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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ., 6 mars 2024, n° 23/00807

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Echologos (SARL)

Défendeur :

Salto Ingenierie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubled-Vacheron

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, Mme Berger

Avocats :

Me Gutton Perrin, Me Djerbi

T. com. Clermont-ferrand, du 12 janv. 20…

12 janvier 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Echologos a été fondée par M. [S] [W] en 1979, son siège social est situé à [Localité 7], et elle est gérée par son gérant et fondateur M. [W].

En 2004, M. [W] a fondé une autre société dénommée Echologos Auvergne, dont le siège est situé à [Localité 4]. Elle est dirigée par son gérant M. [J] [M].

Les deux sociétés exercent une activité de bureau d'études acoustiques et ont toujours travaillé ensemble en se partageant un certain nombre de moyens, notamment des modèles de documents, des logiciels, une base documentaire, un séminaire annuel et des groupes de travail.

Progressivement, M. [M] a acheté les parts de la SARL Echologos Auvergne afin d'entrer au capital. Son dernier achat de parts sociales date de mars 2012 et lui a accordé la propriété de 100 % du capital social avec effet au 1er janvier 2012.

Durant l'année 2016, des différences de points de vue sont nées entre les dirigeants des deux sociétés.

Par formalité enregistrée au greffe le 18 octobre 2016, la SARL Echologos Auvergne a changé sa dénomination en la remplaçant par 'Salto Ingénierie'.

Au début du mois de janvier 2017, M. [O] [Z] a remis sa lettre de démission à la SARL Echologos avec effet au 31 mars 2017.

Ce dernier a été recruté par la SARL Salto Ingénierie au 1er avril 2017. 

La SARL Salto Ingénierie a par ailleurs, ouvert un établissement secondaire à [Localité 10].

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) en date du 9 juillet 2018, la SARL Echologos a, par

l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la SARL Salto Ingénierie de :

- supprimer toute référence à la SARL Echologos sur son site internet ;

- mettre fin à tout processus de démarchage de la clientèle de la SARL Echologos ;

- cesser d'utiliser les logiciels dont la SARL Echologos était propriétaire.

Par l'intermédiaire de son conseil, la SARL Salto Ingénierie a répondu, dans un courrier du 24 juillet 2018, que la mise en garde était infondée s'agissant des agissements déloyaux.

Par acte d'huissier du 12 juin 2020, la SARL Echologos a fait assigner la SARL Salto Ingénierie devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de voir :

- constater qu'elle était propriétaire des logiciels BASEDOC, VENTILO et CHAPTY ;

- ordonner à la SARL Salto Ingénierie de cesser tout usage desdits logiciels sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

- juger que la SARL Salto Ingénierie a commis des actes de concurrence déloyale par désorganisation et confusion à son détriment ;

- ordonner à la SARL Salto Ingénierie de cesser tout acte constitutif de concurrence déloyale à son détriment, sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

- en conséquence, condamner la SARL Salto Ingénierie à payer la somme de 140 901 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son entier préjudice ;

- condamner la SARL Salto Ingénierie au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Djerbi, SELARL CDMF avocats.

Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand.

Par jugement en date du 12 janvier 2023, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a débouté la SARL Echologos de l'ensemble de ses demandes et condamné cette dernière à payer à la SARL Salto Ingénierie la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22 mai 2023, la SARL Echologos a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées et notifiées le15 décembre 2023, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L.113-9 du code de la propriété intellectuelle, 1240 et 1241 du code civil, de:

- reformer le jugement en ce qu'il :

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

- l'a condamnée à payer à la SARL Salto Ingénierie la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et statuant à nouveau :

- dire et juger qu'elle est propriétaire des logiciels BASEDOC, VENTILO et CHAPTY;

- interdire à la SARL Salto Ingénierie tout usage desdits logiciels sous peine d'astreinte de 500 euros par jour d'utilisation ;

- juger que la SARL Salto Ingénierie a commis des actes de concurrence déloyale par désorganisation et confusion à son détriment ;

- condamner la SARL Salto Ingénierie à lui payer la somme de 140 901 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son entier préjudice subi ;

- condamner la SARL Salto Ingénierie au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Mohamed Djerbi, SELARL CDMF Avocats.

