CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 1 mars 2024, n° 22/09363
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Lea Nature Services (SAS)
Défendeur :
Debonair Trading Internacional LDA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Avocats :
Me Baechlin, Me Benoliel-Claux, Me Lallement, Me Jacquey
SUR CE, LA COUR
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Lea Nature Services, précédemment dénommée Groupe Lea Nature, se présente comme une société ayant pour activité la recherche, l'élaboration, la conception, la fabrication et la commercialisation de produits parapharmaceutiques, diététiques et cosmétiques et de tous produits alimentaires et biologiques, par correspondance, ainsi que par réseaux spécialisés.
Elle est notamment titulaire de la marque française semi-figurative n°3 529 601 déposée le 5 octobre 2007 et renouvelée en 2017, désignant en classe 3 les produits suivants :
'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices. Eaux de toilette, produits pour parfumer le linge, produits de la parfumerie, bases pour parfums de fleurs et de plantes, microcapsules parfumées, encens, eaux de senteur, huiles pour la parfumerie, shampooings, huiles à usage cosmétique, crèmes cosmétiques, laits pour le visage et pour le corps, laits de toilette, pommade à usage cosmétique, préparations cosmétiques pour le bain non à usage médical, sels pour le bain non à usage médical, désodorisants à usage personnel ; aromates (huiles essentielles), bois odorants, eau de Cologne, savons désinfectants et désodorisants, eau de lavande, produits pour fumigations (parfums), bains moussants non à usage médical, préparations cosmétiques pour l'amincissement, masques de beauté, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits épilatoires, cosmétiques pour animaux, produits de démaquillage, lotions à usage cosmétique, produits de maquillage, produits pour le soin des ongles, produits cosmétiques de gommage, menthe pour la parfumerie, pots-pourris odorants, savons contre la transpiration des pieds, serviettes imprégnées de lotions cosmétiques, eaux de senteur, extraits de fleurs et de plantes (parfumerie), essence de menthe pour la parfumerie pastilles et gommes à mâcher à usage cosmétique, tous ces produits étant issus de l'agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus'.
La société Debonair Trading Internacional LDA (Debonair), société de droit portugais, se présente comme une société ayant pour actvité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques, en particulier de parfums.
Elle est notamment titulaire :
- de la marque verbale internationale 'SO' n° 914 901, désignant notamment la France, enregistrée le 1er mars 2007 pour les produits suivants relevant de la classe 3 :
« Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;
- de la marque verbale française 'SO '' n° 95564050, déposée le 22 mars 1995, en classe 3 pour désigner les produits de 'parfumerie et cosmétiques' ;
- de la marque verbale de l'Union européenne 'SO' '' n°485078, déposée le 7 mars 1997 et enregistrée le 26 février 2001 pour désigner en classe 3 des 'produits de toilette ; produits pour le soin de la peau, du cuir chevelu et du corps ; produits de bronzage ; produits pour durcir et renforcer les ongles ; produits pour le bain et la douche ; savons de toilette ;produits pour tonifier le corps ; tous non médicinaux ; parfums, fragrances ; après-rasage, laits, huiles, crèmes, gels, poudres et lotions ; mousses à raser ; cosmétiques, eau de Cologne ; eaux de toilette ; huiles essentielles, shampoings ; après shampoings ; lotions pour les cheveux ; produits pour les cheveux ; produits coiffants ; produits de toilette contre la transpiration ; déodorants à usage personnel ; dentifrices', et en classe 5 des 'crèmes médicinales et lotions médicinales ; préparations médicinales pour le soin de la peau et du cuir chevelu'.
La société Incos Limited est licenciée exclusive de la société Debonair depuis le mois de janvier 1999.
Les parties sont en conflit depuis plusieurs années, la société Debonair ayant formé à plusieurs reprises des oppositions devant l'INPI ou l'EUIPO à l'enregistrement de marques SO BIO déposées par la société Lea Nature Services sur le fondement de sa marque de l'Union européenne 'SO...'' n° 485078, procédures qui ont abouti au rejet ou au retrait des marques de la société Lea Nature Services. La société Lea Nature Services sollicite quant à elle la nullité ou la déchéance des droits de la société Debonair sur les marques dont elle est titulaire.
Plus particulièrement, concernant la présente affaire, il sera relevé que :
- la société Debonair a formé opposition devant l'EUIPO à l'encontre de la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative de l'Union européenne 'SO'BIO ETIC' n°006827281 déposée le 27 mars 2008 par la société Lea Nature Services, cette demande d'enregistrement de marque a fait l'objet d'un rejet par la première chambre de recours de l'EUIPO, décision confirmée par un arrêt du tribunal de l'Union européenne du 8 juin 2017 (affaire T-341/13), la CJUE ayant, le 28 février 2019, rejeté le pourvoi formé par la société Lea Nature Services ;
- la société Lea Nature Services a présenté devant l'EUIPO une demande d'annulation de la marque de l'Union européenne 'SO' '' n°485078 de la société Debonair, demande rejetée par une décision du 20 avril 2020, confirmée par décisions de la Chambre des recours du 11 février 2021, à l'encontre desquelles la société Lea Nature Services a formé un recours auprès du tribunal de l'Union européenne qui l'a rejeté par décision du 9 mars 2022 ;
- la marque de l'Union européenne « SO ... ' » n°485078 de la société Debonair fait également l'objet d'une action en déchéance par la société Lea Nature Services devant l'EUIPO ; par une décision du 8 septembre 2022 de la division d'annulation de l'EUIPO, la société Debonair a été partiellement déchue de ses droits pour les produits suivants : Classe 03 : Produits de bronzage; produits pour renforcer et durcir les ongles; savons de toilette; produits pour tonifier le corps; tous non médicinaux; après-rasage, huiles, poudres; laits, crèmes, gels et lotions (à l'exception de ceux pour le soin du corps);mousses à raser; huiles essentielles ; après-shampooings; lotions pour les cheveux (à l'exception des shampooings secs) ; produits pour les cheveux (à l'exception des shampooings secs) ; produits coiffants (à l'exception des shampooings secs) ; dentifrices. Classe 05 Crèmes médicinales et lotions médicinales ; et préparations médicinales pour le soin de la peau et du cuir chevelu. Cette décision fait actuellement l'objet d'un recours en vue d'élargir la portée de la déchéance prononcée ; ce recours est actuellement pendant devant la chambre des recours ;
La société Lea Nature Services a fait assigner la société Debonair, par acte du 17 juillet 2019 devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris en déchéance de la marque française 'SO '' n° 95564050. Le 5 février 2021, en cours de procédure devant le tribunal, la société Lea Nature Services a également sollicité la déchéance des droits de la société Debonair sur la partie française de la marque internationale « SO » n°914901.
En réponse, la société Debonair a formé des demandes en contrefaçon en raison de l'usage du signe SO'BIO ETIC objet de la marque française semi-figurative n°3 529 601
qui porterait atteinte à l'enregistrement de sa marque de l'Union européenne « SO ... ' » n°485078.
