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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 1 mars 2024, n° 23/14180

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Literie Best (Sasu), Lexylit (Sasu), Literie Aura (Sasu)

Défendeur :

MDL International (SARL), Entente Nationale de l'Ameublement (SA), Selarl AJ Partenaires (ès qual.), SCP CBF Associés (ès qual.), SCP BTSG (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseillers :

Mme Le Cotty, M. Birolleau

Avocats :

Me Girard, Me Lesne, Me Fleury

T. com. Paris, prés., du 4 août 2023, n°…

4 août 2023

La société Maison de la Literie International (ci-après MDLI) exploite un réseau de franchises sous l'enseigne "Maison de la Literie" La société Entente Nationale de l'Ameublement (ci-après ENA) est franchiseur du réseau à l'enseigne "Univers du Sommeil". Ces sociétés dépendent du groupe "Maison de la Literie".

Les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit sont des sociétés appartenant au Groupe Steel qui, en tant que franchisés "Maison de la Literie" ou "Univers du Sommeil" depuis plusieurs années, exploitent plusieurs magasins sous ces enseignes, répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain.

Les contrats de franchise conclus entre ces sociétés et les sociétés du groupe «Maison de la Literie» prévoient une redevance d'enseigne et de communication fixée de manière forfaitaire pour l'ensemble des contrats à un taux global de 6,5 % ou 7 %.

Les relations contractuelles entre ces sociétés se sont détériorées à la fin de l'année 2022, à l'occasion du changement d'actionnariat et de direction à la tête du réseau de franchise.

Des discussions se sont engagées au sujet d'un ajustement du pourcentage de redevances à verser par les sociétés du groupe Steel au groupe "Maison de la Literie", devant être ramené à 4 %, rétroactivement au 1er janvier 2022.

Parallèlement, les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit ont résilié 'à titre conservatoire', le 8 novembre 2022, les contrats de franchise à effet du 10 mai 2023, résiliation confirmée par lettre du 4 janvier 2023. 

Soutenant qu'aucun accord n'est intervenu sur une baisse du taux de redevances, que les sociétés du groupe Steel ont cessé tout règlement, notamment, au titre des redevances d'enseigne, de publicité et de celles dues au titre du forfait de communication digitale impayées depuis octobre 2022, en dépit de mises en demeure restées infructueuses, les sociétés MDLI et ENA ont résilié les contrats de franchise, par lettres des 3 et 7 juin 2023, et demandé en conséquence la cessation des activités sous leur nom, marque et enseigne et la dépose de celle-ci sous astreinte conventionnelle de 1.500 euros par jour de retard, passé le délai contractuel de huit jours.

Par actes des 15 et 16 juin 2023, les sociétés MDLI et ENA ont fait assigner les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en paiement des redevances.

Par acte du 6 juillet 2023, les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit ont assigné la société MDLI au fond, devant le tribunal de commerce de Paris, en rupture brutale des relations commerciales, puis par acte du 12 juillet 2023, elles ont fait assigner à heure indiquée, en vertu d'une ordonnance du 11 juillet 2023, la société MDLI devant le juge des référés de ce tribunal afin, notamment, d'obtenir la suspension de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise.

Par ordonnance du 18 juillet 2023, le juge des référés, après avoir ordonné la jonction des instances engagées devant lui, a :

Ordonné la suspension de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus entre les sociétés du groupe Steel et la société MDLI, courant à la suite des lettres de résiliation du 3 juin 2023 rétroactivement à cette date, jusqu'à ce qu'une décision sur le fond vienne confirmer le bienfondé de cette résiliation ;

suspendu pendant le cours de cette suspension les effets de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus entre les sociétés du groupe Steel et la société MDLI ;

réservé toutes les autres demandes ;

renvoyé l'affaire à l'audience du 26 juillet 2023.

Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

Entretemps, par jugement du 13 juillet 2023, les sociétés MDLI et ENA ont été admises au bénéfice du redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 12 octobre 2023.

Par ordonnance du 4 août 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, après reprise de la procédure à l'audience du 26 juillet 2023, a :

pris acte des interventions volontaires des sociétés Ajpartenaires et CBF Associés, en qualité d'administrateurs judiciaires des sociétés MDLI et ENA, et BTSG en qualité de mandataire judiciaire de ces sociétés ;

condamné la société Literie Best à verser à la société MDLI une provision d'un montant de 342.183,10 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

condamné la société Lexylit à verser à la société MDLI une provision d'un montant de 475.291,68 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

condamné la société Literie Aura à verser à la société MDLI une provision d'un montant de 473.668,08 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

condamné la société Literie Best à verser à la société ENA une provision d'un montant de 43.164 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

condamné la société Literie Aura à verser à la société ENA une provision d'un montant de 38.664,45 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

dit que ces sommes seront assorties des pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance, soit le 4 août 2023 et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an ;

condamné in solidum les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit à payer à la société MDLI la somme de 15.000 euros et à la société ENA la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté pour le surplus des demandes en particulier des demandes concernant le dépôt d'enseigne ;

condamné in solidum les sociétés Literie Best, Literie Aura et Lexylit aux dépens.

