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Décisions

CA Colmar, 1re ch. A, 28 février 2024, n° 23/02327

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Biogaran (SAS)

Défendeur :

Laboratoires Paul Hartmann (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Walgenwitz

Conseillers :

M. Roublot, Mme Rhode

Avocats :

Me Brunner, Me Heslaut, Me Richard

TJ Strasbourg, 10 mai 2023

10 mai 2023

FAITS DE LA PROCEDURE :

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN fabrique et commercialise des produits pour les professionnels de santé et des produits d'hygiène, et notamment des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires, sous la marque MEDISET.

Fin 2021, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN a été informée de l'arrivée sur le marché des pansements de la société BIOGARAN qui s'apprêtait à lancer, en 2022, sa nouvelle gamme de pansements pour plaies chroniques et postopératoires.

Le 10 novembre 2021, considérant que les emballages de la nouvelle gamme de pansements de la société BIOGARAN étaient susceptibles de générer un risque de confusion avec ses propres produits, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN l'a mise en demeure de modifier ses emballages et de ne plus les commercialiser.

Le 30 novembre 2021, la société BIOGARAN a répondu en contestant l'existence de tout risque de confusion entre ses emballages et ceux de la gamme de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, en indiquant qu'elle était prête à supprimer les carrés de couleur présents en bas à gauche de ses boîtes (au niveau de la représentation des instruments tels que ciseaux, coupe-fil), mais que pour ce faire elle aurait besoin d'un délai raisonnable pour effectuer lesdites modifications et écouler les stocks de produits déjà fabriqués sous les premiers emballages.

Par assignation signifiée le 28 février 2022, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN a saisi le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Colmar, d'une action dirigée contre la société BIOGARAN, fondée sur les articles 145, 872 et 873 du code de procédure civile, et tendant à faire interdiction à cette dernière de poursuivre la commercialisation de ses pansements sous les emballages litigieux. 

La société BIOGARAN a, en réponse, soulevé l'incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Colmar, au motif qu'aucun fait litigieux n'aurait été constaté dans le ressort de cette juridiction.

Le 30 septembre 2022, la juridiction a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur la question soulevée d'office de sa compétence matérielle.

Par ordonnance du 25 novembre 2022, le juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de Colmar s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes et a renvoyé l'affaire devant la juridiction des référés commerciaux de Strasbourg, considérant que les faits litigieux relevaient du domaine de l'article L. 211-10 du code de l'Organisation Judiciaire qui attribue compétence à des tribunaux judiciaires spécialement désignés.

Saisie de l'affaire suite au rendu de cette ordonnance, à l'issue de la mise en état, par décision du 10 mai 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- DECLARE irrecevable l'exception d'incompétence.

- CONDAMNE la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance, à cesser tout acte de commercialisation, direct ou indirect, des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuelles (version 1 et 2), qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

- CONDAMNE la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à procéder ou faire procéder au rappel, retirer ou faire retirer à ses frais exclusifs, de tous les points de vente, en ce compris toutes les pharmacies, et circuits de commercialisation l'ensemble des sets de pansement pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN et ORDONNE à la société BIOGARAN d'en justifier à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN sous quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance.

- CONDAMNE la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 euros jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, de cesser, directement et indirectement, et faire cesser toute publicité par catalogue, documentation, supports promotionnels ou en ligne, portant une reproduction des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires, sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

- CONDAMNE la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à détruire ou faire détruire tout emballage des produits litigieux.

- CONDAMNE la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN une provision de 1 euro au titre de l'indemnisation de son préjudice.

- CONDAMNE la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à communiquer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents et informations justificatifs du chiffre d'affaires généré par les ventes des sets de pansements litigieux, ces informations devant être certifiées par un commissaire aux comptes indépendant.

- ORDONNE la cessation immédiate de la diffusion sur tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme 'la plus complète des sets de pansements sur le marché', et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

- ORDONNE la destruction immédiate de tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme 'la plus complète des sets de pansements sur le marché', et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

- C’EST RESERVE du contentieux de la liquidation des astreintes.

- DEBOUTE la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de sa demande d'amende civile.

- CONDAMNE la société BIOGARAN aux dépens.

- CONDAMNE la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN une indemnité de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- DIT n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.

- RAPPELE que cette ordonnance est exécutoire par provision.

Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société BIOGARAN, le premier juge a indiqué que sa compétence ne pouvait plus être remise en cause à partir du moment où l'ordonnance de renvoi du 25 novembre 2022, qui l'a saisi, était définitive, aucune des parties n'en ayant interjeté appel.

Au fond, le juge des référés commerciaux :

- sur la concurrence déloyale par risque de confusion dénoncée par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, a retenu l'existence d'une importante ressemblance entre les emballages de la nouvelle gamme de LA SOCIÉTÉ BIOGARAN avec ceux des produits commercialisés par la société LABORATOIRE HARTMANN, qu'il s'agisse de la première version commercialisée par la société BIOGARAN comme de la seconde version et estimé qu'elle est génératrice d'un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne ; cependant il a poursuivi en indiquant que le public de référence était constitué de professionnels de santé dotés d'un niveau d'attention élevé et choisissant le produit en fonction de critères totalement indépendants de l'emballage, en ce sens que les produits n'étaient pas en 'libre-service' en pharmacie, ce qui exclut tout risque de confusion, de sorte qu'il ne pouvait y avoir de trouble manifestement illicite,

- sur les faits de parasitisme dénoncés, a estimé que la société BIOGARAN avait fait le choix de se lancer sur un marché qu'elle n'occupait pas en adoptant, pour les mêmes gammes de produits, des emballages imitant ceux de son principal concurrent, leader sur le marché, choix traduisant la volonté délibérée de s'inscrire dans son sillage ; aussi la juridiction a estimé qu'il existait un trouble manifestement illicite, justifiant la condamnation de la société BIOGARAN assortie d'une astreinte ; le tribunal a considéré que les deux constats d'huissier réalisés les 18 mars 2022 et 9 juin 2022 à la demande de BIOGARAN sont insuffisants à établir qu'il n'y aurait plus en circulation de sets de pansements emballés dans sa première version d'emballage et qu'au regard de la durée de la procédure, la société BIOGARAN a disposé d'un délai plus que suffisant pour organiser le retrait de ses produits et la modification de ses emballages, le délai accordé pour mettre en œuvre les modalités de retrait étant limité à quinze jours,

- sur la demande de paiement d'une provision : le premier juge a considéré que les LABORATOIRES PAUL HARTMANN ne démontrent pas l'étendue de leur préjudice et a limité en conséquence la provision au montant de 1 euro symbolique.