Elle invoque en premier lieu l'utilisation illégale des logiciels BASEDOC, VENTILO et CHAPTY lui appartenant, par la SARL Salto Ingénierie : il s'agit de logiciels qui ont été créés par M. [Z] dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, sur instructions de son employeur. M. [Z] ne peut donc revendiquer aucun droit sur ces logiciels, or il détient toujours les 'codes sources' desdits logiciels sur son ordinateur et son adresse e-mail personnelle. Elle observe que la SARL Salto Ingénierie ne démontre pas à partir de quelle date elle a été en mesure d'utiliser le logiciel qu'elle aurait développé, et cette dernière ne nie pas avoir exploité lesdits logiciels.

Elle se prévaut ensuite d'actes de concurrence déloyale commis par la SARL Salto Ingénierie, à savoir :

- la désorganisation de son entreprise par le débauchage déloyal de M. [O] [Z] ;

- la confusion créée par la SARL Salto Ingénierie, source de détournement de sa clientèle en raison de son installation à proximité immédiate de son siège social, d'une campagne de communication déloyale, et d'un détournement du fichier clientèle par M. [Z].

Sur le préjudice subi, elle soutient que la conséquence directe du fait des agissements déloyaux de la SARL Salto Ingénierie a été la diminution nette des candidatures avec certains cabinets d'architecte à partir de 2017, ce qui a entraîné une perte de chiffre d'affaires de 84 738 euros.

Du fait de l'utilisation illégale des logiciels, elle évalue le préjudice en résultant à 10 000 euros.

Elle considère en outre avoir perdu une chance de percevoir les honoraires du chantier du stade nautique de [Localité 9] pour un montant de 25 000 euros, outre les honoraires du centre de cancérologie du [Localité 8] pour un montant de 21 163 euros.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 19 décembre 2023, la SARL Salto Ingénierie demande à la cour, au visa des articles 42 du code de procédure civile et 1240 et suivants du code civil, de :

- confirmer dans toutes ses dispositions et attendus le jugement entrepris ;

- juger les demandes introduites par la SARL Echologos mal fondées et irrecevables;

- en conséquence, débouter la SARL Echologos de l'ensemble de ses fins, droits et prétentions;

- juger qu'il n'y a pas eu de violation des droits de propriété intellectuelle par ses soins;

- juger qu'il a n'y a pas eu d'acte de concurrence déloyale de sa part ;

- condamner la SARL Echologos à lui payer et porter une somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Echologos à supporter les entiers dépens et frais irrépétibles dont distraction au bénéfice de Me Sébastien Rahon en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la SARL Echologos ne rapporte pas la preuve d'une quelconque utilisation litigieuse des logiciels par ses soins sur le fondement de l'article L.615-5 en vue d'une saisie contrefaçon préalable à l'introduction d'une demande sur ce fondement. Si par ailleurs, elle reconnaît que le logiciel CHAPTY est la propriété de SARL Echologos, il n'en va pas de même des logiciels VENTILO et BASEDOC qui sont des outils et applications fonctionnelles propres au métier d'acousticien et relèvent d'une base fonctionnelle mutualisée entre les deux sociétés sur un serveur commun d'origine. De surcroît, elle expose avoir développé son propre outil de gestion de documentation sur la base d'un logiciel open-source mutualisé avec la SARL Echologos pendant plusieurs années, sans facturation. Elle a aussi développé un nouveau logiciel lui permettant le calcul des bruits des réseaux aérauliques, logiciel qu'elle utilise aujourd'hui.

Elle conteste l'existence de débauchage de salariés : M. [Z] dont le contrat de travail ne contenait aucune clause de non-concurrence, a rejoint librement son entreprise. Aucune rupture abusive n'est caractérisée, l'intéressé a effectué son préavis qui a été en outre prolongé de 15 jours, pour ne pas porter atteinte à l'organisation de la SARL Echologos à la suite de son départ, en raison d'un accord conclu entre M. [M] et M. [W]. Les autres démissions alléguées sont sans lien avec l'ouverture d'une agence à [Localité 10]. Il n'est caractérisé aucun acte positif de débauchage.

