Livv
Décisions

CA Metz, 3e ch., 22 février 2024, n° 20/01981

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guiot-Mlynarczyk

Conseillers :

M. Michel, M. Koehl

Avocats :

Me Dehaudt, Me Vergobbi, Me Monchamps, Me Spaeter

CA Metz n° 20/01981

21 février 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 21 décembre 1999, la commune de [Localité 6] a consenti un bail à ferme au 'GAEC[B]' sur une parcelle ayant pour références cadastrales section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1].

Par acte sous seing privé du 25 avril 2018, elle a consenti à M. [D] [M] un bail environnemental d'une durée de 9 années sur cette même parcelle.

Par requête enregistrée au greffe le 5 mars 2019, la SCEA du [Localité 6] a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz la commune de [Localité 6] et par acte introductif d'instance enregistré au greffe le 23 décembre 2019, elle a appelé en intervention forcée dans la procédure M. [D] [M].

Au dernier état de la procédure, la SCEA du [Localité 6] a demandé au tribunal d'ordonner à la commune de [Localité 6] de produire la délibération du conseil municipal autorisant le maire ou un autre membre du conseil municipal à ester en justice, dire et juger qu'elle est seule et unique titulaire d'un bail rural sur la parcelle n°[Cadastre 1] section [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 6] et appartenant à cette commune et que le bail environnemental qui aurait été concédé à M. [M] est nul et de nul effet, et condamner la commune de [Localité 6] à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de [Localité 6] a demandé au tribunal de confirmer la résiliation du bail qui avait été accordé à MM. [J] et [F] [B], de valider le bail consenti à M. [M] et rejeter les prétentions de la SCEA du [Localité 6].

M. [M] a indiqué qu'il considérait son bail comme valable et qu'il avait réglé les fermages pour les années 2018 et 2019 mais qu'il s'était abstenu d'exploiter les parcelles compte tenu de la procédure en cours.

Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz a :

- constaté que la SCEA du [Localité 6] est l'unique titulaire d'un bail rural sur la parcelle n°[Cadastre 1] section [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 6]

- débouté la SCEA du [Localité 6] de sa demande en nullité du bail conclu entre la commune de [Localité 6] et M. [M]

- débouté la commune de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles

- condamné la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts

- condamné la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par lettre recommandée du 21 octobre 2020, la commune de [Localité 6] a formé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement et par acte d'huissier signifié le 25 juillet 2022, elle a appelé en intervention forcée MM. [F] et [J] [B] en sollicitant la jonction de cette procédure incidente avec la procédure principale.

Par arrêt du 22 juin 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats, renvoyé la procédure à l'audience du 23 novembre 2023 et dit que le greffe devra convoquer M. [D] [M] pour cette audience et lui notifier la déclaration d'appel.

A l'audience du 23 novembre 2023,la commune de [Localité 6] représentée par son avocat, s'est référée oralement à ses conclusions déposées le 27 octobre 2022. Elle demande à la cour

d'infirmer le jugement déféré, de dire et juger que MM. [J] et [F] [B] étaient les titulaires du bail conclu le 21 décembre 1999 sur la parcelle située à [Localité 6] section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1], prononcer la résiliation de ce bail, débouter la SCEA du [Localité 6] de ses prétentions et la condamner à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que MM. [J] et [F] [B] exploitaient en société dans une structure dénommée GAEC du [Localité 6], que le GAEC [B] figurant sur le bail conclu le 21 décembre 1999 n'a jamais existé, que cette mention ne procède pas d'une simple erreur matérielle de dénomination mais révèle son intention de louer la parcelle aux frères [B], personnes physiques et non à une personne morale dont elle ne connaissait ni le nom, ni le siège social qui n'apparaissent pas dans l'acte, qu'il ne peut être retenu l'existence d'un bail au profit d'une structure inexistante et que les déclarations effectuées à l'occasion de la transformation de la forme juridique du GAEC du [Localité 6] auprès de la MSA ou de la direction départementale des territoires pour la PAC, émanent uniquement de la société sans aucune autorisation ou contrôle de sa part, de sorte qu'elles sont sans emport sur la détermination du titulaire originel du bail. Elle précise que l'acte comporte de manière constante et répétée les mentions 'les preneurs' et 'ils' et qu'il est signé par les deux frères [B] sans mentionner leur qualité de gérant. La commune souligne que les titres exécutoires sur lesquels figurent la dénomination impropre de GAEC [B], mentionnent l'adresse des frères [B] et non celle du GAEC du [Localité 6]. Elle ajoute que lorsque M. [F] [B] a pris sa retraite il s'est rendu seul à la mairie pour l'informer et lui faire part de son intention de résilier le bail alors qu'il n'aurait pas fait cette démarche si la société était titulaire du bail et rappelle que l'exploitant associé d'un GAEC peut être titulaire d'un bail à titre personnel et mettre les terres à disposition de la structure au sein de laquelle il exploite.