Par déclaration du 8 août 2023, les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura ont relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 17 janvier 2024, les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont elles ont fait appel ;

statuant à nouveau,

A titre principal,

déclarer nulle et de nul effet l'ordonnance déférée ;

débouter les sociétés MDLI, ENA et 'leurs organes de la procédure ès-qualités' de l'ensemble de leurs prétentions ;

A titre subsidiaire,

infirmer l'ordonnance déférée ;

statuant à nouveau sur les chefs de jugement critiqués,

dire l'existence de contestations sérieuses ;

rejeter les demandes formulées par les sociétés MDLI et ENA et leurs organes de la procédure ès-qualités, et les renvoyer à mieux se pourvoir ;

A titre infiniment subsidiaire,

leur accorder les plus larges délais de paiement ;

En tout état de cause, statuant à nouveau,

suspendre, à titre conservatoire, l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus avec la société ENA, courant à la suite des lettres de résiliation du 7 juin 2023, rétroactivement à leur date, jusqu'à ce qu'une décision sur le fond vienne confirmer le bienfondé de cette résiliation le cas échéant ;

En conséquence,

suspendre, pendant le cours de cette suspension, les effets de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus entre elles et les sociétés MDLI et ENA ;

désigner un ou plusieurs experts, chargés de présenter un rapport sur le montant réel des dépenses effectuées par les sociétés MDLI et ENA, sur les exercices 2022 et 2023 en cours, à des fins directes de publicité, de promotion ou de mise en valeur de la marque 'Univers du sommeil' et de la marque "Maison de la literie" et sur le montant des redevances publicitaires et celles liées aux services digitaux effectivement perçues par les sociétés MDLI et ENA au titre des contrats de franchise ;

Et en conséquence,

dire que l'expert ou les experts pourront, dans le cadre de leur mission, solliciter de la direction de la société MDLI et de la société ENA toutes explications et se faire remettre tous documents à même de permettre l'accomplissement de cette mission, y compris, mais sans s'y limiter, leurs comptes sociaux pour la période considérée et leurs annexes ;

dire que l'expert ou les experts pourront se faire assister par toutes personnes de leur choix ;

fixer le délai de remise de ce rapport ainsi que la rémunération du ou des experts désignés, laquelle sera à la charge de la société ENA ;

fixer "au passif de la société MDLI et de la société ENA et leurs organes de la procédure ès-qualités la somme de 7.000 euros au bénéfice de la société Literie Best au titre d'une obligation in solidum en application de l'article 700 du code de procédure civile" ;

fixer "au passif de la société MDLI et de la société ENA et leurs organes de la procédure ès-qualités la somme de 7.000 euros au bénéfice de la société Literie Aura au titre d'une obligation in solidum en application de l'article 700 du code de procédure civile" ;

fixer "au passif de la société MDLI et de la société ENA et leurs organes de la procédure ès-qualités la somme de 7.000 euros au bénéfice de la société Lexylit au titre d'une obligation in solidum en application de l'article 700 du code de procédure civile" ;

fixer "au passif de la société MDLI et de la société ENA et leurs organes de la procédure ès-qualités les entiers dépens de l'instance au titre d'une obligation in solidum".

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 23 janvier 2024, les sociétés MDLI et ENA, représentées par leur liquidateur judiciaire, la SCP BTSG, demandent à la cour de :

juger recevable l'intervention volontaire de cette dernière prise en la personne de Maître [C] [D] ès-qualités de liquidateur judiciaire ;

ordonner la reprise de l'instance ;

Sur l'appel principal,

juger les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura irrecevables et mal fondées en toutes leurs prétentions et les en débouter en ce compris leurs demandes reconventionnelles et accessoires ;

En conséquence,

confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, actualisée des montants publicitaires qui leur sont dus, mais sauf en ce qu'elle a débouté la demande de condamnation des sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura aux astreintes contractuelles ;

A ce titre,

Pour la société MDLI :

condamner la société Literie Best à lui verser une provision d'un montant de 298.278,76 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Lexylit à lui verser une provision d'un montant de 417.980,95 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Literie Aura à lui verser une provision d'un montant de 416.993,94 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

Pour la société ENA :

condamner la société Literie Best à lui verser une provision d'un montant de 34. 290,70 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Literie Aura à lui verser une provision d'un montant de 31.058,75 euros TTC au principal, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

