condamné la société [Adresse 5] Immobilier à la somme de 100 euros en application de l'article L. 441-10 du code de commerce,

- débouté Monsieur [H] de sa demande de voir la société [Adresse 5] Immobilier condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par le retard de paiement des commissions dues,

- débouté Monsieur [H] de sa demande de voir la société [Adresse 5] Immobilier condamnée à lui verser la somme de 162 000 euros au titre d'indemnité de rupture,

- condamné Monsieur [V] [H] à la somme de 16 000 euros en réparation du préjudice causé par une diminution d'honoraires de 50 % sur une vente,

- débouté la société [Adresse 5] Immobilier de sa demande de voir condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la violation de l'obligation de fidélité au cours du contrat,

- condamné Monsieur [H] à la somme de 15 000 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la clause de non-concurrence,

- débouté la société [Adresse 5] Immobilier de sa demande de 30 000 euros au titre de l'indemnité pour acte de concurrence déloyale.

Monsieur [H] interjeté appel par déclaration du 24 mars 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 janvier 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique en dernier lieu le 4 août 2022, M. [H] demande à la cour, au visa de l'article 134-1 du code de commerce de:

A titre principal

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une somme de 10.000 euros TTC au titre de sa facture de commission du dossier [E] avec intérêt au taux légal a compter de la demande en référé soit au 21 janvier 2021

- condamné la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une somme de 5.000 euros TTC au titre de sa facture de commission du dossier Dottaxavec intérêt au taux légal à compter de la demande en référé soit au 21 janvier 2021

- condamné la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une somme de 3.250euros TTC au titre de sa facture de commission du dossier [J] avec intérêt au taux légal à compter de la demande en référé soit au 21 janvier 2021

- condamné la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une somme de 7.500euros TTC au titre de sa facture de commission du dossier [N] avec intérêt au taux légal à compter de la demande en référé soit au 21 janvier 2021

- condamné la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier à payer la somme de 100 euros au titre de l'article D. 441-5 du code du Commerce

Réformer la décision pour le paiement de Monsieur [H] de la commission [X],

Et dès lors

- condamner la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une somme de 23.750 euros TTC au titre de sa facture de commission du dossier [X] avec intérêt au taux légal à compter de la demande en référé soit au 21 janvier 2021,

- Réformer la décision pour l'indemnisation de Monsieur [H] de la commission [X]

- condamner la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une juste indemnité de 10.000 euros au titre de son préjudice lié au retard du paiement de ces commissions

Sur la rupture du contrat

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur [H] de ses demandes et dès lors

- condamner la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une juste indemnité de 162.000 euros en rupture du contrat d'Agent Commercial

Sur les demandes reconventionnelles et l'appel incident,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'agence de ses demandes indemnitaires liées au détournement de clientèle et d'interdiction de concurrence sous astreinte

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réduit le champ de la clause de non concurrence

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur [H] à la somme de 16.000 euros de dommages et intérêts pour le dossier [E] et 15.000 euros de dommages et intérêts pour la violation de la clause de non concurrence

A titre principal

- Débouter l'agence immobilière de l'ensemble de ses demandes

A titre Subsidiaire

- Ramener la condamnation indemnitaire pour le dossier [E] à 6000 euros

- Ramener la condamnation pour la violation de la clause de non concurrence à de plus juste proportion en absence de préjudice financier et ordonner la compensation avec les sommes accordées à Monsieur [H]

En tout état de cause

- condamner la société l'EURL [Adresse 5] Immobilier au paiement d'une juste indemnité de 8000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [Adresse 5] Immobilier aux entiers dépens de l'instance.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, la société [Adresse 5] Immobilier demande à la cour, au visa des articles 134-12 et suivants du code de commerce de :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté monsieur [H] de sa demande de règlement de la somme de 23 750 euros au titre des honoraires de la vente le gros ainsi que sa demande du même montant au titre de son préjudice lié à la perte de chance

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté monsieur [H] de sa demande de condamnation à 10 000 euros au titre du préjudice causé par le retard de paiement des commissions dues

- Confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a débouté monsieur [H] de sa demande de condamnation de la société [Adresse 5] Immobilier à la somme de 162 000euros au titre d'indemnité de rupture