Le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 3 mars 2022 dont appel, a :
- prononcé à l'encontre de la société Debonair Trading Internacional LDA la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur :
- la partie française de sa marque verbale internationale 'SO' n° 914 901, déposée le 1er mars 2007, et ce pour tous les produits visés à l'enregistrement ;
- la marque semi-figurative française 'SO '' n° 95564050, déposée le 22 mars 1995, et ce pour tous les produits visés à l'enregistrement ;
- dit que la déchéance prend effet au 9 septembre 2019 ;
- ordonné la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le Registre National des Marques ;
- dit qu'en faisant usage des signes « SO'BIO étic » et notamment de sa marque française semi-figurative n°3 529 601 déposée et enregistrée le 5 octobre 2007 pour commercialiser ses produits cosmétiques, la société Lea Nature Services a commis des actes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne 'SO' '' n°485078 déposée le 7 mars 1997, dont est titulaire la société Debonair Trading Internacional LDA ;
- ordonné à la société Lea Nature Services de communiquer tous les documents ou informations en sa possession, et notamment des factures, permettant d'identifier les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits revêtus des signes litigieux, et d'autre part, les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, éléments certifiés conformes par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard prenant effet 30 jours après la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;
- fait interdiction à la société Lea Nature Services de poursuivre ses agissements, et ce sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, à quelque titre que ce soit, et en particulier à titre de marque, de nom d'association, et de nom de domaine, sous astreinte 500 euros par infraction constatée prenant effet 30 jours après la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;
- ordonné le retrait du marché de tous les articles contrefaisants, et ce sous astreinte de 500 par jour de retard, laquelle prendra effet à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification et pour une durée de six mois ;
- ordonné le rappel des circuits commerciaux de tous les articles contrefaisants, et ce sous astreinte de 500 par jour de retard, laquelle prendra effet à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification et pour une durée de six mois ;
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;
- rejeté la demande de destruction des produits litigieux ;
- condamné la société Lea Nature Services à payer à la société Debonair Trading Internacional LDA la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;
- rejeté la demande de transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 au bénéfice de la société Debonair Trading Internacional LDA ;
- rejeté les demandes de publication du présent jugement ;
- condamné la société Lea Nature Services à payer à la société Debonair Trading Internacional LDA la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Lea Nature Services aux dépens ;
- admis Maître Jehan-Philippe Jacquey au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne les mesures de transcription au registre des marques.
La société Lea Nature Services a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 29 mars 2023, le Premier Président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sollicité par la société Lea Nature Services.
Par ses dernières conclusions, la société Lea Nature Services demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé la date d'effet de la déchéance des droits de la société Debonair Trading Internacional LDA au 9 septembre 2019 ;
- dit qu'en faisant usage des signes « SO'BIO ETIC » et notamment de sa marque française semi-figurative n°3529601 déposée et enregistrée le 5 octobre 2007 pour commercialiser ses produits cosmétiques, la société Lea Nature Services a commis des actes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne « SO' ' » n°485078 déposée le 7 mars 1997, dont est titulaire la société Debonair Trading Internacional Lda ;
- ordonné à la société Lea Nature Services de communiquer tous les documents ou information en sa possession, et notamment des factures, permettant d'identifier les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits revêtus des signes litigieux, et d'autre part, les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, éléments certifiés conformes par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard prenant effet 30 jours après la signification du jugement et pendant 180 jours ;
- fait interdiction à la société Lea Nature Services de poursuivre ses agissements, et ce sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, à quelque titre que ce soit, et en particulier à titre de marque, de nom d'association, et de nom de domaine, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et prenant effet 30 jours après la signification du jugement et pendant 180 jours ;
- ordonné le retrait du marché de tous les articles contrefaisants, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle prendra effet à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour une durée de 6 mois ;
- ordonné le rappel des circuits commerciaux de tous les articles contrefaisants, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle prendra effet à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour une durée de 6 mois ;
- condamné la société Lea Nature Services à payer à la société Debonair Trading Internacional LDA la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;
- condamné la société Lea Nature Services à payer à la société Debonair Trading Internacional LDA la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Lea Nature Services aux dépens.
Le confirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
En l'absence de demande d'infirmation du jugement, et en l'état des « Constater et Dire juger »
- se déclarer non valablement saisie des demandes suivantes :
Constater que la partie française de la marque internationale n°914901, ainsi que la marque française n°95 564 050, font l'objet d'un usage réel sérieux ;
Constater la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
Ordonner le transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 au bénéfice de la société Debonair Trading Internacional LDA ;
Dire et Juger que l'arrêt à intervenir sera inscrit d'office au Registre National des Marques auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, aux frais avancés de la société Lea Nature Services, et qu'à défaut de se faire dans les quinze jours qui suivent la signification de l'arrêt à intervenir, l'intimée pourra procéder elle-même aux inscriptions nécessaires au transfert de propriété de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
Condamner la société Lea Nature Services à verser à Debonair Trading Internacional LDA, la somme de 34.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon, sauf à parfaire ou compléter au vu des éléments certifiés dont la production a été ordonné par le jugement dont appel ;
Ordonner et ce à titre de complément de dommage et intérêt, la publication du jugement dans cinq journaux ou revues au choix préalable de Debonair Trading Internacional LDA, mais aux frais exclusifs et avancés de la société Lea Nature Services, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, le Tribunal se réservant le droit de liquider directement l'astreinte;
Ordonner également à titre de complément de dommage et intérêt, la publication a minima du dispositif du jugement à intervenir, sur la page d'accueil des site Internet www.leanature.com, www.leanatureboutique.com, et www.sobio-etic.com, après modification de ce dernier nom de domaine pour les produits relevant de la classe 3, et ce dans une police de caractères identique au contenu de ces pages, sans qu'il ne soit nécessaire d'utiliser le menu déroulant de ladite page d'accueil, et ce pour une durée d'un mois, et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la Cour se réservant le droit de liquider directement l'astreinte ;
- déclarer irrecevable la demande en nullité à l'encontre de la marque française LEA NATURE SOBIO ETIC n°4 956 807 et subsidiairement débouter la société Debonair Trading Internacional LDA de cette demande ;
- fixer la date d'effet de la déchéance des droits de la société Debonair Trading Internacional LDA :
- à compter du 12 avril 2012 pour la marque internationale verbale SO n°914901 désignant la France ;
- à compter du 25 août 2000 pour la marque française verbale SO' n°95564050,
- déclarer la société Debonair Trading Internacional LDA irrecevable à agir en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne « SO' ' » n°485078 déposée le 7 mars 1997 en raison de la tolérance dont elle a fait preuve depuis plus de cinq ans, en toute connaissance de cause, à l'égard de l'exploitation de la marque française semi-figurative n°3529601,
En cas de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions du droit de l'Union,
- renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à une question préjudicielle sur le point de savoir si la tolérance telle que figurant à l'article 9 de la directive n°2015/2436, auquel l'article 16, paragraphe 2 du règlement (UE) 2017/1001 renvoie, peut être exclue lorsque le titulaire d'une marque antérieure n'a entrepris aucune mesure à l'encontre de l'usage de la marque postérieure litigieuse mais a initié une procédure d'opposition à l'encontre d'une marque postérieure similaire, appartenant au même titulaire,
Subsidiairement,
- débouter la société Debonair Trading Internacional LDA de ses demandes en contrefaçon de la marque de l'Union européenne « SO' ' » n°485078.