Par ailleurs, elle précise que l'implantation à [Localité 10] correspond au lieu de résidence de M. [Z] qui a reçu mission de diriger cette agence secondaire : ce nouvel établissement a été créé en 2017, soit postérieurement à son changement de dénomination sociale, écartant tout risque de confusion. Concernant les références à la SARL Echologos sur son site internet, une seule référence a persisté jusqu'au printemps 2018, et sous forme d'expérience antérieure avérée, assimilée à un droit de citation. Elle a depuis lors, été supprimée suite à la demande de la SARL Echologos. Sa nouvelle dénomination sociale diffère largement de celle de la SARL Echologos.

Elle conteste tout démarchage intempestif, tout détournement de clientèle. Elle soutient que la SARL Echologos ne rapporte pas la preuve de préjudice réel et indemnisable qui lui serait directement imputable.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023.

MOTIFS :

- Sur la problématique des logiciels

La SARL Echologos revenadique la propriété des logiciels Basedoc, Ventilo et Chapty, et demande que soit interdit à la SARL Salto Ingénierie tout usage desdits logiciels sous peine d'astreinte.

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Or, si la SARL Salto Ingénierie ne conteste pas la propriété du logiciel Chapty (ce qui n'est pas le cas des deux autres qu'elle qualifie d'outils et applications fonctionnelles relevant d'une base fonctionnelle mutualisée entre les deux sociétés sur un serveur commun), la SARL Echologos ne rapporte nullement la preuve d'une quelconque utilisation desdits logiciels par la SARL Salto Ingénierie.

Aucune des notes d'honoraires produites relatives à des droits d'utilisation de logiciels adressées par la SARL Echologos à l'intimée entre 2005 et 2009, ne fait référence aux trois logiciels mentionnés ci-dessus.

Dans ces circonstances, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Echologos de sa demande visant à condamner la SARL Salto Ingénierie sous astreinte, de cesser tout usage illicite desdits logiciels, par motifs en partie substitués.

- Sur la concurrence déloyale

Fondée sur le régime de la responsabilité civile délictuelle, la concurrence déloyale suppose l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre cette faute et ce dommage.

- En vertu du principe de la liberté du travail, le fait pour une entreprise de débaucher le personnel d'une de ses concurrentes ne constitue pas par principe un acte de concurrence déloyale. Il n'est pas interdit à une entreprise de proposer un nouvel emploi à un salarié encore en poste au sein d'une autre entreprise en situation de concurrence.

Pour être fautif, un débauchage doit être le résultat de manœuvres déloyales de la part du nouvel employeur. Le débauchage est le fait pour un opérateur de procéder à un recrutement, d'initier une action ou une manoeuvre ciblée en direction d'un salarié afin de susciter sa démission et de le convaincre d'accepter une offre d'embauche. Le nouvel employeur procède au recrutement d'un salarié après avoir effectué une démarche particulière et ciblée destinée à obtenir de sa part une démission ; une incitation à la rupture doit avoir existé de la part de l'opérateur qui accueille un nouveau salarié.

De surcroît, pour être fautif, le transfert de salariés doit avoir eu pour effet une désorganisation de l'entreprise, et non une simple perturbation. Il y a débauchage fautif lorsque du fait du départ d'un ou plusieurs salariés, l'entreprise affectée par ce mouvement de départ est perturbée au point de ne plus être en mesure d'opérer normalement sur le marché, d'honorer les obligations qu'elle avait contractées, notamment vis-à-vis de ses clients, et plus généralement de mettre en oeuvre la stratégie qu'elle avait conçue. Il est nécessaire de caractériser un degré de gêne élevé suscitée par les départs.

En l'espèce, il n'est pas contesté que début janvier 2017, M. [O] [Z] a remis sa lettre de démission datée du 15 décembre 2016 à son employeur, la SARL Echologos, celui-ci mentionnant que son prévis se terminerait le 15 mars 2017.

Il s'agissait d'un salarié occupant un poste d'ingénieur acousticien présent dans l'entreprise depuis le 1er mars 2005. M. [Z] n'était lié par aucune clause de non-conurrence.