- Constatant les fautes graves de Monsieur [H], Débouter Monsieur [V] [H] de l'ensemble de ses demandes

- Subsidiairement ramener à de plus justes proportions l'indemnité revendiquée, soit 13 500 euros

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur [V] [H] au titre de sa négociation abusive d'une diminution d'honoraires de 50 % à la somme de 16 000 euros titre provisionnel

Sur appel incident,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté [Adresse 5] Immobilier de sa demande de condamnation à la somme de 15 000 euros et dès lors condamner Monsieur [V] [H] à la somme de 15 000 euros au titre de la violation de l'obligation de fidélité en cours de contrat

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a limité l'indemnité au titre de la violation de la clause de non concurrence à 15000,00 euros, et débouter de sa demande d'astreinte, et dès lors,

- condamner Monsieur [V] [H] à la somme provisionnelle de 55 450 euros au titre de l'indemnité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.

- Et condamner Monsieur [V] [H] à une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à la clause de non-concurrence post contractuelle, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, pendant une durée de 12 mois

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de la concluante au titre des actes de concurrence déloyale de Monsieur [H] et dès lors - condamner Monsieur [V] [H] à la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnité d'actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité civile

- Ordonner la compensation entre les créances de monsieur [H] et celle de la société [Adresse 5] Immobilier,

- condamner Monsieur [V] [H] à la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens

Il conviendra de se reporter aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

sur l'appel principal

- sur la demande en paiement des commissions impayées :

1- Le litige ne porte plus que sur la commission de la vente [X] intervenue au prix de 1 900 000 euros pour laquelle l'appelant sollicite une commission de 23 750 euros.

2- Les juges de première instance ont rejeté cette demande considérant que l'agence immobilière n'avait pas renoncé à cette durée limitée à six mois du droit de suite de son ancien mandataire dans son courrier de résolution du contrat et que M. [H] n'établissait pas que l'agence immobilière avait retardé la vente dans le but de le priver de son droit à commission.

3- L'appelant reprend devant cette cour l'argumentation qu'il avait soutenue en première instance, à savoir que l'agence immobilière a renoncé, dans son courrier de résiliation de son mandat d'agent commercial immobilier, à conditionner l'exercice de son droit de suite à un délai pendant laquelle la vente devait être réalisée après la cessation de son contrat d'agent commercial et a, en tout état de cause, oeuvré pour retarder la vente.

4- L'intimée affirme ne pas avoir renoncé au délai de 6 mois et ne pas avoir retardé la vente.

Sur ce :

5- L'article 10 du contrat d'agence commerciale intitulé droit de suite stipule qu'en cas de cessation du mandat et qu'elle qu'en soit la cause, l'agent commercial aura droit aux commissions dans les conditions définies à l'article 9 ci-dessus sur toutes les affaires qui seront définitivement conclues dans le délai raisonnable de six mois suivant la date de la cessation définitive et qui seront la suite du travail de prospection effectué par lui pendant l'exécution de son mandat.

6- L'article 9 fixe le pourcentage de la commission due à l'agent sur la commission perçue par l'agence en fonction du type d'affaires.

7- La première visite du bien appartenant à M. [H] est intervenue le 5 mai 2020. Le contrat d'agent immobilier de M. [H] a été résolu le 14 septembre 2020. La promesse de vente a été signée le 10 juin 2021 et l'acte définitif le 27 septembre 2021.

8- Dans son courrier du 14 septembre 2020 aux termes duquel l'agence immobilière indique mette fin au contrat de M. [H], elle précise que son contrat lui donne un droit de suite 'en particulier pour les mandats suivants' et elle cite le mandat 1937 de M. [X] [I].

9- Les premiers juges ont pertinemment relevé que l'agence immobilière se contente simplement de dresser une liste des mandats pour lesquels le droit de suite pourrait s'exercer sans préjuger des événements qui permettraient de déclencher ou non le paiement de la commission due à ce titre. Il n'est ainsi nullement caractérisé une volonté de l'agence immobilière de renoncer à se prévaloir de la durée limitée à 6 mois du droit de suite de son agent.