Subsidiairement, si la cour devait annuler l'ordonnance déférée,

les juger recevables en leurs demandes ;

condamner les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura aux mêmes sommes qu'exposées ci-dessus ;

Très subsidiairement, si la cour devait estimer qu'il existe une contestation sérieuse quant au quantum des redevances publicitaires,

Pour la société MDLI :

condamner la société Literie Best à lui verser une provision d'un montant de 149.294,48 euros TTC au principal équivalente aux seules redevances d'enseigne impayées et une provision qu'elle déterminera sur les factures de redevances publicitaires, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Lexylit à lui verser une provision d'un montant de 187.284,72 euros TTC au principal équivalente aux seules redevances d'enseigne impayées et une provision qu'elle déterminera sur les factures de redevances publicitaires, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Literie Aura à lui verser une provision d'un montant de 201.837,30 euros TTC au principal équivalente aux redevances d'enseigne impayées et une provision qu'elle déterminera sur les factures de redevances publicitaires, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

Pour la société ENA :

condamner la société Literie Best à lui verser une provision d'un montant de 12.208 euros TTC au principal équivalente aux redevances d'enseigne impayées et une provision qu'elle déterminera sur les factures de redevances publicitaires, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

condamner la société Literie Aura à lui verser une provision d'un montant de 11.632,46 euros TTC au principal équivalente aux redevances d'enseigne impayées et une provision qu'elle déterminera sur les factures de redevances publicitaires, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture, les pénalités de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture, calculées au jour de l'ordonnance et les intérêts moratoires légalement dus à compter de la mise en demeure du 2 mai 2023 ;

Sur l'appel incident,

condamner la société Literie Best à verser à la société MDLI une provision à valoir sur le montant de chaque astreinte conventionnelle liquidée au jour de l'arrêt à raison de 1.500 euros par contrat et par jour de retard ;

condamner la société Lexylit à leur verser une provision à valoir sur le montant de chaque astreinte conventionnelle liquidée au jour de l'arrêt à raison de 1.500 euros par contrat et par jour de retard ;

condamner la société Literie Aura à leur verser une provision à valoir sur le montant de chaque astreinte conventionnelle liquidée au jour de l'arrêt à raison de 1.500 euros par contrat et par jour de retard ;

En tout état de cause,

condamner in solidum les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura à leur payer la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;

condamner in solidum les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura aux entiers dépens de première instance et d'appel et les frais d'exécution postérieurs restant à la charge du créancier ;

ordonner la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an ;

prononcer l'exécution provisoire de droit à intervenir.

La clôture de la procédure a été prononcée le 24 janvier 2024.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Il sera rappelé à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il en résulte que seules les demandes formées par les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura dans le dispositif de leurs dernières conclusions récapitulatives précédemment énoncées seront examinées par la cour.

Ainsi, en n'ayant pas repris dans celui-ci la demande développée dans les motifs de leurs conclusions tendant à la suspension des effets brutaux de la résiliation initiée par les sociétés ENA et MDLI, la cour ne statuera pas sur celle-ci.

Sur l'intervention volontaire de la société BTSG.

L'intervention volontaire de la société BTSG, nommée en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés intimées, est justifiée par la situation juridique de ces dernières et doit donc être déclarée recevable.

Sur l'annulation de l'ordonnance entreprise.

Pour solliciter l'annulation de la décision de première instance, les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura soutiennent que celle-ci comporte des contradictions et approximations factuelles, ne répond pas à leurs conclusions et statue sur des contestations sérieuses. Elles reprochent au premier juge d'avoir excédé ses pouvoirs en ayant interprété la volonté des parties et en s'étant livré à une analyse juridique erronée.

Elles invoquent également un défaut de motivation quant aux contestations sérieuses soulevées relatives aux manquements contractuels du franchiseur sur les redevances publicitaires dont il n'a pas été tenu compte et quant aux demandes reconventionnelles formées et à la remise en cause de la force jugée attachée à l'ordonnance du 18 juillet 2023.

Elles font enfin valoir que le premier juge a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de créances non sérieusement contestables.

Elles en déduisent que le juge a méconnu les dispositions des articles 455 et 873, alinéa 2, du code de procédure civile.

Il résulte des articles 455 et 458 du code de procédure civile, que le jugement doit être motivé à peine de nullité. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motivation.

En l'espèce, l'ordonnance déférée n'est pas dépourvue de toute motivation. Le premier juge a, après un exposé des prétentions des parties, statué, par des motifs certes succincts, sur les demandes qui lui étaient soumises, en écartant d'une part, les contestations sérieuses soutenues, au terme d'une analyse des pièces produites quant à l'absence de modification des contrats initiaux et, d'autre part, les demandes reconventionnelles. Il est relevé, s'agissant de la demande d'expertise, que son rejet se déduit des provisions allouées considérées comme non sérieusement contestables et que le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, notamment lorsqu'elle n'a pas d'incidence sur l'issue du litige.