La juridiction a accepté la demande de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, en vue d'obtenir la production de documents par la société BIOGARAN, en vue d'établir son chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes des sets de pansements dans leurs emballages litigieux, mais a rejeté celle relative aux documents portant sur les volumes de vente, dont la connaissance n'est pas nécessaire pour le calcul du préjudice.

Enfin, s'agissant de la demande reconventionnelle formulée par la société BIOGARAN, le premier juge a retenu que la brochure commerciale, insérée par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN dans ses boîtes MediSet, doit être considérée comme une publicité ; la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN ne contestant pas que la mention contenue dans sa brochure 'gamme la plus complète de sets de pansement sur le marché' n'est plus exacte depuis le lancement par la société BIOGARAN de sa propre gamme de pansements en 2022, cette mention est dès lors considérée comme violant l'article L. 5213-1 du code de la santé publique et constitutive d'une publicité mensongère, à l'origine d'un trouble manifestement illicite, auquel il doit être mis un terme. Aussi la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN était condamnée à retirer cette mention de ses boîtes MediSet, mais également de toute publication.

Par une déclaration faite au greffe en date du 21 juin 2023, la société BIOGARAN a interjeté appel de l'ordonnance du 10 mai 2023 rendue par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg (RG n° 23/02327), mais également de l'ordonnance rendue le 25 novembre 2022 rendue par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Colmar (RG n°23/02328).

Par une déclaration faite au greffe en date du 26 juin 2023, la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN s'est constituée partie intimée dans les deux procédures RG n° 23/02327 et n° 23/02328.

Suite à sa requête en date du 21 juin 2023, la société BIOGARAN était autorisée à assigner à jour fixe la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

Les deux affaires ont été retenues à l'audience du 18 décembre 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures datées du 1er décembre 2023, transmises par voie électronique le même jour, déposées dans le cadre de l'appel visant l'ordonnance du juge des référés de Strasbourg, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SAS BIOGARAN demande à la Cour de :

I - SUR L'APPEL PRINCIPAL

- DECLARER l'appel principal recevable.

- DECLARER l'appel principal bien fondé.

- INFIRMER l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle :

* A déclaré irrecevable l'exception d'incompétence.

* A condamné la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par infraction constatée passé un délai de quinze jours suivant la signification de la présente Ordonnance, à cesser tout acte de commercialisation, direct ou indirect, des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuelles (version 1 et 2), qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

* A condamné la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard à compter du lendemain de passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'Ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à procéder ou faire procéder au rappel, retirer ou faire retirer à ses frais exclusifs, de tous les points de vente, en ce compris toutes les pharmacies, et circuits de commercialisation l'ensemble des sets de pansement pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN et ordonné à la société BIOGARAN d'en justifier à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN sous quinze jours à compter de la signification de l'Ordonnance.

* A condamné la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'Ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, de cesser, directement et indirectement, et faire cesser toute publicité par catalogue, documentation, supports promotionnels ou en ligne, portant une reproduction des sets de pansements pour plaies chroniques et postopératoires, sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

* A condamné la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'Ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à détruire ou faire détruire tout emballage des produits litigieux.

* A condamné la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN une provision de 1 euro (un euro) au titre de l'indemnisation de son préjudice.

* A condamné la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente Ordonnance, à communiquer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents et informations justificatifs du chiffre d'affaires généré par les ventes des sets de pansements litigieux, ces informations devant être certifiées par un commissaire aux comptes indépendant.

* S'est réservé le contentieux de la liquidation des astreintes.

* A condamné la société BIOGARAN aux dépens.

* A condamné la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN une indemnité de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* A dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes de la société BIOGARAN et l'a de fait déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

ET STATUANT A NOUVEAU DANS CETTE LIMITE,

Sur l'exception d'incompétence,

- DECLARER l'exception d'incompétence recevable.

- DECLARER l'exception d'incompétence bien fondée.

- DECLARER le Président du tribunal judiciaire de Strasbourg, référés commerciaux, incompétent territorialement pour statuer sur le litige et, en conséquence,

- RENVOYER l'affaire devant le Président du tribunal de commerce de Nanterre.

Si la Cour devait confirmer l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré l'exception d'incompétence irrecevable : sur le fond,

- DECLARER les demandes de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN irrecevables et mal fondées.

- DEBOUTER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement,

- REDUIRE le montant des astreintes à de plus juste proportion, à savoir 10 euros par infraction constatée et par jour de retard.

- FIXER le délai à l'expiration duquel les mesures ordonnées ou condamnations prononcées contre la société BIOGARAN, sous astreinte, par infraction constatée et par jour de retard, est de 6 mois à compter la signification de la décision à intervenir.

- DEBOUTER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de ses demandes pour le surplus.

En toutes hypothèses,

- CONDAMNER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN à payer à la société BIOGARAN la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de 1ère instance.

- CONDAMNER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN aux entiers dépens de la procédure de 1ère instance en application de l'article 699 du code de procédure civile.

II - SUR L'APPEL INCIDENT

- DECLARER l'appel incident irrecevable, à tout le moins mal fondé.

- LE REJETER.

- CONFIRMER l'Ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

* Ordonné à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la cessation immédiate de la diffusion sur tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme 'la plus complète des sets de pansements sur le marché', et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

* Ordonné à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la destruction immédiate de tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme 'la plus complète des sets de pansements sur le marché', et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

* Débouté la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de sa demande d'amende civile.

* Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes formées par Hartmann.

- DEBOUTER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions.

III - EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN à payer à la société BIOGARAN la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

- CONDAMNER la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société BIOGARAN conteste la décision du juge des référés de Strasbourg du 10 mai 2023, qui a écarté l'exception d'incompétence soutenue et défend la recevabilité de son appel contre la décision rendue par le juge des référés de Colmar le 25 novembre 2022, au motif que l'absence de certaines mentions portant sur les modalités de recours manqueraient dans l'acte de signification du 20 décembre 2022 ce qui empêcherait de faire courir le délai d'appel.