En conséquence,
- débouter la société Debonair Trading Internacional de l'ensemble de ses demandes tendant à voir liquider les astreintes provisoires prononcées par le tribunal et de ses nouvelles demandes visant à assortir les mesures de sanctions prononcées par la cour d'astreintes définitives,
- ordonner à la société Debonair Trading Internacional LDA de restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard après un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt,
- condamner la société Debonair Trading Internacional LDA à verser à la société Lea Nature Services la somme globale de 200 000 euros au titre du remboursement des frais exposés du fait de l'exécution du jugement et au titre de la réparation de ses préjudices commercial et moral.
En toute hypothèse,
- débouter la société Debonair Trading Internacional LDA de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Debonair Trading Internacional LDA à lui la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la société Debonair Trading Internacional LDA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le jugement était confirmé sur la contrefaçon,
- ramener les mesures de sanctions à de justes proportions et en aménager l'exécution en accordant un délai de dix-huit mois aux fins d'écoulement des stocks,
- déclarer la demande de transfert de la marque française semi-figurative n°3529601 prescrite et subsidiairement, la rejeter,
- débouter la société Debonair Trading Internacional LDA de l'ensemble de ses demandes tendant à voir liquider les astreintes provisoires prononcées par le Tribunal et de ses nouvelles demandes visant à assortir les mesures de sanctions prononcées par la Cour d'astreintes définitives,
- ordonner, en cette même hypothèse, que les parties conservent chacune à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont engagés.
Par ses dernières conclusions, la société Debonair demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- dire et juger la société Lea Nature Services, irrecevable, à tout le moins mal fondée, en toutes ses demandes, fins et conclusions appel, et l'en débouter, purement et simplement, en ce compris le rejet de la demande de renvoi devant la Cour de Justice de l'Union Européenne visant à interpréter l'article 9 de la Directive n°2015/2436 et sa demande indemnitaire ;
- constater l'inexécution des mesures ordonnées sous astreinte provisoire par le tribunal judiciaire ;
- liquider les astreintes provisoires ordonnées par la décision en date du 3 mars 2022 ;
- assortir les mesures prononcées par le tribunal judiciaire du Paris le 3 mars 2022 de nouvelles astreintes, augmentées et définitives ;
En conséquence :
- condamner la société Lea Nature Services à lui payer la somme de 3,5 milliards d'euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, et à tout le moins à un montant qui ne saurait être inférieur à dix millions d'euros ;
- ordonner l'exécution sous astreinte définitive de 2 000 euros par jour, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de la mesure de communication des documents permettant d'établir l'étendue de la contrefaçon ;
- ordonner l'exécution sous astreinte définitive de 2 000 euros par jour, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de la mesure de retrait du marché des articles contrefaisants ;
- ordonner l'exécution sous astreinte définitive de 2 000 euros par jour, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de la mesure de rappel des circuits commerciaux des articles contrefaisants ;
- ordonner l'exécution sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de la mesure d'interdiction de poursuite des actes de contrefaçon ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance des droits de la société Debonair Trading Internacional LDA sur la partie française de la marque internationale n° 914901, ainsi que sur la marque française n°95 564 050,
- rejeté la demande de Debonair sur le fondement de la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n° 3 529 601,
- rejeté la demande de transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601,
- rejeté les demandes de publication,
- limité le quantum des dommages et intérêts à la somme de 20.000 euros,
Et le confirmer pour le reste ;
Statuant à nouveau,
- constater que la partie française de la marque internationale n° 914 901, ainsi que la marque française n°95 564 050, font l'objet d'un usage réel sérieux ;
- constater la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
- ordonner le transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 au bénéfice de la société Debonair Trading Internacional LDA ;
- constater la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « LEA NATURE SO BIO ETIC » n°4 956 807 ;
- ordonner l'annulation de l'enregistrement de marque française « LEA NATURE SOBIO ETIC » n°4 956 807 ;
- dire et juger que l'arrêt à intervenir sera inscrit d'office au registre national des marques auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, aux frais avancés de la société Lea Nature Services, et qu'à défaut de se faire dans les quinze jours qui suivent la signification de l'arrêt à intervenir, l'intimée pourra procéder elle-même aux inscriptions nécessaires au transfert de propriété de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601, ainsi qu'à l'annulation de la marque n°4 956 807 ;
- condamner la société Lea Nature Services à lui verser la somme de 34 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon, sauf à parfaire ou compléter au vu des éléments certifiés dont la production a été ordonné par le jugement dont appel ;
- ordonner et ce à titre de complément de dommage et intérêt, la publication du jugement dans cinq journaux ou revues au choix préalable de Debonair Trading Internacional LDA, mais aux frais exclusifs et avancés de la société Lea Nature Services, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, le Tribunal se réservant le droit de liquider directement l'astreinte ;
- ordonner également à titre de complément de dommage et intérêt, la publication a minima du dispositif du jugement à intervenir, sur la page d'accueil des site Internet www.lea nature.com, www.leanatureboutique.com, et www.sobio-etic.com, après modification de ce dernier nom de domaine pour les produits relevant de la classe 3, et ce dans une police de caractères identique au contenu de ces pages, sans qu'il ne soit nécessaire d'utiliser le menu déroulant de ladite page d'accueil, et ce pour une durée d'un mois, et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la Cour se réservant le droit de liquider directement l'astreinte ;
En tout état de cause,
- condamner la société Lea Nature Services à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Lea Nature Services aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jehan-Philippe Jacquey, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Et le confirmer pour le reste ;
A titre liminaire il convient de considérer que les mentions dans le dispositif des écritures de la société Debonair tendant à voir la cour « constater » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais un résumé des moyens invoqués à l'appui de ses demandes et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
- Sur l'effet dévolutif des demandes de la société Debonair
Selon la société Lea Nature Services, aucune prétention figurant au dispositif des premières conclusions de la société Debonair ne conclut expressément à la réformation du jugement ou à son infirmation, l'intimée se bornant à en solliciter la confirmation. Elle en déduit que la cour qui n'est pas valablement saisie de telles demandes ne peut que confirmer le jugement.