Il n'est pas non plus contesté que M. [O] [Z] a été embauché par la SARL Salto Ingénierie à compter du 1er avril 2017, soit après la fin de la période de préavis.

La SARL Salto Ingénierie verse aux débats des échanges de courriels intervenus les 27 et 28 février 2017 entre les deux dirigeants des sociétés aujourd'hui en litige.

Ainsi, M. [W] de la SARL Echologos a fait état d'une réunion s'étant déroulée le vendredi (soit le 24 février 2017), réunion dont il en ressortait que Salto n'avait nulle intention de concurrencer Echologos tant qu'il serait là ; que la concrétisation de cette position passait par l'absence d'annonce officielle externe de l'arrivée de M. [O] [Z] au sein de Salto. Il a ajouté que la création d'un établissement secondaire de Salto pour M. [O] [Z] ne semblait pas une obligation administrative, mais que s'il devait voir le jour, Echologos serait intéressée par cette création en participant aux frais de location, secrétariat, etc..., de façon à rendre cette structure bicéphale.

M. [M], gérant de la SARL Salto Ingénierie, a alors répondu :

"La décision de [O] ([Z]) de rejoindre Salto est principalement une conséquence de la convergence entre la vision de Salto et de celle de [O] quant au modèle social et à la stratégie d'entreprise, du manque de visibilité du destin d'Echologos et de l'échec des négociations quant à la transmission d'Echologos.

Il est aujourd'hui question pour Salto de s'organiser pour répondre à une demande croissante d'activité en particulier sur la région Rhône Alpes et de soulager l'équipe de [Localité 5] de dossiers qui pourraient être traités avec plus de proximité. Nous avons fait le choix de la création d'une agence identifiée sur Rhône Alpes à cet effet. L'implantation géographique de l'agence de Salto sera probablement sur l'agglomération de [Localité 6]; actuel lieu de résidence de [O].

Conformément à notre échange, nous avons concédé que [O] ne rejoigne Salto qu'à compter du 1er avril au lieu du 15 mars, date de fin de son préavis, et vous proposons de prendre à compter de cette date, en sous-traitance d'Echologos, tout ou partie des dossiers que vous voudrez bien nous confier.... Nous vous confirmons notre proposition de renforcement de nos moyens de production à destination des dossiers Echologos sur la période du 1er au 15 avril en cas de surcharge de travail d'Echologos, et ce après concertation entre Salto et Echologos (...).'.

Ainsi, il résulte de cet échange qu'à la suite de la démission de M. [Z], une réunion a été organisée entre dirigeants et M. [Z], afin de préparer le départ de l'intéressé et les conséquences de son arrivée dans l'entreprise concurrente.

En premier lieu, il ne peut qu'être constaté que la SARL Echologos ne rapporte pas la preuve de manoeuvres de la part de la SARL Salto Ingénierie dans le but d'embaucher M. [Z] au détriment de la SARL Echologos.

De surcroît, la démission la SARL Echologos par Mme [L] [F] le 5 février 2017, soit postérieurement au départ de M. [Z], n'est pas de la responsabilité de la SARL Salto Ingénierie, Mme [F] ayant postulé dans une autre société pour un poste qu'elle souhaitait rejoindre.

Aussi, l'appelante ne démontre pas une volonté de débauchage de la part de la SARL Salto Ingénierie, l'embauche chez le concurrent ne pouvant à elle seule constituer un acte de débauchage.

La SARL Echologos soutient que l'analyse des données informatiques établissent que le 31 mars 2017, M. [Z] a effectué pendant sa pause, une collecte de tous les clients d'Echologos, il a écrit en copie caché à l'ensemble des clients entre 12h07 et 13h15, puis a imprimé lesdits courriels et informations de la société du scanner général entre 13h50 et 13h59.

La teneur dudit mail ayant pour objet : '[O] [Z] - départ d'Echologos' est la suivante:

'Bonjour,

après 12 années passées au sein du bureau d'étude Echologos, je vous informe que je ne ferai plus partie de la société à compter du vendredi 31 mars 2017 (donc ce soir!).

Je vous remercie sincèrement pour tous les échanges techniques et humains que nous avons pu avoir sur tous ces projets, qu'ils soient petits ou grands, simples ou complexes.