La société appelante :

* estime que la signification est irrégulière car l'acte de signification ne comporte pas :

- l'indication que l'appel ne portait que sur la compétence,

- les modalités particulières d'appel, à savoir la nécessité de saisir dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire,

- la reproduction intégrale des textes applicables à savoir les articles 83, 84, 85 et 91 du code de procédure civile.

* soulève dès lors l'incompétence territoriale de la juridiction des référés commerciaux de Colmar qui a rendu l'ordonnance attaquée, expliquant que la compétence aurait dû revenir au tribunal de commerce de Nanterre ; en outre la chambre des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Colmar n'aurait pas dû se désister au profit de la chambre des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg mais aurait dû le faire au profit des chambres civiles du tribunal judiciaire de Strasbourg,

* soutient que le dommage dénoncé, résultant de la commercialisation des boîtes de pansements sous les emballages litigieux, ne serait pas démontré, et n'aurait en outre pas été subi dans le ressort de la juridiction de Colmar ; la société BIOGARAN conteste la force probante de l'attestation fournie par Mme [V], déléguée commerciale des LABORATOIRES PAUL HARTMANN sur le secteur de Sélestat, produite pour justifier d'un fait dommageable survenu dans le ressort du tribunal judiciaire de Colmar.

La société BIOGARAN estime qu'on ne saurait lui attribuer des faits de parasitisme et qu'en tout état de cause, il y aurait absence de troubles manifestement illicites. Elle poursuit en indiquant que les faits de parasitisme, invoqués par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, reposeraient uniquement sur les attestations des délégués commerciaux de cette dernière. A ce sujet, la société BIOGARAN estime que lesdites attestations ne présenteraient aucun caractère probant, notamment du fait que les délégués commerciaux aient nié l'existence d'un lien de subordination avec la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, alors que ces mêmes délégués indiqueraient sur leurs réseaux sociaux, être employés par cette dernière.

S'agissant de sa condamnation pour parasitisme qu'elle conteste, la société BIOGARAN estime que la motivation de l'ordonnance du 10 mai 2023 serait contradictoire, en ce qu'elle a rejeté l'action en concurrence déloyale de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, au motif qu'il n'existait pas de risque de confusion entre les produits litigieux, mais a dans le même temps - de manière illogique - condamné la société BIOGARAN sur le fondement du parasitisme, sur la base des mêmes faits que ceux évoqués au titre de la concurrence déloyale.

La société appelante allègue que le parasitisme ne serait pas caractérisé, en l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice et d'un lien de causalité avec la prétendue faute reprochée à la société BIOGARAN, ajoutant que la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN n'aurait jamais versé le moindre élément, démontrant que ses emballages auraient nécessité des investissements et constitueraient une valeur économique substantielle de l'entreprise.

La société BIOGARAN fait aussi valoir qu'elle aurait consenti à un investissement de 287 888,59 euros pour lancer sa gamme de pansements, tout en alléguant que la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN ne présenterait aucun chiffre à ce sujet.

La société BIOGARAN affirme que ses boîtes respecteraient sa propre charte graphique visuelle habituelle, et verse aux débats des boîtes de médicaments qu'elle commercialise.

Elle soutient que sa condamnation à communiquer certaines pièces comptables ne serait pas justifiée car :

- le président du tribunal judiciaire de Strasbourg a lui-même relevé que la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN était 'totalement défaillante' dans la preuve d'un quelconque préjudice, de sorte que la demande de provision formulée par la partie intimée a été réduite à l'euro symbolique,

- enjoindre à la société BIOGARAN la communication d'informations liées à son chiffre d'affaires sur les sets de pansements litigieux serait incohérent et attentatoire au secret des affaires, d'autant plus que le litige porte sur les emballages et non sur le produit médical en lui-même,

- en tout état de cause, le délai de 15 jours prévu pour l'exécution de l'ordonnance serait totalement insuffisant au regard de la nature des produits concernés et des obligations mises à sa charge ; il conviendrait de prévoir un délai au minimum de 6 mois pour lui permettre de se mettre en conformité avec les éventuelles condamnations de destruction et de rappel des pansements.

Au sujet de l'appel incident de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, la société BIOGARAN rejette tout risque de confusion entre ses produits et ceux de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN,

- premièrement du fait de la nature du public de référence visé, à savoir les professionnels de santé, pour qui les emballages ne seraient pas un facteur déterminant,

- deuxièmement, du fait que le mode de commercialisation empêcherait tout risque de confusion pour les patients,

- troisièmement, car ses emballages ne seraient pas une copie de ceux de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, et respecteraient sa charge graphique habituelle.

La société BIOGARAN rejette la demande de provision formulée dans l'appel incident de la société intimée, car il existerait des contestations sérieuses et en ce sens que des provisions ne sont allouées qu'en cas de risque d'insolvabilité, ce qui ne serait pas le cas de la société BIOGARAN.

La société BIOGARAN demande enfin la confirmation de la décision ayant condamné la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN à retirer ses notices.

Dans ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2023, communiquées par voie électronique le 12 décembre 2023, dans le cadre de la procédure RG n° 23/02327, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN demande à la Cour de :

Sur l'appel principal de BIOGARAN,

1. Sur la compétence de la juridiction saisie

A titre principal,

- DECLARER irrecevable l'appel de la société BIOGARAN à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg.

- Le REJETER.

- DEBOUTER la société BIOGARAN de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions sur la compétence de la juridiction saisie.

- CONFIRMER l'ordonnance du 10 mai 2023 en ce qu'elle a "DECLARÉ irrecevable l'exception d'incompétence'.

A titre subsidiaire,

- DECLARER recevable mais mal fondé l'appel de la société BIOGARAN à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg.

- Le REJETER.

- DEBOUTER la société BIOGARAN de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions sur la compétence de la juridiction saisie.