Les critiques formulées contre la décision de première instance permettent donc aux sociétés appelantes de solliciter sa réformation mais ne caractérisent pas des motifs d'annulation de sorte qu'il n'y a pas lieu d'accueillir leur demande de ce chef.

Sur la demande de provisions,

Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au cas présent, les sociétés MDLI et ENA soutiennent que l'obligation des sociétés appelantes au paiement des redevances d'enseigne, de publicité et au titre du forfait de communication digitale, dont le taux a été fixé dans les contrats de franchise et n'a fait l'objet d'aucune modification contractuelle au début de l'année 2023, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Les sociétés appelantes font en revanche valoir que les demandes des intimées ne peuvent être accueillies dès lors qu'elles ne peuvent se prévaloir de créances certaines.

Elles indiquent en premier lieu, qu'un accord est intervenu au début de l'année 2023 pour réduire le taux des redevances à 4 %, rétroactivement à compter du 1er janvier 2022, l'absence de formalisation dans un document nominativement intitulé 'contrat' étant sans incidence dès lors que les parties étaient parvenues à un accord sur les points essentiels et qu'un commencement d'exécution des contrats modifiés a eu lieu en février 2023 ; qu'il en résulte, en application de cet accord, une nette surfacturation pour l'année 2022, devant donner lieu à des avoirs sur les redevances permettant de considérer que les créances des intimées ont été éteintes par le jeu de la compensation de créances connexes. Elles contestent toute situation de pression de leur part, rappelant que les contrats ont été résiliés par le groupe «Maison de la Literie» et qu'elles avaient elles-mêmes renoncé à résilier les contrats de franchise en application de l'accord de janvier 2023.

Il n'est pas contesté que les contrats de franchise prévoient à la charge du franchisé, pour la marque "Maison de la Literie", le paiement d'une redevance annuelle hors taxes de 3 % de son chiffre d'affaires annuel hors taxes pour le droit d'utiliser les marques, le savoir-faire et l'enseigne, outre une redevance publicitaire de 3,5 ou 4 % hors taxes de son chiffre d'affaires annuel hors taxes et, pour la marque 'Univers du Sommeil', une redevance de franchise annuelle de 2 % et une redevance publicitaire de 4 ou 5 %, soit une redevance globale comprise entre 6 et 7 % selon les contrats ainsi qu'une redevance forfaitaire de communication digitale.

Il résulte des pièces produites, consistant en des échanges de courriels, que les parties ont entamé des discussions, fin 2022 et au début de l'année 2023, alors que les sociétés du groupe Steel avaient entendu résilier, "à titre conservatoire", les contrats de franchise, pour réduire le montant de toutes les redevances à un taux global de 4 % sur le chiffre d'affaires hors taxes et ce rétroactivement à compter du 1er janvier 2022.

Les sociétés appelantes considèrent qu'un accord ferme et définitif sur ce taux et sur sa rétroactivité est intervenu modifiant les contrats de franchise sur ce point tandis que les sociétés intimées soutiennent que ces discussions s'analysent en des pourparlers non aboutis de sorte que les dispositions originelles des contrats doivent continuer à s'appliquer.

S'il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter les dispositions d'un contrat ou la volonté des parties, il entre néanmoins dans ses pouvoirs, afin de vérifier si l'obligation dont l'exécution est poursuivie, est établie avec évidence, de rechercher si une modification du contrat est intervenue de manière manifeste et de tirer les conséquences de stipulations claires et dépourvues d'ambiguïté.

La lecture des courriels échangés entre le 6 et le 16 janvier 2023 démontre que les sociétés du groupe "Maison de la Literie" ont conditionné leur acceptation de la réduction du taux des redevances, rétroactivement sur 2022, à des contreparties auxquelles devaient s'engager les sociétés du groupe Steel. Ces dernières ont contesté les propositions formulées dans le courriel du 6 janvier 2023, en y ajoutant des contrepropositions.

Par courriel en réponse du 7 janvier 2023, M. [N] (groupe "Maison de la Literie") a clairement indiqué à M. [G] (groupe Steel) :

« Je résume la proposition :

4 % de redevance (à partir de 2022)

500k EUR sur 5 ans pour les magasins du Sud ([Localité 13] ne sera pas impliqué ; on pourra discuter de ta stratégie de développement un autre jour)

En contrepartie

Un contrat bétonné (c'est inacceptable pour un groupe comme MDL de juste avoir la parole, surtout après ce qui se passe actuellement) durée de 5 ans, préavis de 18 mois 70 % approvisionnement auprès de Veldeman.