10- Il n'est pas plus établi l'existence de manoeuvres visant à priver l'agent immobilier d'une commission due au titre de son droit de suite.

11- La décision de première instance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a débouté M. [H] de ce chef de demande.

- sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement des commissions :

12- L'appelant soutient qu'il a été placé dans une situation financière extrêmement difficile du fait du refus de son mandant de lui payer les commissions dues. Il n'a ainsi pas eu de rémunération pendant plusieurs mois et n'a perçu aucune prestation de Pôle emploi. Il a dû emprunter 10 000 euros à son nouvel employeur. Il sollicite la somme de 10 000 euros en indemnisation de ce préjudice.

13- L'intimée conclut au débouté de la demande soutenant que l'appelant ne produit aucune pièce justifiant du préjudice allégué. Par ailleurs, elle soutient, qu'après la compensation des sommes dues entre les parties prononcées par le tribunal, elle est créancière de M. [H] qui ne justifie ainsi pas de son préjudice.

Sur ce :

14- M. [H], qui démontre avoir eu recours à un prêt de 5000 euros sans intérêt et avoir cédé son véhicule acquis peu de temps avant la rupture de son contrat pour la somme de 27 000 euros, ne justifie pas, par ces deux seules pièces, avoir subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'octroi d'intérêts de retard sur les sommes dues.

15- La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce chef de demande.

- sur la demande en paiement de l'indemnité compensatrice suite à la rupture du mandat :

16- L'appelant soutient qu'il n'a commis aucune faute grave et demande le paiement d'une indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial sur le fondement de l'article L 134-12 du code de commerce. Concernant la baisse de la commission qu'il a consentie dans le dossier [E], il affirme qu'une telle pratique est d'usage courant dans la profession et que sa mandante, contrairement à ce qu'elle soutient, était informée de cette baisse et y avait consenti. En tout état de cause, un tel motif ne pouvait servir de base à la rupture de son contrat en vertu de la règle non bis in idem et de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur l'interdiction du cumul des peines puisqu'il avait déjà été sanctionné pour ce fait le 2 septembre 2020. Il ajoute que le contrat n'a été rompu qu'au mois de septembre suivant, ce qui démontre bien l'absence de gravité de ce manquement et fait obstacle, du fait de la tolérance du mandant pendant presque 3 mois, à une rupture du contrat pour faute grave sur ce fondement. Il ajoute qu'il n'a jamais adopté de comportement irrespectueux envers sa mandante et la clientèle et qu'il n'a pas enfin manqué à son obligation de loyauté, n'ayant contacté une agence concurrente qu'après avoir été informé oralement de la rupture de son contrat le 11 septembre 2014.

17- L'intimée soutient que l'appelant a commis des fautes graves puisque:

- il a consenti une remise dans la vente [E] malgré l'interdiction qui lui en avait été faite et qu'il ne peut lui être reproché le délai de seulement deux mois, en période estivale, entre la commission de l' infraction et la lettre de rupture;

- il a manqué à son obligation de fidélité en détournant de la clientèle et en prenant rendez-vous dans une agence concurrente dès le 14 septembre alors qu'il était encore lié par son contrat jusqu'au 17 septembre 2020.

Sur ce :

18- Aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

19- Aux termes de l'article L. 134-13 du même code, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

20- La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ( Com. 15 oct. 2002). Il convient de distinguer la faute grave, justifiant la privation d'indemnité de rupture, du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat. ( Com. 21 juin 2011).

21- La preuve de la faute grave incombe au mandant.

22- Dans sa lettre de résiliation, l'agence immobilière fait état de deux fautes commises par son mandant : 'une baisse conséquente de 50 % de nos honoraires lors de la vente Champeil/[E] sans mon consentement préalable (20 000 euros au lieu de 40 000 euros' et 'votre comportement irrespectueux auprès de tous les membres de l'équipe mais aussi auprès de la clientèle ( hier encore la colère de Mme [S])'.

23- L'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité ( Cass, com, 16 novembre 2022 / n° 21-17.423).

24- Dans le cas présent, le mandant ne peut évoquer que les deux manquements allégués dans son courrier de rupture, à savoir une diminution d'une commission sans son autorisation et un comportement irrespectueux.