- CONFIRMER l'ordonnance du 10 mai 2023 en ce qu'elle a 'DECLARÉ irrecevable l'exception d'incompétence'

2. Sur les autres demandes

- DECLARER recevable mais mal fondé l'appel de la société BIOGARAN à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg.

- Le REJETER.

- DEBOUTER la société BIOGARAN de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions.

- CONFIRMER l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce que la juridiction a :

* DECLARÉ irrecevable l'exception d'incompétence.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par infraction constatée passé un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance, à cesser tout acte de commercialisation, direct ou indirect, des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuelles (version 1 et 2), qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard à compter du lendemain de passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à procéder ou faire procéder au rappel, retirer ou faire retirer à ses frais exclusifs, de tous les points de vente, en ce compris toutes les pharmacies, et circuits de commercialisation l'ensemble des sets de pansement pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansements de la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN et ordonné à la société BIOGARAN d'en justifier à la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN sous quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, de cesser, directement et indirectement, et faire cesser toute publicité par catalogue, documentation, supports promotionnels ou en ligne, portant une reproduction des sets de pansements pour plaies chroniques et post-opératoires, sous leurs emballages et présentations actuels (version 1 et 2) qui reprennent les caractéristiques essentielles des sets de pansements de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à détruire ou faire détruire tout emballage des produits litigieux.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000,00 euros (mille euros) par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à communiquer à la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents et informations justificatifs du chiffre d'affaires généré par les ventes des sets de pansements litigieux, ces informations devant être certifiées par un commissaire aux comptes indépendant.

* C’EST RESERVE du contentieux de la liquidation des astreintes.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN aux dépens.

* CONDAMNÉ la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN une indemnité de 10 000 euros (dix mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'appel incident de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN,

- DECLARER recevable et bien fondé l'appel incident de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

Y faisant droit,

- INFIRMER la décision rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'elle l'a déboutée de ses autres demandes et notamment :

* En ce qu'elle a CONDAMNE la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN une provision de 1 euro (un euro) au titre de l'indemnisation de son préjudice.

* En ce qu'elle a ORDONNE à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la cessation immédiate de la diffusion sur tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme « la plus complète des sets de pansements sur le marché » et ce sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

* En ce qu'elle a ORDONNE à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la destruction immédiate de tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de HARTMANN serait la gamme « la plus complète des sets de pansements sur le marché », et ce sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance.

* En ce qu'elle a DEBOUTE la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN de sa demande d'amende civile.

* En ce qu'elle a DIT n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.

Et, statuant à nouveau,

- JUGER que le risque de confusion entre les emballages constitue un trouble manifestement illicite et en conséquence :

- CONDAMNER la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par infraction constatée à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance, à cesser tout acte de commercialisation, direct ou indirect, des sets de pansement pour plaies chroniques et postopératoires sous leurs emballages et présentations actuels, tels que reproduits ci-dessous et qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansement de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

- CONDAMNER, la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à procéder ou faire procéder au rappel, retirer ou faire retirer, à ses frais exclusifs, de tous les points de vente (en ce compris toutes les pharmacies) et circuits de commercialisation l'ensemble des sets de pansement pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuels, tels que reproduits ci-dessous et qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansement de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN et ORDONNER à la société BIOGARAN d'en justifier sous quinze (15) jours à compter de la signification de l'ordonnance.

- CONDAMNER la société BIOGARAN, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, de cesser (directement et indirectement) et faire cesser toute publicité par catalogue, documentation, supports promotionnels ou en ligne, portant une

Reproduction des sets de pansement pour plaies chroniques et post-opératoires sous leurs emballages et présentations actuels, tels que reproduits ci-dessous et qui reprennent les caractéristiques essentielles des emballages des sets de pansement de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

- CONDAMNER la société BIOGARAN sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l'ordonnance et par infraction constatée, chaque support constituant individuellement une infraction, à détruire ou faire détruire tout emballage des produits litigieux.

- SE RESERVER la compétence de liquider l'astreinte.

- CONDAMNER dès à présent la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, la somme provisionnelle de 500.000 (cinq cent milles) euros à titre de dommages-intérêts.

- REJETER les demandes de la société BIOGARAN.

- REJETER les demandes reconventionnelles de la société BIOGARAN et notamment les demandes 'd'ordonner la cession immédiate de la diffusion de tout support comportant l'indication selon laquelle la gamme MediSet de Hartmann serait 'la gamme la plus complète des sets de pansements sur le marché, ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée et par jour de retard, (.) d'ordonner la destruction des supports litigieux ainsi que la publication du dispositif de l'ordonnance sur la page d'accueil du site internet de Hartmann et dans 5 revues ou journaux au choix de la société BIOGARAN et aux frais de Hartmann' et la DEBOUTER de ses demandes.

- CONDAMNER la société BIOGARAN à une amende civile pour demande dilatoire et abusive.

En tout état de cause,

- REJETER les demandes de la société BIOGARAN.

- CONDAMNER la société BIOGARAN à payer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER la société BIOGARAN aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'à ceux de la première instance.

Il est précisé que la partie 'mise en gras' du dispositif des conclusions de l'intimée comportaient des photographies de boîtes de la société BIOGARAN, qui ne peuvent pas figurer dans leur reprise.

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN soulève l'irrecevabilité de l'appel de la société BIOGARAN ; l'ordonnance du 25 novembre 2022 aurait bien été portée à la connaissance de la société BIOGARAN le 20 décembre 2022, par signification effectuée par voie d'huissier. En vertu des dispositions de l'article 651 du code de procédure civile, la signification de la décision le 20 décembre 2022 vaudrait notification et serait régulière, même si le greffe de la juridiction des référés de Colmar n'a pas procédé à la notification de celle-ci, ajoutant qu'aucun appel n'a été interjeté dans le délai de 15 jours, de sorte que la société BIOGARAN ne serait pas recevable, ni fondée, à interjeter appel de l'ordonnance du 25 novembre 2022.

L'intimée ajoute que l'acte de signification serait valable car il indiquerait bien :

- la voie de recours : l'appel,

- le délai de recours : 15 jours à compter de la signification,

- les modalités de recours : l'acte de signification porte les mentions suffisantes pour permettre à la société BIOGARAN d'interjeter appel de cette décision ; il y est précisé notamment que la cour d'appel compétente est celle de Colmar et que la société doit charger un avocat près cette cour, en vue d'accomplir pour son compte les formalités nécessaires avant l'expiration du délai de rigueur de 15 jours.