Retour aux délais de paiements légaux,

10.000.000 EUR CA minimum sur périmètre actuel pour garder les conditions,

Validation des conditions actuelles Velda pour 5 ans,

Renonciation aux lettres envoyées et continuation sur base des contrats modifiés.

Nous sommes allés jusqu'au bout pour toi.

Si tu n'acceptes pas cette offre favorable, les contrats actuels continuent de s'appliquer ».

Par courriel du 9 janvier 2023, M. [G] a exprimé son désaccord "sur le 500K€ et le préavis de 18 mois", puis, par mail du 10 janvier a indiqué être "Ok pour 18 mois" en précisant à M. [N] qu'il pouvait "faire rédiger le contrat" Par mail du 16 janvier 2023, ce dernier l'a remercié pour sa réponse et a précisé qu'il avait "demandé de préparer un projet de contrat avec tous les éléments dedans".

Or, il est constant qu'aucun contrat écrit reprenant l'ensemble des éléments discutés n'a été signé entre les parties.

C'est vainement que les appelantes soutiennent que les échanges précités s'analysent en un avenant contractuel manifestant l'accord des parties pour modifier les contrats d'origine sur le montant des redevances, dès lors que la condition de formalisation de l'accord ne s'est pas réalisée.

En effet, il ressort des termes du courriel susvisé de M. [N] du 7 janvier 2023 que les propositions du groupe "Maison de la Literie" dont la baisse de la redevance, ont été expressément conditionnées à la rédaction d'un "contrat bétonné" devant reprendre l'ensemble des éléments de discussion fixés dans celui-ci.

En outre, il est constaté à la lecture du mail de M. [G] du 10 janvier 2023, que si celui-ci a consenti aux "18 mois de préavis", il ne s'est pas prononcé sur les "500K€" qu'il contestait dans son mail précédent du 9 janvier 2023, alors que cet élément était pour le groupe "Maison de la Literie" également déterminant de la modification des contrats.

Ainsi, ces échanges établissent l'existence de pourparlers, qui n'ont cependant pas abouti à la concrétisation d'un avenant.

C'est encore vainement que les sociétés appelantes, se fondant sur des échanges de mails des directions financières des deux groupes ayant porté sur le calcul des avoirs de redevances à établir, soutiennent qu'en février 2023, un début d'exécution aurait été donné au prétendu accord.

En effet, ces calculs ne pouvaient que s'inscrire dans le cadre des pourparlers en cours dès lors qu'aucun avenant entérinant l'accord des parties n'a été régularisé.

Enfin, l'attestation de M. [F], ayant occupé le poste de directeur développement franchise au sein du groupe "Maison de la Literie", qui affirme que 'fin décembre M. [N] (l'a) informé que suite à un échange avec M. [G] en date du 16 décembre 2023, un accord avait été trouvé pour que l'ensemble des magasins du groupe [G] payent dorénavant une redevance publicité et enseigne de 4 % et ce avec effet rétroactif au 1er janvier 2022', est sans pertinence.

A cet égard, il est relevé, d'une part, que la date du 16 décembre 2023 résulte manifestement d'une erreur et qu'il doit être lu 16 décembre 2022, les appelantes précisant d'ailleurs, en page 27 de leurs conclusions, que cette date correspond à celle à laquelle M. [N] leur a donné son accord pour un taux de 4 % en se fondant sur un mail de ce dernier du 16 décembre 2022 (pièce n° 4), d'autre part, que les pourparlers ayant débuté en décembre 2022, il ne peut être affirmé qu'un accord avait été trouvé à cette date et, enfin, qu'une attestation n'est pas de nature à établir l'existence d'un avenant contractuel.

La contestation émise par les sociétés appelantes tenant à l'existence d'un accord modifiant le taux des redevances est donc dépourvue de caractère sérieux.

Les sociétés appelantes indiquent en second lieu, que les sociétés intimées ont manqué à leurs obligations contractuelles en n'ayant pas consacré l'intégralité de la redevance publicitaire à des dépenses de publicité et en n'ayant pas justifié, par des éléments comptables suffisamment précis, l'usage fait de cette redevance. Elles entendent donc invoquer l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement des redevances.

Les sociétés intimées soutiennent que les franchisés ne peuvent exiger une justification d'une éventuelle différence entre les redevances perçues et les dépenses effectuées, dès lors que le franchiseur, en application du contrat, "reste seul maître de l'utilisation de ce budget". Elles indiquent que le franchiseur agit comme un prestataire de services, assumant avec ses équipes internes et des prestataires externes les actions publicitaires, qu'il a le droit de se ménager une marge sur les redevances publicitaires collectées, précisant qu'aucune clause contractuelle ne les prive de marge commerciale et que ce droit à la marge et au profit constitue le principe de toute société commerciale. Elles ajoutent que des dépenses publicitaires sont réalisées, qu'elles ne peuvent se résumer aux seules factures de prestataires externes mais doivent aussi couvrir d'autres dépenses, la communication mobilisant des équipes internes, des locaux, des services supports comptables et ressources humaines qui doivent aussi être rémunérés par les redevances.

