CA Montpellier, ch. com., 5 mars 2024, n° 22/00500
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Matilan (SAS)
Défendeur :
Solia (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
Mme Bourdon, M. Graffin
Avocats :
Me Bobo, Me Julie, Me Salvignol, Me Caulet, Me Dahan
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 12 octobre 2012, la SA Solia a signé un contrat de prestations d'infogérance et de protections antivirales avec la SAS Rapsodie.
Le 27 mars 2017, la SA Solia a questionné celle-ci sur des dysfonctionnements observés. Le 12 avril 2017, M. [D] [S] a répondu à cette lettre par mail à l'en-tête de la SAS Mati Lan.
Le 19 mai 2017, la société Solia a informé M. [S] de la résiliation du contrat de prestation d'infogérance au profit d'un nouveau prestataire à effet à compter du 1er juillet 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mai 2017, M. [S] a confirmé la résiliation des contrats mais avec des préavis de 4 mois et de 6 mois sur les diverses prestations, répondant à l'en-tête de la société Mati Lan, ce que la société Solia a refusé par lettre du 7 juin 2017.
Le 25 août 2017, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé la liquidation judiciaire de la société Rapsodie.
La société Mati Lan ayant vainement mis en demeure le 18 décembre 2018 la société Solia de payer au titre des prestations courues durant les préavis contractuels, elle a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Perpignan une ordonnance d'injonction de payer, qu'elle a faite signifier le 4 octobre 2019.
La société Solia a formé opposition à cette injonction le 10 octobre 2019.
Par un jugement du 29 novembre 2021, le Tribunal de commerce de Perpignan, a débouté la société Mati Lan de toutes ses demandes, et l'a condamnée à payer à la société Solia la somme de 1 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le tribunal retient que la société Solia et la société Mati Lan ont échangé une correspondance par courriel depuis début 2017 concernant diverses prestations réalisées, de sorte que la relation contractuelle entre ces deux sociétés est établie, même s'il n'existe pas de contrat signé entre elles ; que les seules pièces versées par la société Mati Lan font état d'un contrat entre la société Rapsodie et la société Solia ; qu'ainsi, si un contrat s'est valablement formé entre les sociétés Solia et Mati Lan, il ne peut s'agir de celui qui a été conclu entre les sociétés Rapsodie et Solia, mais bien d'un nouveau contrat non écrit, de sorte qu'aucun délai de préavis n'est opposable à la société Solia.
Le 26 janvier 2022, la SAS Matilan a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions du 18 décembre 2023, prises au nom de la SAS Xefi- Grand Paris exerçant sous l'enseigne commerciale "Matilan-Novatim" l'appelante demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle est nouvellement dénommée "Xefi Grand Paris" dont l'adresse du siège social a été modifié comme indiqué dans l'extrait Kbis joint et la publicité au Bodacc 12 et 13 août 2023 versés aux débats ;
- de reformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
- de condamner la société Solia à lui payer la somme de 8 427,39 euros en principal avec intérêts contractuels et au taux légal à compter du jour suivant l'échéance de chaque facture jusqu'au jour du parfait paiement, et la somme de 600 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuellement prévue,
- de débouter la société Solia de ses prétentions plus amples ou contraires ;
- et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et la condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Par dernières conclusions du 15 décembre 2023, la SA Solia demande à la cour, au visa des articles 1103, 1113 et 1583 du code civil, de confirmer entièrement le jugement déféré, et de condamner la société Matilan à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est datée du 19 décembre 2023.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS
Attendu que la SAS Matilan fait valoir que le 6 avril 2012, la société Rapsodie a contracté avec la société Solia un contrat portant sur l'audit et l'infogérance du parc informatique (pièce 1A) et le 20 septembre 2012 un second contrat d'infrastructure informatique et prestations de mise en service (pièce 1B) qui sont expressément soumis aux conditions générales de vente Rapsodie (pièce 2) ; que par acte authentique du 5 janvier 2015, publié le même jour, la SAS Rapsodie a cédé à la société Matilan sa branche d'activité de distribution de matériels et équipements informatiques, destinés aux PME et de réalisation de prestations en infogérance informatique, à compter du 1er février 2015 dont la liste de clients a été annexée ; qu'elle a ainsi repris à compter du 1er février 2015 le contrat de prestation d'infogérance souscrit par la société Solia le 6 avril 2012 au prix de 340 HT par mois et 170 € HT par mois de supervision de serveurs ; que la date d'échéance du contrat repris, se reconduisant par tacite reconduction, était celle du 5 avril de chaque année ; que jusqu'à la dénonciation des contrats le 23 mai 2017, la société Solia en a réglé les montants, et qu'elle a accepté deux nouvelles offres contractuelles le 22 décembre 2015 puis le 26 juillet 2016, et ce aux conditions générales de Matilan ; que les délais de préavis sont donc de 4 mois soit jusqu'au 31 mars 2018 pour le contrat d'infogérance (soit 5 325,90 €) et de 6 mois soit jusqu'au 31 août 2018 (soit 1 653,45 €) pour la protection des 45 postes, outre l'indemnité forfaitaire et les intérêts ;