Aux termes du dispositif de ses premières conclusions d'intimée et d'appel incident déposées et notifiées par voie électronique du 29 décembre 2022, la société Debonair sollicite de la cour de :
« Dire et juger la société Debonair Trading Internacional LDA, recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ; Dire et juger la société Lea Nature Services, irrecevable, à tout le moins mal fondée, en son appel et l'en débouter, purement et simplement
Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- Prononcé la déchéance des droits de la société Debonair Trading Internacional LDA sur la partie française de la marque internationale n°914901, ainsi que sur la marque française n°95 564 050 ;
- Rejeté la demande de Debonair sur le fondement de la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
- Rejeté la demande de transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC n°3529601 ;
- Rejeté les demandes de publication ;
- Limité le quantum des dommages et intérêts à la somme de 20.000 euros ;
Statuant à nouveau,
- Constater que la partie française de la marque internationale n°914901, ainsi que la marque française n°95 564 050, font l'objet d'un usage réel sérieux ;
- Constater la nature frauduleuse de la demande de marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
- Ordonner le transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 au bénéfice de la société Debonair Trading Internacional LDA ;
- Dire et Juger que l'arrêt à intervenir sera inscrit d'office au Registre National des Marques auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, aux frais avancés de la société Lea Nature Services, et qu'à défaut de se faire dans les quinze jours qui suivent la signification de l'arrêt à intervenir, l'intimée pourra procéder elle-même aux inscriptions nécessaires au transfert de propriété de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 ;
- Condamner la société Lea Nature Services à verser à Debonair Trading Internacional LDA, la somme de 34.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon, sauf à parfaire ou compléter au vu des éléments certifiés dont la production a été ordonné par le jugement dont appel ;
- Ordonner et ce à titre de complément de dommage et intérêt, la publication du jugement dans cinq journaux ou revues au choix préalable de Debonair Trading Internacional LDA, mais aux frais exclusifs et avancés de la société Lea Nature Services, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, le Tribunal se réservant le droit de liquider directement l'astreinte;
- Ordonner également à titre de complément de dommage et intérêt, la publication a minima du dispositif du jugement à intervenir, sur la page d'accueil des site Internet www. leanature.com, www.leanatureboutique.com, et www.sobio-etic.com, après modification de ce dernier nom de domaine pour les produits relevant de la classe 3, et ce dans une police de caractères identique au contenu de ces pages, sans qu'il ne soit nécessaire d'utiliser le menu déroulant de ladite page d'accueil, et ce pour une durée d'un mois, et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, la Cour se réservant le droit de liquider directement l'astreinte;
En tout état de cause,
- Condamner la société Lea Nature Services à payer à la société Debonair Trading Internacional LD, la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
· Condamner la société Lea Nature Services aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jehan-Philippe Jacquey, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »
La société Debonair demande donc à la cour de confirmer partiellement le jugement de première instance de sorte que les premières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique par l'intimée le 29 décembre 2022 contiennent une demande d'infirmation du jugement, ce relativement au prononcé de la déchéance des marques française n°95 564 050 et internationale désignant la France n°914901 dont elle est titulaire, au rejet de ses prétentions tendant au transfert à son profit de la marque SO' BIO ETIC n°3529601, à la publication judiciaire de la décision et enfin au quantum des dommages intérêts alloués par le tribunal. Le fait que le dispositif des premières conclusions d'intimé et d'appel incident utilise la formule « confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a » plutôt que les termes « infirmation » ou « réformation » est indifférent.
La cour est donc valablement saisie de demandes tendant à la réformation du jugement par la société Debonair.
- Sur la recevabilité de la demande de la société Debonair tendant à l'annulation de la marque française LEA NATURE SOBIO ETIC
La société Debonair sollicite devant la cour la nullité pour dépôt frauduleux de la marque française LEA NATURE SOBIO ETIC déposée le 25 avril 2023 sous le n°4 956 807 par la société Lea Nature Services pour désigner des produits et services relevant des classes 3, 5, 29 et 35.
La société Lea Nature Services conclut à l'irrecevabilité de cette prétention nouvelle en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
La société Debonair réplique que cette demande tend aux mêmes fins que celles soumises au premiers juges en étant l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire et qu'elle résulterait d'un fait nouveau.
Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La présente procédure a été initiée par la société Lea Nature Services pour solliciter la déchéance des droits de la société Debonair sur deux enregistrements de marque française et internationale désignant la France. C'est à titre reconventionnel que la société Debonair a formé devant les premiers juges des demandes au titre de la contrefaçon d'une marque de l'Union européenne « SO ... ' » non visée par les demandes principales en déchéance.
Le dépôt de la marque LEA NATURE SOBIO ETIC le 25 avril 2023 bien qu'intervenu postérieurement au jugement de première instance en date du 3 mars 2022 ne peut être considéré comme la survenance ou la révélation d'un fait.
En effet, cette demande de nullité de marque qui tend à invalider un titre de propriété industrielle sur le fondement de la fraude est étrangère au litige de première instance avec lequel elle ne présente aucun lien, ce quand bien même elle s'inscrit dans les multiples procédures opposant les parties tant devant les offices de propriété industrielle que devant les juridictions. A cet égard, la cessation des actes de contrefaçon invoquée par la société Debonair est inopérante, le dépôt de marque ne constituant pas un acte de contrefaçon.
La demande en nullité de la marque française n°4 956 807 est donc irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.
- Sur la déchéance des droits de la société Debonair sur les marques internationale 'SO' n°914 901, déposée le 1er mars 2007 et semi-figurative française 'SO '' n°95564050, déposée le 22 mars 1995
Le tribunal a prononcé la déchéance des droits de la société Debonair sur ces marques pour tous les produits visés à leur enregistrement à compter du 9 septembre 2019.
La société Lea Nature Services comme la société Debonair critiquent cette décision, l'appelante sur la date d'effet de la déchéance retenue, l'intimée sur la déchéance totale de ses droits.
Selon la société Lea Nature Services, la société Debonair ne justifie d'aucun usage de ces deux marques en France et demande en conséquence de fixer les dates d'effet de la déchéance cinq ans après la date d'enregistrement de ces marques soit :
- à compter du 12 avril 2012 pour la marque internationale verbale SO n°914901 désignant la France,
- à compter du 25 août 2000 pour la marque française verbale SO' n°95564050.
La société Debonair soutient quant à elle justifier d'un usage sérieux de ses marques en France (pièces 7 à 12 et 31 attestations de M. [M] et contrat Groupon...). Elle invoque également les difficultés rencontrées pour pénétrer le marché français en raison de la présence des produits de la société appelante.
Il sera rappelé que la société Debonair est notamment titulaire des deux enregistrements de marques suivants :
- la marque verbale internationale 'SO' n° 914 901, désignant notamment la France, enregistrée le 1er mars 2007 pour les produits suivants : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » relevant de la classe 3, cet enregistrement a été publié à la Gazette de l'OMPI le 12 avril 2007 ; il a été renouvelé le 23 mars 2017 ;
- la marque verbale française 'SO '' n° 95564050, déposée le 22 mars 1995 pour désigner les produits de 'parfumerie et cosmétiques' relevant de la classe 3, l'enregistrement de cette marque ayant été publié au BOPI 1995-34 et a été régulièrement renouvelé jusqu'au 22 mars 2025.
Selon les dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, applicable en l'espèce, « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage :
a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (') ;
b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;
c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.
L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. »
La déchéance des droits de la société Debonair sur les marques ci-dessus rappelées a été sollicitée par la société Lea Nature Services par assignation en date du 17 juillet 2019 pour la marque française « SO ' » n°95564050 et par conclusions en date du 5 février 2021 pour la marque internationale 'SO' n°914 901.