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN souligne que la société BIOGARAN n'a pas interjeté appel de la décision mais, au contraire, a laissé l'instance et l'action se poursuivre jusqu'à leur terme, devant la juridiction des référés de renvoi, soit jusqu'au prononcé de la décision du juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 mai 2023.

En tout état de cause, la société BIOGARAN ne justifierait d'aucun grief, puisqu'elle aurait eu parfaitement connaissance de l'ordonnance du 25 novembre 2022, et que la poursuite de l'instance devant le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg jusqu'à son terme, devrait être considérée comme un acquiescement implicite de sa part de la décision rendue par la juridiction de Colmar et donc comme une renonciation aux voies de recours.

En renvoyant l'affaire à la juridiction strasbourgeoise, la décision rendue par la juridiction de Colmar a nécessairement tranché la question de la compétence, aussi bien matérielle que territoriale, dès lors que toutes les exceptions de procédure sont tranchées simultanément ; l'appelante ne saurait sérieusement prétendre que seule la question matérielle a été tranchée.

En tout état de cause, la compétence territoriale des juridictions respectivement de Colmar, puis de Strasbourg, serait parfaitement justifiée, dès le début de l'assignation, car :

- le dommage subi par une victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaires, l'a été notamment au lieu du siège social de la victime à [Localité 4],

- des démarchages de pharmaciens par la société BIOGARAN ont eu lieu sur le secteur de [Localité 5],

- un procès-verbal est produit, démontrant que des produits litigieux de la société BIOGARAN ont été vendus dans une pharmacie à KAYSERSBERG, donc sur le ressort de la juridiction de Colmar.

Sur les faits de concurrence et parasitisme, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN estime justifier d'un préjudice en lien avec la perte de chiffre d'affaires découlant, tant des actes de concurrence déloyale (évoqués dans son appel incident) que des agissements parasitaires de la société BIOGARAN, qui pour pouvoir se lancer sur le marché, se serait placée délibérément dans son sillage.

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN affirme que ses emballages représenteraient une valeur économique importante, fruit d'un investissement, le packaging représentant le premier contact avec le client.

Quant au sondage produit aux débats par la société BIOGARAN, par lequel il est dit que les professionnels de santé ne porteraient que très peu d'attention aux emballages des produits médicaux, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN estime que ce sondage n'aurait aucune valeur probante, car il a été effectué par une société privée et demandée par la société BIOGARAN.

En ce qui concerne les coloris choisis sur les boîtes BIOGARAN, la société intimée ajoute que les coloris ne correspondraient absolument pas à la charte graphique de cette dernière, puisque les autres gammes ont d'autres couleurs ; il était fait référence aux gammes des produits 'pansements super absorbants stériles' de la société BIOGARAN de couleur verte et 'Pansements Tulles Vaselinés' de la société BIOGARAN de couleur bleue.

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN considère que la condamnation de la société BIOGARAN à communiquer des pièces comptables serait parfaitement justifiée et proportionnée, puisqu'elle a été limitée par la juridiction au seul 'chiffre d'affaires' issu des ventes des boîtes litigieuses.

La société BIOGARAN ne justifierait nullement des contraintes techniques, réglementaires et pratiques évoquées par elle, s'agissant des opérations de retrait et de rappel des dispositifs médicaux, ainsi qu'à la production de nouveaux emballages et ce d'autant plus qu'elle a, à ce jour, déjà bénéficié dans les faits, d'un délai supérieur à 15 jours, puisque l'ordonnance du 10 mai 2023 n'a été signifiée que plus d'un mois après son prononcé, soit le 13 juin 2023.

S'agissant de son appel incident, portant sur le trouble manifestement illicite dû au risque de confusion, dont la réalité a été écartée par le premier juge, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN estime que les emballages des sets de pansement de la société BIOGARAN constitueraient une violation manifeste et délibérée des règles les plus élémentaires de concurrence, engendrant un risque de confusion entre acteurs économiques.

Contrairement à ce qui a été retenu par le juge des référés, le public visé ne serait pas limité aux professionnels de santé ; en outre, au sein d'une même gamme, un professionnel de santé pourrait se tromper si les visuels sont similaires, en particulier quand le code couleur est identique.

Sur la demande de provision, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN expose qu'en prenant la décision 'd'écouler' les stocks de commandes passés avant le 15 novembre 2021, en 'cours d'acheminement' le 23 décembre 2021, soit plus d'un mois après la mise en demeure réceptionnée le 15 novembre et correspondant aux 'Anciens Emballages' - alors qu'elle disposait de la faculté de ne pas mettre sur le marché ces stocks - la société BIOGARAN engagerait sa responsabilité et serait tenue d'indemniser le préjudice subi du fait de la commercialisation de produits sous des emballages, constitutifs d'acte de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires.

Enfin au sujet des mesures ordonnées contre la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, cette dernière soutient que la brochure qu'elle glisse à l'intérieur de ses boîtes de pansements ne constituerait pas une publicité, car non visible du client avant d'acheter la boîte, ajoutant que la brochure 'gamme la plus complète des sets de pansements sur le marché' ne viserait pas un concurrent et encore moins la société BIOGARAN, de manière implicite ou explicite. La mention ne serait dès lors ni trompeuse, ni mensongère, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN affirmant qu'elle commercialiserait bien la gamme la plus complète de pansements.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et de leurs prétentions, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

1) Sur la fin de non-recevoir liée à l'incompétence :

Dans son appel formé à l'encontre de la décision rendue par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 mai 2023, la société BIOGARAN estime que la juridiction n'aurait pas eu compétence pour trancher le litige qui lui était soumis.

A son sens, celui-ci relevait de la compétence de la juridiction spécialisée en matière de propriété intellectuelle, dans laquelle elle dispose de son siège social, c'est-à-dire le tribunal judiciaire de Nanterre.