Attendu que la société Solia répond que le seul contrat signé avec la société Rapsodie fait suite à une offre de celle-ci datée du 12 octobre 2012 ; qu'elle a entendu mettre fin au contrat avec Rapsodie le 19 mai 2017 ; qu'en réalité, les douanes avaient constaté dès le 21 mars 2017 que le monitoring du matériel informatique et la sauvegarde ne fonctionnaient plus depuis plusieurs mois, de sorte que les prestations ne lui sont pas facturables ; qu'il est anormal qu'elle n'ait appris qu'en cause d'appel que son contrat avait été cédé ; que les conditions générales dont la SAS Matilan se prévaut et les préavis, indemnité forfaitaire, et intérêts ne lui sont pas opposables, car elle ne les a pas signés ; et que la cession du contrat ne lui est pas opposable en application de l'article 1216 du code civil, puisqu'elle n'y a pas consenti d'autant que la cession lui a en faite ;
Mais attendu que le président du conseil d'administration de la société Solia, M. [P], a apposé sa signature et le cachet de sa société sur un premier contrat édité le 6 avril 2012 faisant suite au devis de la société Rapsodie du 14 mai 2012, devis produit par l'intimée elle-même ; que de même, le dirigeant de la société Solia a signé et apposé son cachet le 12 octobre 2012 sur l'offre du 20 septembre 2012 de la société Rapsodie ; que les deux contrats comportent l'acceptation des conditions générales de vente de la société Rapsodie disponibles à l'adresse Internet de celle-ci qui est précisée ;
Attendu que les conditions générales de vente Rapsodie prévoient en son article 13 que le prestataire peut décider de céder ou transférer des droits et obligations que lui confère le contrat sous réserve que le client bénéficie du service dans les conditions, de sorte que le prestataire plaide utilement que rien n'interdisait la cession du contrat intervenu entre Rapsodie et Matilan ;
Attendu que l'abonnement au service de protection des postes informatiques signé le 22 décembre 2015, comportant en réalité à la fois l'en-tête de Rapsodie et celui de Matilan, fait mention expresse de ce que le responsable qualité de la société Solia, M. [G], qui a accepté et signé le devis, « a pris connaissance des conditions générales de vente Matilan en vigueur » ; qu'il est indiqué la même mention sur l'abonnement souscrit le 26 juillet 2016, et la fourniture de matériels le 27 avril 2016 ;
Attendu qu'il s'ensuit que les conditions générales de vente prévoyant un délai de préavis et la pénalité de 60 € sont donc opposables à la société Solia ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'exception d'inexécution que la société Solia oppose à la demande en paiement, la preuve des manquements contractuels de la part du prestataire ne peut résulter de doléances manifestées par la société Solia pour la première fois par courriel du 27 mars 1017, et auquel il a été répondu par le prestataire qu'il avait été "pris conscience de l'insatisfaction et des défaillances passées" tout en prenant l'engagement d' y remédier dans les meilleurs délais et de présenter "une nouvelle offre" ; qu'en effet, cette réponse qui ne comporte pas de précision sur la nature de ces "défaillances" reconnues par Matilan est insuffisante à démontrer l'existence de manquements pouvant justifier la rupture des relations contractuelles sans exécution du préavis stipulé ; que l'intimé soutient que les douanes ont constaté un dysfonctionnement, sans davantage rapporter le moindre élément probant sur ce point, d'où il suit le rejet de l'exception soulevée ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de paiement de la somme principale de 8 427,39 euros au taux légal à compter du jour suivant l'échéance de chaque facture jusqu'au jour du parfait paiement ;
Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'appelante tendant au paiement de la somme de 600 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par les articles L. 441-6 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et D. 441-5 du code de commerce, ainsi qu'au versement de la "pénalité égale à cinq fois le taux d'intérêt légal calculé sur le montant hors taxes des sommes restant dues dès le premier jour de retard", figurant sur sa facturation, étant observé que l'intimée n'oppose aucun moyen précis sur ce point ;
Attendu que la société Solia succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 1500 € à la société Matilan au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la SA Solia à payer à la SAS Matilan, nouvellement dénommée Xefi Grand Paris la somme de 8 427,39 € avec pénalité contractuelle de retard égal à cinq fois le taux d'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 20 décembre 2018, outre la somme forfaitaire totale de 600 € à titre d'indemnité contractuelle,
Condamne la SA Solia à payer à la SAS Matilan nouvellement dénommée Xefi Grand Paris la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.