La période de référence de cinq ans à prendre en compte est donc comprise pour l'usage de la marque française « SO ' » n°95564050 entre le 17 juillet 2014 et le 17 juillet 2019 et pour l'usage de la marque internationale 'SO' n°914 901 entre le 5 février 2016 et le 5 février 2021.
La preuve de l'usage appartient au titulaire de la marque et l'usage sérieux de celle-ci doit être établi pour chacun des produits désignés à l'enregistrement à savoir :
- « parfumerie et cosmétiques » pour la marque française « SO ' » n° 95564050,
- « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » pour la marque internationale 'SO' n°914 901.
Pour démontrer l'usage des marques en cause, la société Debonair fournit au débat une attestation du 24 juillet 2019 de M. [J] [M], administrateur de la société Incos Limited qui bénéficie d'une licence exclusive pour le territoire de l'Union européenne de la société Debonair, dont une traduction libre partielle est fournie (pièce 2 Debonair). Selon cette attestation, la société Incos vend une gamme de produits cosmétiques et de parfums ainsi que des coffrets cadeaux, que les produits de parfumerie y compris les eaux de toilette et déodorants portant la marque SO... ' ont été lancés en 1994, un tableau indiquant la valeur des produits vendus au Royaume Uni et en Irlande sous les marques SO étant présenté dans l'attestation. Des tableaux indiquant le nombre de produits vendus par la société Incos dans l'Union européenne et au Royaume Uni sous les marques SO sont joints à l'attestation (KG2). S'agissant des tableaux qui concernent les périodes de référence, un tableau se rapporte aux ventes au Royaume-Uni uniquement et pour celui qui concerne les ventes dans l'Union européenne hors Royaume-Uni aucune indication n'est donnée sur les ventes sur le territoire français. Sont également annexées à cette attestation (KG4), des factures couvrant la période d'août 2009 à octobre 2017 et comprenant des produits destinés à divers Etats membres de l'Union européenne dont la France. Pour celles qui sont dans les périodes de référence précitées, aucune ne concerne la France. La revue de presse également jointe (KG5) à l'attestation contient de nombreuses publications dont aucune ne concerne la France.
Il résulte de cette première pièce que les marques SO ou SO... ' sont utilisées pour désigner des parfums ou des produits de toilette principalement au Royaume Uni, en Irlande ou aux Pays Bas mais pas sur le territoire français.
La société Debonair fournit également pour démontrer l'usage de ces deux marques en France :
- une facture du 15 mai 2018 relative à la vente de brumes pour le corps à une société sise à [Localité 4] (pièce n°7) ;
- une facture du 31 mai 2018 relative à la vente de brumes ou parfums pour le corps à une société sise sur l'ile de La Réunion (pièce n°8) ;
- une facture du 15 novembre 2018 relative à la vente de brumes ou parfums pour le corps, coffrets, la facture étant adressée à une société sise sur l'ile de La Réunion mais l'adresse de livraison de la marchandise étant au Royaume Uni (pièce n°9) ;
- une facture du 13 juin 2019 relative à la vente de brumes ou parfums pour le corps, parfums, la facture étant adressée à une société sise sur l'ile de La Réunion mais l'adresse de livraison de la marchandise étant au Royaume Uni (pièce n°10) ;
- des factures des 30 août 2017, 21 septembre 2017, 28 septembre 2017, 30 novembre 2017, 11 décembre 2017, 30 décembre 2017, 22 février 2018, 26 février 2018, 27 février 2018, 28 mars 2018, 29 mars 2018 et 31 mai 2018, certaines d'entre elles mentionnant l'expression I am So ... ' ou So pour des brumes pour le corps ou des coffrets, ces factures étant adressées à la société Groupon sise en Suisse et les marchandises étant destinées à être livrées au Royaume Uni (pièce n°11).
Si le contrat conclu le 20 juin 2017 entre les sociétés Incos et Groupon (pièce 12 Debonair) prévoit que les produits pourront être revendus notamment en France comme dans 15 autres Etats européens, la vente en France de produits de marque SO par ce revendeur ne ressort pas des éléments fournis au débat et particulièrement des factures objets de la pièce 11.
L'attestation de M. [M] en date du 26 mars 2021 (pièce 31 Debonair) qui affirme qu'entre le mois d'août 2017 et le mois de mai 2018 « 1 109 ensembles SO ... ' ont été vendus en France » sans que ces déclarations soient corroborées par des factures, n'est pas de nature à contredire les constatations précédentes.
De même, c'est à tort que la société Debonair affirme qu'au vu des factures précitées, plus de 5.000 produits, ont été vendus en France, seules les factures objets des pièces 7 et 8 mentionnent une livraison de produits sur le territoire français soit 2.316 produits ainsi que retenu par les premiers juges.
L'« usage sérieux » s'entend d'un usage qui n'est pas effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque. Il doit être conforme à la fonction essentielle de la marque et permettre la création ou la conservation d'un débouché pour les produits ou les services portant le signe qui la constitue, par rapport aux produits ou aux services provenant d'autres entreprises (CJUE 11 mars 2003 Ansul point 36).
Il n'est pas en principe nécessaire que l'usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, une telle qualification dépendant des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant. Les produits concernés par les marques en cause ci-dessus rappelés sont des produits de consommation courante vendus à prix modéré, distribués principalement en grande surface et destinés à un large public. Ils relèvent d'un marché très concurrentiel.
Aucun usage de la marque internationale 'SO' n° 914 901 n'est démontré par la société Debonair pour les produits suivants : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; huiles essentielles, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».
La vente en France de 2 316 produits de parfumerie et cosmétiques désignés par les deux marques en cause, produits de grande consommation qui relèvent d'un marché hautement concurrentiel, ce sur une courte période, mai 2018, et principalement sur une petite partie du territoire français, l'ile de la Réunion, ne caractérise pas un usage sérieux des marques en cause, cet usage n'apparaissant pas destiné à maintenir ou créer des parts de marché pour les produits concernés, étant à cet égard relevé qu'il n'est pas justifié par la société Debonair de démarches particulières pour faire connaître ses produits auprès du consommateur français par l'intermédiaire de publications presse ou sur les réseaux sociaux.
L'ensemble de ces éléments témoigne que le marché français n'est pas investi par la société Debonair à la différence d'autres Etats européens tels le Royaume Uni, l'Irlande ou les Pays Bas où les produits en cause représentent un chiffre d'affaires important et font l'objet d'une large communication dans la presse et sur Internet.
Au vu de ce qui précède, la société Debonair ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que la pénétration du marché français est rendue difficile en raison de la stratégie commerciale et promotionnelle agressive de la société Lea Nature Services, aucun élément ne venant corroborer ces affirmations, étant relevé que l'ensemble des pièces fourni par la société Debonair montre que les produits de parfumerie et cosmétiques SO sont distribués depuis de très nombreuses années dans les pays anglo saxons ou du nord de l'Europe, le marché français n'apparaissant pas être une cible pour la société intimée ce alors que les produits de la société Lea Nature Services n'occupaient pas encore la place de leader qu'elle a atteint en 2013.