Le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a été saisi du dossier suite à la décision rendue par le juge des référés commerciaux de Colmar en date du 25 novembre 2022, qui s'était dessaisi et a renvoyé le dossier à Strasbourg, estimant que le litige relevait de la compétence d'une juridiction spécialisée, au sens des dispositions de l'article D 211-6-1 du COJ.

Pour répondre aux préconisations de l'article 81 du code de procédure civile et déterminer la juridiction à laquelle il allait renvoyer le dossier, le juge des référés de Colmar a nécessairement statué sur les critères de compétence, tant matérielle (qui lui a permis de dire que c'est le juge spécialisé de l'article D. 211-6-1 du COJ qui est compétent), que territoriale, puisqu'il devait définir une juridiction de renvoi.

Aussi, le moyen soutenu de manière surprenante par la société BIOGARAN - selon laquelle le juge des référés de Colmar n'aurait statué que sur la question du critère territorial - est totalement infondé.

L'article 81 du code de Procédure Civile dispose que 'Lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi.'

Le juge des référés de Strasbourg, dans sa décision du 10 mai 2023 déférée devant la présente cour, constatant qu'aucun recours n'a été élevé contre la décision du juge des référés de Colmar du 25 novembre 2022, a fort logiquement estimé - en application des dispositions de l'article 81 du code de procédure civile sus évoquées - que l'ordonnance du 25 novembre 2022 statuant 'sur la compétence est définitive, aucune des parties n'en ayant interjeté appel. Par voie de conséquence, cette décision s'impose aux parties et au juge de renvoi devant lequel plus aucune exception d'incompétence n'est recevable.'

Pour contrer cette argumentation, la société BIOGARAN a interjeté appel de cette ordonnance du 25 novembre 2022, en même temps qu'elle a formé appel contre l'ordonnance du juge des référés de Strasbourg du 10 mai 2023.

Elle soutient être en droit de faire appel tardivement de l'ordonnance du 25 novembre 2022, au motif que la notification de l'ordonnance du 25 novembre 2022 n'aurait pas été valable et ne saurait faire courir le délai d'appel.

Cependant, cet appel, portant sur l'ordonnance du 25 novembre 2022 du juge des référés de Colmar, a été déclaré irrecevable par une décision rendue ce même jour dans le cadre de l'instance RG 23/2328.

Il s'en déduit que, faute pour la société BIOGARAN d'avoir fait appel de la décision du 25 novembre 2022 dans les 15 jours de sa notification du 20 décembre 2022, le renvoi du dossier pour compétence au profit du juge commercial du tribunal judiciaire de Strasbourg par le juge des référés de Colmar est définitif et s'impose à tous.

Les demandes de la société BIOGARAN, déjà soutenues en première instance, selon lesquelles le litige aurait dû être renvoyé devant le tribunal judiciaire de Nanterre, ou encore celles développées à hauteur d'appel - au soutien de l'article 82-1 du Code de procédure civile - selon lesquelles c'est la chambre civile (et non la commerciale) du tribunal judiciaire de Strasbourg qui aurait dû statuer, doivent être déclarées irrecevables.

2) Sur l'effet de la concurrence déloyale par imitation de la présentation des emballages de la société BIOGARAN de ceux de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN :

Les LABORATOIRES PAUL HARTMANN ont fait appel incident de la décision du premier juge qui a rejeté son action fondée sur la concurrence déloyale, tendant à voir reconnaître l'existence d'un trouble manifestement illicite découlant du risque de confusion dans l'esprit du consommateur, entre ses produits et ceux de la société BIOGARAN, du fait de l'imitation faite par la société BIOGARAN des emballages de sa gamme de produits 'set de pansements', qu'elle commercialise depuis des années.

Si la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN estime que le juge a, à juste titre, considéré qu'il existait un phénomène de copie de ses emballages par la société appelante, en revanche elle critique son analyse qui a conduit la juridiction à écarter tout risque de confusion du fait de la qualité des acheteurs, professionnels de la santé.

De son côté, la société appelante estime qu'il n'y a aucune ressemblance avérée entre les emballages de ses sets de pansements avec ceux commercialisés par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

Or, c'est à l'issue d'un travail de comparaison, boîte par boîte, particulièrement méticuleux et précis que le premier juge a pu considérer, à juste titre, que 'Bien que la société BIOGARAN s'en défende, il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des emballages litigieux, que les emballages des sets de pansements commercialisés par la société BIOGARAN imitent très fortement ceux des sets de pansements commercialisés par la société LABORATOIRE PAUL HARTMANN, tant dans leur première version que dans leur seconde' et que 'Il est incontestable que l'importante ressemblance entre les emballages de ces produits, produits au surplus similaires, qu'il s'agisse de la première comme de la seconde version, est générateur d'un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne'.

Sans avoir à reprendre l'intégralité des développements pertinents du premier juge, la cour note que :

S'agissant de la première version des emballages de sets de pansements commercialisés à partir de 2022 par la société BIOGARAN :

a) sur les emballages de ses sets de pansements de plaies chroniques :

- les couleurs générales de l'emballage de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN sont reprises (orange/rouge sur un bord uniquement avec un fond blanc sur la majorité de l'emballage) ;

- les différents types de produits de la société BIOGARAN présentent les mêmes couleurs que celles des boîtes de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN (couleur jaune pour les sets 'détersion', violet pour le set 'méchage', rose pour le set 'standard'),

- les mêmes sigles caractéristiques se trouvent sur les boîtes de la société BIOGARAN au niveau des instruments (un carré de la couleur évoquée plus haut), positionnés sur la partie inférieure droite de la boîte, comme c'est le cas pour les emballages de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN ;

- les couleurs des différentes polices sont identiques (bleu pour désigner la gamme de produit et les marques respectives ; orange pour désigner le produit précis), en sachant que ces écritures sont placées au même endroit que celles présentes sur les emballages de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN (partie supérieure à gauche) ;

- un pictogramme contenant le chiffre 5 de couleur orange est situé en bas et à gauche de l'emballage (comme pour les emballages de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN).

b) en ce qui concerne les emballages de sets de pansements post-opératoires, il existe également de fortes ressemblances :

- le produit est désigné sur les deux types d'emballages de la société BIOGARAN et de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, par un carré de couleur bleue sur la partie inférieure droite ;

- la couleur et la police des écritures sont identiques : bleue pour designer la gamme de produit et les marques respectives et orange pour désigner le produit précis 'POST OP',

- ces écritures sont placées au même endroit, à savoir sur la partie supérieure gauche de la boîte,

- la stylisation des produits est identique en ce qui concerne la représentation du coupe-fil et de l'ôte-agrafe,

- deux pictogrammes de même couleur, respectivement bleu et orange, sont apposés au même endroit, en bas à gauche de l'emballage.