Selon les dispositions des contrats de franchise 'le franchisé s'engage à payer au franchiseur une participation à la publicité nationale initiée par le franchiseur (...) Cette contribution sera affectée exclusivement à la création et à la gestion de la publicité nationale de la marque Maison de la Literie. En toute hypothèse, le franchiseur reste le seul maître de l'utilisation de ce budget, mais celui-ci se concertera avec les franchisés en vue d'en obtenir le meilleur rendement dans l'intérêt collectif. Le franchiseur s'engage à justifier les dépenses effectivement réalisées'.

Il se déduit de cette clause dont les termes sont dépourvus de toute ambiguïté, que les redevances publicité sont exclusivement affectées à la création et à la gestion de la publicité nationale, à l'exclusion de toute utilisation à d'autres fins que ces actions publicitaires.

Ainsi, les intimées ne sauraient prétendre, sans dénaturer le contrat, avoir le droit de se ménager une marge commerciale sur la redevance publicitaire collectée de l'ordre de 13 %, laquelle n'est pas contractuellement prévue.

Il en résulte que sur ce point, l'obligation des appelantes se heurte à une contestation sérieuse qui ne permet donc pas d'accueillir la demande des intimées sur le paiement des redevances publicitaires d'autant qu'il résulte de la pièce 13 de ces dernières et de leurs écritures, qu'en 2022, les redevances publicitaires collectées se sont élevées à la somme de 3.510.186,62 euros alors que les dépenses exposées à ce titre ont été de 3.032.323,15 euros et que pour la période ayant couru entre le 1er janvier et le 12 octobre 2023, les redevances publicitaires facturées se sont chiffrées à la somme de 2.524.703 euros pour des dépenses effectives de 1.369.951,55 euros.

Au surplus, il est relevé que les quelques extraits de pièces comptables produits sont insuffisants à justifier les dépenses réalisées et, en tout état de cause, que la cour ne peut déterminer, comme le lui demandent à titre subsidiaire les intimées, le montant de la provision à allouer sur les redevances publicitaires dès lors qu'elle n'est pas saisie, à titre subsidiaire, de demande chiffrée à ce titre.

Au regard des motifs qui précèdent, les sociétés appelantes seront condamnées, par provision, et conformément à la demande subsidiaire des sociétés MDLI et ENA telle qu'énoncée dans le dispositif de leurs dernières conclusions, qui seul saisit la cour, au paiement des seules redevances d'enseigne.

La cour relève, s'agissant du montant de ces redevances, que si leur taux a été contesté par les appelantes, leur calcul et quantum tel que réclamé par les sociétés MDLI et ENA en application des contrats, n'a pas fait l'objet de discussion.

Ainsi, il convient, infirmant de ce chef l'ordonnance entreprise, de condamner, par provision et en principal :

la société Literie Best à payer la somme de 149.294,48 euros TTC au titre des redevances d'enseigne dues à la société MDLI ;

la société Lexylit à payer la somme de 187.284,72 euros TTC au titre des redevances d'enseigne dues à la société MDLI ;

la société Literie Aura à payer la somme de 201.837,30 euros TTC au titre des redevances d'enseigne dues à la société MDLI ;

la société Literie Best à payer la somme de 12.208 euros TTC au titre des redevances d'enseigne dues à la société ENA ;

la société Literie Aura à payer la somme de 11.632,46 euros TTC au titre des redevances d'enseigne dues à la société ENA.

A ces sommes s'ajouteront l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros pour chaque facture de redevance d'enseigne ainsi que les pénalités de retard au taux pratiqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture de redevance d'enseigne, calculées, conformément à la demande des intimées, à la date de l'ordonnance entreprise, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date.

Sur la demande de délais de paiement,

Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

Chacune des sociétés appelantes sollicite l'octroi des plus larges délais de paiement en soutenant que leur situation financière ne leur permettrait pas de régler les sommes mises à leur charge.

Cependant, les éléments comptables versés aux débats ne permettent pas de considérer que les appelantes ne sont pas en capacité de régler le montant des provisions allouées.