Aucun usage sérieux en France des marques en cause n'étant démontré par la société Debonair depuis la date de leur enregistrement, il sera fait droit à la demande de la société Lea Nature Services de fixer la date de la déchéance des droits de la société Debonair sur la marque internationale verbale SO n°914901 désignant la France à compter du 12 avril 2012 et sur la marque française verbale SO' n°95564050, à compter du 25 août 2000.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance totale des droits de la société Debonair sur les deux marques en cause mais infirmé en ce qu'il a dit que la déchéance prend effet au 9 septembre 2019.
- Sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne 'SO' '' numéro 495 078
Pour rappel, la société Debonair est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne 'SO''' n° 485078, déposée le 7 mars 1997 et enregistrée le 26 février 2001 pour désigner en classe 3 des 'produits de toilette ; produits pour le soin de la peau, du cuir chevelu et du corps ; produits de bronzage ; produits pour durcir et renforcer les ongles ; produits pour le bain et la douche ; savons de toilette ;produits pour tonifier le corps ; tous non médicinaux ; parfums, fragrances ; après-rasage, laits, huiles, crèmes, gels, poudres et lotions ; mousses à raser ; cosmétiques, eau de Cologne ; eaux de toilette ; huiles essentielles, shampoings ; après shampoings ; lotions pour les cheveux ; produits pour les cheveux ; produits coiffants ; produits de toilette contre la transpiration ; déodorants à usage personnel ; dentifrices', et en classe 5 des 'crèmes médicinales et lotions médicinales ; préparations médicinales pour le soin de la peau et du cuir chevelu'.
La société Debonair reproche à la société Lea Nature Services des actes de contrefaçon par imitation de sa marque de l'Union européenne susvisée SO... ' par l'usage de signes SO'BIO étic objet de la marque française complexe pour des produits cosmétiques, de soins et de beauté.
La société Lea Nature Services lui oppose une fin de non-recevoir fondée sur la forclusion par tolérance aux motifs que la société Debonair ne pouvait ignorer dès 2008 et au plus tard le 9 novembre 2015 l'existence et l'usage de la marque française semi-figurative précitée pour les produits relevant de la classe 3 et qu'elle n'a rien fait pour s'y opposer durant une période ininterrompue de 5 ans, de sorte que sa demande en contrefaçon formée le 9 novembre 2020 est irrecevable.
La société Debonair soutient que l'appelante ne démontre pas qu'elle avait connaissance de l'exploitation du signe SO BIO étic en France ni qu'elle a toléré cet usage pendant plus de 5 années.
L'article 9 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que :
« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. (...) »
Selon l'article 16 paragraphe 2 du même règlement : « Lors d'une procédure en contrefaçon, le titulaire d'une marque de l'Union européenne ne peut interdire l'usage d'une marque nationale enregistrée postérieurement lorsque cette marque postérieure n'aurait pas été déclarée nulle en vertu de l'article 8 ou de l'article 9, paragraphe 1 ou 2, ou de l'article 46, paragraphe 3, de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil ».
L'article L. 716-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dispose qu'« est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. (...). »
Ces dispositions constituent la transposition, en droit français, de l'article 9, paragraphe 2, de la directive no 89/104 du 21 décembre 1988, repris à la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 et la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion de tolérance était une notion autonome du droit de l'Union et que « les conditions nécessaires pour faire courir [le] délai de forclusion, qu'il incombe au juge national de vérifier, sont, premièrement, l'enregistrement de la marque postérieure dans l'État membre concerné, deuxièmement, le fait que le dépôt de cette marque a été effectué de bonne foi, troisièmement, l'usage de la marque postérieure par le titulaire de celle-ci dans l'État membre où elle a été enregistrée et, quatrièmement, la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l'enregistrement de la marque postérieure et de l'usage de celle-ci après son enregistrement » (CJUE, 29 mars 2011, C-482/09 -Budejovický Budvar).
De même, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :
1) L'article 9 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, ainsi que les articles 54, 110 et 111 du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire, doivent être interprétés en ce sens qu'un acte, tel qu'une mise en demeure, par lequel le titulaire d'une marque antérieure ou d'un autre droit antérieur s'oppose à l'usage d'une marque postérieure sans pour autant faire le nécessaire afin d'obtenir une solution juridiquement contraignante ne met pas fin à la tolérance et, par conséquent, n'interrompt pas le délai de forclusion visé à ces dispositions.
2) L'article 9 de la directive 2008/95 ainsi que les articles 54, 110 et 111 du règlement n°207/2009 doivent être interprétés en ce sens que ne peut être considérée comme empêchant la forclusion par tolérance visée à ces dispositions l'introduction d'un recours juridictionnel par lequel le titulaire d'une marque antérieure ou d'un autre droit antérieur demande la nullité d'une marque postérieure ou s'oppose à l'usage de celle-ci, lorsque l'acte introductif d'instance, tout en ayant été déposé avant la date d'expiration du délai de forclusion, ne remplissait pas, en raison d'un manque de diligence de la partie requérante, les exigences du droit national applicable aux fins de signification et n'a été régularisé qu'après cette date pour des motifs imputables à la partie requérante.
3) L'article 9 de la directive 2008/95 ainsi que les articles 54, 110 et 111 du règlement n°207/2009 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque le titulaire d'une marque antérieure ou d'un autre droit antérieur, au sens de ces dispositions, est forclos pour demander la nullité d'une marque postérieure et pour demander la cessation de l'usage de celle-ci, cette forclusion l'empêche également de formuler des demandes annexes ou connexes, telles que des demandes visant à l'octroi de dommages et intérêts, à la fourniture de renseignements ou à la destruction de produits. (CJUE, 19 mai 2022, C-466/20 Heitec).
Selon cet arrêt, la notion de « tolérance » a le même sens dans la directive 2008/95 et dans le règlement n°207/2009 (ayant repris le règlement n°40/94 du 20 décembre 1993, de sorte que les principes posés pour l'un des textes par la jurisprudence communautaire valent également pour les autres (point 49 de l'arrêt).
La Cour rappelle aux points 46 et 47 de l'arrêt que « le régime de forclusion par tolérance prévu dans la législation de l'Union en matière de marques s'inscrit dans l'objectif consistant à mettre en balance, d'une part, les intérêts du titulaire d'une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et, d'autre part, les intérêts d'autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services. En particulier, par l'instauration d'un délai de forclusion par tolérance de cinq années consécutives en connaissance de l'usage de la marque postérieure, le législateur de l'Union a voulu assurer que la protection conférée par une marque antérieure à son titulaire demeure limitée aux cas où celui-ci se montre suffisamment vigilant en s'opposant à l'utilisation par d'autres opérateurs de signes susceptibles de porter atteinte à cette marque.»