Subsidiairement, l'appelante soutient qu'il résulte du jugement que la parcelle communale litigieuse se trouve louée à deux preneurs concurrents de sorte que le tribunal se contredit en disant que la SCEA du [Localité 6] est seule et unique titulaire d'un bail sur la parcelle litigieuse. Elle indique que faute d'exploitation personnelle, MM. [B] qui sont désormais à la retraite ne peuvent prétendre à la poursuite de la mise à disposition des terres au profit de la SCEA du [Localité 6] qui exploite donc à présent en vertu d'une cession de bail non autorisée, prohibée par l'article L.411-35 du code rural, justifiant sa demande en résiliation.

Elle explique qu'elle a fait délivrer une assignation en intervention forcée à MM. [B], que les deux procédures ont été jointes, que l'intimée s'oppose en vain à la régularité de cette assignation dès lors qu'elle comporte une motivation et un dispositif explicites, que la demande en résiliation se rattache par un lien suffisant à la demande initiale puisqu'elle porte sur le bail objet même du litige et que nul ne plaidant par procureur, l'intimée ne peut valablement conclure à l'irrecevabilité et au débouté de la demande d'intervention forcée au nom des frères [B] qui n'ont pas comparu et n'ont pas été représentés.

Plus subsidiairement, sur le préjudice invoqué par la SCEA du [Localité 6], l'appelante observe que le tribunal a fait droit à la demande d'indemnisation en indiquant qu'il s'agissait d'une demande forfaitaire, ce qui est prohibé, et conteste la perte de récolte alléguée au motif que le montant porté en compte sur la base d'un tonnage et d'un prix à la tonne, résultent des seules déclarations de l'intimée. Elle s'oppose également à la demande au titre de la perte des droits PAC en faisant valoir que la SCEA du [Localité 6] ne peut invoquer une perte de recettes que constituent les aides PAC sans déduire les charges, que les montants portés en comptes apparaissent incohérents et que le calcul effectué n'a pas de sens.

La SCEA du [Localité 6], représentée par son avocat, s'est référée oralement aux conclusions déposées le 12 janvier 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de débouter la commune de [Localité 6] de son appel et de :

- dire et juger que la demande de la commune de [Localité 6] en résiliation du bail qu'elle estime pris par MM. [B] n'est ni régulière ni fondée

- dire et juger que l'appel en intervention forcée en cause d'appel de MM. [B] est irrecevable et mal fondé

- en conséquence, dire et juger n'y avoir lieu à jonction de cet appel en intervention forcée avec la procédure pendante n° RG 20/1981, à défaut, si la jonction a déjà été ordonnée, ordonner la disjonction de l'appel en intervention forcée

- infirmer le jugement entrepris

- dire et juger que la SCEA du [Localité 6] est preneur à bail rural depuis le 21 décembre 1999 sur la parcelle n°[Cadastre 1] section [Cadastre 1] sur le ban de la commune de [Localité 6] et consenti par cette dernière

- confirmer sur le surplus des dispositions non contraires

- condamner la commune de [Localité 6] à prendre en charge le préjudice constitué par la perte de ses droits PAC sur les années 2018 et 2019 à hauteur de 18.861,76 euros, majorés des intérêts légaux à compter de l'arrêt

- condamner la commune de [Localité 6] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens d'appel.

Sur l'appel en intervention forcée, l'intimée fait valoir que le dispositif de l'assignation délivrée à MM. [B] ne contient rien qui permette de les renseigner sur ce que l'on attend d'eux, que les motifs évoquent la nécessité de les attraire à la procédure en raison du débat sur la titularité du bail alors que ce débat était déjà l'objet même de la procédure de première instance, que l'appel en intervention forcée en cause d'appel étant une exception à la règle du double degré de juridiction la condition d'évolution du litige doit être remplie, qu'il n'est pas recevable s'il est fondé sur un élément de fait déjà connu avant la clôture des débats en première instance par la partie qui le diligente et qu'en l'espèce il n'existe aucun élément nouveau de nature à modifier les données juridiques du litige. Elle ajoute que l'appel en intervention forcée de la commune de [Localité 6] a pour objet de régulariser la procédure sur sa demande de résolution de contrat en appelant en la cause son cocontractant. Elle prétend avoir un intérêt à soulever son irrecevabilité et son absence de fondement dès lors que l'appelante sollicite sa jonction avec la procédure principale.