En effet, l'examen du dernier bilan produit pour l'exercice clos au 30 septembre 2022, démontre que :

le poste "actif circulant" de la société Literie Best s'élevait à la fin de cet exercice comptable à la somme de 2.644.849 comprenant notamment, un poste 'créances' d'un montant global de 1.442.393 euros ;

le même poste du bilan actif de la société Literie Aura s'élevait à la même date à la somme de 2.879.754, comprenant des créances d'un montant global 748.705 ;

le même poste du bilan actif de la société Lexylit s'élevait à la même date à la somme de 3.043.262 euros comprenant des créances à hauteur de 1.389.810 euros.

En tout état de cause, la cour relève que, de fait, les sociétés appelantes ont bénéficié de délai de paiement puisque les provisions allouées sont dues pour la période courant d'octobre 2022 à juin 2023 ainsi qu'il résulte des tableaux insérés dans les conclusions des intimées.

Il n'y a donc pas lieu d'accorder aux appelantes les délais de paiement sollicités.

Sur les astreintes conventionnelles,

Les sociétés appelantes demandent que soit suspendue, à titre conservatoire, l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus avec la société ENA, courant depuis la résiliation opérée par celle-ci des contrats en date du 7 juin 2023 et ce, jusqu'à ce qu'une décision sur le fond soit rendue sur le bienfondé de la résiliation.

Les sociétés MDLI et ENA demandent, pour leur part, que leur soit allouée une provision à valoir sur le montant de chaque astreinte conventionnelle liquidée au jour de l'arrêt à raison de 1.500 euros par contrat et par jour de retard, sans toutefois chiffrer le montant de la provision sollicitée.

Il a été convenu dans les contrats de franchise que dans l'hypothèse où ceux-ci seraient rompus ou viendraient à cesser leurs effets, le franchisé s'engageait formellement à déposer l'enseigne du ou des magasins concernés. « Cette dépose devra automatiquement avoir lieu aux frais et sous la responsabilité du franchisé dans les huit jours suivant la cessation du contrat. De plus, dans le même délai, le franchisé ne devra plus utiliser, sous quelque forme que ce soit (les signes distinctifs de la marque sur n'importe quel support) (...) En cas de non-respect des obligations ci-dessus, le franchisé sera redevable envers le franchiseur d'une astreinte définitive de 1.500 euros par jour de retard, sans préjudice de tous les autres dommages et intérêts (...) ».

Il doit être rappelé que par ordonnance du 18 juillet 2023, n'ayant fait l'objet d'aucun recours, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a suspendu les astreintes conventionnelles stipulées dans les contrats conclus avec la société MDLI de sorte qu'en l'absence de circonstances nouvelles permettant de revenir sur cette décision, l'autorité de la chose jugée attachée à celle-ci ne permet pas d'examiner la demande de liquidation de l'astreinte, l'absence de signification de l'ordonnance du 18 juillet 2023 ne la rendant pas inopposable à la société MDLI, contrairement à ce que cette dernière soutient.

Il doit encore être rappelé qu'une astreinte conventionnelle s'analyse en une clause pénale et qu'à ce titre, celle-ci est susceptible de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l'article 1231-5 du code civil. Le juge des référés ne disposant pas du pouvoir de modération de l'astreinte contractuellement prévue, la demande de provision formée à ce titre par la société ENA se heurte à une contestation sérieuse et sera rejetée.

Au regard du motif de rejet de cette demande, il devient sans utilité de suspendre le cours de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats conclus avec la société ENA, sa liquidation ne pouvant être effectuée que par le juge du fond.

L'ordonnance entreprise, qui a débouté « pour le surplus des demandes en particulier des demandes concernant le dépôt d'enseigne » étant assez peu explicite sur ces chefs de demande soumis au premier juge, sera infirmée et il sera à nouveau statué dans le sens des motifs qui précèdent.

Sur la mesure d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Pour ordonner une expertise en application de ce texte, le juge des référés doit constater l'existence d'un procès "en germe", possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, l'expertise judiciaire ordonnée n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Au cas présent, les sociétés appelantes sollicitent une mesure d'expertise aux fins de déterminer d'une part, le montant réel des dépenses effectuées par les intimées sur les exercices 2022 et 2023, à des fins directes de publicité, de promotion ou de mise en valeur des marques "Univers du Sommeil" et "Maison de la Literie" et, d'autre part, le montant des redevances publicitaires ainsi que de celles liées aux services digitaux effectivement perçues.

Ainsi qu'il résulte des motifs qui précèdent, les redevances publicitaires n'ont pas été affectées en totalité aux dépenses de publicité.

Les sociétés MDLI et ENA n'ont pas produit de pièces comptables pertinentes permettant d'établir avec précision et certitude les dépenses effectuées et l'usage des redevances publicitaires perçues en 2022 et facturées en 2023.