25- Le contrat d'agent commercial stipule dans son article 9 que celui-ci 'ne pourra effectuer des remises à la clientèle que sur accord exprès et préalable du mandant'. Cette obligation, qui est notée en gras dans le contrat, est une obligation essentielle du mandataire. Les premiers juges ont ainsi à juste titre relevé que le montant des commissions et le calcul des honoraires en découlant était au cœur de la relation existant entre l'agent commercial et son mandant et que l'irrespect des règles relatives au montant des commissions porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, peu importe à cet effet qu'un autre usage existe dans la profession.

26- M. [H] ne conteste pas avoir consenti une remise importante sur le montant de la commission dans la vente [E]. Il lui appartient d'établir la preuve de l'accord exprès et préalable de son mandant. Or, comme les premiers juges l'ont relevé, il échoue dans la charge de cette preuve. En effet, le seul fait que l'agence n'ait pas répondu à son mail du 23 juin lui transmettant l'offre contenant un montant réduit de commission ne démontre pas que celle-ci ait donné un accord exprès et préalable sur cette baisse qu'il a consentie et ce d'autant plus que par SMS du même jour, la directrice de l'agence lui a demandé de renégocier les honoraires à la hausse. Par ailleurs, l'attestation du vendeur, M. [E], qui affirme que 'l'agence a baissé sa commission' ne démontre nullement que M. [H] avait eu l'accord préalable et exprès de l'agence avant de s'engager à diminuer les honoraires de l'agence immobilière.

27- M. [H] a donc consenti une baisse substantielle des honoraires de l'agence immobilière dans le cadre de cette vente, sans pouvoir justifier d'un accord à la fois exprès et préalable de celle-ci.

28- Il ne peut arguer d'une tolérance de l'agence immobilière au motif que la notification de la rupture de son contrat n'est intervenue qu'après l'été dans la mesure où la directrice de l'agence a toujours montré son désaccord quant au principe d'une diminution du montant des commissions sans son accord préalable et a organisé trois jours après que M. [H] ait consenti à cette baisse, une réunion pour rappeler à ses mandataires qu'une telle pratique était interdite.

29- S'agissant de la règle du non-cumul des sanctions, elle ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, étant relevé qu'en tout état de cause, il n'est nullement démontré que M. [H] ait fait l'objet d'une sanction préalable pour la réduction non autorisée de la commission dans la vente [E].

30- Il sera dès lors jugé que M. [H] a commis un manquement contractuel grave qui a porté atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendu impossible le maintien du lien contractuel. Les premiers juges ont pu ainsi à bon droit le débouter de sa demande d'indemnité compensatrice.

- sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice causé à l'agence immobilière par la réduction de la commission de la vente [E]:

31- L'appelant a été condamné par les premiers juges à verser à l'agence immobilière la somme de 16 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé la diminution non autorisée de sa commission dans la vente [E].

32- L'appelant soutient qu'il n'a pas commis de faute en baissant la commission, qu'il n'y a pas de préjudice car sans cette baisse, la vente ne serait pas intervenue, que le préjudice de l'agence ne peut excéder 6000 euros compte tenu du mode de calcul de la commission et qu'en tout état de cause, il ne peut s'agir que d'une perte de chance.

33- L'intimée sollicite la confirmation de la décision de première instance.

Sur ce :

34- La vente a été conclue au prix net vendeur de 720 000 euros. La commission de l'agence de 5 % du prix net de vente aurait donc dû être de 36 000 euros sans baisse de celle-ci, au titre de laquelle M. [H] et l'agence immobilière auraient dû recevoir 18 000 euros chacun.

35- La commission n'a finalement été que de 20 000 euros, dont 10 000 euros pour l'agence. La perte de l'agence est ainsi au maximum de 8000 euros.

36- M. [H] soutient cependant avec raison qu'il n'est nullement démontré que l'acquéreur aurait accepté d'augmenter son offre, même partiellement, ou le vendeur de diminuer son prix. Dès lors le préjudice subi par l'agence immobilière n'est qu'une perte de chance qui sera évaluée à 4000 euros.