Sur la titularité du bail, elle expose que celui-ci constitue un contrat d'adhésion rédigé par la commune de [Localité 6] qui l'a soumis au GAEC du [Localité 6] en l'identifiant incorrectement quant à sa dénomination comme le 'GAEC [B]', que les affirmations de l'appelante selon lesquelles l'appellation GAEC ferait référence à une exploitation en commun par les frères [B] ne ressort d'aucun élément, que la commune ne peut se méprendre sur un terme tel que 'GAEC' et que la mention de 'preneurs' dans l'acte est indifférente dès lors que celui-ci fait également état de 'bailleurs', ajoutant que contrairement aux allégations de l'appelante, M. [F] [B] ne s'est jamais rendu à la mairie pour indiquer qu'il entendait résilier le bail.

L'intimée explique que la transformation en 2010 du GAEC en SCEA n'a pas entraîné la création d'une personne morale nouvelle, qu'il n'y a jamais eu d'apport en société du droit au bail de M. [F] [B], qu'elle verse le fermage et les charges chaque année à la commune de [Localité 6], qu'elle est destinataire des relevés d'exploitation de la MSA sur lesquels figurent les terres litigieuses et qu'elle démontre par plusieurs témoignages exploiter depuis de nombreuses années la parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1]. Elle sollicite en conséquence la confirmation du jugement relativement à l'existence d'un bail rural dont elle est titulaire sur la parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1] située à [Localité 6], sauf à infirmer la décision quant à la qualification de 'seule et unique titulaire d'un bail rural'.

Elle soutient qu'aucune résiliation de bail ne peut être prononcée à la demande de la commune, même si la cour considère que celui-ci a été consenti aux frères [B], dès lors qu'ils ne sont pas

parties à titre personnel dans la procédure. Elle précise qu'en outre les conditions de la résiliation ne sont pas réunies faute par le bailleur d'avoir adressé à MM. [B] une mise en demeure de lui communiquer des informations sur la mise à disposition des terres et d'apporter la preuve que l'omission ou l'irrégularité de l'information transmise ont été de nature à l'induire en erreur.

La SCEA du [Localité 6] soutient que la bailleresse qui a l'obligation de lui assurer une jouissance paisible, doit réparer le préjudice que lui a causé le contrat de bail environnemental qu'elle a consenti à M. [M], que pendant plusieurs mois des moutons se trouvaient sur la parcelle en application de ce bail, qu'elle a subi une perte de récoltes fourragères de seconde coupe en 2018 de l'ordre de 18 tonnes, soit 2.160 euros et n'a pu percevoir les droits PAC pour les années 2018 et 2019 soit 18.861 euros.

M. [F] [B] cité à personne le 25 juillet 2022 et M. [J] [B] cité le même jour par remise de l'assignation à personne présente à son domicile, n'ont pas comparu et n'ont pas été représentés. M. [D] [M], bien qu'ayant signé l'accusé de réception de la lettre recommandée du greffe portant convocation à l'audience, n'a pas comparu et n'a pas été représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En liminaire, il est précisé que l'assignation en 'intervention forcée' diligentée en cause d'appel n'a pas pour effet d'initier une procédure distincte ou parallèle mais d'attraire MM. [B] dans la présente instance. Il n'existe donc qu'une seule procédure n° RG 20/1981 et non deux, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une jonction ou une disjonction.

Sur la recevabilité de l'appel en intervention forcée

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il résulte de l'article 555 du même code que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

En l'espèce, la commune de [Localité 6] se prévaut vainement de la règle 'nul ne plaide par procureur' pour s'opposer à la fin de non recevoir tirée de l'absence d'évolution du litige invoquée par l'intimée à l'encontre de l'appel en intervention forcée. Dès lors que MM. [B] sont attraits dans l' instance à laquelle la SCEA du [Localité 6] est partie, celle-ci est concernée par leur mise en cause et elle est légitime au sens de l'article 31 du code de procédure civile, à faire valoir l'ensemble de ses observations et moyens de défense. L'intimée a d'autant plus intérêt à agir que le débat qui motive cette intervention forcée est précisément relatif à la titularité du bail à ferme consenti par la commune que revendique la SCEA du [Localité 6] et que lui conteste l'appelante, soutenant que MM. [B] sont les preneurs de ce bail.