Cordialement."

Le contenu de ce courriel est loyal et objectif, M. [Z] n'indique pas qu'il va rejoindre la SARL Salto Ingénierie et ne communique pas ses nouvelles coordonnées. Il a adressé ce mail le jour de son départ, sur un temps de pause : ceci aurait pu être une démarche prospective s'il l'avait fait au moment de sa démission ou dans l'intervalle de son préavis. Comme l'indique l'intimée, il s'agit d'un usage en entreprise que le collaborateur qui quitte son employeur en avise ses contacts. Le fait que les destinataires soient en copie cachée ne caractérise aucune démarche déloyale, l'objectif étant de conserver une confidentialité entre les clients de la SARL Echologos, que chaque destinataire ne puisse pas identifier les autres.

Quant à la pièce n°22, elle ne présente aucun élément démonstratif : il s'agit d'un relevé de connexions, constitué de métadonnées, sans identification de l'expéditeur ni destinataire. Il ne présente aucun contenu de messages prétendument attribués à M. [Z].

- La SARL Echologos reproche ensuite à la SARL Salto Ingénierie l'utilisation de moyens créant une confusion dans l'esprit du public. Elle fait valoir que l'installation de la SARL Salto Ingénierie à [Localité 10] (38240), ainsi que la campagne de communication déloyale qu'elle a menée a créé une confusion dans l'esprit de sa clientèle et a abouti à son détournement ; que malgré son changement de dénomination sociale, la SARL Salto Inénierie a profité de sa notoriété et de son enseigne auprès des professionnels isérois en entretenant une certaine ambiguïté ; qu'en faisant référence à Echologos sur son site internet, en communicant largement sur l'embauche de M. [Z] et en sollicitant ses clients, elle s'est livrée à des actes de concurrence déloyale créant une confusion dans l'esprit de la clientèle.

Il a été rappelé les échanges intervenus les 27 et 28 février 2017 entre les deux dirigeants : M. [W], informé de l'installation de l'agence Salto sur l'agglomération de [Localité 6], lieu de résidence de M. [Z], ne s'est pas opposé à la création de cet établissement secondaire et s'est dit éventuellement intéressé à y participer.

De surcroît, la SARL Salto Ingénierie a changé de dénomination sociale le 18 octobre 2016, avant l'arrivée de M. [Z]. L'implantation de la SARL Salto Ingénierie à [Localité 10] correspond au lieu de résidence de M. [Z] qui dirige cette agence secondaire, précision faite que l'activité d'un bureau d'études acoustiques ne se limite pas à un exercice dans un local professionnel. Ce nouvel établissement a été créée en 2017, soit après son changement de dénomination sociale, écartant ainsi tout risque de confusion.

S'agissant de la référence 'Echologos' sur le site internet de la SARL Salto Ingénierie, le tribunal a pu à juste titre, relevé qu'il était cité une fois afin d'indiquer ce qui avait été la réalité de l'évolution du nom de la société : 'le bureau d'études acoustique, né sous le nom Echologos Auvergne, adopte son identité actuelle Salto Ingénierie en novembre 2016".

Ainsi, une seule référence à Echologos a persisté sur le site internet de la SARL Salto Ingénierie jusqu'au printemps 2018 où Echologos était mentionnée dans l'historique de la société. Il ne s'agissait en outre nullement d'une allégation mensongère. Cette référence a été supprimée, et elle ne constituait nullement un agissement déloyal en vue de créer une confusion entre les deux entreprises, sachant en outre que les dénominations sociales des sociétés diffèrent largement.

La SARL Salto Ingénierie, qui se dénommait donc auparavant Echologos Auvergne, a collaboré étroitement pendant des années avec la SARL Echologos : de par cette relation, elle avait ainsi, comme M. [Z], une parfaite connaissance de l'identité des clients de la SARL Echologos.

Il appartient à la SARL Echologos qui soutient que la SARL Salto Ingénierie a démarché de manière intempestive ses clients par l'intermédiaire de M. [Z] dès son arrivée au sein de l'entreprise, de le démontrer.