37- M. [H] sera ainsi condamné à verser la somme de 4000 euros à la société Agence [Adresse 5] Immobilier au titre de la perte de chance de cette dernière d'obtenir une commission plus importante dans la vente [E]. La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

sur l'appel incident

38- L'agence immobilière reproche à son mandataire :

- le manquement à son obligation de fidélité pendant l'exécution du mandant, au titre duquel il sollicite la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts,

- le manquement à la clause de non-concurrence et l'exécution d'actes de concurrence déloyale après la rupture du contrat, au titre desquels il sollicite la somme de 55 450 euros et 30 000 euros, outre la condamnation sous astreinte de M. [H] à lui verser la somme de 5000 euros pour toute infraction constatée à la clause de non-concurrence.

- sur l'obligation de fidélité :

39- Le contrat d'agence commerciale comporte un article 11 intitulé 'clause de non-concurrence' qui stipule que l'agent commercial ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente sans l'accord exprès de l'agence et s'interdit de manière générale pendant la durée du mandat tout acte de concurrence.

40- L'intimée soutient que M. [H] avait pris rendez vous pour le 14 et le 17 septembre 2020 avec une agence concurrente, ce qui caractérise un manquement à son obligation de fidélité, la lettre de rupture datée du 14 septembre 2020 ne lui ayant été remise que le 17 septembre. Par ailleurs, elle a pu constater courant septembre la photographie de M. [H] au sein de l'équipe de l'agence concurrente.

41- M. [H] réplique que son contrat a été rompu oralement dès le 11 septembre 2020 au soir et qu'il lui a été demandé de prendre ses affaires. Il n'a été engagé dans une nouvelle agence qu'à la fin du mois de septembre.

Sur ce :

42- M. [H] justifie avoir été retiré de la liste de discussion de l'agence dès le 11 septembre 2020, ce qui accrédite sa thèse d'une rupture consommée avant la réception de la lettre recommandée. Les premiers juges ont dès lors pu à juste titre constater que les prises de contact qu'il a pu avoir avec une agence concurrente postérieurement à cette date ne constituent pas un manquement à son obligation de fidélité. Il n'est pas établi qu'il figurait sur le site de l'agence Colwell avant le 11 septembre 2020. Il n'est donc pas non plus caractérisé de ce fait un manquement à l'obligation de fidélité.

43- La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce chef de demande.

- sur les demandes de dommages et intérêts formée au titre de la violation de la clause de non concurrence et sur le fondement de la concurrence déloyale:

44- Le contrat d'agence commerciale comprend une clause de non-concurrence ainsi rédigée ;

« L'agent commercial s'interdit d'exercer des activités similaires soit directement, soit indirectement, pendant une durée de 12 mois, dans les secteurs du [Adresse 5], Pyla sur mer, Abatilles et Pereire, soit dans un rayon de 20 kilomètres autour du lieu d'établissement du mandat.

En cas de violation de la clause de non-concurrence, l'agent devra verser à son ex mandant à titre de clause pénale une indemnité égale au total des commissions brutes perçues pendant les 12 mois civils précédent la cessation de l'activité pour le mandant.

Cette clause pénale pourra le cas échéant se cumuler avec toute indemnité qui serait due par l'agent commercial au titre de la concurrence déloyale'.

45- Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

46- L'intimée soutient que la clause de non-concurrence ne s'applique que sur les 4 secteurs précisément nommés mais affirme que ceux-ci mis 'bout à bout' s'étendent bien sur 20 kms. Elle affirme que M. [H] est devenu agent commercial d'une agence voisine située à [Localité 3] et qu'aucune raison ne justifie que soit écartée cette clause pénale ou que son montant en soit minoré. Elle sollicite en outre qu'il soit fait injonction, à M. [H], sous astreinte, de respecter la clause. Elle reproche en outre d'avoir commis des faits de concurrence déloyale en détournant deux clients de l'agence au profit de son nouveau mandant, caractérisant ainsi son action parasitaire.