En conséquence, les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura justifient d'un motif légitime à voir ordonner une expertise qui leur permettra de déterminer le montant exact des dépenses engagées, l'affectation des redevances publicitaires versées et le montant desdites redevances réellement dues à des fins promotionnelles, et, donc de disposer d'éléments utiles pour un futur procès en responsabilité contractuelle qui, en l'état, n'apparaît pas manifestement voué à l'échec.

La cour relève en outre qu'en application du contrat, le franchiseur a l'obligation de justifier les dépenses effectivement réalisées ce qui implique un droit de regard des franchisés sur l'utilisation des redevances publicitaires.

L'expertise sera en revanche limitée aux seules redevances publicitaires dès lors qu'il n'est fait état d'aucune difficulté pour les redevances liées aux services digitaux et aux années 2022 et 2023 comme demandé dans le dispositif des conclusions des appelantes.

Enfin, les frais d'expertise seront à la charge des sociétés appelantes dans l'intérêt desquelles elle est ordonnée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Au regard de l'issue du litige en appel, il convient de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses frais et dépens exposés devant la juridiction du second degré. Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais d'exécution du présent arrêt dès lors que ces frais, par principe, dus par le débiteur en application de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, ne font pas partie des dépens.

Sur l'exécution provisoire,

Les intimées demandent que soit prononcée l'exécution provisoire. Cependant, le pourvoi susceptible d'être formé contre le présent arrêt n'étant pas suspensif d'exécution, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SCP BTSG prise en la personne de Maître [C] [D], liquidateur judiciaire des sociétés Maison de la Literie International et Entente Nationale de l'Ameublement ;

Dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance entreprise ;

Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Literie Best à payer à la SCP BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison de la Literie International, la somme de 149.294,48 euros TTC au titre des redevances d'enseigne, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

Condamne la société Lexylit à payer à la SCP BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison de la Literie International, la somme de 187.284,72 euros TTC au titre des redevances d'enseigne, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

Condamne la société Literie Aura à payer à la SCP BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Maison de la Literie International, la somme de 201.837,30 euros TTC au titre des redevances d'enseigne, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

Condamne la société Literie Best à payer à la SCP BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Entente Nationale de l'Ameublement, la somme de 12.208 euros TTC au titre des redevances d'enseigne, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

Condamne la société Literie Aura à payer à la SCP BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Entente Nationale de l'Ameublement, la somme de 11.632,46 euros TTC au titre des redevances d'enseigne, outre 40 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chaque facture ;

Dit que ces sommes seront assorties des pénalités de retard au taux pratiqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture de redevance d'enseigne, calculées à la date du 4 août 2023 et des intérêts au taux légal à compter de cette date ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision relative aux redevances publicitaires ;

Rejette la demande de délais de paiement formée par les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande formée par la société Maison de la Literie International représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP BTSG, tendant à l'octroi d'une provision au titre de la liquidation de l'astreinte conventionnelle au regard de la suspension de cette astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 18 juillet 2023 ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société Entente Nationale de l'Ameublement représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP BTSG, au titre de la liquidation de l'astreinte conventionnelle ;

Dit n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande des sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura tendant à la suspension de l'astreinte conventionnelle stipulée dans les contrats de franchise conclus avec la société Entente Nationale de l'Ameublement ;

Ordonne une mesure d'expertise,

Désigne pour y procéder :

M. [Y] [I]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Tél : [XXXXXXXX02]

Fax : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX03]

Email : [Courriel 12]

avec faculté, si besoin, de s'adjoindre un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne à charge pour lui d'en informer préalablement les parties et le juge chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et mission de :

se faire communiquer par les parties l'ensemble des documents utiles à l'accomplissement de sa mission et, notamment, les bilans et comptes sociaux des sociétés Maison de la Literie International et Entente Nationale de l'Ameublement ;

convoquer les parties et tout sachant afin de les entendre en leurs explications ;

déterminer le montant des dépenses réalisées par les sociétés Maison de la Literie International et Entente Nationale de l'Ameublement à des fins directes de publicité, de promotion ou de mise en valeur des marques "Maison de la Literie" et "Univers du Sommeil", au cours des années 2022 et 2023 ;

déterminer le montant des redevances publicitaires facturées et réglées au cours de ces années par les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura ;

dire à quelles dépenses et dans quelle proportion ces redevances publicitaires ont été affectées et déterminer le montant des redevances publicitaires non affecté à des dépenses promotionnelles ;

Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de commerce de Paris avant le 31 octobre 2024 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

Dit que les sociétés Literie Best, Lexylit et Literie Aura devront consigner à la régie du tribunal de commerce de Paris la somme de 7.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 30 avril 2024 ;

Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

Désigne pour suivre les opérations d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal de commerce de Paris ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses frais et dépens exposés dans la procédure d'appel.