C'est également à tort que l'appelante soutient que l'évolution du litige procède de sa demande reconventionnelle en résiliation de bail. En effet, cette demande reconventionnelle n'est présentée à l'encontre de MM. [B] qu'en suite de l'appel en intervention forcée qui en est le préalable et non la conséquence. Il n'est par ailleurs justifié d'aucune circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige. Comme il a été exposé précédemment, celui-ci a pour objet la détermination du titulaire du bail à ferme consenti par l'appelante le 21 décembre 1999. En cause d'appel les parties s'opposent sur cette titularité pour les mêmes motifs qu'en première instance, les termes du jugement attestant que la commune de [Localité 6] soutenait déjà que MM. [B] en tant que personnes physiques, étaient les preneurs de la parcelle litigieuse. La circonstance alléguée est donc antérieure au jugement et aucun élément nouveau survenu depuis lors n'est révélé.

Il s'ensuit que l'appel en intervention forcée est déclaré irrecevable. Par voie de conséquence, les demandes formées à l'encontre MM. [B], irrégulièrement attraits en la présente instance, sont elles-mêmes déclarées irrecevables.

Sur le titulaire du bail à ferme conclu le 21 décembre 1999

L'ancien article 1156 du code civil (devenu article 1188) applicable au litige dispose qu'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Selon l'article 1844-3 du même code, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle.

Le bail à ferme du 21 décembre 1999 désigne le 'GAECVautrin' comme le preneur de la parcelle litigieuse. Il résulte des pièces produites et des débats que cette dénomination n'est pas celle de la société constituée à l'époque par MM. [J] et [F] [B] pour leur exploitation agricole dénommée 'GAEC du [Localité 6]', et qu'elle ne correspond pas davantage à celle d'une autre entreprise agricole.

Le fait qu'en suite de la désignation des parties, l'acte mentionne de manière répétée 'les preneurs' ne permet pas d'en déduire que la location est consentie à plusieurs locataires en les personnes de MM. [B], plutôt qu'au GAEC dont ils étaient les associés, en effet le contrat mentionne également 'les bailleurs' pour évoquer la commune de [Localité 6], chacune des parties étant désignée au pluriel, outre le fait que ces mentions figurent dans les passages dactylographiés de l'acte correspondant aux clauses stéréotypées d'un bail à ferme telles qu'elles ressortent d'un modèle pré-établi. En revanche, les mentions manuscrites qui complètent les clauses dactylographiées désignent à deux reprises le GAEC [B] comme l'unique preneur.

Il n'est pas plus significatif de relever que les titres exécutoires émis pour le paiement des fermages de la parcelle mentionnent non l'adresse du GAEC mais celle de M. [J] [B], dès lors que celui-ci était le gérant du GAEC familial, que les mêmes titres désignent le débiteur, non comme M. [B] personnellement mais le 'GAEC [B]' et qu'en tout état de cause l'adresse figurant sur un titre exécutoire n'est pas de nature à authentifierl'identité de son débiteur.

Il n'est pas établi que M. [F] [B] s'est rendu à la mairie de [Localité 6] en 2017 pour résilier le bail à ferme comme le soutient l'appelante, cette affirmation contestée par l'intéressé n'étant étayée que par l'attestation de Mme [Y] [R] dont l'objectivité est sujette à caution s'agissant de la secrétaire de mairie de l'appelante avec laquelle elle a un lien de subordination.

Il ne figure au dossier aucun élément justifiant d'occulter du bail la mention expresse et répétée de GAEC qui n'est susceptible d'aucune ambiguïté ou interprétation quant à la désignation en qualité de locataire d'une société agricole de ce type, dotée de la personnalité morale. Même si le nom [B] qui lui est accolé ne correspond pas à sa dénomination sociale, il n'en fait pas moins précisément référence à l'entreprise familiale dès lors qu'il correspond au nom patronymique de ses associés de l'époque et le fait de ne pas préciser leur prénom revient nécessairement à s'y référer globalement et non individuellement. Enfin, il est établi par les pièces versées aux débats que la parcelle litigieuse est déclarée auprès de la MSA et de la Direction Départementale des Territoires au nom de la SCEA du [Localité 6] en suite du GAEC, que c'est cette même société qui l'exploite et s'acquitte du montant de son fermage.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la location de la parcelle litigieuse a été consentie par la commune de [Localité 6] au GAEC du [Localité 6], devenue SCEA du [Localité 6] le 10 mai 2010 ainsi qu'il ressort des pièces produites. Celle-ci peut donc se prévaloir, en qualité de preneur, du bail à ferme consenti le 21 décembre 1999 par la commune de [Localité 6].