Si la SARL Echologos verse aux débats un tableau faisant état d'une baisse des candidatures avec certains cabinets d'architecte à partir de 2017, elle ne démontre pas que la SARL Salto Ingénierie ait démarché ces cabinets d'architecte et que ceux-ci aient candidaté avec la SARL Salto Ingénierie.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, si fin mai 2018, soit un an après le départ de M. [O] [Z], M. [W], gérant de la SARL Echologos, a sollicité les cabinets d'architecture Atelier A, PS Architectes BJ et Lautrefabrique, pour savoir si M. [Z] les avait démarchés, il ressortait des réponses des cabinets d'architecte qu'aucun élément ne prouvait que celui-ci, en dehors de communiquer ses nouvelles coordonnées, aurait traité la moindre affaire avec eux ; qu'il n'était versé aucun élément qui prouverait que la SARL Salto Ingénierie avait démarché de manière systématique les clients de la SARL Echologos, ni qu'elle avait profité de la baisse des candidatures d'Echologos avec les cabinets d'architecte cités pour augmenter son activité avec ces derniers.

S'agissant plus spécifiquement du cabinet Chabanne Architecte visé dans les conclusions de la SARL Echologos, ce cabinet a sollicité la SARL Salto Ingénierie en 2016 (encore connue à l'époque sous la dénomination Echologos Auvergne) pour une candidature à un marché public sans clause d'exclusivité.

Puis en mars 2019, il l'a sollicitée pour rejoindre son équipe lors de la préparation du concours pour le stade nautique de [Localité 9] : 'Nous avons besoin d'un acousticien. J'ai proposé à notre mandataire votre participation, comme vous êtes les meilleurs ! Etes vous intéressé ' disponibles ''.

La demande d'agrément témoigne d'une mission confiée à 51 780 euros HT pour une mission complète acoustique 'APS APD PRO VISA DET AOR'. Or, la SARL Echologos invoque une perte de chance dans la mesure où elle aurait dû faire partie de l'équipe retenue et qu'elle aurait dû recevoir 25 000 euros d'honoraires à minima. Le Cabinet Chabanne Architecte a pourtant choisi la SARL Salto Ingénierie malgré un montant d'honoraires plus élevé.

Il en va de même pour le projet d'institut de cancérologie du [Localité 8] : le cabinet Chabanne Architecte a sollicité la SARL Salto Ingénierie, celle-ci lui a adressé une proposition pour un montant de 37 000 euros HT qui a été acceptée : un marché a été signé le 1er octobre 2019. Or, la SARL Echologos fait valoir qu'elle a adressé une proposition le 1er août 2019 à hauteur de 21 163 euros. Elle ne peut donc sérieusement soutenir que la SARL Salto Ingénierie s'est contentée de se placer juste en dessous de ses honoraires qu'elle connaissait pour gagner les marchés.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des pièces produites par la SARL Echologos concernant le cabinet Chabanne Architecture, à savoir l'attestation de Mme [A] du 2 décembre 2020 ou du courriel de M. [P] du 22 novembre 2019, tous deux collaborateurs dudit cabinet, que le choix de travailler avec la SARL Salto Ingénierie n'a pas eu pour origine des actes de concurrence déloyale, mais la volonté d'un architecte en l'absence de tout contrat d'exclusivité, de choisir librement son partenaire acousticien selon le principe de la liberté du commerce.

Par conséquent, aucun des moyens invoqués n'est prouvé par la SARL Echologos permettant de retenir la responsabilité de la SARL Salto Ingénierie dans le cadre d'une action en concurrence déloyale. L'appelante sera ainsi déboutée de l'ensemble de ses demandes, et le jugement confirmé.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la SARL Echologos sera condamnée aux dépens d'appel dont la distraction sera ordonnée au bénéfice de Me Sébastien Rahon en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la SARL Salto Ingénierie une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,

Confirme par motifs en partie substitués, le jugement déféré;

Condamne la SARL Echologos à payer à la SARL Salto Ingénierie la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irréptibles d'appel ;

Condamne la SARL Echologos aux dépens d'appel ;

Ordonne la distraction des dépens d'appel au bénéfice de Me Sébastien Rahon.