Elle ajoute que la règle de la forclusion par tolérance vise à préserver la sécurité juridique, et que « le titulaire d'une marque antérieure ou d'un autre droit antérieur devient forclos pour demander la nullité ou pour s'opposer à l'usage d'une marque postérieure déposée de bonne foi s'il s'est, pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, abstenu d'accomplir un acte qui exprime clairement sa volonté de s'opposer audit usage et de remédier à la prétendue atteinte à ses droits » (points 48 à 50).
Elle précise ensuite que « s'agissant du point de savoir dans quelles conditions le titulaire de la marque antérieure ou d'un autre droit antérieur doit être considéré comme ayant accompli un acte qui produit les effets visés au point 50 du présent arrêt et interrompt, dès lors, le délai de forclusion, la Cour a jugé que, en tout état de cause, l'introduction d'un recours administratif ou juridictionnel avant la date d'expiration de ce délai met fin à la tolérance et empêche par conséquent la forclusion » (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2011, Bud'jovický Budvar, C-482/09, EU:C:2011:605, point 49). En effet, par l'introduction d'un tel recours, le titulaire de la marque antérieure ou d'un autre droit antérieur exprime sans ambiguïté sa volonté de s'opposer à l'usage de la marque postérieure et de remédier à la prétendue atteinte à ses droits. » (points 52 et 53), mais qu' « En revanche, si le titulaire de la marque antérieure ou d'un autre droit antérieur, tout en ayant exprimé son opposition à l'usage de la marque postérieure par une mise en demeure, n'a, après avoir constaté le refus du destinataire de cette mise en demeure de se conformer à celle-ci ou d'entamer des négociations, pas poursuivi ses efforts dans un délai raisonnable pour remédier à cette situation, le cas échéant par l'introduction d'un recours administratif ou juridictionnel, il doit en être déduit que ce titulaire s'est abstenu de prendre les mesures dont il disposait pour faire cesser la prétendue atteinte à ses droits. » (point 55)
La marque française semi-figurative n°3 529 601 dont est titulaire la société Lea Nature Services, a été déposée le 5 octobre 2007. L'enregistrement de cette marque a été publié au BOPI 2008-11 du 14 mars 2008.
Pour établir la mauvaise foi de l'auteur de la demande d'enregistrement d'une marque il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et existant au moment du dépôt. La marque en cause a été déposée le 5 octobre 2007. La circonstance que la société Lea Nature Services savait ou devait savoir que la société Debonair utilisait une marque à l'étranger au moment du dépôt de sa demande qui peut être confondue avec la marque dont l'enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, à établir l'existence de la mauvaise foi de l'auteur de ladite demande, aucun élément fourni au débat ne venant démontrer l'intention de la société Lea Nature Services d'empêcher la société Debonair de continuer à utiliser la marque « SO... ' ». A cet égard, la société Debonair se contente d'affirmer que la marque « SO ... ' » bénéficie d'une renommée dans l'Union européenne depuis le début des années 2000 sans pour autant le démontrer, les éléments fournis au débat pour établir l'usage de la marque française ou de la marque internationale désignant la France SO étant à cet égard insuffisants comme la référence à une décision de justice ayant reconnu cette renommée.
De même, les multiples procédures ayant opposé les parties qui ont abouti au retrait par la société appelante de marques SO BIO ou au rejet définitif au bout de 10 ans de procédure de la marque de l'Union européenne ne caractérisent pas plus la mauvaise foi de la société Lea Nature Service au moment du dépôt de la marque française éponyme. Si des faits postérieurs au dépôt peuvent être pris en considération, il n'en demeure pas moins que ces procédures postérieures à la date de dépôt de la marque n°3 529 601 ne suffisent pas à établir la mauvaise foi de la société Lea Nature Services à la date du dépôt de la demande d'enregistrement en cause étant relevé que cette dernière a toujours soutenu l'absence de risque de confusion entre les marques « SO... ' » et .
Les dépôts de marque effectués en 2017 et 2019 par la société Lea Nature Services, comme les difficultés pour la société Debonair de développer son activité en France en 2019, sont tout aussi indifférents.
Le dépôt de la demande d'enregistrement n°3 529 601 doit être considéré comme ayant été fait de bonne foi.
La société Lea Nature Services démontre par les catalogues fournis au débat, utiliser la marque objet du dépôt n°3 529 601 depuis au moins 2010 (pièce 16 LNS) pour divers produits cosmétiques et de beauté, son chiffre d'affaires lié aux produits commercialisés sous cette marque ne cessant d'augmenter entre les exercices 2007 et 2021, le chiffre d'affaires étant de 5,2 millions en 2010, de 14 millions en 2015 et de 47,1 millions en 2019 (pièce 11 LNS). Elle établit également par les sondages IFOP qu'elle a fait réaliser, de la connaissance dont bénéficie la marque SO BIO étic auprès du public français pour les produits cosmétiques biologiques vendus en grande surface depuis 2014, cette connaissance augmentant au cours des années suivantes (pièce 9 LNS), en raison notamment des investissements significatifs opérés par la société Lea Nature Services dans la communication sur de nombreux médias dès 2014 afin de faire connaître ses produits (pièces 19 et 22 LNS).
La société Lea Nature Services est un concurrent direct de la société Debonair et opère sur le même marché du produit cosmétique à coût modéré vendu en grande et moyenne surface, les deux sociétés participant aux mêmes salons professionnels tel le salon Cosmoprof.
En outre, la société Debonair s'est, entre 2007 et 2021, opposée tant en France qu'à l'étranger à l'enregistrement de plusieurs marques constituées notamment de l'expression SO'BIO déposées par la société Lea Nature Services dont la marque de l'Union européenne constituée du signe complexe n°6827281 qui fait l'objet d'une décision définitive de rejet. A cet égard, il sera relevé avec la société Lea Nature Services que dans le cadre de cette procédure d'opposition à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne qui les opposait devant l'EUIPO, la société Debonair a fourni à l'office européen à l'appui de son argumentation en date du 26 mars 2010 un extrait du site internet lea-nature.com daté du 25 mars 2010 présentant les produits SO BIO étic, la société Debonair soutenant alors devant l'office selon une traduction non discutée que « sur son site internet, la requérante fait la promotion de ses produits comme suit : SO BIO étic est une marque de cosmétiques qui offre une alternative biologique, éthique et attrayante aux produits conventionnels ».
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la marque SO BIO étic de la société Lea Nature Services a été largement exploitée en France depuis au moins 2010, qu'elle opère sur un secteur d'activité directement concurrent de celui de la société Debonair qui a depuis 2007 été très attentive à la stratégie de dépôt des marques de la société Lea Nature Services voire à leur exploitation ce dont témoigne la copie d'un extrait du site internet lea-nature.com présentant la marque SO BIO étic à l'appui de ses observations devant l'EUIPO le 26 mars 2010.
En conséquence, outre que la société Debonair avait connaissance de l'enregistrement de la marque française SO BIO étic n°3 529 601, elle avait aussi une connaissance de l'usage de celle-ci en France après son enregistrement au moins depuis mars 2010 ainsi que de la persistance de cet usage.