47- L'appelant soutient que la clause nécessite une interprétation et qu'elle ne peut porter selon lui que sur un rayon de deux kilomètres autour de l'agence et non sur 20 kilomètres ce qui engloberait tout le bassin d'[Localité 3]. En tout état de cause, M. [H] explique qu'il ne fait aucune démarche sur le bassin d'[Localité 3]. Il précise qu'il s'est rendu dans l'agence Coldwell [Localité 3] uniquement dans le but de négocier son embauche dans l'agence Coldwell de Bordeaux et qu'il n'est justifié d'aucun mandat et d'aucune vente intervenue par son intermédiaire sur le bassin d'[Localité 3]. Il affirme que le montant de cette clause est manifestement excessive et qu'il n'est pas apporté la preuve d'un détournement de clientèle.

Sur ce :

48- Le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle : ainsi, le cessionnaire en droit d'évoquer la violation d'une clause de non- concurrence ne saurait agir en concurrence déloyale pour un détournement de fichiers (Com. 10 mars 2015, no 13-10.003 , D. 2015. Pan. 3534, obs. Y. Picod).

49- En l'espèce, l'agence immobilière qui se prévaut d'une clause de non-concurrence ne peut agir sur le fondement délictuel de la concurrence déloyale pour obtenir une indemnisation complémentaire à celle déjà prévue de manière forfaitaire sur ce fondement par les parties dans le contrat. Elle sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale. La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

50- Concernant le fondement contractuel, il suffit au créancier d'une obligation de non-concurrence, créancier d'une obligation de résultat, de rapporter la preuve de l'activité concurrentielle exercée par son cocontractant, puisque c'est la concurrence elle-même qui est interdite indépendamment des moyens employés.

51- L'agence immobilière justifie que M. [V] [H] est apparu sur le site de l'agence Coldwell Banker située au [Adresse 5] à [Localité 3] en septembre 2020 dans le cadre de la vente de plusieurs biens à [Localité 3] centre ville et Abatilles, celui-ci se présentant comme un expert immobilier de la ville d'[Localité 3]. Il ne peut dès lors être sérieusement soutenu que M. [H] n'a dès le mois de septembre 2020 participé à la vente de biens immobiliers qu'en région bordelaise. Dès lors, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres pièces et sans qu'il y ait lieu d'interpréter la contrat puisque l'agence et les biens proposés à la vente se situent sans contexte dans le périmètre de la clause, il est établi que M. [H] n'a pas respecté la clause de non-concurrence le liant à son ancien employeur. Même s'il a cessé tout acte de concurrence déloyale à compter de la mise en demeure qui lui en a été faite par son employeur, l'infraction reste caractérisée. Le caractère manifestement excessif de cette clause pénale n'est pas démontré.

52- M. [H] sera en conséquence condamnée à verser à l'agence [Adresse 5] Immobilier la somme de 55 450 euros au titre de la clause de non-concurrence. La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

53- La clause de non-concurrence n'a été stipulée que pour une année à ce jour entièrement écoulée. L'agence immobilière sera ainsi déboutée de sa demande visant à voir condamner M. [H] à une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à la clause de non-concurrence post contractuelle, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, pendant une durée de 12 mois.

Sur les demandes accessoires :

54- [V] [H] qui succombe principalement en ses demandes sera condamné aux dépens d'appel d'appel.

55- Il sera condamné à verser à la société [Adresse 5] Immobilier la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort

Confirme la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 mars 2022 en ses dispositions déférées à la cour sauf en ce qu'elle a :

- condamné Monsieur [V] [H] à verser à la société Agence [Adresse 5] Immobilier la somme de 16 000 euros en réparation du préjudice causé par une diminution des honoraires de celle-ci de 50 % sur une vente,

- condamné Monsieur [H] à la somme de 15 000 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la clause de non-concurrence,

et statuant à nouveau,

Condamne [V] [H] à verser la somme de 4000 euros à la société Agence [Adresse 5] Immobilier au titre de la perte de chance de cette dernière d'obtenir une commission plus importante dans la vente [E],

Condamne [V] [H] à verser à l'agence [Adresse 5] Immobilier la somme de 55 450 euros par application de la pénalité prévue par la clause de non-concurrence,

y ajoutant,

Condamne [V] [H] aux dépens d'appel d'appel.

Condamne [V] [H] à verser à la société [Adresse 5] Immobilier la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.