Pour sa seconde version des emballages, la société BIOGARAN a essentiellement supprimé les carrés de couleur permettant d'identifier une gamme de produit (jaune pour la détersion, violet pour le méchage, rose pour le standard et bleu pour le post-op).

La société BIOGARAN a également supprimé :

- en ce qui concerne les emballages de sets de pansements de plaies chroniques, le pictogramme de couleur orange, incluant le nombre de soins qui se trouvait en bas à gauche de l'emballage, pour le remplacer par un histogramme de couleur bleue situé à droite, à l'emplacement utilisé par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN pour apposer sa marque contenue dans un ovale bleu,

- en ce qui concerne les emballages de sets de pansements post-opératoires, les deux pictogrammes de couleur bleue et orange, indiquant respectivement la taille des pansements et le nombre de soins, qui se trouvaient en bas à gauche de l'emballage de façon identique aux emballages de la même gamme de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, pour être remplacés par deux pictogrammes de couleur bleue situés en haut à droite, à l'emplacement utilisé par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, pour apposer sa marque contenue dans un ovale bleu.

Ces développements sont amplement suffisants pour rejoindre l'avis du juge des référés, qui a estimé établie l'existence d'un phénomène d'imitation de la présentation des boîtes de la société intimée, par celles de l'appelante, particulièrement frappant dans la première version des emballages des sets de pansements de la société BIOGARAN.

Cependant, comme l'a fait à juste titre remarquer le juge des référés de Strasbourg, il ne ressort pas des pièces produites, que ce type de sets de pansement soit en vente libre.

Le public de référence est donc bien constitué de professionnels de santé, majoritairement des pharmaciens, infirmiers libéraux et personnels hospitaliers, dotés d'un niveau d'attention particulièrement élevé, qui vont choisir les produits distribués, soit par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, soit par la société BIOGARAN, en fonction de critères indépendants de l'emballage.

Dans ces conditions, la nature du public de référence, mais aussi le mode de distribution de ces produits, rendent impossible tout risque de confusion qui devrait, pour être reconnu comme établi par le juge des référés, être évident et non sérieusement contestable, au sens de l'article 873 du code de procédure civile, qui exige en outre l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.

Dans ces conditions, la décision du juge des référés commerciaux de Strasbourg, qui n'a pas retenu l'existence d'un risque d'un dommage imminent, où l'existence d'un trouble manifestement illicite, doit être confirmée.

3) Sur les faits de parasitisme :

Il est nécessaire de rappeler, au préalable, le contexte économique du présent dossier. La société BIOGARAN admet que la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN est leader sur le marché des sets de pansements, pour détenir près de 60 % des parts du marché français.

La société BIOGARAN admet également s'être lancée sur ce marché au début de l'année 2022 et ne conteste pas davantage les allégations de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, selon lesquelles son ancien directeur général a été embauché par la société BIOGARAN et serait à l'origine du lancement de la gamme de pansements, dont les emballages font l'objet du présent litige.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, de se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété et des investissements réalisés par ce dernier.

Au cas d'espèce, la position de leader sur le marché du pansement 'technique' de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN est nécessairement le résultat d'un savoir-faire, d'investissements, et de la reconnaissance par le public constitué de professionnels de la santé, de la qualité des produits. Il s'agit là nécessairement d'une valeur économique immatérielle.

La décision de la société BIOGARAN, d'avoir choisi de lancer sa nouvelle gamme au moyen d'emballages imitant très fortement - comme cela est démontré plus haut - les emballages utilisés depuis des années par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, n'est pas le fruit du hasard.

Sachant que le personnel médical était habitué, depuis des années, à la présentation des produits de pansements de la marque de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, en adoptant le visuel spécifique aux produits de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, la société BIOGARAN s'est approprié le travail fait par les services de communication et d'investissement de sa concurrente.

Cette dernière produit une attestation (son annexe 48), qui précise qu'elle a engagé des dépenses en lien avec la conception, la création et la communication des boîtes de pansements commercialisés sous la marque MediSet, sur les exercices 2013 à 2021, à hauteur de 349 805,56 euros.

Les conditions d'application du parasitisme, qui correspondent à celles de l'article 1240 du Code civil - à savoir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité - sont réunies, puisque la société BIOGARAN ne pouvait ignorer qu'en adoptant par imitation, la présentation des produits de pansements utilisée sur les emballages de sa concurrente LES LABORATOIRES PAUL HARTMANN, elle commettait une faute qui lui permettait de se placer dans le sillage de cette dernière et de profiter de ses études et investissements réalisés.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le raisonnement du premier juge, ainsi que toutes les préconisations qu'il a décidées, en vue de mettre un terme au trouble manifestement illicite né de ces faits de parasitisme à savoir :

- faire cesser tout acte de commercialisation des sets de pansements litigieux pour plaies chroniques et postopératoires sous leurs emballages et présentations actuelles, tels que résultant des versions 1 et 2,

- faire procéder aux rappels, aux frais exclusifs de la société BIOGARAN, de l'ensemble des sets de pansements évoqué plus haut,

- faire cesser toute publicité de quelque nature que ce soit, portant une reproduction des sets de pansements telle qu'évoquée plus haut,

- détruire ou faire détruire les emballages des produits litigieux.

La société appelante estime que les modalités d'application dans le temps de sa condamnation, à savoir dans un délai de 15 jours, commençant à courir à compter de la signification de l'ordonnance au terme duquel une astreinte de 1 000 € par infraction constatée ou par jour de retard serait due, sont trop sévères et mériteraient d'être assouplies par l'octroi d'un délai de six mois.

Cependant, s'agissant d'une mesure d'urgence, elles ne sauraient être retardées, au regard de l'intensité et de l'importance du préjudice découlant de la persistance sur le marché des boîtes litigieuses.