Cependant, c'est à tort que le premier juge a constaté que la SCEA du [Localité 6] est la seule et unique titulaire d'un bail rural sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1]. Il ressort en effet des éléments versés aux débats que par acte sous seing privé en date du 25 avril 2018, la commune de [Localité 6] a consenti un bail à ferme sur la même parcelle à M. [D] [M]. Le jugement est donc infirmé et il convient de dire que la SCEA du [Localité 6] est titulaire du bail rural consenti le 21 décembre 1999 par la commune de [Localité 6].

Sur la nullité du bail à ferme conclu entre la commune de [Localité 6] et M. [M]

Si la commune de [Localité 6] a visé dans sa déclaration d'appel toutes les dispositions du jugement, il est constaté que ses conclusions reprises oralement à l'audience ne contiennent aucune prétention ni moyen relatifs au rejet de la demande de la SCEA du [Localité 6] tendant à la nullité du bail à ferme consenti à M. [M]. En l'absence d'appel incident sur cette disposition, la cour ne peut que la confirmer.

Sur les demandes indemnitaires de la SCEA du [Localité 6]

L'ancien article 1315 du code civil (devenu article 1231-1) applicable au litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur la perte de fourrage et le trouble de jouissance, il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant toute la durée du bail.

Il est démontré que la SCEA du [Localité 6] a été partiellement privée de l'exploitation des terres litigieuses au cours de l'année 2018, M. [M] ayant pris possession de la parcelle en cours d'année. En revanche, cette preuve n'est pas rapportée pour l'année 2019 et il ressort au contraire d'une lettre de l'avocat de l'intimée en date du 8 janvier 2019, 'qu'il n'y a plus de moutons (de M. [M]) sur le terrain objet du présent litige' et qu'en outre il a été constaté que 'les points d'abreuvement ont disparu et que les clôtures ont été déposées'.

Au motif qu'elle a exposé une perte de fourrage qu'elle chiffre à 2.160 euros au titre de la deuxième coupe de l'année 2018, la SCEA du [Localité 6] sollicite la confirmation du jugement lui allouant de ce chef la somme de 2.000 euros. Toutefois, au regard du détail du calcul, il apparaît que la somme portée en compte correspond non à la marge brute, mais au prix de vente des tonnes de fourrage que pouvait espérer l'intimée, indépendamment des charges. Compte tenu des éléments dont dispose la cour, notamment du prix pratiqué à l'époque pour la tonne de fourrage et du tonnage moyen à l'hectare, ce préjudice peut être estimé à la somme de 1.100 euros. En conséquence le jugement est infirmé et la commune de [Localité 6] est condamnée à payer à la SCEA du [Localité 6] ladite somme à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance.

Sur la perte des droits PAC, il ne ressort d'aucune pièce que l'intimée a été privée pour l'année 2018 des aides auxquelles elle avait droit, alors qu'elle ne démontre pas avoir été empêchée de faire une déclaration ou que sa demande a été rejetée, notamment en conséquence de l'existence en cours d'année d'un bail au profit de M. [M]. La preuve de la perte n'est pas plus rapportée pour l'année 2019 et ce d'autant qu'il n'est pas établi que M. [M] a occupé les terres litigieuses pour cet exercice.

En conséquence, la SCEA du [Localité 6] est déboutée de sa demande tendant à l'indemnisation des aides de la PAC pour les années 2018 et 2019.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

La commune de [Localité 6], partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel. Elle est également condamnée à payer à la SCEA du [Localité 6] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée à ce titre en première instance et déboutée de sa demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner une jonction ou une disjonction ;

DÉCLARE irrecevable l'appel en intervention forcée diligenté à l'encontre de MM. [F] et [J] [B] ;

DÉCLARE irrecevable les demandes formées à l'encontre de MM. [F] et [J] [B];

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCEA du [Localité 6] de sa demande en nullité du bail conclu entre la commune de [Localité 6] Basse et M. [D] [M], condamné la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L'INFIRME en ce qu'il a constaté que la SCEA du [Localité 6] est l'unique titulaire d'un bail rural sur la parcelle n°[Cadastre 1] section [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 6] et condamné la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, et statuant à nouveau,

DIT que la SCEA du [Localité 6] est titulaire du bail rural consenti le 21 décembre 1999 par la commune de [Localité 6], portant sur la parcelle ayant pour références cadastrales section [Cadastre 1] n°[Cadastre 1];

CONDAMNE la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 1.100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SCEA du [Localité 6] de sa demande tendant à la condamnation de la commune de [Localité 6] à lui payer la somme de 18.861,76 euros au titre de la perte des aides de la PAC pour les années 2018 et 2019 ;

CONDAMNE la commune de [Localité 6] à payer à la SCEA du [Localité 6] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la commune de [Localité 6] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la commune de [Localité 6] aux dépens d'appel.