La société Debonair soutient alors ne pas être restée inactive à l'égard de la société Lea Nature Services en s'opposant systématiquement à l'enregistrement des marques SO BIO étic et a manifesté son intention non équivoque de s'opposer à l'enregistrement et à l'usage du signe en formant opposition à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne n°6827281 portant sur ce signe, de sorte que la société Lea Nature Service ne peut se prévaloir de la forclusion par tolérance.
Pour autant, la cour n'est pas saisie d'une demande en contrefaçon par l'usage d'une marque de l'Union européenne mais d'une marque française semi-figurative n°3 529 601 qui est utilisée depuis de nombreuses années en France. Or, cette demande d'enregistrement de marque française n'a pas fait l'objet d'une procédure d'opposition devant l'Institut national de la propriété industrielle et aucune demande de nullité de l'enregistrement de cette marque n'a été depuis introduite par la société Debonair. Cette dernière n'a pas plus adressé de mise en demeure à la société Lea Nature Services lui enjoignant de cesser l'usage en France de cette marque enregistrée dont elle avait pourtant connaissance. Ce n'est qu'en réplique à l'action en déchéance de la société Lea Nature Services qu'elle a formé devant le tribunal par conclusions du 9 novembre 2020 une demande reconventionnelle en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne SO... '.
Or, pour des raisons de sécurité juridique rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne, une opposition à l'enregistrement d'une marque distincte bien que portant sur le même signe ne peut être considérée comme l'introduction d'un recours administratif avant la date d'expiration du délai de cinq ans mettant fin à la tolérance et empêchant par conséquent la forclusion.
En effet, par l'introduction d'une telle opposition à l'enregistrement d'une marque de l'Union européenne titre de propriété industrielle distinct de la marque française enregistrée et ayant une portée différente, la société Debonair n'a pas exprimé sans ambiguïté sa volonté de s'opposer à l'usage en France de la marque française postérieure enregistrée et n'a pas fait le nécessaire afin d'obtenir une solution juridiquement contraignante pour remédier à la prétendue atteinte à ses droits. L'introduction d'une opposition à l'enregistrement d'une autre marque n'a donc pas interrompu le délai de forclusion visé à l'article L. 716-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle.
La société Debonair ayant toléré l'usage en France par la société Lea Nature Services de la marque française semi-figurative n°3 529 601 pendant cinq ans pour des produits cosmétiques doit en conséquence être considérée comme irrecevable à agir en contrefaçon.
Les demandes subséquentes de la société Debonair seront également déclarées irrecevables, la forclusion empêchant également celle-ci de formuler des demandes annexes ou connexes à celles de cessation de l'usage de la marque n°3 529 601.
Les chefs du jugement entrepris qui ont accueilli la demande de la société Debonair au titre de la contrefaçon de marque, prononcé en conséquence des mesures d'interdiction, de retrait et de rappel de produits sous astreinte et ordonné sous astreinte la communication de certaines pièces sont infirmés. Il en va de même des chefs du jugement ayant condamné la société Lea Nature services au paiement de dommages et intérêts et rejeté les demandes de destruction des produits argués de contrefaçon et de mesure de publication judiciaire, ces dernières demandes étant irrecevables.
En raison de l'infirmation des chefs du jugement entrepris sur la contrefaçon de marque et des mesures ordonnées sous astreinte, les demandes de la société Debonair tendant à la liquidation des astreintes ordonnées seront rejetées comme la demande tendant au prononcé d'une astreinte définitive.
- Sur la demande de transfert de marque française semi-figurative n°3 529 601
La société Debonair fait valoir que la marque française semi-figurative n°3 529 601 a été déposée en fraude de ses droits et en sollicite le transfert à son profit.
L'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose :
« Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ».
La société Lea Nature Services tout en opposant la prescription quinquennale à cette action, n'en demande pas l'irrecevabilité dans le dispositif de ses conclusions et sollicite la confirmation du jugement qui a débouté la société Debonair de sa prétention à ce titre. La cour n'est donc pas saisie de demande au titre de la prescription de l'action en revendication de la marque française semi-figurative n°3 529 601 et n'a pas à statuer de ce chef.
Il résulte de ce qui précède que la mauvaise foi de la société Lea Nature Services n'est nullement caractérisée et que le dépôt de la marque
n'est pas frauduleux, la société Lea Nature Services n'ayant nullement tenté de faire obstacle à l'usage de la marque SO... ', les procédures qu'elle a initiées l'ayant été pour préserver ses droits.
Cette demande de transfert de la marque française semi-figurative n°3 529 601 sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Lea Nature Services
La société Lea Nature Services fait valoir qu'elle a dû modifier sa marque et les emballages de ses produits en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Elle sollicite le remboursement des frais qu'elle a exposés et l'indemnisation du préjudice commercial et moral subi.
Néanmoins, la société Lea Nature Services ne caractérise aucune faute de la société Debonair dans l'exercice de l'action en contrefaçon qu'elle a initiée, ce quand bien même cette dernière est déclarée irrecevable à agir du fait de la forclusion par tolérance, fin de non-recevoir dont n'était pas saisi le tribunal.
La société Lea Nature Services sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur les autres demandes
La société Lea Nature Services demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Lea Nature Services.
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la société Debonair est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Lea Nature Services en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, la société Debonair étant déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de la société Léa Nature Services tendant à voir dire la cour non valablement saisie des demandes incidentes de la société Debonair Trading Internacional LDA,
Dit non recevable car nouvelle en cause d'appel, la demande de la société Debonair Trading Internacional LDA de nullité de la marque française LEA NATURE SOBIO ETIC n°4 956 807,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- prononcé à l'encontre de la société Debonair Trading Internacional LDA la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur :
- la partie française de sa marque verbale internationale 'SO' n°914 901, déposée le 1er mars 2007 et ce, pour tous les produits visés à l'enregistrement ;
- la marque semi-figurative française 'SO '' n°95564050, déposée le 22 mars 1995 et ce, pour tous les produits visés à l'enregistrement ;
- ordonné la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le Registre National des Marques ;
- rejeté la demande de transfert de la marque semi-figurative « SO' BIO ETIC » n°3 529 601 au bénéfice de la société Debonair Trading Internacional LDA ;
- rejeté les demandes de publication du présent jugement.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la déchéance des droits de la société Debonair Trading Internacional LDA prend effet :
- à compter du 12 avril 2012 pour la marque internationale verbale SO n°914901 désignant la France,
- à compter du 25 août 2000 pour la marque française verbale SO' n°95564050,
Dit irrecevable la société Debonair Trading Internacional LDA à agir en contrefaçon de la marque française enregistrée n°3 529 601 dont l'usage a été toléré pendant cinq ans,
Dit irrecevable l'ensemble des demandes subséquentes à l'action en contrefaçon,
Rejette les demandes de la société Debonair Trading Internacional LDA au titre de la liquidation des astreintes et au prononcé d'astreintes définitives,
Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Léa Nature Services,
Condamne la société Debonair Trading Internacional LDA à payer à la société Léa Nature Services la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déboute la société Debonair Trading Internacional LDA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Debonair Trading Internacional LDA aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.