De surcroît, il y a lieu de rappeler, d'une part, que la partie appelante a d'ores et déjà bénéficié dans les faits d'un délai supplémentaire depuis la notification de l'ordonnance déférée qui était exécutoire par provision, et d'autre part - comme cela est rappelé dans l'exposé du litige - que son attention avait été attirée par les services de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, dès la fin de l'année 2021 - soit avant la commercialisation de sa nouvelle gamme de produits - sur le risque de confusion existant du fait de l'imitation évidente des emballages de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN.

Il y a dès lors lieu de confirmer intégralement les modalités d'application de la condamnation de la société BIOGARAN, à savoir la mise en place du délai de 15 jours prévu par l'ordonnance déférée et la prévision d'une astreinte de 1 000 € par jour de retard, passé ce délai de 15 jours et par infraction constatée.

4) Sur la demande de communication de pièce et la provision accordée :

L'article 873 du code de procédure civile autorise le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, d'accorder une provision au créancier.

Rappelant ce texte, le premier juge a retenu l'existence d'un trouble commercial au préjudice de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, de sorte que l'obligation de l'indemniser mise à la charge de la société BIOGARAN n'est pas contestable, ayant rappelé que les actes de parasitisme évoqués plus haut ne sont pas sérieusement contestables.

Il a aussi condamné la société BIOGARAN, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à communiquer à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents et informations justificatives du chiffre d'affaires généré par les ventes de sets de pansements litigieux, ces informations devant être certifiées par un commissaire aux comptes indépendant, et ce en vue de pouvoir chiffrer le préjudice.

Les modalités de cette condamnation sont parfaitement adaptées au litige, en ce qu'elles préservent le secret des affaires, se contentant d'imposer à la société à l'origine des faits de parasitisme, de produire son chiffre d'affaires retiré exclusivement de la vente de ses sets de pansements dont l'emballage imitait celui de la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN. Elles seront dès lors confirmées.

En revanche, la condamnation de la société BIOGARAN à verser à titre de provision, pour l'indemnisation du préjudice subi par la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, la somme symbolique d’un euro, paraît disproportionnée et insuffisante.

À l'égard des enjeux économiques, de la taille des entreprises en litige, du fait que la société victime des faits de parasitisme était en position de leader avec près de 60 % des parts de marché, du fait qu'en dépit des lettres adressées par la société intimée à la société BIOGARAN, avant que cette dernière ne commercialise les boîtes de pansements litigieuses, elle a délibérément maintenu le lancement de sa gamme de pansements sous les emballages litigieux, du fait enfin que la société BIOGARAN ne démontre pas qu'elle a cessé de commercialiser les pansements litigieux au plus vite durant l'année 2023, il convient de fixer le montant de la provision à accorder à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN à la somme de 40 000 euros.

La décision sera dès lors infirmée sur ce point.

5) Sur les mesures ordonnées contre la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN :

Le premier juge - ayant souligné que la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN ne conteste nullement que la mention contenue dans sa brochure 'gamme la plus complète de sets de pansements sur le marché' n'est plus exacte depuis le lancement par la société BIOGARAN en 2022 de sa gamme de sets de pansements - a, à juste titre, estimé que cette mention était dorénavant fausse et constitutive d'une publicité mensongère, de nature à générer un trouble manifestement illicite, auquel il doit être mis un terme.

La société LABORATOIRES PAUL HARTMANN - qui se contente d'affirmer que cette notice ne saurait être considérée comme fausse, en ce qu'elle a été établie antérieurement à l'arrivée sur le marché des produits de la société BIOGARAN - ne conteste pas l'argumentation du juge, selon laquelle cette indication était dorénavant inadaptée pour être fausse.

Son argumentation, selon laquelle cette indication présente sur la brochure contenue à l'intérieur de ses produits commercialisés, ne serait accessible qu'après leur achat et ne pourrait de ce fait constituer une publicité mensongère, n'est pas davantage de nature à effacer le caractère mensonger de l'indication.

En tout état de cause, la lecture de mentions fausses, même postérieurement à l'acte d'acquisition du set de pansement contenant cette mention, est indéniablement de nature à inciter le consommateur - et ce même s'il s'agit d'un professionnel averti - à réitérer à l'avenir l'acquisition du même produit, de sorte que le caractère publicitaire de cette mention ne peut être sérieusement contesté.

Par conséquent, la cour adoptera les motifs du premier juge et confirmera sa décision ayant ordonné, sous astreinte, à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN, de cesser immédiatement la diffusion sur tout support de cette indication, mais aussi de détruire immédiatement ces mêmes supports.

6) Sur les demandes accessoires :

Une partie n'ayant aucun intérêt au prononcé d'une amende civile à l'encontre de la partie adverse, la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN est irrecevable à solliciter la condamnation de son adversaire, la société BIOGARAN, à ce titre.

L'ordonnance déférée étant confirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties à l'occasion de la première instance.

Pour les mêmes motifs, les demandes de la société BIOGARAN étant déclarées irrecevables ou rejetées en totalité, l'appelante assumera la totalité des dépens de l'appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Sa demande présentée à ce titre, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sera donc rejetée.

En revanche, elle devra verser à la société LABORATOIRES PAUL HARTMANN la somme de 10 000 euros au même titre et sur le même fondement.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir, pour cause d'incompétence, soutenue par la SAS BIOGARAN,

Confirme l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné la SAS BIOGARAN à payer à la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN une provision d’un euro au titre de l'indemnisation de son préjudice,

L'infirme de ce seul chef.

Déclare irrecevable la demande de la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN en vue d'obtenir la condamnation de la SAS BIOGARAN au paiement d'une amende civile,

Statuant à nouveau du chef de demande infirmé et y ajoutant,

Condamne la SAS BIOGARAN à payer à la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN une somme de 40 000 € (quarante mille euros) au titre de l'indemnisation de son préjudice subi pour des faits de parasitisme,

Condamne la SAS BIOGARAN aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SAS BIOGARAN à payer à la SARL LABORATOIRES PAUL HARTMANN une somme de 10 000 € (dix mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SAS BIOGARAN en vue d'obtenir une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.